Prêt entre particuliers : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01227

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Prêt entre particuliers : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01227

15 décembre 2022
Cour d’appel de Caen
RG
21/01227

AFFAIRE : N° RG 21/01227 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXWD

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de CHERBOURG EN COTENTIN

en date du 11 Mars 2021 – RG n° 11-19-000649

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A. CA CONSUMER FINANCE exerçant sous enseigne SOFINCO,

[Adresse 2]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Guillaume CHANUT, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [F] [E]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

non représenté, bien que régulièrement assigné

DEBATS : A l’audience publique du 03 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT prononcé publiquement le 15 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Par acte sous seing privé en date du 11 janvier 2017, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à M. [F] [E] un prêt personnel d’un montant de 10 000€, remboursable en 60 mensualités, au taux d’intérêt fixe annuel de 4,602% et au TAEG de 4,7%.

Des échéances sont demeurées impayées conduisant la banque à prononcer la déchéance du terme le 2 août 2019.

La SA CA CONSUMER FINANCE a obtenu une ordonnance du juge d’instance de Cherbourg du 6 septembre 2019 enjoignant M. [E] de lui payer diverses sommes au titre du prêt.

Le 26 septembre 2019, M. [E] a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.

Par jugement du 11 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin a :

– déclaré recevable l’opposition formée par M. [E] à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du 6 septembre 2019 ;

– déclaré la SA CA CONSUMER FINANCE recevable en son action ;

– débouté la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande de déchéance du terme du contrat de crédit signé le 11 janvier 2017 ;

– en conséquence débouté la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande en paiement ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– débouté la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA CA CONSUMER FINANCE aux entiers dépens de l’instance ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 30 avril 2021, la SA CA CONSUMER FINANCE a interjeté appel de cette décision.

M. [E] n’a pas constitué avocat bien que la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant lui ont été signifiées par acte d’huissier du 12 juillet 2021 à l’étude.

Aux termes de ses conclusions déposées le 8 juillet 2021, la SA CA CONSUMER FINANCE demande de :

– dire nul le jugement dont appel et évoquer ou en tout cas,

– réformer le jugement,

– condamner Monsieur [F] [E] à lui payer la somme de 7838,14€ avec intérêts au taux de 4, 602% l’an à compter du 2 août 2019 jusqu’à parfait paiement.

Si la cour estimait que la déchéance du terme n’était pas acquise ou que la résiliation du contrat de prêt n’était pas encourue,

– condamner Monsieur [F] [E] à lui payer la somme mensuelle de 217,93€ au titre des mensualités impayées à compter du mois de novembre 2018 et jusqu’à, soit la date de l’audience devant la cour, soit jusqu’au terme du contrat au 30 avril 2022 inclus,

Subsidiairement, si la déchéance du droit aux intérêts venait à être prononcée,

condamner Monsieur [F] [E] à lui payer la somme de 6788,29€ avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2019 jusqu’à parfait paiement.

En tout état de cause :

– condamner Monsieur [F] [E] au paiement d’une indemnité de 2500,00 € en

application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de l’appelante.

MOTIFS

I. Sur la nullité du jugement

L’article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

La SA CA CONSUMER FINANCE soulève la nullité du jugement au visa de ce texte pour violation du principe de la contradiction au motif notamment que le premier juge a soulevé d’office le moyen tiré de l’irrégularité de la déchéance du terme alors que ce moyen crée de manière prétorienne et au visa des dispositions de droit commun n’appartient qu’à l’emprunteur, à plus forte raison alors que ce dernier était représenté par un avocat ; que le juge a également soulevé d’office un ensemble de moyens tirés du code de la consommation figurant sur un formulaire comportant des cases non cochées, sans plus de précision ; qu’il a écarté sa demande subsidiaire en paiement des échéances échues impayées présentée dans sa note en délibéré; que le moyen invoqué dans le jugement tiré d’un manquement à l’article L 312-36 du code de la consommation n’a pas été mis dans le débat.

Il résulte des pièces produites que le tribunal a, au moyen d’une fiche pré-imprimée annexée à la feuille d’audience et dont un exemplaire a été remis au conseil de la SA CA CONSUMER FINANCE, soulevé d’office les moyens d’irrecevabilité, de nullité et de déchéance du droit aux intérêts figurant sur ce document, sans cocher les cases correspondantes, ce qui ne permettait pas à la banque de connaître avec une précision suffisante les moyens relevés d’office.

L’appelante a été autorisée à présenter ses observations par une note en délibéré qu’elle a déposée le 27 novembre 2020.

Cependant, elle n’a pas été en mesure de répondre pleinement au moyen tiré de l’absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme puisque dans la décision dont appel, le juge a invoqué ce moyen au regard d’un texte, l’article L 312-36 du code de la consommation prévoyant une information de l’emprunteur en cas d’incident de paiement, qui n’est pas visé dans le document pré-imprimé.

Par suite, il convient d’annuler la décision entreprise pour violation du principe de la contradiction.

En vertu de l’effet dévolutif de l’appel, la cour est tenue de statuer sur le fond de l’affaire.

II. Sur le fond

L’article 472 du code civil dispose que ‘si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.’

L’article 1225 du code civil prévoit que la résolution du contrat résultant de l’application de la clause résolutoire est subordonnée à une mise en demeure infuctueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inéxécution.

La SA CA CONSUMER FINANCE soutient que le juge ne peut soulever d’office le moyen tiré de l’absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, résultant de l’application des dispositions du code civil et non du code de la consommation, qui ne revêt aucun caractère d’ordre public et que seul le débiteur peut invoquer.

Cette analyse est erronée car en l’absence du défendeur, il appartient au juge d’apprécier le bien fondé de la créance invoquée, en particulier son exigibilité, ce qui suppose de vérifier les conditions d’application de la déchéance du terme au regard de la loi applicable et de la clause contractuelle.

En l’espèce, le contrat de crédit conclu le 11 janvier 2017 stipule page 2: ‘En cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.(…)’.

Le contrat ne contient aucune dispense expresse de mise en demeure préalable.

La SA CA CONSUMER FINANCE produit un courrier de mise en demeure avant déchéance du 11 juillet 2019.

S’agissant d’une lettre simple et non d’une lettre recommandée avec accusé de réception, l’établissement financier ne rapporte pas la preuve lui incombant de ce que le débiteur en a eu connaissance.

Par conséquent, la déchéance du terme prononcée par l’appelante le 2 août 2019 n’est pas régulière et la demande en paiement en découlant ne peut pas prospérer.

Subsidiairement, la SA CA CONSUMER FINANCE sollicite la résiliation du contrat en application des articles 1103, 1104,1193, 1131-1 et 1224 à 1228 du code civil.

Le remboursement du prêt constitue l’obligation essentielle de l’emprunteur.

Il résulte des pièces du dossier, notamment de l’historique du compte et du décompte détaillé de la créance arrêté au 2 août 2019, que l’intimé a cessé d’honorer les échéances du prêt à compter de décembre 2018 et qu’il n’a, à réception de la lettre recommandée du 8 août 2019 et de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer, versé aucune somme en vue de régulariser les incidents de paiement.

La gravité du manquement de M. [E] à son obligation contractuelle justifie la résolution du contrat de crédit, et non sa résiliation car le prêt est un contrat à exécution instantanée dont les échéances ne sont que le fractionnement d’une obligation unique de remboursement.

La résolution du contrat de prêt a pour conséquence de remettre les parties en leur état antérieur, ce qui oblige l’emprunteur à la restitution du capital entre les mains du prêteur et celui-ci à restituer le montant des échéances réglées par l’emprunteur.

M. [E] doit donc la restitution de la somme prêtée de laquelle doivent être déduites les sommes versées depuis l’origine.

La SA CA CONSUMER FINANCE lui a prêté la somme de 10 000€.

Il ressort de l’historique du compte (pièce n°7) que l’intimé a réglé au total la somme de 3814,03€.

Dès lors, il convient de le condamner à restituer à l’appelante la somme de 6185,97€ avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 août 2019.

III. Sur les demandes accessoires

M. [F] [E] succombant, est condamné aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,

ANNULE le jugement entrepris ;

Vu l’effet dévolutif de l’appel ;

CONDAMNE M. [F] [E] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 6185,97€ avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2019 au tite du prêt du 11 janvier 2017 ;

CONDAMNE M. [F] [E] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 1500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [E] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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