Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12703

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Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12703
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1 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/12703

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12703 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCKFN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 août 2020 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-18-15-0271

APPELANTS

Madame [C] [N]

née le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 6] (CONGO)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée et assistée de Me Solveig FRAISSE de la SELEURL FRAISSE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D400

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 7] (50)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté et assisté de Me Solveig FRAISSE de la SELEURL FRAISSE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D400

INTIMÉES

La société SOGECAP, société anonyme agissant poursuites et diligences en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 086 380 730 00092

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

assistée de Me Corinne CUTARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1693

LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 487 779 035 00046

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Muriel DURAND, Présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 29 novembre 2011, la société Banque postale financement a consenti à M. [X] [N] et Mme [C] [F] épouse [N] un prêt personnel pour regroupement de crédits à la consommation d’un montant en capital de 39 450 euros, remboursable en 84 échéances mensuelles de 665,31 euros, en ce compris le coût d’une assurance pour 63,13 euros par mois, ouvrant droit pour l’établissement bancaire à la perception d’intérêts au taux nominal contractuel de 7,35 %.

Le 22 avril 2016, Mme [N] a demandé à la société Banque postale financement de mettre en ‘uvre l’assurance qu’elle avait souscrite dans le cadre de son emprunt auprès de la société Sogecap. Au titre de cette garantie, la société Sogecap a acquitté les mensualités du prêt pour le compte des emprunteurs du 30 avril 2016 au 30 mars 2017 avant de leur indiquer qu’elle subordonnait la poursuite des versements à une expertise médicale de Mme [N]. Le 5 juillet 2017, la société Sogecap a informé M. et Mme [N] que sur la base d’un examen médical du 23 juin 2017 elle considérait que les conditions d’application de l’assurance n’étaient plus remplies.

Les emprunteurs n’ont pas repris le paiement des mensualités après cessation des versements de l’assurance, ce qui a conduit la société Banque postale financement à les mettre en demeure de procéder au règlement des sommes dues le 21 novembre 2017 et à prononcer la déchéance du terme le 7 décembre 2017.

Le 31 janvier 2018, à la requête de la société Banque postale financement, le tribunal d’instance de Sannois a enjoint à M. et Mme [N] de payer à cette dernière la somme de 10 931,56 euros en principal, assortie d’intérêts au taux annuel de 7,35 % à compter de la signification de l’ordonnance.

Par courrier en date du 22 mars 2018, M. et Mme [N] ont fait opposition à l’ordonnance d’injonction de payer qui leur a été signifiée le 5 mars 2018.

Le 26 février 2018 Mme [N] a fait assigner la société Banque postale financement devant le tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris en vue d’obtenir le bénéfice de la garantie emprunteur puis les époux l’ont réassignée aux mêmes fins le 19 novembre 2018.

Le 20 août 2020, le tribunal judiciaire de Paris, devant lequel toutes les instances avaient été renvoyées, a condamné solidairement M. et Mme [N] à payer à la société Banque postale financement la somme de 10 931,56 euros avec intérêts au taux de 7,35 % à compter du 5 mars 2018, leur a octroyé des délais de paiement (23 mensualités payables le 10 de chaque mois à compter de la signification du jugement puis une 24ème mensualité pour le solde), les a condamnés aux dépens et a ordonné l’exécution provisoire de la décision, toutes les autres demandes étant rejetées.

Après avoir constaté la recevabilité de l’action en paiement de la banque et l’absence de contestation portant sur le principe ou le montant de la créance, le premier juge a considéré que le refus de l’emprunteuse de se soumettre à l’examen médical demandé ne permettait pas de constater que les conditions d’assurance étaient réunies et donc que l’assureur devait verser l’indemnité réclamée. Il a ensuite considéré que les emprunteurs établissaient l’existence de difficultés financières justifiant l’octroi de délais de paiement.

Par une déclaration en date du 4 septembre 2020, M. et Mme [N] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, les appelants demandent à la cour :

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– de débouter les sociétés Sogecap et banque Postale financement de leur appel incident,

– de condamner la société Sogecap à couvrir Mme [N] au titre de la garantie ITT depuis le 30 mars 2017, date de fin de la prise en charge, jusqu’au 30 décembre 2018, date de la dernière échéance due au titre du prêt,

– de condamner la société Sogecap à rembourser les échéances impayées à la société Banque postale financement au titre de sa garantie ITT depuis le 30 mars 2017 jusqu’au 30 décembre 2018,

– de condamner la société banque postale à leur restituer les sommes réglées en vertu de l’exécution provisoire du jugement dont appel, soit la somme de 6 800 euros, sauf à parfaire,

– si la cour entrait en voie de condamnation à leur encontre, de fixer la créance de la société Banque postale financement à la somme de 10 931,56 euros avec intérêts au taux légal et de les autoriser à se libérer de la somme ainsi arrêtée en 24 mensualités,

– de condamner solidairement les sociétés Sogecap et Banque postale financement à leur payer la somme de 5 000 euros pour résistance abusive,

– de condamner solidairement les sociétés Sogecap et Banque postale financement à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent que Mme [N] était en état d’incapacité temporaire totale (ITT) après la période d’interruption d’activité de 90 jours, comme en attestent les arrêts de travail couvrant la période de septembre 2017 à septembre 2018. Ils font valoir que les motifs invoqués par la Sogecap pour refuser sa garantie, à savoir la consolidation du préjudice ou un taux d’incapacité inférieur à 10 %, ne sont pas des causes de cessation de la garantie ITT au sens de l’article 16 du contrat. Ils indiquent que la cessation des paiements par la société Sogecap constitue un manquement à ses obligations contractuelles et que la déchéance du terme a été abusivement prononcée.

Ils ajoutent que l’article 17 du contrat prévoyait la cessation des prestations en cas de reprise totale ou partielle d’une activité professionnelle et en cas de refus de se soumettre au contrôle médical, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Ils relèvent que la société Sogecap soutient que l’assurée ne remplit pas les conditions de prise en charge au titre de la garantie ITD, alors même qu’elle était prise en charge au titre de la garantie ITT et que l’assureur ne peut pas passer d’une garantie à une autre.

Ils soutiennent au visa de l’article L. 133-2 du code de la consommation que le contrat doit être interprété en leur faveur et que la société Sogecap est tenue de couvrir le remboursement des échéances. Visant l’article 1343-5 du code civil, ils produisent un détail de leurs charges et ressources pour que leur soient octroyés des délais de paiement en cas de condamnation. Ils dénoncent la résistance abusive des sociétés Sogecap et Banque postale et réclament réparation de leur préjudice.

Par ses conclusions d’intimée n° 3 notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, la société Sogecap demande à la cour :

– de la déclarer recevable et bien fondée en l’ensemble de ses arguments, moyens et demandes,

– de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. et Mme [N] de toutes leurs demandes formées à son encontre et en qu’il les a condamnés in solidum aux dépens,

– de débouter M. et Mme [N] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– d’infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à son bénéfice,

– de condamner M. et Mme [N] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M. et Mme [N] à lui payer la somme de 2 500 euros en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Sogecap se prévaut de l’expertise médicale pour faire valoir que Mme [N] ne relevait plus de la garantie ITT mais de la garantie ITD (invalidité totale définitive) à compter de la consolidation de son préjudice acquise le 23 janvier 2017. Elle précise que les pièces versées par les appelants font état d’une pathologie qui affecte actuellement Mme [N] mais qui est sans incidence sur le présent litige.

Elle soutient que l’article 12 de la notice d’information relatif à l’ITD dont relevait Mme [N] subordonnait le bénéfice de la garantie à la réunion de trois conditions : l’impossibilité définitive d’exercer une activité, la consolidation de l’état et un taux d’invalidité supérieur à 66 % et que faute d’être réunies, elle n’avait plus à prendre en charge les mensualités. L’intimée soutient que les clauses du contrat sont parfaitement claires et relève qu’en dénonçant l’ambiguïté du contrat et en invoquant une interprétation in favorem, les appelants tentent seulement d’en dénaturer les dispositions.

Elle indique que le prononcé de la déchéance du terme par la banque le 7 décembre 2017 entraîne la cessation des garanties conformément aux stipulations de l’article 16 du contrat avant de relever qu’aucune résistance abusive n saurait lui être reprochée.

Par ses conclusions remises le 26 février 2021, la société Banque postale financement demande à la cour :

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– de débouter M. et Mme [N] de leurs demandes à son encontre,

– de condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 10 931,56 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,35 % l’an à compter du 5 mars 2018 en remboursement du crédit souscrit suivant offre acceptée le 29 novembre 2011,

– subsidiairement en cas de remise en cause de la déchéance du terme, de les condamner à lui payer la somme de 13 468,19 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,35 % l’an à compter du 30 décembre 2018 au titre des échéances échues impayées du 30 avril 2017 au 30 décembre 2018,

– de condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée indique que la question de la prise en charge par l’assurance ne la concerne pas, qu’elle est tierce au contrat d’assurance et que le seul dépôt d’un dossier de demande de prise en charge auprès de l’assurance n’exonère pas les emprunteurs de leur obligation de remboursement à son égard. Elle explique leur avoir laissé plusieurs mois pour régulariser leur situation avant de prononcer la déchéance du terme. Elle soutient que sa demande de paiement est bien fondée et qu’elle produit des pièces justificatives de sa créance. Elle relève enfin que les appelants ont déjà bénéficié de larges délais de paiement et qu’elle n’a commis aucune faute de nature à caractériser une résistance abusive.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 5 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat de crédit souscrit auprès de la société Banque postale financement comporte une adhésion au contrat d’assurance ADI et APE. L’assurance ADI couvre le décès, la perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA), l’incapacité temporaire totale (ITT), l’incapacité totale et définitive (et ITD). L’assurance APE couvre la perte d’emploi.

La société Sogecap a pris en charge les mensualités du prêt du 30 avril 2016 au 30 mars 2017 au titre de la garantie ITT puis a cessé cette prise en charge arguant d’une consolidation depuis le 23 juin 2017, d’un taux d’incapacité fonctionnelle de 10 % et d’un taux d’incapacité professionnelle de 10 %. Mme [N] soutient qu’aucun de ces trois motifs n’est une cause de cessation de la garantie ITT.

Or la définition même de l’incapacité temporaire est qu’elle est temporaire. Elle inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire. La consolidation marque la date à partir de laquelle l’état de la victime n’est plus susceptible d’évolution. Elle marque la fin de la période d’incapacité temporaire et ouvre en cas de séquelle la période d’ouverture d’une incapacité définitive au titre d’un déficit fonctionnel permanent.

L’état d’incapacité temporaire ne saurait en principe durer toute une vie.

Le contrat d’assurance souscrit par Mme [N] ne dit pas le contraire. La notice prévoit expressément en son article 8 que le paiement des mensualités est pris en charge jusqu’à la fin de l’ITT.

Il ne prend en charge à titre temporaire que l’incapacité temporaire totale qui empêche le travail et non l’incapacité fonctionnelle partielle qui n’empêche pas le travail.

L’article 12 prévoit que la garantie ITD prend le relais sous deux conditions cumulatives à compter de la consolidation laquelle intervient au plus tard le 1095ème jour d’incapacité de travail continue. Cet article doit être mis en lien avec la limite posée à l’indemnisation de l’ITT en son article 8 qui cantonne les prestations dues au titre de l’ITT à 1095 jours :

– d’une part il doit exister une incapacité totale et définitive médicalement constatée d’exercer une activité rémunérée ou un travail pouvant lui procurer gains et profits. Il ne s’agit donc pas seulement de l’incapacité d’exercer l’emploi précédemment occupé ;

– d’autre part le taux d’invalidité définitive fixé par un expert désigné par l’assureur doit être supérieur à 66 %. Le contrat précise que ce taux est déterminé par le croisement du taux d’incapacité professionnelle et du taux d’incapacité fonctionnelle et un tableau figure ensuite.

M. et Mme [N] se fondent sur les articles 16 et 17 relatifs à la cessation des garanties et des prestations pour soutenir que seuls la reprise d’une activité totale ou partielle ou le refus de se soumettre à un examen médical peuvent fonder la fin de la garantie ITT et que l’assureur ne peut pas passer d’une garantie ITT à une garantie ITD.

Ces articles ne sont pas contraires à ceux qui précèdent et dont il résulte précisément que la garantie ITT, régime d’indemnisation temporaire par définition, cesse au bout de 1095 jours ou avant en cas de consolidation avant ce terme, pour être relayé par le régime d’indemnisation définitive si les conditions pour en bénéficier sont remplies.

Le jugement qui a fait exacte application du contrat qui n’a besoin d’aucune interprétation doit être confirmé y compris en ce qui concerne le montant de la condamnation et les délais qui étaient justifiés au regard de la situation, sans qu’il y ait lieu d’en octroyer de supplémentaires ce qui se heurterait à la limite de 2 ans fixée par la loi.

La demande de dommages et intérêts fondée sur une prétendue interprétation ambiguë et non conforme du contrat ne saurait prospérer au regard de ce qui précède et M. et Mme [N] doivent en être déboutés.

Il apparaît toutefois équitable au regard des situations économiques respectives des parties de laisser supporter à chacune la charge de ses frais irrépétibles.

M. et Mme [N] qui succombent supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne M. [X] [N] et Mme [C] [F] épouse [N] aux dépens de l’appel ;

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente

 


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