Prêt entre particuliers : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00576

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Prêt entre particuliers : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00576
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17 novembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00576

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 17/11/2022

N° de MINUTE :22/971

N° RG 21/00576 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TNFA

Jugement (N° 20/001232) rendu le 11 janvier 2021 par le juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTE

Sa Cofidis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille avocat constitué

INTIMÉE

Madame [K] [U] épouse [E]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 5] – de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Virginie Coleman-Lecerf, avocat au barreau de Lille avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 21 septembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 septembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 23 février 2012, la société Cofidis a consenti à Mme [K] [U] un prêt personnel de regroupement de crédits d’un montant de 69’500 euros assorti d’un taux d’intérêt contractuel de 9,780 % l’an, remboursable en 120 mensualités de 1 035,08 euros avec assurance.

Le 11 avril 2018, Mme [U] a accepté le rééchelonnement du crédit, prévoyant le règlement de la somme de 65 307,60 euros moyennant 143 échéances de 500 euros et une échéance de 348,17 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 juin 2018, la banque a mis en demeure l’emprunteuse de régler les échéances impayées d’un montant de 19 688,16 euros, puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juin 2018, a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit et l’a mise en demeure de payer la somme de 70 817,19 euros.

Par acte d’huissier délivré le 11 septembre 2018, la société Cofidis a fait assigner Mme [U] devant le tribunal d’instance de Lille aux fins de la voir condamner à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la somme de 72’232,08 euros avec intérêts au taux de 9,780 % l’an à compter du 15 août 2018, outre la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement contradictoire en date du 11 janvier 2021, le tribunal a :

– déclaré recevable la demande en paiement formée par la société Cofidis,

– condamné Mme [U] à payer à la société Cofidis la somme de 18’089,01 euros au titre du prêt conclu le 23 février 2012, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018,

– dit que la majoration d’intérêt prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier ne s’appliquera pas,

– rejeté le surplus des demandes,

– condamné Mme [U] aux dépens d’instance,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 25 janvier 2021, la société Cofidis a relevé appel de la décision, en précisant limiter son appel aux chefs ayant condamné Mme [U] à lui payer la somme de 18’089,01 euros au titre du prêt conclu le 23 février 2012 avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2018 et rejeté le surplus de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, elle demande à la cour de :

– la recevoir en son appel, le déclarer bien fondé,

– réformer le jugement intervenu devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Lille en date du 11 janvier 2021 en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et en ce qu’il a condamné Mme [U] à lui payer la somme de 18 089,01 euros au titre du prêt conclu le 23 février 2012, avec intérêt au taux légal à compter du 21 juin 2018, en ce qu’il a dit que la majoration prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier ne s’appliquera pas et en ce qu’il a rejeté le surplus de ses demandes,

– statuant à nouveau,

vu les anciens articles L.311-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable en la cause,

vu l’ancien article 1134 du code civil dans sa version applicable en la cause,

vu l’article 9 du code de procédure civile,

vu la jurisprudence citée,

vu les pièces versées aux débats,

– débouter Mme [U] de l’intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions.

– constater, dire et juger qu’elle justifie avoir scrupuleusement respecté son obligation de consultation du FICP à l’égard de Mme [U] préalablement à la conclusion définitive du contrat de prêt personnel de regroupement de crédits litigieux au sens de l’ancien article L.311-9 du code de la consommation (dans sa version applicable en la cause),

– constater, dire et juger que Mme [U] a expressément reconnu que le prêteur lui a bien remis la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée en matière de crédits aux consommateurs conformément aux dispositions prévues à l’article L.311-6 du code de la consommation (dans sa version applicable en la cause) préalablement à la souscription définitive de l’offre de crédit.

– constater, dire et juger qu’elle verse aux débats une copie de la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée en matière de crédits aux consommateurs remise à Mme [U], préalablement à la souscription définitive de l’offre de prêt personnel de regroupement de crédits.

– constater, dire et juger que la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée en matière de crédits aux consommateurs versée aux débats par elle n’est certes pas signée par Mme [U], mais que ladite fiche renferme incontestablement des informations concordantes avec les éléments du crédit souscrit et notamment le type de crédit (en l’occurrence regroupement de crédits), le montant du crédit de 69.500,00 euros, la durée du contrat de crédit (120 mois), le montant des échéances mensuelles de remboursement (909,98 euros hors assurance facultative), le montant total dû hors assurance facultative (45.122,44 euros), ou encore le taux d’intérêt contractuel fixe de 9,780 % et le TAEG de

10,23 %,

– constater, dire et juger qu’elle justifie avoir scrupuleusement respecté les dispositions de l’ancien article L.311-25-1 du code de la consommation (dans sa version applicable en la cause) en versant aux débats en cause d’appel les lettres d’information annuelle de l’emprunteur sur le montant du capital à rembourser, envoyées les 02 mars 2015, 1er mars 2016, 1er mars 2017 et 1er mars 2018 à Mme [U],

– en tout état de cause, dire et juger que la seule et unique sanction applicable en cas de non-respect par le prêteur de son obligation d’information annuelle de l’emprunteur sur le montant du capital restant à rembourser est une amende conformément aux dispositions de l’ancien article L.311-49 du code de la consommation (dans sa version applicable en la cause) mais non la déchéance du droit aux intérêts du prêteur,

– constater, dire et juger qu’elle a incontestablement respecté son obligation de vérifier la solvabilité de Mme [U] à partir d’un nombre suffisant d’informations.

– par conséquent, condamner Mme [U] à lui payer la somme en principal de

72 232,08 euros se décomposant de la façon suivante :

‘ Principal restant dû 60 494,47 euros

‘ Intérêts échus impayés 3 270,15 euros

‘ Prime d’assurance 3 627,90 euros

‘ Indemnité de 8 % 4 839,56 euros

‘ Intérêts de retard au taux de 9,780 % l’an courus et à courir à compter du 15/08/2018

et jusqu’au jour du plus complet règlement : mémoire,

– condamner Mme [U] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner Mme [U] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, Mme [U] demande à la cour de :

Vu les articles L.311-9 et L.141-4 et suivants du code de la consommation ainsi que L.313-39,

vu les articles 1244-1,1244-2 et 1104 du code civil,

vu les articles 514-3 et 564 du code de procédure civile, vu les pièces versées aux débats,

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a fait droit aux demandes de la société Cofidis à hauteur de 18’089,01 euros, outre les dépens,

– juger que la société Cofidis n’a pas respecté correctement son obligation de consultation du FICP,

– juger que la société Cofidis n’a pas rempli son obligation d’information annuelle,

– juger que la société Cofidis n’a pas rempli son obligation de contrôle de solvabilité,

– confirmer le jugement ce qui concerne la déchéance du droit aux intérêts,

– dire que cette déchéance s’applique depuis l’origine du contrat de prêt,

– déclarer nulle à titre principal, et à titre subsidiaire, inopposable le document daté du 11 avril 2018,

– à titre principal, débouter la société Cofidis de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– à titre subsidiaire, lui donner acte de ses règlements et ordonner la compensation des sommes excédant le principal initial du prêt avec le solde éventuel restant dû,

– si par extraordinaire le tribunal devait estimer que des sommes restent à régler à la société Cofidis, dans tous les cas reporter le paiement de la dette à deux années à compter de la décision à intervenir,

– si par extraordinaire le report de la dette n’était pas accordé, accorder les plus larges délais de paiement et en tout état de cause un délai supérieur à deux ans, sachant que ces versements ne pourront jamais excéder 200 euros par mois,

– suspendre les mesures d’exécution en cours pendant un délai minimal de deux ans,

– condamner la société Cofidis à lui payer la somme de 2 225 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Cofidis aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 21 septembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater, dire et juger » ne sont pas en l’espèce des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais le rappel des moyens de l’appelante.

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le premier juge a relevé que la société Cofidis ne justifiait pas avoir consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en produisant ‘une feuille volante éditée par elle même’, la date de consultation allégué étant au demeurant postérieure à la date de conclusion du contrat, ni ne justifiait avoir remis à l’emprunteur la fiche d’informations précontractuelles prévue à l’article L.311-6 du code de la consommation.

Mme [U] ajoute que l’organisme de crédit doit être déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif qu’il ne lui a pas donné l’information annuelle prévue par ‘l’article L.311-9 devenu L.132-32 du code de la consommation’, qu’il a consulté tardivement le FICP le 24 février 2012 postérieurement à la conclusion du contrat de crédit. Au visa de l’article L.313-39 du code de la consommation, l’intimée fait également valoir que le rééchelonnement du crédit proposé par la banque et accepté par elle le 11 avril 2018 constitue un nouvel engagement, de sorte que la banque aurait du vérifier sa solvabilité et effectuer une nouvelle recherche auprès du FICP lors de sa conclusion.

Suivant l’article L. 311-48 du code de la consommation ‘Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l’article L. 311-10, ou sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l’article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.

Lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La même peine est applicable au prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 311-21 et aux deuxième et troisième alinéas de l’article L.311-44 ou lorsque les modalités d’utilisation du crédit fixées au premier alinéa de l’article L. 311-17 et au premier alinéa de l’article L. 311-17-1 n’ont pas été respectées.

L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.(…)’

* Sur la fiche d’informations précontractuelles

Aux termes de l’article L.311-6 du code de la consommation :

“I – Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison des différents offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste et le contenu des informations devant figuer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation. Cette fiche d’information comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l’article L.311-5”, soit ‘un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifier vos capacités de remboursement.’

L’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Il appartient donc au prêteur, qui prétend obtenir paiement des intérêts au taux conventionnel, d’établir qu’il a délivré à l’emprunteur les informations devant être mentionnées à la fiche d’information précontractuelle européenne normalisée énumérées à l’article R.311-3.

La clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée constitue un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.(Cass. Civ. 1ère, 8 avril 2021, n° 19-20.890)

Tout d’abord, la cour constate que Mme [U] ne conteste pas avoir reçu ladite fiche d’informations avant la conclusion du contrat de crédit.

De plus, elle a apposé sa sous la mention préimprimée du contrat de crédit suivant laquelle elle ‘reconnaît avoir reçu et conservé la fiche d’informations précontractuelles (…)’.

La reconnaissance par l’emprunteur de ce qu’il a reçu la fiche d’informations précontractuelles normalisée est corroborée en l’espèce par la production par le prêteur de cette fiche, laquelle renferme des informations concordantes avec les éléments du crédit souscrit par Mme [U] (le montant du crédit de 69 500 euros et ses modalités, la référence du contrat de crédit, le nom de l’intermédiaire de crédit, le délai de validité des informations)

En outre, l’examen de cette fiche permet de constater qu’elle comporte les informations prévues par l’article R.311-3 du code de la consommation et la mention prévue par l’article L.311-5 du même code.

Dès lors, en l’absence de violation des obligations édictées par l’article L.311-6 précité du code de la consommation, c’est à tort que le premier juge a déchu la société Cofidis de son droit aux intérêts contractuels de ce chef.

* Sur l’information annuelle de l’emprunteur

Suivant l’article L.311-25-1 du code de la consommation issu de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit (et non L.311-9 et L.312-32 visés par l’intimé), “Pour les opérations de crédit visées au présent chapitre, à l’exclusion de la location-vente et de la location avec option d’achat, le prêteur est tenu, au moins une fois par an, de porter à la connaissance de l’emprunteur le montant du capital restant à rembourser. Cette information figure, en caractères lisibles, sur la première page du document adressé à l’mprunteur”.

L’organisme de crédit produit en l’espèce les courriers d’information annuelle de l’emprunteur sur le montant du capital restant à rembourser, en date des 2 mars 2015,1er mars 2016, 1er mars 2017, 1er mars 2018. L’intimée conteste les avoir reçus.

Toutefois, à supposer même que ces courriers d’information ne soient pas parvenus à leur destinataire, l’article L.311-48 du code de la consommation relatif à la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ne s’applique pas à la méconnaissance des dispositions de l’article L.311-25-1 du même code, laquelle est, aux termes de l’article L.311-49 sanctionnée par une amende de 1 500 euros.

Dès lors la demande de déchéance du droit aux intérêts de ce chef sera rejetée.

* Sur la consultation du FICP

Aux termes de l’article L. 311-9 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, le prêteur consultant le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5 du même code.

Si cet article n’impose, dans sa rédaction applicable au litige, aucun formalisme quant à la justification de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers par les organismes prêteurs, l’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, qu’en application de l’article L. 333-5 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l’article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable.

L’article 13 II de l’arrêté du 26 octobre 2010 dispose que les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er mettent en place des procédures internes leur permettant de justifier que les consultations du fichier ne se sont effectuées qu’aux fins mentionnées à l’article 2 et à elles seules.

Il est rappelé que la Banque de france ne délivre pas de récepissé de la consultation, et que s’agissant de la preuve d’un fait juridique par la banque, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuves à soi-même n’est pas applicable. De plus, l’arrêté susvisé relatif au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers fait expressément référence, dans son article 13 relatif aux “modalités de justification et de conservation des données” aux “procédures internes” mises en place par les établissements de crédit.

Dès lors, le documents produit par l’organisme de crédit aux fins de justification de la consultation du FICP sur le site de la Banque de France ne pouvait être écarté au seul motif que le document avait été édité par lui-même.

Par ailleurs, s’il est exact que la consultation du FICP est daté du 24 février 2012 alors que l’offre émise a été acceptée le 23 février 2012, il ressort et de l’article L.311-13 du code de la consommation ainsi que des conditions générales du prêt que le contrat n’est définitivement conclu que lorsque trois conditions cumulatives sont réunies, à savoir l’acceptation par l’emprunteur de l’offre, l’agrément de l’emprunteur par le prêteur qui décide d’accorder le crédit et l’absence d’exercice de la sa faculté de rétractation. Il est acquis qu’en présence d’une offre acceptée par Mme [U] le 23 février 2012, ces trois circonstances ne pouvaient être réunies à la date du 24 février 2012, de sorte que la consultation du FICP accomplie à cette date par la société Cofidis a bien été réalisée avant la conclusion définitive du contrat au sens des dispositions de l’article L.311-9 du code de la consommation.

Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la société Cofidis communique un document intitulé « preuve de la consultation du FICP “sur lequel sont mentionnés le motif de la recherche “octroi SA” et le numéro du contrat de crédit 828601562, les nom, prénom, date et lieu de naissance de Mme [U] et la clé BDF la concernant, ainsi que la date de la consultation : le 24 février 2012.

Toutefois, force est de constater que le résultat de la recherche n’est pas mentionné sur ce document de sorte qu’il n’est pas possible de vérifier si l’emprunteuse était ou non inscrite au FICP lors de la souscription du contrat de crédit.

En conséquence, le document produit ne répond pas aux exigences posées par les articles précités de sorte que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts contractuels en application de l’article L.311-48 alinéa 2 du code de la consommation.

L’étendue de la déchéance n’étant pas contestée par la société Cofidis, le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il l’a déchue totalement de son droit aux intérêts contractuels depuis la conclusion du contrat, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen soulevé par Mme [U] relatif au défaut de vérification de sa solvabilité lors de la conclusions du plan de rééchelonnement.

Sur la créance de la banque

L’intimée soutient quelle n’est plus redevable d’aucune somme à l’égard de la banque, et que ses remboursements étant supérieurs au montant total du financement qui lui a été accordé par la société cofidis, sa dette doit être considérée comme soldée ; que la créance alléguée résulte d’un réaménagement du crédit en date 11 avril 2018, dont elle demande à titre principal la nullité, subsidiairement, l’inopposabilité, au motif que son accord lui aurait été “extorqué”, que sa solvabilité n’a pas été vérifiée lors de sa conclusion, et que l’organisme de crédit n’a pas respecté les dispositions de l’article L.313-39 du code de la consommation. Mme [U] ajoute qu’elle a réglé la somme de 96 880 euros, soit la somme en principal de 69 500 euros augmentée de 27 380 euros d’intérêts.

Il résulte des pièces versées aux débats que suite aux impayées et difficultés financières rencontrées par Mme [U], la société Cofidis lui a proposé un rééchelonnement du crédit acceptée par elle le 11 avril 2018, prévoyant le remboursement de la dette de 65 307,60 euros moyennant 143 échéances de 500 euros et une échéance de 348,17 euros, avec résiliation de l’assurance. Cet acte avait pour objet de réaménager les modalités de remboursement de la somme antérieurement prêtée pour permettre, par l’allongement de la période de remboursement et l’abaissement du montant de l’échéance mensuelle, d’apurer le passif échu, et ne se substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n’a pas été prononcée, n’en modifie pas les caractéristiques essentielles tel le montant du prêt, le taux d’intérêt et porte sur l’intégralité des sommes dues à la date de sa conclusion.

Tout d’abord, il sera observé que les dispositions de l’article L.312-14-1 du code de la consommation devenu L.313-39, visé par l’intimée, concernent la renégociation du crédit immobilier et n’est donc pas applicable au réaménagement/ rééchelonnement du 11 avril 2018.

Ensuite, la banque n’avait pas l’obligation de vérifier la solvabilité de Mme [U] lors du rééchelonnement, l’article L.311-9 du code de la consommation ne l’exigeant que lors de la conclusion du contrat de crédit initial.

L’intimée soutient que ce rééchelonnement lui a été extorqué par la banque, mais, ne développe aucun moyen de droit pour fonder sa demande de nullité et/ou d’inopposabilité, et n’apporte aucun preuve conformément à l’article 9 du code de procédure civile, de ce que son consentement aurait été vicié par violence, erreur ou dol. Il sera en outre observé que de par sa profession d’avocat, Mme [U] avait nécessairement conscience de la portée de son engagement tant lors de la conclusion du contrat de crédit que lors de son rééchelonnement.

Il convient dès lors de rejeter la demande de nullité et/ou d’inopposabilité.

Par ailleurs, il ressort de l’historique du prêt (pièce 4 produite par la banque) que le total dû au 16 mars 2018 au titre du contrat de crédit était effectivement de

65 307,60 euros ; cette somme a bien été reprise aux termes de l’acte de rééchelonnement, et n’ est d’ailleurs pas été contestée par l’intimée.

La banque produit l’ensemble des pièces justificatives de sa créance, notamment l’historique du prêt, qui laisse ressortir qu’au 27 juillet 2018, l’ensemble des règlement effectués par Mme [U] s’élevaient à 51 410,99 euros, dont 9 005,53 euros de capital, 33 337,72 euros au titre des intérêts, 5 504,40 euros au titre de l’assurance, et 3 563,34 euros au titre des indemnités de retard et autres frais, le prêt étant en effet assorti d’un taux d’intérêts contractuels de 9, 780 % et le coût de l’assurance étant de 125,10 euros par mois.

Mme [U] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe en vertu de l’article 1315 du code civil qu’elle aurait réglé la somme alléguée de 99 880 euros, en produisant les justificatifs de ses règlements. Il sera en outre observé que la pièces sur laquelle elle se fonde (décompte établi par la banque pièce n° 25 de sa communication) retrace exactement les même opérations que l’historique du prêt (pièce n° 4 de la communication de la société Cofidis) duquel il ressort qu’elle a réglé 51 410,99 euros.

Au regard de l’ensemble des ces éléments, il ressort que la socité Cofidis est bien créancière de Mme [U].

Cependant, compte tenu de la déchance totale du droit aux intérêts conventionnels, sa créance s’établit comme suit :

– capital prêté : 69 500 euros,

– à déduire : remboursement effectués par Mme [U] jusqu’à la déchéance du terme : 51 410,99 euros

total : 18 089,01 euros,

Confirmant le jugement déféré, Mme [U] sera donc condamnée à payer à la société Cofidis la somme de 18 089,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018, date de réception de la mise en demeure.

Il est rappelé que l’article L.313-3 du code monétaire et financier prévoit la majoration de 5 points du taux légal à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire.

La non-majoration des intérêts légaux décidée par le premier juge n’étant pas critiquée par la banque, cette disposition sera confirmée.

Sur la demande de délais

En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d’apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu’il est en capacité de régler l’intégralité de sa dette dans le délai proposé.

Mme [U] justifie en cause d’appel que sa rémunération nette en qualité d’avocat s’élevait à 108 047 euros en 2011 lorsqu’elle exerçait en qualité d’associé d’une société d’avocats, mais que ses revenus ont considérablement baissé suite à son départ de ladite société ; que son bénéfice était de 15 869 euros en 2017, de 10 486 euros en en 2018, de 16 732 euros en 2019, et de 8 944 euros en 2020. Elle justifie par ailleurs qu’elle bénéficie d’un traitement anxiolytique et antidépresseur en raison de l’épuisement psychologique auquel elle doit faire face suite à son départ de la société d’avocats dans laquelle elle travaillait et aux multiples difficultés financières aux quelles elle s’est trouvée confrontée.

Cependant, Mme [U] ne démontre pas qu’elle pourrait revenir prochainement à meilleure fortune et régler sa dette dans le délai de deux ans, ce qui ne permet pas d’envisager le report du paiement.

Au vu de ses ressources et de sa situation, elle sera autorisée à s’acquitter de dette en en 24 mensualités, les 23 premières de 200 euros et la 24ème correspondant au solde de la dette, selon les conditions précisées au dispositif du présent jugement.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

La société Cofidis succombant en son appel et Mme [U] succombant partiellement en son appel incident, chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant pas arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant débouté Mme [K] [U] de sa demande de délais ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déboute Mme [K] [U] de sa demande de nullité et/ou inopposabilité du rééchelonnement du crédit en date du 11 avril 2018 ;

Autorise Mme [K] [U] à s’acquitter de la condamnation au profit de la société Cofidis en 24 mensualités, les 23 premières de 200 euros et la dernière correspondant au solde de la dette, le 15 de chaque mois et pour la première fois, le 15 du mois suivant la signification de la présente décision ;

Rappelle que les procédures d’exécution engagées par le créancier sont suspendues et les majorations d’intérêts et les pénalités cessent d’être dues pendant ce délai ;

Dit qu’à la première défaillance, la totalité de la dette sera rendue immédiatement exigible ;

Dit que chaque partie conservera ses la charge de ses dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Gaëlle PRZEDLACKI

LE PRESIDENT

Yves BENHAMOU

 


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