Prêt entre particuliers : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00929

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Prêt entre particuliers : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00929
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9 décembre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/00929

2ème Chambre

ARRÊT N°621

N° RG 20/00929

N° Portalis DBVL-V-B7E-QO2G

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE

C/

M. [E] [B]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me LECLERCQ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Novembre 2022

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 09 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE BRETAGNE – PAYS DE LOIRE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [E] [B]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Assigné par acte d’huissier en date du 12/03/2020, n’ayant pas constitué

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 27 juillet 2012, la Caisse d’épargne et de prévoyance Bretagne-Pays de Loire (la Caisse d’épargne) a consenti à M. [E] [B] un prêt de 36 000 euros au taux de 7,92 % l’an, remboursable en 120 mensualités de 460,46 euros, assurance emprunteur comprise.

Prétendant que les échéances de remboursement n’ont plus été honorées à compter de décembre 2017 en dépit d’une lettre recommandée de mise en demeure de régulariser l’arriéré sous quinzaine en date du 3 septembre 2018, le prêteur s’est, par un second courrier recommandé du 19 septembre 2018, prévalu de la déchéance du terme et, par acte du 8 novembre 2019, a fait assigner l’emprunteur en paiement devant le tribunal d’instance de Nantes.

Relevant d’office que la Caisse d’épargne ne justifiait pas avoir suffisamment vérifié la solvabilité de M. [B], le premier juge a, par jugement réputé contradictoire du 13 décembre 2019 :

déclaré la Caisse d’épargne recevable à agir,

dit que la Caisse d’épargne est déchue du droit aux intérêts conventionnels du prêt,

condamné M. [B] à payer à la Caisse d’épargne la somme de 8 879,95 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2018,

débouté la Caisse d’épargne de ses demandes pour le surplus,

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [B] aux dépens,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Ayant subitement retrouvé les justificatifs de revenus qu’elle avait été incapable de présenter au premier juge, la Caisse d’épargne a relevé appel de cette décision le 6 février 2020, en demandant à la cour de la réformer et de :

condamner M. [B] au paiement de la somme de 25 729,40 euros, avec intérêts au taux de 7,92 % à compter du 19 septembre 2018,

condamner M. [B] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [B] n’a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la Caisse d’épargne le 6 mars 2020 et signifiées à l’intimé défaillant le 12 mars 2020, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 septembre 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il résulte de l’article L. 311-9 devenu L. 312-16 du code de la consommation qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, et consulter le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

D’autre part, aux termes des articles L. 311-9, D. 311-10-2 et D. 311-10-3 devenus L. 312-17, D. 312-7 et D. 312-8 du code de la consommation, lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, le prêteur ou son intermédiaire remet à l’emprunteur une fiche d’informations comportant notamment les éléments relatifs à ses ressources et à ses charges afin de contribuer à l’évaluation de sa solvabilité, et, si le montant du crédit accordé est supérieur à 3 000 euros, le prêteur doit corroborer ces informations par des pièces justificatives du domicile, des revenus et de l’identité de l’emprunteur.

Pour prononcer d’office la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, le jugement attaqué a considéré que le contrat de prêt avait été conclu sur un lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, si bien que les articles L. 312-17 et D. 312-8 étaient applicables à la cause, mais que la Caisse d’épargne avait indiqué ne pouvoir produire les pièces justificatives d’identité, de domicile et de revenus corroborant les déclarations de la fiche de dialogue.

Pourtant, rien ne démontre que le prêt personnel consenti par la Caisse d’épargne à M. [B] ait été conclu sur un lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance.

Il en résulte que les obligations du prêteur édictées par le code de la consommation se limitaient, conformément à l’article L. 312-16, à la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, celles concernant son identité relevant de dispositions du code monétaire et financier qui ne sont pas sanctionnées par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.

L’absence de justificatifs d’identité et de domicile préalablement à la conclusion du contrat de prêt est donc inopérante.

La Caisse d’épargne justifie par ailleurs avoir consulté le 27 juillet 2012 le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers et avoir instruit la demande de prêt en recueillant les déclarations de M. [B] relativement à sa situation financière présentées dans une fiche de synthèse datée du même jour et signée de l’emprunteur, de laquelle il résulte que celui-ci, ancien artisan, commerçant ou chef d’entreprise alors âgé de 57 ans, disposait de ressources mensuelles de 3 400 euros constituées de revenus professionnels à hauteur de 900 euros et ‘d’autres ressources’ à hauteur de 2 500 euros, qu’il était ‘locataire gratuit’ depuis 2000 et qu’il n’avait aucune charge.

Cependant, l’article L. 312-16 précité lui imposait de ne pas se contenter de recueillir les déclarations de M. [B], mais aussi de les vérifier.

Or, le prêteur prétend, en cause d’appel, justifier s’être acquitté de son obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur en produisant un avis d’impôt 2015 sur les revenus de l’année 2014, duquel il ressort que M. [B] disposait alors de revenus professionnels de 1 500 euros par an et de revenus fonciers de 11 138 euros par an, soit un revenu mensuel global moyen de 1 053 euros.

Cependant, la vérification de la solvabilité de l’emprunteur constitue une obligation précontractuelle du prêteur destinée à prévenir, avant la conclusion du contrat, l’octroi de crédits excessifs de nature à créer des situations de surendettement, de sorte que le prêteur ne peut être regardé comme y ayant correctement satisfait en produisant des pièces qu’il s’est manifestement procuré a posteriori et qui ne justifient que de la situation financière de l’emprunteur telle qu’elle se présentait deux ans après l’acceptation, en date du 27 juillet 2012, de l’offre de prêt litigieuse.

Au regard du montant important et de la longue durée du prêt de 36 000 euros consenti pour dix ans, ainsi que de la structure des revenus déclarés par l’emprunteur, dont la nature de la partie la plus substantielle n’était pas même précisée que par la déclaration ‘autres revenus’, ce défaut de vérification constitue un manquement grave.

C’est donc à juste titre que le premier juge a prononcé une déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts.

Les modalités de calcul de la créance de la Caisse d’épargne après déchéance du droit aux intérêts n’étant pas discutées en cause d’appel, il convient de confirmer le jugement attaqué en tous points.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 13 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Nantes en toutes ses dispositions ;

Condamne la Caisse d’épargne et de prévoyance Bretagne-Pays de Loire aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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