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17 novembre 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/00582
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 17 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/00582 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LN7G
SA CREATIS
c/
[Y] [Z]
[T] [H]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 17 NOVEMBRE 2022
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 novembre 2019 par le Tribunal d’Instance de PERIGUEUX ( RG : 11-18-947) suivant déclaration d’appel du 04 février 2020
APPELANTE :
SA CREATIS agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social[Adresse 3]
Représentée par Me William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[Y] [Z]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 6]
[T] [H]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 6]
Non représentés, assignés selon l’article 659 du CPC, Procès verbal de recherches infructueuses
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Selon une offre préalable acceptée le 14 avril 2010, la société Creatis a consenti au profit de M. [Y] [Z] et Mme [T] [H] un prêt personnel d’un montant de 56 200 euros, remboursable en 120 échéances de 645,02 euros, et ouvrant droit à la perception, pour l’établissement de crédit, d’intérêts au taux nominal de 6,74 %.
Plusieurs échéances demeurant impayées, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme le 16 juillet 2018 et mis en demeure M. [Z] et Mme [H] de payer les sommes dues, par courrier recommandé avec accusé de réception les 28 mai 2018 et 16 juillet 2018.
Par acte d’huissier en date du 30 octobre 2018, la société Creatis a assigné les emprunteurs en paiement devant le tribunal d’instance de Périgueux.
Par jugement réputé contradictoire du 4 novembre 2019, le tribunal a :
– Déclaré la société Creatis recevable en son action ;
– Rejeté la demande de fin de non-recevoir ;
– Prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;
– Condamné solidairement M. [Y] [Z] et Mme [T] [H] à payer à la société Creatis la somme de 1 715,83 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de la déchéance du terme, soit le 16 juillet 2018 ;
– Débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
– Dit n’y avoir lieu à assortir le présent jugement de l’exécution provisoire ;
– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné solidairement M. [Y] [Z] et Mme [T] [H] au paiement des dépens de l’instance.
Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir vérifié la recevabilité de la demande, a estimé qu’aucune règle de prescription ne pouvait lui être opposée à l’encontre des moyens de droit relevés d’office. Le premier juge a considéré que l’offre préalable de prêt ne satisfaisait pas au modèle-type applicable pour les contrats avant le 1er mai 2011 en ce qu’il comprenait des clauses étrangères aggravant la situation de l’emprunteur en prévoyant l’obligation pour celui-ci d’avertir le prêteur de son intention de rembourser par anticipation sous certaines conditions de forme et dans le respect d’un délai de préavis en méconnaissance de l’article L. 311-29 ancien du code de la consommation.
La société Creatis a relevé appel du jugement par déclaration du 4 février 2020.
Par conclusions déposées le 2 juin 2020, la société Creatis demande à la cour de :
– Déclarer irrecevables les moyens soulevés par le tribunal d’instance, comme étant prescrits, conformément aux dispositions de l’article L.110-4 du code de commerce,
En tout état de cause,
– Les juger infondés,
Subséquemment,
– Infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la ,société Creatis, prononcé la déchéance du droit aux intérêts et condamné solidairement M. [Z] et Mme [H] à payer à la société Creatis la somme de 1 715.83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2018 seulement,
Statuant à nouveau,
– Condamner solidairement Mme [T] [H] et M. [Y] [Z], sur le fondement de l’article L.311-30 ancien du Code de la Consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, applicable au cas d’espèce, à payer à la société Creatis, au titre du dossier n° 000100000059730, la somme en principal de 22 749,14 euros, assortie des intérêts calculés au taux contractuel de 6,74% sur la somme de 19.913,65euros à compter du 29/09/2018, date du dernier décompte et au taux légal sur le surplus,
– Condamner solidairement Mme [T] [H] et M. [Y] [Z] à payer à la société Creatis la somme de 2000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner solidairement Mme [T] [H] et M. [Y] [Z] aux dépens de la procédure d’appel.
A l’appui de ses prétentions, elle expose que le moyen soulevé d’office par le tribunal était irrecevable car prescrit. Elle considère que la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce s’impose non seulement aux emprunteurs mais également au juge qui ne dispose pas de davantage de droits que le débiteur défaillant. Elle en déduit que l’offre de prêt remontant au 14 avril 2010, toute cause de déchéance du terme devait être soulevée avant le 14 avril 2015. Sur le fond, elle soutient que la clause de résiliation stipulée au profit de l’emprunteur sous conditions de formes et de délais ne crée pas de déséquilibre entre les parties et qu’à supposer même qu’elle soit abusive, la sanction n’est pas la déchéance du droit aux intérêts mais le caractère nul et non avenu de ladite clause.
La société Creatis a fait signifier à Mme [H] et M. [Z], par actes des 9 avril et 15 juin 2020 délivrés selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, sa déclaration et ses conclusions d’appel. Mme [H] et M. [Z] n’ont pas constitué avocat.
L’affaire a été fixée à l’audience du 6 octobre 2022.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 22 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Le contrat litigieux ayant été conclu le 14 avril 2010, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010.
Sur la prescription
En application de l’article 72 du code de procédure civile, la prescription est sans effet sur l’invocation d’un moyen qui tend non pas à l’octroi d’un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.
C’est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d’un crédit à la consommation, l’emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d’une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu’il n’entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d’intérêts indûment acquittés.
Dans le rôle qui lui est conféré tant par l’article L. 141-4 (devenu R. 632-1) du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d’office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d’ordre public de ce code.
En l’espèce, le moyen soulevé d’office par le tribunal d’instance et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels ne peut avoir pour effet que la modification de l’imputation des versements de l’emprunteur -et donc une minoration de la créance de la société Creatis à son égard- mais non de conférer un avantage à Mme [H] et M. [Z].
En conséquence, la cour confirme le jugement, en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription du moyen tendant à la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Aux termes de l’article L. 311-33 du code de la consommation dans sa version applicable à l’espèce, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l’espèce, le contrat du 14 avril 2010 comportait une clause de remboursement anticipé prévoyant que ‘Toute demande de remboursement par anticipation devra être formulée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception moyennant un préavis de deux mois’.
La société Creatis fait grief au premier juge d’avoir déclaré cette clause illicite alors qu’elle ne crée aucun déséquilibre entre les parties.
Or, cette clause impose à l’emprunteur un délai de préavis pour tout remboursement anticipé, alors que l’article L. 311-29 du code de la consommation applicable à cette offre, n’impose aucun délai entre le moment où il informe l’établissement de crédit de son intention et le moment où il est autorisé à procéder à ce remboursement.
Il s’ensuit que cette clause qui ajoute aux offres types alors applicables à cette opération de crédit est illicite en ce qu’elle aggrave la situation de l’emprunteur, dont la faculté de remboursement anticipé se trouve de fait différée de deux mois.
L’offre contrevient ainsi aux dispositions de l’article L. 311-13 du code de la consommation en ce qu’elle ne peut être tenue pour conforme au modèle-type applicable.
C’est en conséquence à bon droit que le premier juge a fait application de l’article L. 311-33 dudit code qui sanctionne, par la déchéance du droit aux intérêts, tout prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 anciens. Le jugement sera confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La société Creatis en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Creatis sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Creatis aux dépens d’appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,