Prêt entre particuliers : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00201

·

·

Prêt entre particuliers : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00201
Ce point juridique est utile ?

24 novembre 2022
Cour d’appel de Papeete
RG n°
21/00201

N° 464

SE

————–

Copie exécutoire

délivrée à :

– Me Feuillet,

Le 28.11.2022.

Copie authentique

délivrée à :

– Me Usang,

le 28.11.2022.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 24 novembre 2022

RG 21/00201 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° …, rg n° 16/00707 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 8 février 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le ;

Appelant :

M. [S] [F], né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5] XVII, de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;

La Société Delano IV, société en nom collectif, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 9380-C, n° Tahiti 660969 dont le siège social est sis à [Adresse 4] ;

Représenté par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

La Sa Banque de Polynésie, société anonyme, inscrite au Rcs sous le n° 7244 B ayant son siège social au [Adresse 2] ;

Représentée par Me Guillaume FEUILLET, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 22 août 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 octobre 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Faits :

Par acte notarié dressé le 27 mars 2009 par Maître [Z] [X] notaire associé de la SCP Office notarial [M]-[X]-[O], notaires à [Localité 3], la SA Banque de Polynésie («la banque») a consenti un prêt d’un montant de 1 270 000 000 FCP à M. [S] [F], gérant de société. La caution hypothécaire mentionnée à l’acte de prêt était la SCI Delano («la SCI») représentée par son gérant, M. [S] [F].

L’article 1 des conditions du prêt stipulait que ledit prêt était accordé pour une durée de 18 mois, soit jusqu’au 30 septembre 2010, date à laquelle il devait être intégralement remboursé en capital et intérêts.

L’article 2 relatif à l’objet du prêt précisait que M. [F] destinait les fonds à provenir du prêt, à financer les apports en comptes courant d’associé dans le cadre d’une restructuration des crédits consentis par la Banque de Polynésie aux sociétés du Groupe.

L’article 5 relatif au taux d’intérêt indiquait que les sommes utilisées au titre du présent prêt produiraient à partir du jour de leur paiement et jusqu’à leur remboursement des intérêts au profit de la banque un taux égal au taux Euribor à 3 mois majorés de 2 %.

Par avenant du 21 juillet 2009, il était convenu entre les parties qu’à compter du 1er juillet 2009 et jusqu’à l’échéance contractuellement prévue le 30 septembre 2010, les intérêts seraient calculés sur un taux fixe de 1,1% et non plus sur un taux égal au taux Euribor à 3 mois majorés de 2 %.

Par avenant en date du 30 septembre 2010, la banque acceptait de proroger la date de remboursement du capital d’un an supplémentaire soit au 30 septembre 2011.

Procédure :

Par requête enregistrée au greffe le 27 décembre 2016 et suivant acte d’huissier du 23 décembre 2016, puis conclusions ultérieures, M. [F] et la SCI ont fait assigner la banque devant le tribunal civil de première instance de Papeete afin de :

– Constater que le terme de la convention de prêt du 27 mars 2009, initialement prévu au 30 septembre 2010 a été repoussé au 30 septembre 2011 par avenant, puis au 30 mars 2016, par l’accord des parties résultant de l’échange des lettres des 28 et 30 octobre 2014, et encore au 24 août 2016, ce qui résulte de l’aveu extrajudiciaire contenu dans le mail de cette date suivant lequel elle allait « devoir procéder à l’exigibilité du prêt »,

– Constater et prononcer la nullité de la dénonciation de la convention de prêt du 27 mars 2009 du 1er septembre 2016, à défaut de mise en demeure préalable et de cause contractuelle le permettant,

En conséquence,

– Constater que la banque ne peut prétendre à aucune somme exigible en exécution du prêt du 27 mars 2009, autre que celle résultant du remboursement du capital et des intérêts contractuels qui étaient pour l’année 2016 de 1,1%,

– Constater que la banque a appliqué ce calcul, sans jamais requérir aucun intérêt moratoire, le 11 septembre 2012, le 18 octobre 2012, le 12 novembre 2012, puis le 14 décembre 2015,

– Constater qu’il restait dû, conformément à cette même méthode de calcul, à la banque un solde de 1 015 466 165 F CFP à la date du 31 mai 2017,

– Constater que la banque a perçu une somme de 1 268 796 659 F CFP le 31 mai 2017,

– Condamner la banque à payer à M. [S] [F] la somme de 253 330 494 F CFP, correspondant à la différence entre la somme perçue de 1 268 796 659 F CFP et celle qui était due de 1 015 466 165 F CFP, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2017,

– Ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 31 mai 2018, et dire que les intérêts échus annuellement porteront eux-mêmes intérêt,

– Condamner la banque à payer à M. [S] [F] la somme de 100 000 000 F CFP à titre de dommages-et-intérêts,

– Ordonner l’exécution provisoire,

– Condamner la banque à payer à M. [S] [F] la somme de 1 000 000 F CFP au titre des frais irrépétibles,

– Condamner la banque aux entiers dépens dont distraction d’usage.

Par jugement n° RG 16/00707 en date du 8 février 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

– Constaté que M. [S] [F] se reconnaît débiteur de sommes dues au titre du contrat de prêt du 27 mars 2009 et de ses avenants n°1 et 2,

– Constaté que la créance de la banque au 30 mai 2017 s’élevait à 1 262 724 952 F CFP,

– Donné acte à la banque de ce qu’elle offre de restituer à M. [S] [F] la somme 6 071 707 F CFP (six millions soixante et onze mille sept cent sept francs), correspondant à la différence entre ce qu’elle a perçu à la suite de la cession des actions SIP, soit la somme de 1 268 796 659 F CFP, et le montant de sa créance, et prononce une condamnation à son encontre au paiement de cette somme en tant que de besoin,

– Débouté M. [S] [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Rejeté tous les autres chefs de demandes plus amples ou contraires,

– Condamné solidairement M. [S] [F] et la SNC Delano IV à payer à la banque la somme de 200 000 F CFP au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article 407 du Code de procédure civile,

– Condamné solidairement M. [S] [F] et la SNC Delano IV aux entiers dépens dont distraction d’usage au profit de Maître Guillaume Feuillet.

M. [F] et la SNC ont relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 14 juin 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2022, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 27 octobre 2022.

A l’issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 24 novembre 2022 par mise à disposition au greffe.

Prétentions et moyens des parties :

M. [F] et la SNC, appelants, demandent à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 10 juin 2022, de :

– Infirmer le jugement du 8 février 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– Dire et juger que le contrat de prêt a été prorogé jusqu’au 1er septembre 2016 par consentement mutuel des parties,

– Dire et juger que le contrat de prêt a été résilié le 1er septembre 2016 par la banque, conformément à l’article 13 du contrat de prêt,

– Dire et juger que les intérêts de retard ne commencent à courir qu’à compter du 6 septembre 2016,

– Dire et juger que la somme due par M. [F] au 31 mai 2017 s’élevait à 1 022 705 373 F CFP sous réserve de réduction par la Cour du montant des intérêts manifestement excessifs,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la prorogation du prêt n’était pas constatée,

– Dire et juger que l’indemnité de résiliation de 3% n’est pas due, et seuls les intérêts de retard peuvent être réclamés, conformément à l’article 15 du contrat de prêt,

– Dire et juger que la somme due par M. [F] au 31 mai 2017 s’élevait à 1 022 705 373 (1 005 722 308 + 16 983 063 XPF), sous réserve de réduction par la Cour du montant des intérêts manifestement excessifs,

En tout état de cause,

– Dire et juger que les intérêts de retard résultant de l’article 15 du contrat de prêt constitue une clause pénale et, s’il était fait application de l’article 13, que l’indemnité de résiliation résultant de l’article 13.3 du contrat de prêt constitue également une clause pénale,

– Dire et juger que le montant de ces clauses pénales est manifestement excessif,

– Dire et juger que la clause pénale n’est pas suffisamment précise en fixant un taux minimum sans en préciser le montant précis et forfaitaire,

En conséquence,

– Ordonner la réduction du montant de la majoration des intérêts de 3% à 0,1% réduisant à 1,2% le taux majoré applicable, et, en tant que de besoin, réduire à 1 F CFP le montant de l’indemnité de résiliation,

– Fixer au 6 septembre 2016 le point de départ des intérêts de retard majorés,

– Condamner la banque à restituer à M. [F] :

o A titre principal, la somme de 246 091 286 F CFP (par application d’intérêt de 1,2% à compter du 6 septembre 2016 et sans indemnité de résiliation de 30 002 476 F CFP, ni intérêts majorés de 22 501 857 F CFP), ladite somme devant être majorée du taux d’intérêt légal courant à compter du 31 mai 2017, ou alternativement, en cas de prorogation du prêt et résiliation par application de l’article 13 du contrat de prêt,

o A titre subsidiaire, la somme de 240 193 621 F CFP (par application d’intérêts de 1,2% à compter du 6 septembre 2016 et après déduction de l’indemnité de résiliation de 30 002 476 F CFP et des intérêts majorés de 22 501 857 F CFP), ladite somme devant être majorée du taux d’intérêt légal courant à compter du 31 mai 2107, en l’absence de résiliation,

– Condamner la banque au paiement de la somme de 1 000 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens,

– Condamner la banque à payer les dépens dont distraction d’usage.

La banque, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 16 juin 2022 demande à la Cour de :

– Déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés M. [S] [F] et la SNC en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– N’y avoir lieu à statuer sur les demandes de M. [S] [F] et la SNC tendant à « Dire et juger »,

– Les en débouter,

En conséquence,

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de première instance de Papeete le 8 février 2021,

– Condamner solidairement la SNC et M. [S] [F] à payer à la banque la somme de 170 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile,

– Condamner solidairement la SNC et M. [S] [F] aux dépens dont distraction.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou à «dire et juger» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.

1. Sur la recevabilité des demandes des appelants :

La banque expose au visa de l’article 349 du code de procédure civile de la Polynésie française que les demandes de restitution de la somme de 246 091 286 F CFP ou de 240 193 621 F CFP fondées sur les articles 1126 et 1152 du code civil sont des demandes nouvelles qui n’ont pas été soumi-ses au tribunal de première instance et sont présentées pour la première fois devant la cour d’appel dans des conclusions déposées le 10 juin 2022.

Sur ce :

Il résulte de l’article 349 du code de procédure civile de la Polynésie française que les juges d’appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d’appel aucune demande nouvelle à moins qu’elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu’il s’agisse de compensation.

Si les montants des demandes présentées par les appelants a pu varier entre la première instance et l’appel, il n’en reste pas moins qu’elles constituent des prétentions présentées en première instance tendant à obtenir la reconnaissance d’un différentiel entre la créance réclamée par la banque au titre du prêt consenti, dont elle a obtenu le paiement, et la créance réellement due, et la condamnation subséquente de la banque à leur payer cette différence.

Il ne s’agit pas d’une demande nouvelle, mais uniquement d’une actualisation des montants fondée sur les mêmes moyens et tendant aux mêmes fins. Les demandes seront donc déclarées recevables.

2. Sur l’exécution du contrat et son échéance :

Le tribunal a exclu toute prorogation de l’échéance du terme, équivoque ou tacite, convenue entre les parties et écarté l’ensemble des moyens tenant à l’irrégularité de la déchéance du terme.

Les appelants font valoir que le prêt, censé être arrivé à terme le 30 septembre 2011, n’a pas donné lieu à la moindre demande de la banque et a continué à être exécuté, démontrant la volonté commune des parties de le proroger, ce qui résulte selon eux de la lettre du 1er septembre 2016 de la banque résiliant le prêt en cours et faisant expressément référence à un article du contrat portant sur le sort d’un contrat en cours. Ils en déduisent dès lors que la déchéance du terme serait irrégulière comme motivée sur un cas non prévu par les dispositions contractuelles.

La banque conteste cette analyse, estimant que la seule prorogation consentie à [S] [F] pour le prêt dont le remboursement unique était prévu le 30 septembre 2010 a consisté en un avenant prorogeant cette échéance au 30 septembre 2011. Elle précise que la demande écrite de M. [F] en 2014 de voir un délai s’appliquer pour le remboursement de la somme due outre un report des intérêts de retard, consistait en une demande de délai de paiement impliquant que le prêt était arrivé à échéance et les sommes dues. Elle conteste tout l’argumentaire résultant de la déchéance du terme irrégulière alors même que les dispositions relatives à celle-ci ne sont pas applicables, le prêt étant arrivé à échéance et reprend les motifs du jugement.

Sur ce :

Il résulte des articles 1134 et suivants du code civil dans leur version et numérotation applicables en Polynésie française que le contrat fait la loi des parties et qu’en cas de divergences sur son interprétation, le juge doit rechercher quelle a été la volonté commune des parties.

Le contrat de prêt initial prévoyait le remboursement en une seule fois au plus tard le 30 septembre 2010 et l’avenant du 30 septembre 2010 mentionnait qu’à la demande faite par l’emprunteur, la Banque acceptai de proroger la date de remboursement du capital d’un an supplémentaire soit au 30/09/2011 au lieu du 30/09/2010, précisant que les intérêts étaient payables trimestriellement.

Aucune autre convention n’a été passée entre les parties après cette date s’agissant d’une nouvelle prorogation de ce délai.

Le 1er septembre 2016, la banque adressait une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à [S] [F], précisant : «Nous sommes au regret de constater que malgré vos promesses, aucune suite n’a été donnée à nos différents et nombreux échanges en vue de voir notre créance intégralement payée», se référant ensuite à l’article 13 du contrat de prêt pour procéder à sa dénonciation, incluant la déchéance immédiate du terme, l’exigibilité complète du prêt et la mise à la charge de [S] [F] des indemnités, frais et intérêts de retard contractuellement prévus (pièce 17-1 des appelants).

Les appelants en déduisent que les parties ont nécessairement convenu de poursuivre l’exécution du prêt.

Cependant, l’échange entre [S] [F] et la banque fin octobre 2014 contredisent cette analyse.

En effet, par courrier du 28 octobre 2014 (pièce n°4 de l’intimée), dont l’objet est «intérêts de retard», M. [F] écrit «A la suite de nos différents échanges sur les sommes dues au titre de mon prêt personnel consenti par acte authentique n°313 en date du 27 mars 2009 et modifié par avenant n°1 en date du 21 juillet 2009, j’ai l’honneur de vous demander de ne pas réclamer les intérêts de retard contractuellement dus au titre de ce prêt. Ainsi le capital restant dû au 1er octobre 2014 est fixé à 1 133 264 784 F CFP. Je vous remercie de bien vouloir me le confirmer.»

Par courrier du 30 octobre 2014, la banque a répondu à M. [F] en ces termes : «Je reviens vers vous à la suite de votre courrier en date du 28 octobre 2014 aux termes duquel vous solliciter une remise partielle des sommes dues au titre de votre contrat de prêt personnel. La Banque de Polynésie accepterait de ne pas vous réclamer les intérêts de retard exigibles, à la condition expresse qu’un règlement intégral et définitif du principal et des intérêts intervienne au plus tard le 31 mars 2016. A défaut nous solliciterons le paiement de toutes les sommes dues telles qu’elles sont prévues par le contrat, y compris donc les intérêts de retard depuis leur date d’exigibilité.»

Or le contrat de prêt initial n’évoque les intérêts de retard en son article 15 que s’agissant des sommes dues au titre du contrat, lesquelles porteront «intérêts de plein droit à compte de la date d’exigibilité normale et jusqu’à sa date effective de paiement, au taux d’intérêt annuel stipulé à l’article «taux d’intérêt du prêt » majoré de 3%».

Il s’en déduit, contrairement à ce que prétendent les appelants, que la commune intention des parties n’a pas été de poursuivre la prolongation du terme de manière indéfinie, ce que l’absence de signature d’un nouvel avenant, à l’identique de celui du 30 septembre 2010, permet également d’exclure, mais bien de consentir, à sa demande, des délais à M. [F] pour régler la somme exigible sans intérêts de retard, jusqu’au 31 mars 2016.

La lettre du 1er septembre 2016, si elle se réfère à l’article sur la déchéance du terme, joint pourtant un décompte qui montre qu’elle a considéré que l’exigibilité des sommes a été fixée au 30 septembre 2011.

Par conséquent, il convient de retenir que le prêt est arrivé à échéance à la date prévue contractuellement, soit le 30 septembre 2011, et que M. [F] est redevable des sommes dues à cette date en application du contrat.

Les moyens développés par les appelants, fondés sur l’application des articles 13 et 14 du contrat, doivent par conséquent être écartés pour ne pas s’appliquer à la situation de fait résultant d’un prêt arrivé à échéance sans résiliation ou exigibilité anticipée.

3. Sur l’indemnité de résiliation et la majoration des intérêts :

M. [F] et la SNC exposent que l’indemnité de résiliation de 3% prévue à l’article 13.3 n’est pas applicable dès lors que le contrat n’a pas été résilié, le contrat s’étant éteint par arrivée à son terme. Ils avancent ensuite que la majoration des intérêts et l’indemnité de résiliation constituent des clauses pénales excessives et que l’article 1153 du code civil dans sa dernière version permettant leur modération est applicable en Polynésie, sauf à violer le principe d’égalité des citoyens devant la loi et alors qu’il s’agit d’une question de compétence matérielle des juridictions qui échappe au principe de spécialité législative, qu’en tout état de cause et conformément à la jurisprudence antérieure à la modification de cette article la clause n’est pas suffisamment précise, permettant au juge de modérer la clause. Ils demandent sa modération en raison de son caractère disproportionné et manifestement excessif, en réduisant le taux et en modifiant le point de départ.

La banque fait valoir que l’indemnité de résiliation est due en ce qu’à la date du 30 septembre 2011, faute de remboursement, le contrat a été résilié et l’indemnité due en conséquence imputée à M. [F]. Elle expose par ailleurs que l’article 1152 du code civil n’est pas applicable en Polynésie et que le juge n’a pas le pouvoir de modérer les clauses pénales.

Sur ce :

Il résulte de l’article 14 du contrat de prêt que le solde de résiliation établi par la banque à la date de la résiliation sera égal au principal du prêt restant dû à la date d’échéance précédant ou correspondant à la date de résiliation, diminué le cas échéant de la partie des intérêts payés en début de période et restant à courir de la date de résiliation à la première date d’échéance qui suit, augmenté de la pénalité prévue à l’article « remboursement anticipé » ou de l’indemnité stipulée à l’article « Exigibilité Anticipée ‘ Conséquences d’une exigibilité anticipée » selon la cause de résiliation du contrat. », soit une indemnité égale à 3% du principal restant dû.

Par conséquent, contrairement à ce qu’avancent les appelants, cette indemnité n’est pas dûe que dans les cas d’exigibilité anticipée, mais en cas de résiliation, laquelle est bien survenue le 30 septembre 2011 faute pour [S] [F] d’avoir satisfait à son obligation principale de remboursement.

La loi n°75-597 du 9 juillet 1975 a institué un pouvoir de modération des clauses pénales par le juge à la demande des parties.

La loi n°85-1097 du 11 octobre 1985 a modifié ce texte en permettant au juge de modérer une clause pénale même d’office.

Ces deux lois, qui modifient l’article 1152 alinéa 2 du code civil, ne contiennent pas de dispositions d’applicabilité à la Polynésie française, ni n’y ont été promulguées.

Il résulte de l’article 7 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 que dans les matières qui relèvent de la compétence de l’Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin.

L’article 14 de cette loi fixe les matières qui sont de la compétence de l’Etat.

Or, d’une part la cour note que les modifications de l’article 1152 résultent de lois antérieures à la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, de sorte que leur application en Polynésie était soumise avant cette date à une mention expresse que les lois ne contiennent pas, de même qu’à la formalité de promulgation, ici inexistante, d’autre part que l’article 1152 est relatif au droit des contrats, matière qui relève de la compétence spéciale de la Polynésie française, faute d’être énumérée dans les compétences de l’Etat, de sorte que l’article 7 alinéa 1 ne trouve pas plus à s’appliquer, quand bien même des modifications seraient intervenues depuis sous l’égide du législateur métropolitain (ce qui est le cas de la réforme du droit des contrats de 2016, inapplicable en Polynésie française).

Les dispositions de l’article 7 de la loi du 27 février 2004 qui prévoient une application de plein droit en Polynésie française des dispositions législatives ou règlementaires qui sont relatives à la composition, l’organisation, le fonctionnement et les attributions de toute juridiction nationale souveraine ne saurait s’entendre, comme l’analyse les appelants, comme s’appliquant aux dispositions conférant dans des matières particulières un pouvoir d’appréciation au juge, mais concernent les questions générales de compétence en raison du lieu et de la matière, ce qui exclut le pouvoir de modération des clauses pénales de l’article 1152 alinéa 2.

Par ailleurs l’argument tiré de la rupture d’égalité qui existerait du fait de l’inapplication de l’article 1152 alinéa 2 en Polynésie française est en contradiction directe avec le principe d’autonomie législative, la répartition des compétences entre l’Etat et la Polynésie prévoyant justement l’énumération des matières où une différence de textes applicables est inenvisageable, les autres matières étant de la compétence exclusive de la Polynésie française, sans que le critère de nécessité de dispositions plus favorables aux habitants de la Polynésie française puisse être retenu pour apprécier leur pertinence. A ce titre la référence à l’article 18 de la loi par les appelants et sans lien ni pertinence au soutien de ce moyen.

Par conséquent l’article 1152 alinéa 2 dans sa rédaction applicable en métropole est inapplicable en Polynésie française et la demande de réduction des intérêts et de l’indemnité de résiliation doit être rejetée.

De même, l’argument tiré du caractère imprécis de la clause fixant l’indemnité, en ce qu’elle prévoit qu’elle est égale à 3% minimum du principal, et alors même que c’est précisément le taux appliqué, est suffisamment précise pour le juge ne puisse s’immiscer dans l’application du contrat en en interprétant les termes clairs et non équivoques de la volonté des parties.

Par conséquent les demandes de M. [F] et de la Snc ne peuvent prospérer, et la décision du tribunal doit être confirmée.

4. Sur les frais et dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la banque les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent confirmer la décision du tribunal qui a condamné solidairement M. [F] et la SNC à lui payer la somme de 200 000 F CFP, de condamner in solidum les mêmes à lui payer 170 000 F CFP au titre des frais d’appel non compris dans les dépens et de débouter les appelants de leurs demandes au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Les dépens de première instance ont été justement mis à la charge de M. [F] et la SNC et la décision en ce sens sera confirmée et les dépens d’appel seront supportés par in solidum par M. [F] et la SNC qui succombe conformément aux dispositions de l’article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

DECLARE recevables les demandes de M. [S] [F] et de la SNC Delano IV,

LES DIT mal fondées et les rejette, par conséquent,

CONFIRME le jugement n° RG 16/00707 en date du 8 février 2021 du tribunal civil de première instance de Papeete,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum M. [S] [F] et la SNC DELANO IV à payer à la SA BANQUE DE POLYNESIE la somme de 170 000 F CFP (cent soixante-dix mille francs pacifique) au titre de ses frais d’appel non compris dans les dépens par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE in solidum M. [S] [F] et la SNC DELANO IV aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 24 novembre 2022.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x