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11 juillet 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
22/00056
ARRET N°
du 11 juillet 2023
R.G : N° RG 22/00056 – N° Portalis DBVQ-V-B7G-FDNO
S.A. RGR
c/
S.A.R.L. LA BOUCHERIE MODERNE
Formule exécutoire le :
à :
Me Pascal GUILLAUME
la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 11 JUILLET 2023
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 28 décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de TROYES
S.A. RGR
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS et ayant pour conseil Maître DECKER avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
S.A.R.L. LA BOUCHERIE MODERNE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de l’AUBE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MAUSSIRE et Madame PILON conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. EIles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller faisant fonction de présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseiller
Madame Sandrine PILON, conseiller
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 05 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 juillet 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Suivant facture du 22 août 2014, la SARL La Boucherie Moderne a acheté à la SA RGR une vitrine réfrigérée, un comptoir caisse et 2 plans de travail, pour un prix total de 110 000 euros HT.
Se plaignant de désordres atteignant la vitrine réfrigérée, la société La Boucherie Moderne a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Troyes une expertise, qui a été ordonnée le 14 février 2017.
L’expert a déposé son rapport le 12 mars 2018 et par acte du 23 juin 2021, la SARL La Boucherie Moderne a fait assigner la SA RGR devant le tribunal de commerce de Troyes afin d’être indemnisée de ses préjudices en invoquant la responsabilité contractuelle de cette dernière.
Par jugement du 28 décembre 2021, le tribunal de commerce de Troyes a :
– Dit que l’action introduite par la SARL La Boucherie Moderne est recevable et non prescrite,
– Débouté la SA RGR de l’ensemble de ses prétentions,
– Pris acte de la démarche de la SARL La Boucherie Moderne effectuée auprès du tribunal de commerce de Strasbourg, juridiction seule compétente en la matière, aux fins de relever de forclusion la créance de la SARL La Boucherie Moderne dans le cadre de la procédure intéressant la SA RGR,
– Condamné la SA RGR à payer la somme de 171 612.60 euros à la SARL La Boucherie Moderne représentant le remplacement de la vitrine réfrigérée avec raccordements, ainsi que les billots de travail,
– Condamné la SA RGR à payer à la SARL La Boucherie Moderne la somme de 12 551.43 euros afin de couvrir les frais d’expertise judiciaire,
– Condamné la SA RGR à payer à la SARL La Boucherie Moderne la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– Condamné la SA RGR aux entiers dépens,
– Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 69.59 euros dont 11.60 euros de TVA.
S’agissant de la recevabilité de la demande, il évoque la jurisprudence constante en matière de relevé de forclusion à propos du défaut de déclaration par le débiteur auprès du mandataire, relève le montant très important du litige et s’interroge sur l’omission de déclarer de la part de la SA RGR auprès du mandataire. Il rejette dès lors les prétentions de cette dernière et prend acte de la démarche de la société La Boucherie Moderne auprès de la juridiction compétente aux fins de relevé de forclusions.
Quant à la prescription, il a relevé que les parties étaient d’accord sur l’application du délai de 5 ans, et indiqué que les délais à prendre en compte n’étaient pas cumulatifs, que la première instance était intervenue dans les délais et qu’un nouveau délai avait ensuite commencé à courir à compter du dépôt du rapport d’expertise.
Il a retenu la responsabilité contractuelle de la SA RGR au vu du rapport d’expertise.
La SA RGR a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 janvier 2022.
Par conclusions notifiées le 8 septembre 2022, elle demande à la cour :
– D’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– De l’annuler en toutes ses dispositions au regard de la fin de non-recevoir d’ordre public résultant de l’article L622-26 du code de commerce, au visa de l’arrêt de la cour de cassation du 16 novembre 1996,
– De déclarer l’action de la société La Boucherie Moderne prescrite conformément aux dispositions de l’article 2239 du code civil
– De condamner la société La Boucherie Moderne à lui payer un montant de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– De la condamner aux entiers frais et dépens de la procédure avec, pour ceux d’appel, faculté de recouvrement au profit de Me Pascal Guillaume, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Elle invoque l’article L622-26 du code de commerce et expose qu’elle a été admise à une procédure de redressement judiciaire par jugement du 15 avril 2019, publié au BODACC le 17 mai 2019, de sorte que les déclarations de créance devaient intervenir au plus tard le 17 juillet 2019. Et elle affirme qu’à ce jour, aucune demande de relevé de forclusion n’a été régularisée par la société La Boucherie Moderne.
Elle rappelle par ailleurs que l’action en responsabilité contractuelle se prescrit par 5 ans et estime que ce délai est expiré, même en tenant compte de la suspension du délai pendant l’expertise ordonnée en référé.
Elle ajoute que toute requête en relevé de forclusion est à ce jour irrecevable, du fait de la prescription de la créance invoquée par la société La Boucherie Moderne et parce que plus de six mois se sont écoulés depuis l’intervention du jugement homologuant le plan de redressement.
La SA RGR n’a pas conclu sur le fond.
Par conclusions notifiées le 12 juillet 2022, la SARL La Boucherie Moderne demande à la cour de :
– Confirmer purement et simplement la décision déférée en toutes ses dispositions,
– Débouter la société RGR de l’intégralité de ses demandes formulées à quelque titre que ce soit,
En toute hypothèse,
– Dire et juger l’action introduite recevable et non prescrite,
– Déclarer la société RGR responsable du préjudice qu’elle subit, sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
– Confirmer la condamnation de la société RGR au paiement de la somme de 171 612.60 euros TTC représentant le remplacement de la vitrine réfrigérée avec raccordements, ainsi que les billots et le plan de travail,
– Condamner la société RGR au remboursement des frais d’expertise judiciaire qui se sont élevés à la somme de 12 551.43 euros,
– Condamner la société RGR au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
– La condamner aux dépens d’appel.
Elle fonde ses demandes sur les articles 1217 et suivants du code civil et invoque un manquement de la SA RGR à l’obligation de résultant découlant pour elle du contrat de vente, consistant à livrer la chose promise.
Elle demande à la cour de rejeter la demande d’inopposabilité de sa prétention formulée par la SA RGR au motif que celle-ci a volontairement omis de déclarer sa créance au mandataire, qu’elle ne pouvait ignorer puisque l’expert judiciaire avait déjà déposé son rapport.
Elle s’oppose au moyen pris de la prescription en invoquant l’effet interruptif de l’assignation en référé expertise qu’elle a fait délivrer à la SA RGR le 6 janvier 2017 et fait valoir qu’un nouveau délai, de 5 ans, a donc recommencé à courir, pour s’achever le 6 janvier 2022, de sorte que son action n’est pas prescrite.
En cours de délibéré, les parties ont été invitées à présenter leurs observations éventuelles sur la recevabilité de la demande de la SARL La Boucherie Moderne au regard des articles L622-21 et L631-14 du code de commerce, dès lors qu’elle a été présentée postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société RGR et qu’elle tend à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent au titre d’une créance qui n’est pas mentionnée au I de l’article L622-17.
La SA RGR a fait parvenir ses observations le 21 juin 2023. Elle fait valoir qu’il appartenait à la société Le Boucherie Moderne de solliciter un relevé de forclusion pour déclarer sa créance, laquelle aurait été intégrée au plan de redressement et qu’en cas de contestation, le tribunal de commerce aurait été saisi pour trancher le litige au fond. Elle rappelle qu’il n’est pas possible, hors ce circuit judiciaire de solliciter sa condamnation, toutes les créances nées avant ouverture de la procédure devant faire l’objet d’une déclaration de créance. Elle précise qu’à ce jour, le tribunal judiciaire de Strasbourg n’a pas été saisi d’une demande de relevé de forclusion et que le délai est écoulé.
Par message du 29 juin 2023, la SARL La Boucherie Moderne fait valoir que la société RGR s’est toujours opposée à la créance revendiquée, nonobstant l’absence de déclaration de créance et estime que, de fait, il ne s’agirait pas d’une irrecevabilité concernant ses demandes, mais d’une inopposabilité de la demande compte tenu du redressement judiciaire et du plan de continuation expirant le 1er janvier 2031. Elle en conclut que la cour peut ainsi constater la créance quoi qu’il en soit.
MOTIFS
Il résulte de l’article L622-21 du code de commerce que le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.
L’article L622-17 I dispose : ” I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance “.
La procédure de redressement judiciaire de la SA RGR a été ouverte par jugement du 15 avril 2019.
La SARL La Boucherie Moderne a saisi le tribunal de commerce Troyes le 23 juin 2021 afin d’être indemnisée de ses préjudices résultant de l’installation d’une vitrine au cours de l’année 2014.
Cette action, qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent au titre d’une créance née avant le jugement d’ouverture et qui a été introduite après ledit jugement est, par conséquent, interdite et doit être déclarée irrecevable. Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions, y compris celles condamnant la SA RGR à payer à la SARL La Boucherie Moderne une somme en remboursement des frais d’expertise judiciaire et une indemnité pour ses frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens, lesquels doivent être mis à la charge de cette dernière, puisqu’elle succombe.
Supportant également les dépens d’appel, la SARL La Boucherie Moderne doit être déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour cette procédure.
L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la SA RGR fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Me Pascal Guillaume sera autorisé à recouvrer les dépens d’appel dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Troyes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare la SARL La Boucherie Moderne irrecevable en ses demandes contre la SA RGR,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL La Boucherie Moderne aux dépens, dont distraction au profit de Me Pascal Guillaume pour ceux d’appel.
Le greffier Le conseiller faisant fonction de présidente de chambre