Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/00580

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Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/00580
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1 décembre 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/00580

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 01 DECEMBRE 2022

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/00580 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OP4H

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 NOVEMBRE 2019

TRIBUNAL D’INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 1118001223

APPELANTE :

Société CREATIS

société immatriculée au RCS de Lille sous le numéro 419 446 034 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [L], [T] [B]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Marion DEJEAN PELIGRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [K], [P] [W] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Marion DEJEAN PELIGRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 19 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

M. Frédéric DENJEAN, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Jérôme ALLEGRE

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par M. Jérôme ALLEGRE, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [L] [B] et son épouse [K] [W] (les emprunteurs) ont accepté le 02 décembre 2011 le prêt personnel de regroupements de crédit de la SA Creatis (le prêteur) d’un montant de 65300€ remboursable en 144 mensualités de 886,93€ au taux de 8,09% par voie de cession de salaires.

La commission de surendettement des particuliers de [Localité 9]-[Localité 7] les a déclaré recevables le 28 novembre 2014 et par décision du 17 juillet 2015 a imposé des mesures de rééchelonnement sur une durée de 96 mois.

Les emprunteurs ont contesté ces mesures et par jugement du 01 février 2016, le tribunal d’instance les a confirmées.

Les emprunteurs n’ayant pas honoré ces échéances ont été mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 octobre 2017 de régulariser l’impayé de 2650€ dans le délai de trente jours. La déchéance du terme a été notifiée par lettre recommandée du 13 février 2018.

Par acte d’huissier du 07 juin 2018, le prêteur a fait citer les emprunteurs devant le tribunal d’instance de Montpellier aux fins de les entendre condamnés solidairement au paiement de la somme de 52940,87€ avec intérêts.

Par jugement du 28 novembre 2019, cette juridiction a :

– déclaré irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité de l’établissement prêteur introduite par conclusions du 18 avril 2019

condamné solidairement les emprunteurs à payer au prêteur la somme de 23058,92€

– débouté les parties de leurs autres demandes

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire du jugement

– condamné les emprunteurs aux dépens.

Vu la déclaration d’appel du 30 janvier 2020 par la société Creatis.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles, au visa des articles 1134 (ancien), 1344 et 1344-1, 1371 et suivants et 1902 et suivants, 2224 du Code civil, en leur version en vigueur applicable au contrat de crédit de l’espèce, les articles L.311-1 et suivants du Code de la Consommation et notamment les articles L.141-4, L.311-4, L.311-9, L.311-13, L.311-48, L.312-16, vu l’article L.110 -4 du code de commerce, les articles 4, 9, 12, 71 et 455 du code de procédure civile, l’arrêté du 26/10/2010, la SA Creatis demande de :

– annuler pour violation du principe dispositif, en tout cas réformer le jugement et

– statuant à nouveau, de juger prescrite l’action en responsabilité contractuelle formée à titre reconventionnel par les intimés, de juger infondée la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur prononcée sur relevé d’office du prétendu défaut de consultation du FICP et, à la considérer formulée sur appel incident la dire prescrite et irrecevable comme non formulée avant le 02/12/2016 et infondée ;

– de condamner les emprunteurs à lui payer la somme de 52940,97€ avec intérêts au taux de 8,09% l’an depuis le 13 février 2018 hors l’indemnité légale de 8% qui portera intérêts au taux légal à compter de cette date, ainsi que celle de 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et de 2000€ au titre de l’article 700 en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP d’avocats et application des dispositions des articles 1231-6, 1343-1 et 1343-2 du code civil.

Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 07 juillet 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur leurs moyens, au terme desquelles les époux [B], au visa des articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants, 2224 du code civil, demandent :

– à titre principal et par appel incident de réformer le jugement et juger non prescrite l’action en responsabilité contractuelle, condamner en conséquence la société Creatis à leur payer la somme de 65000€ à titre de dommages et intérêts

– à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation à la somme de 23058,92€ et rejeté la demande de paiement de l’indemnité contractuelle

– en tout état de cause, condamner la société Creatis à leur payer la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 19 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action en responsabilité

Les emprunteurs ont formé en première instance, par conclusions du 18 avril 2019 une action en responsabilité contractuelle en reprochant au prêteur un manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde en les laissant souscrire un contrat dont il était évident au regard de leur situation connue qu’ils ne pourraient l’assumer.

La banque a répliqué à l’irrecevabilité de cette demande pour cause de prescription en situant le point de départ de cette action au jour du contrat.

Le premier juge a considéré prescrite la demande des emprunteurs en fixant le point de départ de la prescription au 02 décembre 2011, date de souscription du crédit. Les époux [B] critiquent cette décision en maintenant avoir eu connaissance du dommage le 17 juillet 2015, date d’élaboration des mesures imposées par la commission de surendettement.

Selon l’article 2224 du code civil, “Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”

Il est de jurisprudence établie que la prescription de l’action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’il en n’avait préalablement pas eu connaissance.

Les époux [B] font état de la révélation du dommage au plus tôt lors de l’impossibilité d’honorer les échéances une fois leurs retraites prises, soit au jour de la décision de la commission qui a fixé un montant de remboursement mensuel qu’ils n’ont pu respecter.

Ce raisonnement ne peut être suivi par la cour : dès la souscription du contrat le 02 décembre 2011, les époux [B] savaient que leurs ressources allaient diminuer lors de leur départ à la retraite qui interviendrait avant le terme de la période d’amortissement de 144 mois.

Agés respectivement de 61 et de 58 ans, M. [L] [B] bénéficiant déjà d’une pension de retraite partielle, fonctionnaires territoriaux bénéficiant d’un logement de fonction, ils savaient qu’ils prendraient leurs retraites avant le terme de la période d’amortissement au 31 décembre 2023, que leurs revenus allaient diminuer de manière importante et qu’ils devraient faire face à une charge de loyers et seraient par conséquent dans l’impossibilité d’honorer les charges de l’emprunt souscrit auprès de la SA Creatis.

Le dommage à venir leur était révélé dès la conclusion du crédit et le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré prescrite leur action indemnitaire pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde après avoir constaté que l’action avait été engagée par conclusions du18 avril 2019, au delà du terme du 02 décembre 2016.

Sur la demande d’annulation du jugement ou à tout le moins sa réformation pour violation du principe dispositif et prescription opposable au juge

Le prêteur s’arc-boute sur des jurisprudences obsolètes qui doivent céder le pas au pouvoir du juge de soulever et de retenir d’office des moyens de pur droit, d’ordre public, tirés du droit de la consommation, tant par application de la jurisprudence européenne que des textes nationaux nés de transpositions de textes européens, excluant tout excès de pouvoir du juge.

Les époux [B] demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la déchéance du droit aux intérêts pour défaut de justification de la consultation du FICP. Ils opposent ainsi en appel un moyen de défense au fond qui ne tend à obtenir aucun autre avantage qu’un rejet au moins partiel des prétentions adverses de telle sorte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu’oppose Creatis tant au moyen soulevé par le juge que par les époux [B] n’est pas applicable à l’espèce.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Pour prononcer cette déchéance du droit aux intérêts contractuels, le premier juge a retenu que le justificatif de consultation produit aux débats était insuffisant à prouver la consultation effective avant la conclusion du contrat.

La cour ne suivra pas cette motivation, contraire d’une part aux termes de l’article L.311-9 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable et à l’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010.

Le premier de ces textes impose une consultation de ce fichier avant la conclusion du contrat. Celle-ci n’est réalisée qu’à la formation du contrat, c’est à dire, sous réserve de l’exercice du droit de rétractation par l’emprunteur, qu’au jour où le prêteur accepte de donner son agrément au prêt, acceptation par la mise à disposition des fonds. Les fonds ont en l’espèce été mis à disposition le 19 décembre 2011.

Le second de ces textes définit les modalités de consultation du FICP au moyen de clés Banque de France composées de chiffres et de lettres correspondant à la date de naissance et aux cinq premières lettres du nom des emprunteurs. L’exigence est pour le prêteur de conserver la preuve de cette consultation sur un support durable.

Les documents produits en pièce 1-5 par le prêteur répondent à ces prescriptions sous la forme de capture d’écrans qui démontrent parfaitement les consultations du fichier opérées le 14 et 19 décembre 2011, dans les termes requis.

Il n’y a donc pas lieu à prononcer de déchéance du droit aux intérêts, le prêteur rapportant la preuve dont il est débiteur.

Sur la créance du prêteur

Au vu du contrat de prêt du 02 décembre 2011 et de ses annexes, du tableau d’amortissement, des mises en demeure préalables à la déchéance du terme, des notifications de celle-ci, du décompte de créance arrêté au 26 mars 2018, les époux [B], par application des dispositions de l’article L.311-24 du code de la consommation, restent redevables des sommes suivantes :

– capital restant dû au 13 février 2018 : 44059,32€

– échéances échues impayées : 4550€

soit 48609,32€ qui portera intérêts au taux contractuel de 8,09% à compter du 13 février 2018.

Compte tenu de la situation respective des parties révélatrice d’une grande disparité économique, de l’importance du taux contractuel applicable qui assure au prêteur une rémunération élevée, la cour fera application des dispositions de l’article 1152 ancien du code civil en réduisant d’office l’indemnité conventionnelle de 8% à la somme de 100€, laquelle portera intérêts à compter du 13 février 2018.

La demande de capitalisation des intérêts fondée sur un texte général se heurte aux dispositions spéciales de l’article L.311-23 du code de la consommation et sera rejetée.

Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, les époux [B] supporteront les dépens de première instance et d’appel avec application pour ceux d’appel des disposition de l’article 699 du même code.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en responsabilité engagée par les époux [B] contre la SA Creatis

l’infirme sur le surplus

statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [L] [B] et Mme [K] [W] épouse [B] à payer à la SA Creatis la somme de 48609,32€ avec intérêts au taux contractuel de 8,09% à compter du 13 février 2018 et celle de 100€ avec intérêts au taux légal à compter de la même date

Déboute les parties de toutes demandes plus amples

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum M. [L] [B] et Mme [K] [W] épouse [B] aux dépens de première instance et d’appel, avec application pour ceux d’appel des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat qui affirme son droit de recouvrement.

Le greffier Le président de chambre

 


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