Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00940

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Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00940

1 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG
21/00940

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 01 DÉCEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00940 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5UW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 novembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de BOBIGNY – RG n° 11-20-000673

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [R] [P]

né le [Date naissance 2] 1980 au SRI LANKA

[Adresse 1]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Sogefinancement fait valoir qu’elle a consenti le 18 juillet 2016 à M. [R] [P] un prêt personnel d’un montant de 14 000 euros remboursable en 60 mensualités de 278,21 euros chacune hors assurance au taux débiteur annuel de 7,15 % et au taux annuel effectif global de 7,39 %.

Les parties sont convenues d’un avenant de réaménagement le 9 février 2018 portant sur la somme de 11 031,10 euros remboursable en 99 mois par mensualités de 154,99 euros chacune assurance de 7,17 euros incluse du 10 avril 2018 au 10 juin 2026 au taux annuel effectif global de 7,39 %.

Saisi le 23 avril 2020 par la société Sogefinancement d’une demande tendant principalement à la condamnation de l’emprunteur au paiement du solde restant dû au titre du contrat, le tribunal judiciaire de Bobigny, par un jugement réputé contradictoire rendu le 13 novembre 2020 auquel il convient de se reporter, a constaté que l’action en paiement introduite à l’encontre de M. [R] [P] était forclose et déclaré irrecevable la société Sogefinancement en son action.

Le tribunal a retenu que l’avenant signé le 9 février 2018 modifiait sensiblement l’économie du contrat, entraînant une augmentation significative du coût du crédit et du taux effectif global. Il a estimé que cet avenant aurait dû faire l’objet d’une offre de prêt conforme aux dispositions des articles L. 311-8 et suivants du code de la consommation et qu’il n’avait pas d’effet interruptif concernant le contrat initial. Il a considéré que le premier incident de paiement non régularisé était survenu en décembre 2017 et que l’action n’avait pas été engagée dans le délai prévu par l’article R. 312-35 du code de la consommation.

Par une déclaration enregistrée le 12 janvier 2021, la société Sogefinancement a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 12 avril 2021, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– de fixer la date d’expiration du délai de forclusion au 23 août 2020 et déclarer son action recevable, et la dire bien fondée en son action,

– de condamner M. [R] [P] à lui payer la somme de 12 285,18 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,15 % l’an à compter du 30 août 2018 sur la somme de 11 390,67 euros et au taux légal pour le surplus au titre de sa créance,

– subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de le condamner à lui payer la somme de 11 066,95 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018, date de la mise en demeure,

– de condamner M. [R] [P] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L’appelante rappelle qu’un réaménagement au sens de l’article R. 312-25 du code de la consommation est caractérisé par une modification des modalités de remboursement du contrat modifiant l’échéancier convenu initialement, portant sur l’intégralité de la créance et intervenant avant la déchéance du terme. Elle souligne que l’allongement de l’échéancier a pour effet automatique l’augmentation du coût du crédit de sorte que cette seule circonstance ne peut conduire à exclure la qualification de réaménagement.

Elle soutient que le premier incident de paiement non régularisé doit être calculé à compter de la date du réaménagement conformément et fixe cet événement au 10 avril 2018 de sorte que le délai devait s’achever le 10 avril 2020. Elle se prévaut des articles 1 et 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 pour soutenir que le délai de forclusion a été prorogé jusqu’au 23 août 2020 et conclut à la recevabilité de son action comme exercée le 23 avril 2020.

La société Sogefinancement soutient le réaménagement conclu entre les parties n’était pas soumis au respect du formalisme propre à l’émission d’une nouvelle offre de crédit, que les dispositions des articles L. 311-8 et suivants sont inapplicables et que l’avenant conclu le 9 février 2018 est régulier. Elle ajoute que si cet accord était considéré comme un nouveau contrat de crédit, la seule sanction applicable serait la déchéance du droit aux intérêts contractuels et non la forclusion de son action.

Régulièrement assigné par acte d’huissier remis à étude le 22 mars 2021, l’intimé n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Au regard de la date du contrat, c’est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 ainsi que de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Sur la recevabilité de l’action de la société Sogefinancement

Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur, doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.

Il est admis que les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.

Constitue un réaménagement au sens de ce texte, le contrat qui a pour seul objet de réaménager les modalités de remboursement d’une somme antérieurement prêtée, pour permettre, par l’allongement de la période de remboursement et l’abaissement du montant de l’échéance mensuelle, d’apurer le passif échu, pour autant qu’il ne se substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n’a pas été prononcée, qu’il n’en modifie pas les caractéristiques principales telles le montant initial du prêt et le taux d’intérêt et qu’il porte sur l’intégralité des sommes restant dues à la date de sa conclusion.

En l’espèce, l’historique de compte atteste que l’emprunteur a rencontré des difficultés dans le paiement des échéances du crédit à compter du 30 décembre 2017 et que les parties sont convenues le 9 février 2018, d’un réaménagement portant sur les sommes dues à cette date à hauteur de 11 031,10 euros en capital, intérêts et indemnités, avec remboursement en 99 mensualités de 154,99 euros chacune assurance comprise, au taux annuel effectif global identique à celui du prêt à savoir 7,39 %.

Des échéances étant demeurées impayées, la société Sogefinancement justifie avoir fait délivrer à M. [R] [P] une mise en demeure préalable à la déchéance du terme du contrat suivant courrier recommandé avec avis de réception du 7 août 2018 resté sans effet puis un courrier recommandé le 31 août 2018 prenant acte de la déchéance.

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, cet avenant n’emporte nullement une augmentation du taux annuel effectif global, bouleversant l’économie du contrat initial, dès lors qu’il ne modifie pas les caractéristiques du contrat principal et notamment le taux annuel effectif global, qu’il se contente d’abaisser le montant des échéances mensuelles et d’allonger la période de remboursement du crédit puisque le crédit était remboursable en 60 échéances mensuelles de 278,21 euros chacune et que les sommes dues sont remboursables en 99 mensualités de 154,99 euros chacune.

Il ne résulte pas de cet aménagement un renchérissement du coût du crédit et ce même s’il augmente le coût du crédit, dans la mesure où l’augmentation du crédit est inhérente à la nature de l’opération de réaménagement (allongement du délai de remboursement générant nécessairement une augmentation du coût des intérêts), dès lors que l’opération de réaménagement s’opère sur la totalité de la créance avant déchéance du terme du contrat.

Cet aménagement entre donc dans les prévisions de l’article susvisé de sorte qu’il a eu pour effet de reporter le point de départ du délai de forclusion au premier incident de paiement non régularisé postérieur à son adoption.

L’historique de compte permet de déterminer qu’aucune mensualité modifiée n’a été honorée à compter du 10 avril 2018 de sorte que le premier impayé non régularisé postérieur au réaménagement peut être fixé à cette date et le prêteur disposait ainsi jusqu’au 10 avril 2020 pour intenter son action.

La société Sogefinancement ne justifie pas de l’introduction d’une action en justice à l’encontre de l’emprunteur avant le 23 avril 2020.

L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, a prévu une prorogation du terme des délais échus pendant la période dite juridiquement protégée telle que définie par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, et comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.

L’article 2 de cette ordonnance explicite le mécanisme de report de terme et d’échéance : pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications, ou publications prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, y compris désistement d’office, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui devaient être réalisés dans la période juridiquement protégée, les délais sont prorogés à compter de la fin de cette période, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois.

En l’espèce, le délai d’action a bien expiré pendant la période juridiquement protégée se terminant le 23 juin 2020 de sorte qu’il convient de reporter le terme de ce délai au 23 août 2020.

En agissant le 23 avril 2020, la société Sogefinancement doit donc bien agir dans le délai d’action prorogé de sorte qu’elle doit être reçue en son action.

Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande en paiement

La société Sogefinancement verse aux débats l’offre de prêt acceptée ainsi que l’avenant signé le 9 février 2018, les tableaux d’amortissement, la fiche de dialogue et les pièces justificatives de ressources et d’identité, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, la synthèse des garanties des contrats d’assurance, la notice d’assurance, un historique de compte, un décompte de créance.

Pour fonder sa demande de paiement, l’appelante justifie de l’envoi à l’emprunteur le 7 août 2018 d’un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement sous 15 jours des échéances impayées à hauteur de 678,26 euros sous peine de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts. Le courrier recommandé avec avis de réception adressé à M. [P] le 31 août 2018 le met en demeure de régler la somme totale de 12 289,64 euros.

C’est donc de manière légitime que la société Sogefinancement se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues.

En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l’appelante s’établit de la façon suivante :

– échéances impayées : 774,95 euros

– capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 10 615,72 euros

– intérêts de retard arrêtés au 29 août 2018 : 12,03 euros.

soit la somme totale de 11 402,70 euros.

M. [R] [P] est en conséquence condamné au paiement cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,15 % l’an à compter du 30 août 2018 sur la somme de 11 390,67 euros.

L’appelante sollicite en outre la somme de 882,48 euros au titre de l’indemnité de résiliation.

Selon l’article D. 312-6 du code de la consommation, lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme.

La somme demandée excède 8 % du capital restant dû et vient s’ajouter aux sommes de même nature d’ores et déjà incluses lors de la signature de l’avenant de réaménagement. La somme réclamée est donc excessive et doit être réduite à 100 euros, somme à laquelle est condamné M. [P] augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2018.

M. [P] qui succombe supportera les dépens de l’instance. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [R] [P] à payer à la société Sogefinancement la somme de 11 402,70 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,15 % l’an à compter du 30 août 2018 sur la somme de 11 390,67 euros outre la somme de 100 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2018 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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