Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00300

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Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00300
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1 décembre 2022
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/00300

MM/ND

Numéro 22/4267

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRÊT DU 01/12/2022

Dossier : N° RG 21/00300 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HYF7

Nature affaire :

Autres demandes relatives à un bail d’habitation ou à un bail professionnel

Affaire :

[W] [P]

C/

[M] [Y]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 01 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 06 Octobre 2022, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [W] [P]

née le 30 Juillet 1937 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Marine FRANCISCO de la SELARL TRASSARD & FRANCISCO, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

Madame [M] [Y]

née le 06 Novembre 1955 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Antoine TUGAS de la SELARL TUGAS & BRUN, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 15 DECEMBRE 2020

rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BAYONNE

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE :

Par acte du 30 novembre 2015 à effet du 1er janvier 2016, Madame [M] [Y] a donné à bail à Madame [W] [P] un logement situé à [Adresse 2].

Par acte d’huissier du 9 mai 2018, elle a fait signi’er à Madame [W] [P] un congé pour reprise prenant effet le 31 décembre 2018.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 mai 2018, Madame [W] [P] a informé Madame [Y] de son départ à effet du 30 juin 2018, date à laquelle elle a effectivement quitté les lieux.

Ayant constaté, en janvier 2019, que le bien était en vente, par acte d’huissier du 19 février 2020, Madame [W] [P] a fait assigner Madame [M] [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bayonne aux ‘ns de l’entendre :

– dire et juger que le congé pour reprise des lieux, délivré le 9 mai 2018, par Madame [M] [Y] est frauduleux,

– condamner Madame [M] [Y] au paiement de la somme de 6605,83 euros en réparation du préjudice ‘nancier,

– condamner Madame [M] [Y] au paiement de la somme de 2000 euros en réparation du préjudice moral,

– condamner Madame [M] [Y] au paiement de la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice résultant d’une perte de chance,

– la condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens outre le coût du procès-verbal de constat.

Par jugement du 15 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bayonne a :

‘ débouté Madame [W] [P] de ses demandes,

‘ débouté Madame [M] [Y] de sa demande reconventionnelle

‘ condamné Madame [W] [P] aux dépens.

Par déclaration du 29 janvier 2021, Madame [W] [P] a relevé appel du jugement.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2022. L’affaire a été fixée au 11 avril 2022 puis renvoyée au 6 octobre 2022.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions de Madame [P] en date du 3 septembre 2021 aux termes desquelles elle demande de :

Réformer le jugement rendu par le Juge des Contentieux de la Protection près le Tribunal Judiciaire de BAYONNE en date du 15 décembre 2021 en ce qu’il a :

« Débouté Madame [W] [P] de ses demandes »,

« Condamné Madame [W] [P] aux dépens. »

Et statuant à nouveau :

Dire et Juger que le congé délivré par Madame [M] [Y] à Madame [W] [P], en date du 9 mai 2018, revêt un caractère frauduleux.

Dire et Juger que Madame [M] [Y] engage sa responsabilité sur

le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code Civil,

En conséquence, la locataire ayant déjà quitté les lieux,

Condamner Madame [M] [Y] à payer à Madame [W] [P] la somme de 6.605,83 € en réparation de son préjudice financier.

Condamner Madame [M] [Y] à payer à Madame [W] [P] la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice moral.

Condamner Madame [M] [Y] à payer à Madame [W] [P] la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice de perte de chance.

Condamner Madame [M] [Y] à payer à Madame [W] [P] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre de la procédure de première instance, et 2.000€ au titre de l’instance d’appel.

La Condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat en date du 25 janvier 2018 (300 €).

En tout état de cause,

Débouter Madame [M] [Y] de sa demande reconventionnelle au titre d’un prétendu abus du droit d’agir de Madame [W] [P].

*

Vu ses conclusions en date du 12 avril 2022, aux termes desquelles elle demande le rabat de l’ordonnance de clôture répliquant aux dernières conclusions de l’intimée notifiées le 7 mars 2022 et reprenant ses précédentes demandes,

***

Vu les conclusions de Madame [Y] en date du 7 mars 2022 aux termes desquelles elle demande de :

Débouter Madame [P] de l’ensemble de ses demandes, ‘ns et prétentions.

Confirmer le jugement du 15 Décembre 2020 en ce qu’il a débouté Madame [W] [P] de l’intégralité de ses demandes, et l’a condamnée aux dépens.

Dire et juger Madame [Y] recevable en son appel incident,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement du 15 décembre 2020 en ce qu’il a débouté Madame [Y] de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner Madame [P] à verser à Madame [Y] la somme de 5000,00 euros de dommages et intérêts à titre de réparation pour procédure abusive,

Condamner Madame [P] à verser à Madame [Y] la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais exposes en première instance.

Condamner Madame [P] à verser à Madame [Y] la somme de 3000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel.

Condamner Madame [P] aux entiers dépens d’appel ;

MOTIVATION :

Sur le rabat de l’ordonnance de clôture :

Madame [P] sollicite le rabat de la clôture, aux motifs que le 7 mars 2022 à 13h59, Madame [Y] a communiqué ses conclusions n°2 ainsi que deux nouvelles pièces numérotées 39 et 40, moins de 48 heures avant la date fixée pour la clôture des débats, le 9 mars 2022. Elle estime qu’elle n’a pas été mise en mesure d’y répondre en temps utile ce qui contrevient manifestement au respect du principe du contradictoire.

Elle indique que Madame [Y] disposait des dernières écritures de la concluante depuis le 3 septembre 2021.

Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. Sont toutefois recevables les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.

Selon l’article 803 du même code , l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

En application de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Ainsi, si des pièces ou des conclusions ont été déposées tardivement, c’est-à-dire peu de temps avant le moment prévu pour l’ordonnance de clôture, le magistrat de la mise en état doit veiller au respect des droits de la défense et éventuellement les écarter des débats si elles appelaient une réponse et que l’intimé n’a pas été en mesure d’y répliquer avant la clôture annoncée.

En l’espèce, Madame [Y] a remis et notifié ses dernières conclusions le 7 mars 2022, deux jours avant l’ordonnance de clôture, accompagnées de deux nouvelles pièces : un compte rendu de résultats d’analyse biologique et un extrait commenté de google map faisant figurer une vue satellite de son nouveau domicile à [Localité 4] et de celui de sa fille et de son gendre.

Ces deux pièces sont de peu d’intérêt en ce qu’elles ne contredisent pas l’argument de Madame [P] qui soutient que Madame [Y] n’a jamais quitté [Localité 4] en dépit de son état de santé, alors que sa maladie et un rapprochement du centre hospitalier étaient les motifs avancés pour justifier la reprise du logement d'[Localité 1].

Quant aux dernières conclusions de l’intimée, elles ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles, les seuls ajouts portés en pages 6-7et 8 de ces écritures, sur 6 lignes outre le visa des deux nouvelles pièces, concernant la charge financière des travaux effectués dans l’appartement litigieux et le relogement de Madame [Y] à [Localité 4].

La cour considère ainsi qu’il n’a pas été porté atteinte au principe du contradictoire et que ces conclusions et pièces ne justifiaient pas une réponse.

La demande de rabat de la clôture est en conséquence rejetée.

Au fond :

Aux termes de l’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 , dans sa rédaction issue de la loi 2014-366 du 24 mars 2014, « lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justi’é soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif réel et sérieux. A peine de nullité, le congé doit indiquer le motif du congé allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise, ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.

Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise ».

Avant l’entrée en vigueur de la loi dite « ALUR » du 24 mars 2014, il a été jugé que le droit de reprise devait être justifié par la décision d’habiter les lieux loués, ce qui exclut une reprise à usage de résidence secondaire, mais qu’en revanche la reprise du logement est un motif péremptoire justifiant le congé, le texte n’imposant pas au bailleur de justifier du besoin de logement du bénéficiaire de la reprise.

Il a également été jugé que le défaut d’occupation des lieux par le bénéficiaire de la reprise peut être justifié par l’existence d’une cause légitime ayant empêché l’occupation prévue.

La loi du 24 mars 2014 a instauré des dispositions destinées à renforcer la lutte contre les congés frauduleux. Outre l’obligation faite au bailleur de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise, elle a également autorisé le juge, en cas de contestation, à vérifier la réalité du motif du congé, consacrant la possibilité d’un contrôle a priori là où antérieurement ce contrôle intervenait a posteriori en cas de motif frauduleux dissimulant la réalité du motif du congé.

Dorénavant, ‘en cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article (15-I). Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes’.

La mauvaise foi du bailleur relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et doit exister à la date où le congé a été délivré.

En l’espèce, le congé a été délivré en respectant le préavis de six mois imposé par l’article 15-I au bailleur. Ce congé visait expressément la reprise du logement par le bailleur pour y habiter personnellement, la réalité et le sérieux du motif de reprise énoncé étant l’état de santé de Madame [Y], justifié par un certificat médical du Docteur [C] [K] joint au congé.

Par la suite, Madame [P] a elle-même anticipé cette reprise en donnant congé pour le 30 juin 2018, au terme d’un préavis d’un mois, le logement étant situé en zone tendue.

Madame [P] soutient que le motif du congé délivré par la bailleresse était frauduleux car, après la reprise du logement, Madame [Y] ne l’aurait jamais habité, faisant réaliser des travaux jusqu’à sa mise en vente au mois de janvier 2019.

Elle considère en effet que Madame [Y] a entendu récupérer l’appartement d'[Localité 1] pour le vendre dans son intérêt et celui de sa fille, nue propriétaire, après avoir fait procéder à sa rénovation complète.

Elle en veut pour preuve l’attestation de Madame [E]  qui indique « suite à la demande de Madame [P], je confirme que Madame [Y] a effectué des allers-retours à son appartement sans habiter.

De mémoire , mon compagnon et moi même avons souvenir que cet appartement était inhabité et qu’il a été par la suite en travaux plusieurs mois avant d’être vendu ».

Cependant, cette attestation est à prendre avec les plus extrêmes réserves, le témoin ne pouvant attester que des faits auxquels il a assisté personnellement ou qu’il a constatés et non de ceux constatés par «  son compagnon » . En outre, les termes des faits relatés sont trop imprécis à la fois d’un point de vue factuel et chronologique pour rendre compte d’une situation incompatible avec l’occupation du logement récupéré par Madame [Y], après le 30 juin 2018.

A l’inverse, Madame [Y] soutient qu’elle a occupé le logement jusqu’aux travaux de rénovation qu’elle y a fait réaliser en vue d’une occupation pérenne, qu’elle l’a assuré à son nom, à compter du 2 juillet 2018, en tant qu’ habitation principale et y a domicilié son foyer fiscal, ce qui n’est pas en soi la preuve d’une habitation effective.

Elle justifie également d’ abonnements auprès des sociétés EDF et SUEZ, à son nom, d’une consommation de gaz, d’électricité et d’eau à l’adresse du logement repris, cette consommation n’étant pas non plus la preuve de son emménagement dans l’appartement. En effet, comme elle le démontre par les photographies qu’elle verse aux débats, ce logement a donné lieu à une importante rénovation qui a nécessité la présence d’un ou plusieurs intervenants sur le chantier pendant plusieurs mois, l’appartement, dépourvu de mobilier, étant alors inhabitable, compte tenu de l’ampleur des travaux entrepris.

A cet égard, il ressort de la facture EDF produite que la consommation d’électricité a brutalement baissé sur la période d’août à octobre 2018, puis a été nulle d’octobre à décembre 2018, ce qui indique que le logement était inoccupé sur cette période, les travaux étant achevés ou suspendus. Madame [Y] reconnaît d’ailleurs qu’elle n’a pas occupé le logement rendu inhabitable pendant les travaux, demeurant chez sa fille.

Dès le mois de janvier 2019, le logement était en vente.

Madame [Y] soutient que le motif de la reprise était bien réel et sérieux, car en raison de la dégradation de son état des santé, nécessitant un suivi régulier par un spécialiste de l’hôpital de [Localité 5] pour une pathologie chronique, elle avait décidé de se rapprocher du centre hospitalier de la côte basque en habitant à [Localité 1].

Elle explique sa décision de mettre finalement en vente l’appartement par un état de santé préoccupant et une situation financière qui ne cessait de se dégrader, la contraignant à vendre l’appartement pour solder l’intégralité des crédits et éviter un surendettement.

Elle fait valoir en effet que le coût des travaux l’a contrainte à négocier à la baisse les mensualités de crédits préexistants, malgré la prise en charge de certaines factures par sa fille et son gendre, à titre d’ avance ; que bien que sa fille était nue propriétaire du bien, les travaux sont restés à la charge de la concluante et qu’en fin d’année 2018, malgré la négociation à la baisse du crédit immobilier et d’un crédit à la consommation, elle s’est retrouvée en grandes difficultés financières.

A ce sujet, elle ajoute que bénéficiaire d’une pension de retraite d’un montant de 1590,86 euros par mois, elle devait assumer seule le crédit immobilier en cours sur l’appartement, un crédit à la consommation et un crédit social souscrits pour le règlement de la quote part des travaux votés en assemblée générale de copropriété, ainsi que d’autres crédits à la consommation ( 4200 euros en mai 2018, 3000 euros en janvier 2019) souscrits pour faire face aux charges, de sorte qu’elle ne bénéficiait que d’un disponible de 200,00 euros par mois pour faire face à ses dépenses courantes.

Pour financer les travaux de rénovation du logement, elle indique avoir souscrit un prêt à la consommation de 4000,00 euros, le 3 avril 2018, impliquant une mensualité de remboursement de 71,26 euros, puis un second crédit de 3000,00 euros, le 17 décembre 2018, impliquant une mensualité de remboursement de 49,31 euros.

La vente de l’appartement a permis, selon les pièces versées aux débats par l’intimée, de solder trois crédits à la consommation et le prêt immobilier.

Sur ce, il ressort des pièces examinées que la renégociation des crédits préexistants est intervenue en juin et juillet 2018, permettant de ramener de 298,57 à 213,47 euros la mensualité du prêt personnel et de 365,33 à 280,07 la mensualité de remboursement du prêt immobilier, alors que les deux nouveaux crédits à la consommation supportés par Madame [Y], selon elle destinés au financement de sa part des travaux, impliquaient des mensualités de remboursement inférieures aux réductions obtenues.

Elle ne justifie pas non plus de charges imprévues, non anticipées avant la délivrance du congé, qu’elle aurait découvertes après la reprise du bien, la conduisant à renoncer à habiter le logement en raison du déséquilibre de sa situation financière.

Quant au conséquences du coût final des travaux sur son endettement, force est de constater que Madame [Y] ne justifie pas des dépenses de travaux qu’elle a personnellement assumées, les factures produites étant au nom de sa fille.

La situation financière de Madame [Y] ne s’est donc pas dégradée en raison du coût des travaux réalisés dans l’appartement, comme le relève justement l’appelante, mais bien en raison de la perte du revenu locatif, consécutive à la reprise du logement, ce qu’elle ne pouvait ignorer avant la délivrance du congé, cette perte de revenu étant la conséquence nécessaire de l’exercice du droit de reprise.

S’agissant de l’argument tiré de la dégradation de l’état de santé de Madame [Y] qui l’aurait conduite à renoncer à occuper le logement repris, pour le mettre en vente, cet argument est en contradiction avec le motif du congé, donné pour raisons de santé, l’intimée expliquant avoir décidé de se rapprocher du centre hospitalier de la côte basque. Or, force est de constater que Madame [Y] habite toujours [Localité 4], localité où était établi son domicile avant l’exercice du droit de reprise.

Après examen des pièces soumises à son appréciation et des moyens et arguments des parties, la cour considère que le congé délivré pour reprise était dépourvu de caractère réel et sérieux et dissimulait en vérité la volonté de la bailleresse de mettre un terme au bail pour vendre le bien loué, après rénovation. Il s’ensuit que Madame [P] aurait dû recevoir un congé pour vendre lui indiquant le prix demandé et les conditions de la vente, valant offre de vente au locataire et lui permettant d’exercer son droit de se porter acquéreur du bien, conformément aux dispositions de l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, ce qui n’a pas été le cas.

Cette fraude, qui engage la responsabilité civile de Madame [Y], est à l’origine d’un préjudice directe pour Madame [P] qui a été privée de la chance de se porter acquéreur de l’appartement qu’elle louait régulièrement. Cette chance n’est nullement théorique. En effet, Madame [P] justifie d’avoirs d’épargne, de plus de 200 000,00 euros, qui lui auraient permis d’acquérir le bien en question, d’autant qu’avant réalisation des travaux entrepris, l’appartement aurait été mis en vente à un prix moindre que celui de 248 000,00 euros mentionné dans l’annonce parue au mois de janvier 2019.

Il convient de préciser que le bien rénové a été vendu 245000,00 euros.

Ce préjudice sera exactement réparé par l’attribution d’une indemnité de 4000,00 euros.

Madame [P] a également subi un préjudice moral distinct, inhérent à la dissimulation du motif du congé, qui doit être indemnisé à hauteur de la somme de 1500,00 euros.

En revanche, s’agissant du préjudice financier allégué, d’un montant de 6605 ,83 euros, constitué de frais de déménagement, de factures de petits travaux et d’achat de fournitures et mobiliers, ainsi que de frais de transport et d’aide à domicile conséquences de la dégradation de l’état de santé de Madame [P] à partir du mois de mai 2018, la cour considère que ce préjudice est sans lien de causalité directe avec la faute de Madame [Y].

En effet, la dissimulation du véritable motif du congé a entraîné pour Madame [P] une perte de chance d’ acquérir le logement, la réalisation de cette chance demeurant toutefois incertaine, de sorte que Madame [P] n’établit pas que sans cette dissimulation elle serait restée occupante des lieux et n’aurait pas exposé des frais de déménagement.

Quant aux frais liés à sa perte d’autonomie, rien n’établit que le congé frauduleux est à l’origine de la dégradation de son état de santé.

Madame [P] est ainsi déboutée du surplus de ses demandes.

Compte tenu de l’infirmation du jugement sur l’appel principal, Madame [Y] est déboutée de son appel incident.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de l’issue du litige, Madame [Y] supportera les dépens de première instance et d’appel.

Au regard des circonstances de la cause et de la position des parties, l’équité justifie de condamner Madame [Y] à payer à Madame [P] une somme de 2500,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Madame [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Juge que le congé pour reprise donné par Madame [M] [Y] à Madame [W] [P], en date du 9 mai 2018, dépourvu de caractère réel et sérieux, a été délivré en fraude des droits de la locataire,

Condamne Madame [M] [Y] à payer à Madame [W] [P] une somme de 4000,00 euros en réparation de la perte de chance de se porter acquéreur du logement loué et 1500,00 euros en réparation de son préjudice moral,

Déboute Madame [W] [P] du surplus de ses demandes contraires ou plus amples,

déboute Madame [M] [Y] de son appel incident,

Condamne Madame [M] [Y] aux dépens de première instance et d’appel,

La condamne à payer à Madame [W] [P] une somme de 2500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure .

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente

 


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