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17 novembre 2022
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/00091
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 17 Novembre 2022
N° RG 21/00091 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GTCA
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 09 Décembre 2020, RG 2019F00378
Appelante
Mme [U] [B] [M]
née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 4] ([Localité 4]), demeurant [Adresse 3]
Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE – OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimée
BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocat au barreau de CHAMBERY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 27 septembre 2022 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 26 août 2016, la société ‘Quai des Arts Café Librairie’ dont Mme [U] [M] est la gérante, a souscrit auprès de la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes un prêt d’un montant de 85 000 euros au taux de 2,5 % sur une durée de 36 mois.
Par acte du même jour, Mme [U] [M] s’est portée caution solidaire en garantie du remboursement dudit contrat de prêt dans la limite de la somme de 30 600 euros, pour une durée de 72 mois, et dans la limite de 36 % des sommes restant dues par le débiteur principal.
Par acte du 22 août 2017, un avenant au contrat de prêt a été signé portant le nouveau capital restant dû à la somme de 80 920,36 euros.
Par acte du même jour, Mme [U] [M] a réitéré son engagement de caution solidaire en garantie du remboursement du contrat de prêt, pour une durée de 67 mois, dans la limite de la somme de 29 131,33 euros.
Par jugement du 1er octobre 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a prononcé la liquidation judiciaire de la société ‘Quai des Arts Café Librairie’.
Le 2 décembre 2019, la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a mis en demeure Mme [U] [M] de lui régler, sur le fondement de son engagement de caution, la somme de 18 242,78 euros.
Par acte du 17 décembre 2019, la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a assigné en paiement Mme [U] [M].
Par jugement contradictoire du 9 décembre 2020, le tribunal de commerce de Chambéry a :
– condamné Mme [U] [M] à payer, en deniers ou quittances valables, à la société Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes :
la somme de 18 242,78 euros, montant principal de la cause,
les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 2 décembre 2019,
les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros TTC avec TVA = 20 %
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 18 janvier 2021, Mme [U] [M] a interjeté appel du jugement.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [U] [M] demande à la cour de :
– dire l’appel recevable et bien fondé,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions,
statuant de nouveau,
– dire que le cautionnement souscrit est disproportionné par rapport à ses biens et revenus au jour de l’engagement et qu’il n’est pas établi que ses facultés de remboursement lui permettraient de couvrir les sommes qui lui sont réclamées au jour des poursuites,
en conséquence,
– prononcer le désengagement de la caution et débouter la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de l’ensemble de ses prétentions,
subsidiairement,
– dire que son consentement a été vicié par dol,
en conséquence,
– prononcer la nullité du cautionnement et débouter la banque de l’ensemble de ses prétentions,
– condamner la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux entiers dépens d’appel distraits au profit de la société Visier-Philippe-Ollagnon-Delroise et associés, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En réplique, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– débouter Mme [U] [M] de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [U] [M] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [U] [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Saillet et Bozon en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’opposabilité de l’engagement de caution
Selon l’article 1134 ancien du code civil, applicable au contrat litigieux, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Conformément aux articles 2288 et suivants du même code, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. Le cautionnement ne se présume point. Il doit être exprès et on ne peut l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
L’article L.332-1 du code de la consommation, en vigueur au jour de la signature de l’acte de caution litigieux, dispose toutefois qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
L’appréciation de la disproportion se fait donc à la date de la conclusion du contrat de cautionnement, à charge pour la caution de démontrer son existence. Dans l’affirmative, le créancier peut toutefois démontrer que le patrimoine de la caution est suffisant pour honorer l’engagement au jour de l’appel en garantie. A défaut, l’acte de cautionnement s’avère inopposable.
Cette disposition est mobilisable par toutes les cautions personnes physiques, qu’elles soient ou non averties.
Pour apprécier factuellement la disproportion, il convient de prendre en considération la situation patrimoniale de la caution dans sa globalité. Sont donc non seulement pris en compte les revenus et les biens propres de la caution mais également tous les éléments du patrimoine susceptibles d’être saisis. Viennent en déduction des actifs ainsi identifiés l’ensemble des prêts et des engagements souscrits par la caution à l’exception de ceux qui auraient été pris postérieurement à la souscription de la garantie litigieuse.
En l’absence d’anomalies apparentes, la fiche déclarative de patrimoine renseignée par la caution au moment de la souscription de l’engagement lui est opposable, sans que la banque ait à vérifier l’exactitude des éléments financiers déclarés.
En l’espèce, Mme [U] [M] précise que la fiche patrimoniale qu’elle a renseignée et signée le 2 juin 2016 présente des anomalies apparentes de nature à la rendre inopposable. En particulier, elle évoque le fait que, au titre des ses charges, est mentionné un cautionnement au profit de la banque Société Générale sans que n’en soit précisé le montant.
La cour observe que la fiche de patrimoine (pièce banque n°5) indique en effet au titre des ‘autres engagements et emprunts’ : ‘société générale caution découvert entreprise’. Aucune durée ni aucun montant relatif à ce cautionnement ne sont précisés, pas plus que n’est détaillé ce que recouvre le terme ‘entreprise’ au profit de laquelle ce cautionnement est pris. Il existe donc une imprécision flagrante dans cette mention, imprécision qui ne pouvait pas échapper à la banque. En effet, le montant et la durée d’un cautionnement constituent des éléments essentiels de cet acte et, par ricochet, de la capacité d’endettement de la caution pour des engagements ultérieurs. L’entreprise, à laquelle ce cautionnement est rattaché, est tout aussi fondamentale dans la mesure où elle permet d’avoir une idée de la surface financière du débiteur principal. Enfin, il ne saurait être déduit du fait que Mme [U] [M] a bien validé cette fiche patrimoniale que l’engagement de caution litigieux n’impactait pas sa capacité d’endettement tel que retenu par la banque.
Il en résulte, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres sources d’anomalies apparentes dénoncées par la caution, que la fiche patrimoniale comporte bien une telle anomalie et qu’elle ne saurait donc être opposée à Mme [U] [M].
Pour autant, il appartient à Mme [U] [M] de démontrer que, au temps du contrat de cautionnement, il existait une disproportion manifeste entre son engagement et ses ressources. Il résulte des éléments du dossier que :
– au titre des ressources, Mme [U] [M] reconnaît un revenu annuel de 6 000 euros au titre d’une location de chambre, outre 2 762 euros de salaires imposables en 2016 (pièce caution n°29), soit un total de 8 762 euros. A cela s’ajoutent les parts sociale de la société ‘mon agent et compagnie’ d’une valeur de 3 000 euros.
– au titre des charges, Mme [U] [M] se trouve engagée :
– dans un cautionnement envers la société générale à hauteur de 10 400 euros (pièce caution n°30) ;
– dans un prêt personnel, souscrit en février 2009 auprès de la société BNP Paribas pour 9 ans et pour lequel il restait donc 18 mois à courir au temps de l’engagement de caution, pour des mensualités de 214,06 euros, avec un capital restant dû de 3 600 euros (pièce caution n°18) ;
– dans 4 prêts souscrits à l’été 2016 à des dates antérieures à celle du cautionnement avec des particuliers pour un montant total de 11 000 euros (pièces caution 8 à 11), le premier remboursable sur 6 ans avec des annualités allant de 157,29 à 414,15 euros et les autres sur 5 ans par mensualités de 53,24 euros.
– dans un prêt à la consommation souscrit auprès de la société Sofinco le 11 février 2016 pour un capital emprunté de 8 000 euros remboursable sur une durée de 5 ans avec des mensualités de 150 euros (pièce caution n°7).
S’agissant des prêts, il convient de noter que les sommes ci-dessus mentionnées doivent être retenues quand bien même elles donnent lieu à des paiements échelonnés. En effet, elles peuvent devenir entièrement exigibles en cas d’impayé.
Il résulte de ce qui précède que Mme [U] [M] démontre être engagée à hauteur de 33 000 euros au moment de souscrire un nouvel engagement de cautionnement à hauteur de 30 600 euros alors que ces ressources annuelles sont de 8 762 euros et qu’elle ne possède pour tout patrimoine que des parts sociales d’une valeur de 3 000 euros. A cet égard, les bilans produits (pièces caution n°2 à 4) font état au 31 décembre 2013 d’une perte de plus de 30 000 euros, ramenée à un peu plus de 10 000 euros en 2014. En 2015, la société affichait un résultat net de 12 043 euros (pièce banque n°12). Rien ne permet donc, au regard de ces résultats, d’affirmer que les parts sociales au temps de l’engagement de caution valaient plus que 3 000 euros.
Au moment de la réitération de l’engagement de caution un an plus tard, le 22 août 2017, la situation était similaire, seuls les montants dûs sur les prêts en cours ayant diminués, mais pas suffisamment pour permettre de dire que l’engagement de caution, réduit à 29 131,33 euros, n’était plus manifestement disproportionné. Il résulte en effet de la déclaration des revenus sur l’année 2017 faite en 2018, communiquée en délibéré après demande de la cour (pièce n°34) que Mme [U] [M] n’avait pas de revenus déclarés cette année là.
Par conséquent, il convient de dire que l’engagement de caution de Mme [U] [M] était manifestement disproportionné au temps de sa souscription, tant en 2016 qu’en 2017, de sorte qu’il ne lui est pas opposable sauf si la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes démontre que la caution est en capacité de faire face à ses obligations au moment où elle est appelée. Or, la banque ne développe aucun argument en ce sens.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé et la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes déboutée de ses demandes en paiement à l’encontre de Mme [U] [M] au titre de son engagement de caution.
Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit du conseil de Mme Hélène [M] par application de l’article 699 du code de procédure civile pour ceux d’appel.
Il n’est pas inéquitable de faire supporter par la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes partie des frais irrépétibles exposés par Mme [U] [M]. Elle sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit inopposable à Mme [U] [M] le cautionnement souscrit le 26 août 2016 et renouvelé le 22 août 2017 au profit de la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes,
Déboute la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande de paiement contre Mme [U] [M] au titre de son cautionnement,
Condamne la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux dépens de première instance et d’appel, la SCP Christine Visier-Philippe-Carole Ollagnon-Delroise et associés étant autorisée à recouvrer directement contre elle ceux d’appel dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,
Condamne la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer à Mme [U] [M] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 17 novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente