Prêt entre particuliers : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16178

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Prêt entre particuliers : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16178

8 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/16178

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16178 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCT4Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 septembre 2020 – Tribunal de proximité de SUCY-EN-BRIE – RG n° 11-19-001172

APPELANTE

La BRED BANQUE POPULAIRE, société anonyme coopérative de Banque Populaire agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 552 091 795 00492

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Georges MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1143

INTIMÉE

Madame [I] [J]

née le [Date naissance 3] 1988 à [Localité 6] (94)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sonia ELGHOZI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 244

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/046317 du 15/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

substituée à l’audience par Me Pauline BRANDY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC244

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé en date du 17 mai 2013, Mme [I] [J] a contracté auprès de la société BRED Banque Populaire (la société BRED) un prêt personnel étudiant grandes écoles d’un montant de 20 000 euros, remboursable en 72 mensualités de 334,93 euros à compter du 5 janvier 2015 moyennant un taux débiteur annuel fixe de 3,90 %.

À la demande de Mme [J], un avenant a été accepté le 27 janvier 2015 avec une augmentation de la durée de remboursement à 90 mois à compter du 5 février 2015, moyennant des échéances d’un montant de 272,88 euros, au taux de 3,90 %. Le début du remboursement a été ultérieurement fixé au 1er juin 2015.

Par acte sous seing privé du 17 février 2014, Mme [J] a contracté auprès de la société BRED un crédit en ligne d’un montant de 3 600 euros, remboursable en 40 mensualités de 103,59 euros à compter du 5 mai 2014 moyennant un taux débiteur annuel fixe de 6,20 %.

À la demande de Mme [J], un avenant a été accepté le 27 janvier 2015 avec une augmentation de la durée de remboursement à 40 mois à compter du 5 février 2015, moyennant des échéances d’un montant de 79,30 euros, au taux de 6,20 %. Le début du remboursement a été ultérieurement fixé au 1er juillet 2015, l’échéance de juin 2015 étant fixée à 90,70 euros.

Saisi le 9 février 2018 par la société BRED d’une demande tendant principalement à la condamnation de l’emprunteuse au paiement des sommes de 20 564,40 euros et 2 274,01 euros, le tribunal de proximité de Sucy-en-Brie, par un jugement contradictoire rendu le 3 septembre 2020 auquel il convient de se reporter, a déclaré irrecevable l’action en paiement en raison de la forclusion et a condamné la société BRED à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros en vertu des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en application combinée avec l’article 700 du code de procédure civile.

Visant l’article R. 632-1 du code de la consommation, le premier juge a constaté s’agissant des deux prêts litigieux que le premier incident de paiement non régularisé était survenu le 1er janvier 2016, alors que le compte bancaire présentait un solde débiteur de sorte que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de deux ans prévu par l’article R. 312-35 du code de la consommation. Il a estimé que les extournements effectués par la banque apparaissaient comme un man’uvre comptable pour réduire artificiellement le solde débiteur du compte en dessous du découvert autorisé.

Par une déclaration en date du 9 novembre 2020, la société BRED a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 15 septembre 2022, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– de condamner Mme [J] à lui payer la somme en principal de 20 564,40 euros au titre du premier contrat de prêt conclu le 17 mai 2013, avec intérêts au taux contractuel de 3,90 % l’an à compter du 24 octobre 2016,

– de condamner Mme [J] à lui payer la somme en principal de 2 274,01 euros au titre du second contrat de prêt conclu le 17 février 2014, avec intérêts au taux contractuel de 6,20 % l’an à compter du 24 octobre 2016,

– de dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, emportant capitalisation des intérêts jusqu’à complet paiement,

– de condamner Mme [J] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’appelante soutient que sa demande est recevable, que la forclusion n’est pas encourue et que le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé au 1er mars 2016. Elle verse à cette fin un historique de compte. Elle produit un tableau d’amortissement permettant d’établir le montant du capital restant dû, conteste tout manquement à ses obligations précontractuelles, conteste encourir la déchéance du droit aux intérêts contractuels et demande le paiement de l’indemnité d’exigibilité anticipée de 8 %.

Par des conclusions remises le 11 mars 2021, Mme [J] demande à la cour :

– de débouter la société BRED de l’ensemble de ses demandes,

– de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– subsidiairement si la cour déclarait recevables les demandes de la banque, de débouter la BRED de ses demandes formées au titre de la pénalité de 8 % et des intérêts,

– de lui octroyer les plus larges délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil,

– de débouter la société BRED de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée soutient que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu en janvier 2016. Elle explique que les pénalités de retard débitées de son compte les 24 et 25 février 2016 sont une man’uvre comptable de la banque et ajoute n’y avoir jamais consenti.

Subsidiairement elle fait état de sa bonne foi, signale avoir informé la banque de ses difficultés financières et lui avoir demandé une baisse du montant de ses échéances. Visant l’article 1345-5 du code civil, elle indique ne percevoir que de modestes revenus et sollicité l’octroi de délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 26 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au vu des dates de signatures des contrats litigieux, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Sur la recevabilité de la demande en paiement

Pour dire que la société BRED était forclose en son action, le premier juge a fixé le premier incident de paiement non régularisé au mois de janvier 2016.

En application de l’article L. 311-52 devenu R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.

Les deux historiques de compte et les relevés bancaires de Mme [J] font apparaître qu’elle a acquitté la somme totale de 2 543,23,24 euros au titre du prêt étudiant, soit l’équivalent de neuf mensualités pleines de sorte que le premier incident de paiement non régularisé correspond à l’échéance du 1er mars 2016.

Concernant le prêt en ligne de 3 600 euros, elle a versé une somme totale de 756,93 euros, soit l’équivalent de neuf mensualités pleines de sorte que le premier incident de paiement non régularisé correspond à l’échéance du 1er mars 2016.

Il ressort des pièces produites que Mme [J] bénéficiait d’une autorisation de découvert d’un montant de 1 000 euros, qu’elle a elle-même reconnu que le solde débiteur de 1 244,41 euros correspondait à des frais bancaires farfelus et qu’elle avait laissé au 31 décembre 2015 son compte à zéro sans l’utiliser puisqu’elle avait ensuite changé de banque.

S’il est exact que le compte de Mme [J] a été débité par de nombreux frais bancaires, rien n’interdit à une banque de recréditer ces frais en faveur et dans l’intérêt du client. Ainsi ces mouvements de compte ne sauraient être qualifiés de man’uvres comptables comme le retient sans fondement le premier juge, d’autant qu’à la date de ces opérations de suppression de certains frais bancaires, il n’était pas question d’envisager une forclusion.

En faisant assigner Mme [J] par acte d’huissier délivré le 9 février 2018, la société BRED a agi dans un délai utile. Son action est recevable.

Le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d’établir qu’il a satisfait aux formalités d’ordre public prescrites par le code de la consommation.

Aux termes de l’article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation et en application de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.

En application de l’article L. 311-6 devenu L. 312-12 du code de la consommation, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement (‘). Cette fiche d’informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l’article L. 311-5.

En application de l’article L. 311-9 devenu L. 312-16 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur (…) consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4. Il doit en outre conserver la preuve de la consultation sur un support durable, en vue de pouvoir justifier de cette consultation.

Selon l’article L. 311-19 devenu L. 312-29 du même code, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice doit être remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l’assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d’informations mentionnée à l’article L. 311-6 et l’offre de contrat de crédit rappellent que l’emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l’assureur de son choix. Si l’assurance est facultative, l’offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l’emprunteur peut ne pas y adhérer.

À l’appui de son action et après avoir été invitée par la cour à produire les FIPEN, les notices d’assurance et les justificatifs de consultation du FICP, la société BRED produit aux débats :

– concernant le prêt étudiant du 17 mai 2013, la copie de l’offre de crédit initiale accompagnée du bordereau de rétractation, l’avenant de réaménagement, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche d’expression des besoins en assurance et la fiche de renseignements qui mentionne les ressources et charges de l’emprunteur ;

– concernant le prêt en ligne du 17 février 2014, l’exemplaire prêteur de l’offre de crédit initiale, l’avenant de réaménagement, la fiche d’expression des besoins en assurance, la fiche de renseignements qui mentionne les ressources et charges de l’emprunteur, les justificatifs de revenus et le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers le 24 février 2014.

Il apparaît que la société BRED ne justifie pas d’une consultation du FICP pour le premier prêt et ne produit pas la fiche d’informations précontractuelles concernant le deuxième prêt.

En outre, la société BRED n’est pas en mesure de communiquer copie des deux notices d’assurance. La clause type figurant aux contrats selon laquelle l’emprunteuse reconnaît avoir pris connaissance et être en possession de la notice d’assurance est insuffisante, en l’absence d’élément complémentaire, à prouver le respect par le prêteur de ses obligations.

Ce non-respect des obligations légales par le prêteur lui fait encourir une déchéance du droit aux intérêts, en application de l’article L. 311-48 devenu L. 341-1 et suivants du code de la consommation.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

L’appelante produit également à l’appui de sa demande les tableaux d’amortissement, les historiques de prêt et les décomptes de créance.

L’appelante justifie de l’envoi à Mme [J] de nombreuses mises en demeure de régler les échéances impayées en date des 17 et 29 mars, 8 avril, 11 mai, 20 juin et 8 août 2016 à défaut, la déchéance du terme du contrat sera acquise. Un courrier recommandé du 24 octobre 2016 porte à la connaissance de l’emprunteuse la déchéance du terme des contrats et l’exigibilité des soldes des contrats de crédit.

C’est donc de manière légitime que la société BRED se prévaut de l’exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l’article L. 311-48 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La créance de la société BRED au titre du prêt étudiant s’établit donc comme suit :

– capital emprunté : 20 000 euros

– sous déduction des versements effectués : 2 543,24 euros

soit une somme due de 17 456,76 euros.

Concernant le crédit en ligne :

– capital emprunté : 3 600 euros

– sous déduction des versements effectués : 756,93 euros

soit une somme due de 2 843,07 euros.

Mme [J] reste donc redevable des sommes de 17 456,76 euros et de 2 843,07 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2016.

Eu égard à la déchéance du droit aux intérêts, il n’y a pas lieu à indemnité de résiliation.

L’article L. 311-23 du code de la consommation applicable en la cause, dispose qu’aucun coût autre que ceux prévus aux articles L. 311-24 et L. 311-25 du même code, et à l’exception des frais taxables, ne peut être mise à la charge de l’emprunteur.

Il s’ensuit que la demande de capitalisation des intérêts est rejetée.

Sur les délais de paiement

En l’absence de tout justificatif concernant la situation actuelle de la débitrice, au regard de l’ancienneté de la dette et de l’obtention de larges délais de fait, la demande de délais de paiement est rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

Déclare la société BRED Banque Populaire recevable en ses demandes en paiement ;

Dit que la société BRED Banque Populaire est déchue de son droit aux intérêts ;

Condamne Mme [I] [J] à payer à la société BRED Banque Populaire la somme de 17 456,76 euros au titre du prêt étudiant et la somme de 2 843,07 euros au titre du crédit en ligne, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2016 ;

Rejette toute autre demande des parties ;

Condamne Mme [I] [J] aux dépens de première instance et de l’appel, ces derniers pouvant être recouvrés par Me Georges Meyer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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