Prêt entre particuliers : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00904

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Prêt entre particuliers : 8 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00904
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8 décembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00904

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 08/12/2022

****

N° de MINUTE : 22/1031

N° RG 21/00904 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TODK

Jugement (N° 11-20-486) rendu le 03 décembre 2020 par le juge des contentieux de la protection de Valenciennes

APPELANTE

Madame [Y] [V] veuve [R]

née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 6] ([Localité 6]) – de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric Covin, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉE

S.a. Bnp Paribas Personal Finance agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 14 septembre 2022 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 décembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 septembre 2022

****

– FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Selon offre préalable acceptée en date du 7 janvier 2016, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a consenti à Mme [Y] [V] épouse [R] un prêt personnel destiné au regroupement de crédits d’un montant de 27.000 euros remboursable en 60 mensualités de 536,67 euros hors assurance au taux d’intérêts débineur fixe de 7,16 % l’an et d’un taux annuel effectif global de 7,40 %.

Par décision en date du 26 juillet 2017, la Commission de surendettement des particuliers du Nord-Valenciennes a déclaré le dossier de Mme [Y] [V] épouse [R] irrecevable.

Par courrier recommandé avec avis de réception signé le 16 août 2017, le prêteur a mis en demeure Mme [Y] [V] épouse [R] de régler la somme de 2.444,04 euros correspondant aux échéances échues et impayées dans le délai de 10 jours.

A raison de l’absence de règlement dans le délai imparti, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE s’est prévalu de la déchéance du terme par courrier recommandé avec avis de réception signé le 26 septembre 2017.

Par acte d’huissier en date du 5 décembre 2017, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait assigner en justice Mme [Y] [V] épouse [R] afin d’obtenir notamment le remboursement du solde du prêt.

Par jugement en date du 3 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes, a:

– déclaré la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE recevables en ses demandes,

– condamné Mme [Y] [V] épouse [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les sommes suivantes:

‘ 24.084,80 euros au titre du solde du prêt de rachat assortie des intérêts au taux conventionnel de 7,16 % sur la somme de 19.047,12 euros représentant le capital restant dû et au taux légal pour le surplus et ce à compter du 26 septembre 2017 date de réception de la lettre de déchéance du terme avec mise en demeure,

‘ 400 euros au titre de l’indemnité légale assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

– débouté Mme [Y] [V] épouse [R] de ses demandes de déchéance du droit aux intérêts et de dommages et intérêts au titre du devoir de mise en garde,

– rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Y] [V] épouse [R] aux dépens de l’instance.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 9 février 2021, Mme [Y] [V] épouse [R] a interjeté appel de cette décision en visant expressément dans l’acte d’appel tous les points tranchés dans le dispositif du jugement querellé.

Vu les dernières conclusions de Mme [Y] [R] en date du 23 avril 2021, et tendant à voir:

– réformer le jugement querellé en ce qu’il a:

‘ déclaré la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE recevables en ses demandes,

‘ condamné justice Mme [Y] [V] épouse [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les sommes suivantes:

‘ 24.084,80 euros au titre du solde du prêt de rachat assortie des intérêts au taux conventionnel de 7,16 % sur la somme de 19.047,12 euros représentant le capital restant dû et au taux légal pour le surplus et ce à compter du 26 septembre 2017 date de réception de la lettre de déchéance du terme avec mise en demeure,

‘ 400 euros au titre de l’indemnité légale assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

‘ débouté Mme [Y] [V] épouse [R] de ses demandes de déchéance du droit aux intérêts et de dommages et intérêts au titre du devoir de mise en garde,

‘ rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné Mme [Y] [V] épouse [R] aux dépens de l’instance,

Et par voie de dispositions nouvelles:

– dire fondée la demande reconventionnelle de Mme [Y] [R] tendant à voir sanctionner la faute de la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

– En conséquence, condamner la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à régler à Mme [Y] [R] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L 311-9 du code de la consommation,

– En conséquence, ordonner la compensation entrer ladite somme et celles des sommes qui resteraient éventuellement dues par Mme [Y] [R] à la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre des obligations alléguées par la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

– déclaré la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE déchue de son droit aux intérêts concernant le prêt litigieux,

– réduire le montant de la clause pénale à l’euro symbolique,

– débouter la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la banque BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à régler à Mme [Y] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en date du 19 juillet 2021, et tendant à voir:

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé,

– constater la carence probatoire de Mme [Y] [R] née [V],

– débouter Mme [Y] [R] née [V] de toutes ses demandes formulées à l’encontre de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE,

– condamner Mme [Y] [R] née [V] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [Y] [R] née [V] aux entiers dépens en ce compris ceux d’appel.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures respectives.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2022.

– MOTIFS DE LA COUR:

– SUR LES MANQUEMENTS PRÉTENDUS DE LA BANQUE A SES OBLIGATIONS:

– Sur l’exigence pour la banque de produire sur le plan probatoire les justificatifs visant à établir la réalité de sa créance et tout particulièrement de l’original du contrat:

Conformément aux dispositions de l’ancien article 1315 du code civil, s’agissant du prêt personnel litigieux de regroupement de crédits, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sur le terrain de la preuve pour établir la l’existence de la convention en cause, produit aux débats les pièces suivantes:

‘ l’offre de prêt personnel acceptée et non rétractée souscrite le 7 janvier 2016 par Mme [Y] [R] (pièce n°1 de la banque intimée),

‘ le tableau d’amortissement du prêt (pièce n°3 de la banque intimée),

‘ l’historique des opérations réalisées afférentes au prêt (pièce n°4 de la banque intimée),

‘ la lettre de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme du 11 août 2017 (pièce n°5 de la banque intimée),

‘ la lettre de mise en demeure constatant la déchéance du terme envoyée le 21 septembre 2017 à Mme [Y] [R] (pièce n°6 de la banque intimée),

‘ le décompte précis des sommes dues(pièce n°2 de la banque intimée).

Il convient par ailleurs de souligner, comme l’a indiqué à juste titre le premier juge, qu’aucune disposition légale n’exige la production de l’original s’agissant de l’instumentum en cause tant que la conformité de la copie à l’original n’est pas contestée. Il était donc parfaitement loisible à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de produire en la copie du contrat de crédit litigieux.

Ainsi au regard des considérations qui précédent, l’objectivité commande de constater que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE satisfait parfaitement à la charge de la preuve qui lui incombe d’établir la réalité du contrat de prêt litigieux dont elle réclame le remboursement du solde.

Sur la responsabilité de la banque au regard du manquement allégué du banquier à son devoir d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur:

L’ancien article L 311-9 du code de la consommation dans sa version modifiée par la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 applicable au présent litige au regard de la date de conclusion du contrat de crédit litigieux, dispose en substance:

‘Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.’

Mme [Y] [R] fait valoir que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE se serait affranchie de cette obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur qui avait par ailleurs souscrit d’autres prêts de telle manière que cet organisme bancaire aurait dû mettre en garde l’emprunteuse sur les risques d’endettement excessif auxquels elle s’exposait.

Or, il résulte d’une jurisprudence bien établie que lorsqu’un prêt est adapté aux capacités financières de l’emprunteur, la banque n’est tenue à aucune obligation de mise en garde même si l’emprunteur n’est pas averti.

Par ailleurs il convient de souligner que les banques dispensatrices de crédit sont tenues à un devoir de non-immixtion.

Il résulte d’une jurisprudence constante que l’octroi du crédit repose sur le principe de loyauté des débiteurs dans la déclaration qu’ils effectuent de leurs ressources et de leurs charges au moment de la demande de crédit. Selon une telle construction prétorienne le banquier est en droit de se fier aux informations de l’emprunteur et peut se contenter des déclaration de celui-ci. En outre le banquier ne peut se livrer à des investigations attentatoires à la vie privée notamment s’agissant des ressources d’une personne.

Par suite, il n’incombe pas à l’organisme prêteur auquel on dissimule l’existence d’autres crédits, de se livrer à une enquête y compris dans ses services pour s’assurer de la véracité des déclarations de l’emprunteur sur ses ressources et charges.

Or, force est de constater que Mme [Y] [R] a manqué de manière manifeste à son obligation de loyauté envers la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE lors de la souscription du prêt en cause en passant sous silence l’existence d’autres contrats de crédit qu’elle avait conclu antérieurement de telle manière qu’elle avait un niveau d’endettement plus important que ce que pensait la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.

En revanche il ne résulte d’aucun élément objectif du dossier que la banque intimée ait commis quelque faute que ce soit au regard de l’exigence de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur et donc de son devoir de mise en garde.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

– Sur l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts au regard du manquement de la banque à son obligation de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP):

L’ancien article L 311-9 du code de la consommation dans sa version modifiée par la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 dispose:

‘Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.’

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge dans la décision entreprise a considéré à juste titre qu’en l’occurrence la banque verse aux débats un document intitulé ‘restitution de la preuve de consultation du FICP’ portant une date d’édition du 10 novembre (l’année n’étant pas indiquée) qui mentionne la date de consultation du fichier ( soit le 12 janvier 2016, l’identité de l’emprunteur [Mme [Y] [V] qui correspond au nom de jeune fille de l’emprunteuse] , précise la référence du crédit et la clé BDF interrogée. Le premier juge en a déduit à bon droit que ce document suffit à établir que la banque a procédé à la consultation du FICP.

Par ailleurs le premier juge s’agissant du point de savoir si la consultation est intervenue ou non dans le délai prévu par les textes, relève à juste titre qu’il ne ressort pas du dossier que la société de crédit aurait fait connaître sa décision dans le délai de sept jours et que l’agrément serait survenu antérieurement à la mise à disposition des fonds; ainsi par une juste appréciation des faits le premier juge a estimé qu’il doit être admis que le contrat est devenu définitif à la date de mise à disposition des fonds soit le 15 janvier 2016 comme cela résulte de l’historique du prêt produit aux débats.

Par suite il est incontestable que la consultation du fichier est intervenue avant la conclusion du contrat.

Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté Mme [Y] [V] épouse [R] de ses demandes de déchéance du droit aux intérêts.

– SUR LES AUTRES POINTS DÉFÉRÉS A LA COUR DANS LE CADRE DE L’EFFET DÉVOLUTIF DE L’APPEL:

Par des motifs pertinents que la cour adopte, c’est à bon droit que le premier juge dans la décision entreprise, a:

– condamné Mme [Y] [V] épouse [R] à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les sommes suivantes:

‘ 24.084,80 euros au titre du solde du prêt de rachat assortie des intérêts au taux conventionnel de 7,16 % sur la somme de 19.047,12 euros représentant le capital restant dû et au taux légal pour le surplus et ce à compter du 26 septembre 2017 date de réception de la lettre de déchéance du terme avec mise en demeure,

‘ 400 euros au titre de l’indemnité légale assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

– rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Y] [V] épouse [M] aux dépens de l’instance.

Il convient de souligner que, s’agissant du montant de la clause pénale à hauteur de 400 euros, il n’apparaît pas manifestement excessif au regard de ce que cette clause pénale s’apparente à de justes dommages et intérêts en adéquation avec le préjudice subi de telle manière qu’il n’y a pas lieu de la réduire à un euro.

Le jugement querellé sera donc confirmé sur ces points.

– SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE AU TITRE DE L’INSTANCE D’APPEL:

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.

– SUR LE SURPLUS DES DEMANDES:

Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.

– SUR LES DÉPENS D’APPEL:

Il convient de condamner Mme [Y] [R] qui succombe, aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

– CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,

Y ajoutant,

– DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,

– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

– CONDAMNE Mme [Y] [R] aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER

Gaëlle PRZEDLACKI

LE PRESIDENT

Yves BENHAMOU

 


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