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13 juillet 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
22/00069
N° 265
CG
————–
Copie exécutoire
délivrée à :
– Me Guédikian,
le 13.07.2023.
Copie authentique
délivrée à :
– Me Da Silveira,
le 13.07.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 13 juillet 2023
RG 22/00069 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 571, rg n° 21/00311 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 9 décembre 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 4 mars 2022 ;
Appelante :
Mme [L] [M] épouse [S] [X], née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Représentée par Me Sarah DA SILVEIRA, avocat au barreau de Papeete ;
Intimées :
La – B-Squared Investments, société à responsabilité limitée, au capital de 102 000 €, dûment établie et existant conformément aux lois de droit du Luxembourg, dont le siège est [Adresse 3], enregistrée auprès du Rcs du Luxembourg sous le n° d’enregistrement 261266 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualitès audit siège ;
Venant aux droits de la Sas Veraltis Asset Management (anciennement dénommée Nacc) suivant cession de créances en date du 30 avril 2022, Nacc Sas, venant aux droits de :
la Banque Socredo, inscrite au Rcs de Paris sous le n° Siren 407 917 111 ayant son siège social [Adresse 2], prise en la personne de ses représentant légaux domicilié audit siège en cette qualité ;
Représentées par Me Gilles GUEDIKIAN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 14 avril 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 avril 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
La Banque Socredo a consenti le 11 décembre 2000 un contrat de prêt ‘consolidation et aménagement’ aux époux [S] [X] d’un montant de 3.000.000 cfp, remboursable en quatre-vingt-quatre mensualités de 50.182 cfp chacune, au taux d’intérêt annuel de 9,50 % et avec un TEG de 10.568 %.
Aux termes de ce contrat, Mme [L] [S] [X] née [M] et son conjoint, M. [Z] [W] étaient tous deux emprunteurs solidaires.
M. [S] [X] a été placé en redressement judiciaire le 13 octobre 2014 et la Banque Socredo a déclaré sa créance au passif, au titre de ce contrat de prêt, le 28 novembre 2014 pour un montant de 4.486.677 cfp.
La créance détenue par la Banque Socredo envers les époux [W] a été régulièrement cédée à la société NACC, par déclaration de cession de créance en date du 25 avril 2017.
Par requête en date du 3 mai 2021, enregistrée le 21 juillet 2021 et par acte d’huissier en date du 16 juillet 2021, la SAS NACC, venant aux droits de la Banque Socredo, a fait assigner devant le tribunal civil de première instance de Papeete Mme [L] [S] [X] née [M] sollicitant qu’elle soit condamnée à lui payer la somme de 5.480.844 cfp, dont 994.167 cfp d’intérêts du 13 octobre 2014 au 14 octobre 2020, correspondant au solde restant dû au titre du contrat de prêt conclu le 11 décembre 2000 entre la Banque Socredo d’une part et d’autre part Mme [L] [S] [X] née [M] et son conjoint, M. [Z] [W], placé en redressement judiciaire le 13 octobre 2014, le passif déclaré étant de 4.486.677 cfp.
La SAS NACC demandait en outre le versement d’une indemnité de 120.000 cfp en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Par jugement en date du 9 décembre 2021 le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Condamné Mme [P] [X] née [M] à payer à la SAS NACC, venant aux droits de la Banque Socredo, la somme de 5.480.844 cfp, dont 994.167 cfp d’intérêts du 13 octobre 2014 au 14 octobre 2020, correspondant au solde restant dû au titre du contrat de prêt conclu le 11 décembre 2000 ;
Condamné Mme [P] [X] née [M] à payer à la SAS NACC la somme de 80.000 cfp en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamné Mme [P] [X] née [M] aux dépens.
Par requête en date du 4 mars 2022, Mme [L] [W] née [M] a relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :
La recevoir en son appel,
Y faisant droit :
– Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
– Dire que, faute par la SAS NACC de justifier du montant de la créance admise au redressement judiciaire de M. [S] [X], le principal dû par Mme [W] sera limité à la somme de 3 millions CFP, montant initial de l’emprunt accordé, sous déduction des sommes versées par les emprunteurs entre les mains de la Banque Socredo, auteur de la SAS NACC ;
– Ordonner la déchéance du créancier de son droit aux intérêts, compte tenu de son inertie durant de nombreuses années ;
– Subsidiairement, dire que la somme en principal ne sera augmentée que des intérêts légaux ;
– Ordonner le report de la dette pour une durée de deux ans, avec imputation des règlements en priorité sur le capital ;
– Débouter la SAS NACC de sa demande formée au visa de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
– Condamner la SAS NACC aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant notamment les frais de signification et d’exécution de la décision à intervenir.
Par ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2022 l’appelante demande à la cour de :
Recevoir Mme [P] [X] en son appel,
Y faisant droit :
– Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
– dire et juger que la déchéance du terme n’est pas intervenue à l’égard de Mme [X];
– dire et juger que la SAS NACC ne produit aucune pièce relative aux incidents relatifs au prêt litigieux, permettant de déterminer la date du premier impayé et du décompte établi,
En conséquence,
– dire et juger que la SAS NACC ne justifie pas de la recevabilité de son action,
– Débouter la SAS NACC de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
– dire et juger que la déchéance est irrégulière et que les sommes réclamées doivent être diminuées du montant du capital déchu du terme,
– dire et juger que la SAS NACC est tout en état de cause, prescrite sur une partie des intérêts réclamés,
– Ordonner la déchéance du créancier de son droit aux intérêts, compte tenu de son inertie durant de nombreuses années ;
– Ordonner le report de la dette pour une durée de deux ans, avec imputation des règlements en priorité sur le capital ;
En tout êtat de cause
– débouter la SAS NACC de ses demandes fins et conclusions,
– debouter la SAS NACC de sa demande formée au visa de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
– Condamner la SAS NACC aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par ses dernières conclusions en date du 16 juin 2022 la SAS NACC demande à la cour de :
Débouter Mme [L] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Dire n’y avoir lieu à l’octroi de délais de grâce,
Condamner Mme [P] [X] au paiement d`une somme de 120 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions en date du 8 février 2023 la société B-SQUARED Investments SARL est intervenue volontairement à la procédure en demandant à la cour de :
Vu la cession de créances entre la société B-SQUARED Investments SARL, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois (BBSV) et la société NACC en qualité de créancier de Mme [L] [S] [X],
Décerner acte à la société B-SQUARED Investments SARL de son intervention volontaire,
Déclarer opposable à Mme [L] [W] la cession de créance de la société NACC, au profit de la société B-SQUARED Investments SARL,
Débouter Mme [L] [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
Dire n’y avoir lieu à l’octroi de délais de grâce,
Condamner Mme [P] [X] au paiement d’une somme de 120 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l’action de la société B-SQUARED Investments SARL:
Le 30 avril 2022 la société NACC a cédé à la société B-SQUARED Investments son portefeuille de créance comprenant la créance concernant le dossier de M. [Z] [W] et la société B-SQUARED Investments a donné mandat de gestion à la société NACC pour recouvrer cette créance.
La société B-SQUARED Investments est donc recevable en son intervention volontaire et les conclusions déposées dans le cadre de son intervention volontaire valent notification de la cession de cette créance à Mme [L] [W] de sorte que celle-ci lui sera déclarée opposable.
Sur le montant de la créance :
Concernant le montant principal :
En l’espèce la Banque Socredo avait déclaré le 28 novembre 2014 à la procédure de redressement judicaire concernant M. [Z] [W] sa créance au titre du contrat de prêt en date du 11 décembre 2000 pour un montant de 4 486 677 XPF.
Le terme du contrat de prêt était échu depuis le 29 février 2008 de sorte qu’il n’a pas été initié par la procédure de redressement judiciaire et qu’il ne peut être constaté aucune irrégularité de cette déchéance tel que le demande Mme [L] [W] ; elle ne peut, de même invoquer la forclusion de cette demande initiale alors qu’il lui appartenait, éventuellement de former réclamation en sa qualité de codébiteur solidaire, contre l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce.
Par ordonnance n° 197 en date du 7 juin 2021 le juge commissaire du tribunal mixte de commerce de Papeete a admis la créance de la Banque Socredo à la procédure de liquidation judicaire de M. [Z] [W] pour la somme ainsi présentée de 4 486 677 XPF, le représentant des créanciers ayant ensuite attesté le 27 janvier 2022 que cette créance était irrecouvrable.
Dans le cas où un seul des débiteur a été assigné, et la déclaration de créance est assimilée à une demande en justice, la chose jugée à son égard s’impose aux autres. Dès lors la décision d’admission des créances, devenue irrévocable, est opposable au codébiteur solidaire demeuré in bonis en ce qui concerne l’existence et le montant des créances.
Mme [P] [X] ne peut donc plus contester le montant de la somme de 4 486 677 XPF en principal.
Concernant les intérêts :
Aux termes des dispositions de l’article L 621-48 alinéa 1 du code de commerce le jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus.
Il ressort de ce texte que les exceptions prévues à la règle de l’arrêt du cours des intérêts sont applicables dès lors que les intérêts en cause se rapportent à des contrats répondant aux caractéristiques énoncées, ce qui est le cas en l’espèce du contrat souscrit le 11 décembre 2000 par les époux [W].
Aux termes des dispositions de l’article 2277 du code civil , applicable en Polynésie française, se prescrivent par cinq ans les intérêts des sommes prétées et généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts.
Selon les dispositions de l’article 2244 du code civil une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire, forment l’interruption civile.
Cette interruption résultant d’une demande en justice s’entend comme produisant ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance ainsi engagée.
La déclaration de créance est assimilée à une demande en justice interrompt la prescription de sorte qu’en l’espèce la déclaration de créance étant en date du 28 novembre 2014 et la décision d’admission de créance en date du 7 juin 2021 la prescription a été interrompue durant toute cette période.
En conséquence, l’assignation délivrée par la banque Socredo dans le cadre de la présente procédure étant en date du 16 juillet 2021, la demande d’intérêts formée par cette dernière à compter de l’ouverture de la procédure collective n’est pas prescrite.
De même aucune inaction fautive ne peut être reprochée à la SAS NACC alors que la cession de créance de la part de la Banque Socredo est intervenue durant la procédure collective concernant M. [S] [X] et alors qu’elle a adressé un recommandé à l’appelante pour lui notifier cette cession et la mettre en demeure de régler la somme de 5 480 844 XPF correpondant au capital dû majoré des intérêts arrêtés au 14 octobre 2020, courrier portant la date du 21 août 2019, mais présenté à l’adresse de la destinataire le 23 novembre 2020 et qui est resté non réclamé.
Dès lors la Banque Socredo est bien fondée à solliciter des intérêts au taux légal à compter de l’ouverture de la procédure collective, et le décompte qu’elle présente en pièce n° 5 entre le 13 octobre 2014 et le 14 octobre 2020 est justifié pour un montant de 994 167,71 XPF ainsi que l’a retenu le premier juge.
Sur les délais de grâce :
Aux termes des dispositions de l’article 1244-1 du code civil tel qu’applicable en Polynésie française compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
En outre, il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
Il n’y a pas lieu cependant, en l’état de faire droit à sa demande de délais de grâce et cette demande sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme [P] [X] sera condamnée aux dépens sans qu’il y ait lieu de modifier la charge des dépens de première instance et il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais et honoraires non compris dans les dépens, le jugement attaqué étant confirmé en son chef de dispositif concernant les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Constate l’intervention volontaire de la société B-SQUARED Investments SARL,
Déclare opposable à Mme [L] [W] la cession de créance de la société NACC, au profit de la société B-SQUARED Investments SARL,
Confirme le jugement attaqué,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne Mme [P] [X] aux dépens d’appel.
Prononcé à [Localité 5], le 13 juillet 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD