Prêt entre particuliers : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/05214

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Prêt entre particuliers : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/05214
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15 décembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
20/05214

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 15/12/2022

N° de MINUTE : 22/1074

N° RG 20/05214 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TKZ7

Jugement (N° 11-19-848) rendu le 08 Octobre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de Douai

APPELANTS

Monsieur [Z] [W]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6] – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Madame [K] [W]

née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 5] – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Me Anne Berthelot, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Sa la Banque Postale Financement

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric Massin, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 12 octobre 2022 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 6 octobre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 4 octobre 2013, la SA la Banque Postale Financement a consenti à M. [Z] [W] et Mme [K] [I] épouse [W] un prêt personnel de 10’000 euros , remboursable en 30 mensualités incluant les intérêts au taux annuel fixe de 3,90 %.

Par courrier en date du 12 août 2019, M. [W] et Mme [I] ont fait opposition à une ordonnance d’injonction de payer en date du 3 mai 2019 rendue sur requête de la Banque Postale Financement, qui les a condamnés à payer à cette dernière la somme en principal de 6 855,62 euros.

M. [W] et Mme [I] n’ont pas comparu devant le tribunal.

Par jugement en date du 8 octobre 2020, le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire de Douai a :

– déclaré l’action de la Banque Postale Financement à l’encontre de M. [W] et Mme [I] recevable,

– déchu la Banque Postale Financement de son droit aux intérêts contractuels à l’encontre de M. [W] et Mme [I],

– mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer rendu le 3 mai 2019,

– condamné solidairement M. [W] et Mme [I] à payer à la Banque Postale Financement la somme de 5 455,62 euros pour solde du crédit,

– dit que cette somme ne portera aucun intérêt, même au taux légal,

– débouté la Banque Postale Financement du surplus de ses prétentions,

– dit n’y avoir lieu exécution provisoire,

– dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [W] et Mme [I] aux dépens d’instance.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 15 décembre 2020, M. [W] et Mme [I] ont relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, ils demandent à la cour de :

– à titre liminaire, sur la forclusion des demandes formées par la Banque Postale Financement,

– vu l’article R.312-35 du code de la consommation,

– réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

y substituer,

– constater la forclusion de l’action de la Banque Postale Financement,

– débouter la Banque Postale Financement de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

– la condamner à leur verser la somme de 2 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,

sur le fond, sur l’éventuelle dette de M. [W] et Mme [I],

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

– déchu la Banque Postale Financement de son droit aux intérêts,

– les a condamnés solidairement à payer à la Banque Postale Financement la somme de 5 455,62 euros pour solde du crédit,

– dit que cette somme ne portera aucun intérêt même au taux légal,

– débouté la Banque Postale Financement du surplus de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer pour le surplus et y ajouter :

– leur accorder les plus larges délais de paiement,

– les autoriser à s’acquitter de leur dette par 23 mensualités de 200 euros et le solde à la 24e mensualité,

– débouter la Banque Postale Financement du surplus de ses demandes,

– laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2021, la Banque Postale Financement demande à la cour de :

– confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire le 8 octobre 2020 sauf à voir condamner solidairement M. [W] et Mme [I] au règlement d’une somme de 7 600,20 euros

représentant le capital restant dû majoré des échéances impayées, augmentée des intérêts au taux contractuel jusqu’à parfait paiement,

– condamner M. [W] et Mme [I] sous la même solidarité au règlement de la somme de 2 000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 12 octobre 2022.

MOTIFS

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable à la date de conclusion du contrat de crédit litigieux.

Sur la forclusion

Le premier juge a estimé que l’action de la banque Postale Financement n’était pas forclose au motif que la Banque de France a prononcé des mesures imposées entrées en vigueur le 31 janvier 2016, interrompant le délai de forclusion, et qu’un jugement rendu sur recours de la société Viaxel a également interrompu le délai de forclusion.

L’article L.311-52 devenu R.312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens de l’article 11 ° de l’article L.311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L.311-47.

Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles L. 331-7 et L. 311-37 du code de la consommation que la demande du débiteur adressée à la commission de surendettement de recommander des mesures de redressement, après échec de la tentative de conciliation, interrompt le délai de forclusion prévu au second texte.

En l’espèce, il est acquis aux débats que le premier incident de paiement est intervenue le 10 juin 2014.

La cour ne disposant pas d’information des parties quant la date à laquelle le débiteur aurait demandé des mesures imposées après échec de la conciliation, ou si la commission a directement imposée lesdites mesures, il convient de considérer que la forclusion qui a commencé à courir à compter du 10 juin 2014 a été interrompue par la validation des mesures imposées par la commission, qui prévoyaient un moratoire de 24 mois à compter du 31 janvier 2016 qui s’est achevé le 31 janvier 2018. A la date du 31 janvier 2018, M. [W] et Mme [I] auraient dû reprendre le remboursement des échéances du prêt, ce dont ils se sont abstenus.

En signifiant aux emprunteurs le 26 juillet 2019 l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 3 mais 2019, la banque a bien agi dans le nouveau délai de deux ans de forclusion ouvert à compter du 31 mai 2018 et correspondant au premier incident de paiement intervenu après adoption du plan de redressement, en sorte que l’action en paiement n’est pas forclose.

Le jugement sera en conséquence confirmé par substitution de motifs.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

Pour prononcer la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels, le premier juge a relevé au visa des articles L.312-28, L312-39, et R.312-10 que le recto du contrat litigieux comprenant notamment un rappel du droit de rétractation est imprimé en caractères dont la mesure s’agissant du haut d’un ‘b’ au bas d’une ‘g’ est de 2,5 mm, soit très en deçà de la norme établie à 3 mm.

La banque fait valoir que la vérification des caractères de l’offre conduite sur plusieurs paragraphes du contrat démontre que chaque ligne occupe environ 2,8 mm, ce qui n’est pas inférieure au corps huit si l’on retient le point Pica.

Selon l’article L. 311-48 du code de la consommation issu de la loi , le prêteur est déchu du droit aux intérêts s’il accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par l’article L. 311-18 qui dispose, notamment, que le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable, qu’un encadré inséré au début du contrat informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit et qu’un décret en Conseil d’Etat fixe la liste des informations figurant dans le contrat et dans l’encadré. L’article R. 311-5, pris pour l’application de l’article L. 311-18, dispose que le contrat de crédit est rédigé en caractère dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.

Le ‘corps’ en typographie traditionnelle correspond à la hauteur de la pièce métallique sur laquelle apparaît en relief le caractère imprimé ; le corps d’une fonte est également l’unité de mesure en édition de textes informatiques modernes. Ainsi, le corps correspond à la hauteur mesurée du haut d’une lettre ascendante au bas d’une lettre descendante, augmentée des ‘talus’ de tête et de pied (espace au-dessus et en dessous des caractères). La taille d’un corps se mesure en points typographiques : si l’unité de référence traditionnelle est le point Didot (0,3759 millimètre, soit 3 millimètres de hauteur pour un corps huit), il est également couramment utilisé dans les logiciels de traitement de texte le point Pica (0,3513 millimètre, soit 2,81 millimètres de hauteur pour le corps huit), invoqué par l’appelante, l’un ou l’autre pouvant être, en l’absence de définition légale ou réglementaire du corps huit, utilisé comme norme de référence comme le soutient l’appelante.

La cour constate que la mesure des lettres conduite sur plusieurs paragraphes du contrat, notamment celui afférent au droit de rétractation, révèle une taille de caractère de 2,8 millimètres, et non de 2,5 millimètres, de sorte que l’offre, qui est par ailleurs parfaitement lisible, est conforme aux prescriptions légales.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque, qui justifie par ailleurs du respect des autres règles imposées par le code de la consommation en matière de crédit à la consommation.

En application des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil.

Au regard du décompte de créance, il y a lieu de condamner solidairement M. [W] et Mme [I] à payer à la Banque Postale Financement la somme de 7 600,20 euros représentant le capital restant dû et les échéances impayées, augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,83 % à compter de 30 août 2018, date de réception de la mise en demeure.

Sur la demandes de délais

En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d’apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu’il est en capacité de régler l’intégralité de sa dette dans le délai proposé. Il convient également de tenir compte du montant et de l’ancienneté de la dette et des efforts déjà accomplis pour l’honorer.

Par jugement du juge du surendettement en date du 17 août 2018, M. [W] et Mme [I] ont été déclarés irrecevables en leur deuxième demande de surendettement en raison de leur mauvaise foi, dans la mesure où ils n’avaient pas respecté les mesures qui avaient été recommandées lors de la première procédure leur ayant accordé un moratoire de 24 mois. Alors qu’ils ont d’ors et déjà bénéficié dudit moratoire, puis de large délais de paiement depuis l’issue de ce moratoire en janvier 2018, force est de constater qu’ils n’ont accompli aucun effort depuis quatre ans pour commencer à apurer la dette. En outre, leur proposition de règlement à hauteur de 200 euros par mois ne leur permettra pas d’apurer la dette dans le délai légal de 24 mois. Au regard de ces éléments, la demande de délais sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les emprunteurs aux dépens et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens d’appel à la charge des intimés, qui succombent.

En équité, il n’y a pas lieu d’allouer à la banque une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable l’action en paiement de la Banque Postale Financement à l’encontre de M. [W] et Mme [I] et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement en ce qu’il a déchu la société Sogefinancement de son droit aux intérêts à l’encontre de M. [W] et Mme [I], condamné solidairement M. [W] et Mme [I] à payer à la Banque Postale Financement la somme de 5 455,62 euros pour solde du crédit et dit que cette somme ne portera aucun intérêt, même au taux légal,

Statuant à nouveau :

Condamne solidairement M. [W] et Mme [I] à payer à La Banque Postale Financement la somme 7 600,20 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,83 % à compter de 30 août 2018 ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de délais formée par M. [W] et Mme [I] ;

Condamne in solidum M. [W] et Mme [I] aux dépens d’appel

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU

 


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