Prêt entre particuliers : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00445

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Prêt entre particuliers : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00445
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5 janvier 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00445

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 JANVIER 2023

N° RG 22/00445 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U6ZI

AFFAIRE :

[W] [E]

C/

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] [Adresse 6]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2021 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° RG : 17/01373

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 05.01.2023

à :

Me Jean GRESY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 7] (Cameroun)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jean GRESY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 93

APPELANT

****************

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] [Adresse 6]

Association coopérative à responsabilité limitée

Inscrite auprès du Tribunal judiciaire de Strasbourg sous le numéro II/0022

[Adresse 5]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 – N° du dossier 18121 – Représentant : Me Serge PAULUS de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 44

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Novembre 2022, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon un protocole signé le 08 novembre 2014 et réitéré le 13 mars 2015, dans le cadre d’une opération financière complexe, la société spécialisée dans la domotique Integrated Home Technologies (ci-après : IHT), se substituant à monsieur [E] qui l’avait créée, a acquis les parts sociales de la société Atria Le Gall dont l’objet portait sur le montage de structures métalliques.

Le 26 juillet 2016, à la suite de la mise en ‘uvre de la garantie à première demande fournie par le cédant du fait d’une faiblesse de rentabilité et dans un contexte de recherche de trésorerie de la société Atria Le Gall, monsieur [E], personnellement investi dans ce projet (notamment, en mars 2015 et dans le cadre de cette opération, par le cautionnement consenti à la banque BNP Paribas et par le nantissement d’un contrat d’assurance-vie destinés à garantir les emprunts de la société IHT), s’est porté caution solidaire d’un découvert en compte autorisé, consenti le 27 juillet 2016 à la société Atria Le Gall à hauteur de 200.000 euros par la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] (ci-après : le Crédit mutuel), ceci dans la limite de 240.000 euros et de 27 mois.

Dans le cadre de l’ouverture d’une procédure collective qui a conduit, le 30 novembre 2016, à la liquidation judiciaire de la société Atria Le Gall (à l’instar, quinze jours plus tard, de la société IHT), le Crédit Mutuel a déclaré sa créance, le 05 décembre 2016, pour un montant de 234.113,09 euros puis, après mise en demeure de la caution du 08 décembre 2016 restée lettre morte, assigné monsieur [E] en paiement de sa créance selon acte délivré le 17 février 2017.

Par jugement contradictoire rendu le 02 décembre 2021 le tribunal judiciaire de Versailles, sans assortir sa décision de l’exécution provisoire, a :

déclaré irrecevables les demandes de monsieur [W] [E] en nullité du contrat de cession de la société Atria Le Gall en date du 13 mars 2015, en nullité de l’engagement de caution souscrit envers BNP Paris et en mainlevée du nantissement du contrat d’assurance-vie souscrit au profit de la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6],

débouté monsieur [W] [E] de l’ensemble de ses demandes,

condamné monsieur [W] [E] à verser à la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6], au titre de son engagement de caution, la somme de 234.113,09 euros avec intérêts au taux de 3% l’an à compter du 03 novembre 2016,

condamné monsieur [W] [E] aux entiers dépens et à verser à la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 19 septembre 2022, monsieur [W] [E], appelant de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 21 janvier 2022, demande à la cour, au visa de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, des articles L 332-1 et suivants du code de la consommation, 1353 et suivants du code civil et des dispositions du code monétaire et financier :

d’infirmer le jugement (entrepris) en ce qu’il (l’) a condamné à verser à la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6], au titre de son engagement de caution, la somme de 234.113,09 euros avec intérêts au taux de 3% l’an à compter du 03 novembre 2016,

statuant à nouveau

de condamner la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] à (lui) verser la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2022, l’association coopérative à responsabilité limitée La Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] prie la cour, visant les articles 1134 et 1147 (anciens) du code civil, 32, 70 alinéa 1er et 700 du code de procédure civile :

de rejeter l’appel,

de confirmer le jugement (entrepris) en ce qu’il a : déclaré irrecevables les demandes de monsieur [W] [E] en nullité du contrat de cession de la société Atria Le Gall en date du 13 mars 2015, en nullité de l’engagement de caution souscrit envers BNP Paris et en mainlevée du nantissement du contrat d’assurance-vie souscrit au profit de la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] // débouté monsieur [W] [E] de l’ensemble de ses demandes // condamné monsieur [W] [E] à verser à la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6], au titre de son engagement de caution, la somme de 234.113,09 euros avec intérêts au taux de 3% l’an à compter du 03 novembre 2016 // condamné monsieur [W] [E] aux entiers dépens et à verser à la Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile // dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

en conséquence

de débouter monsieur [E] de l’ensemble de ses demandes,

en tout état de cause

de rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions de monsieur [W] [E],

de condamner monsieur [W] [E] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (ainsi qu’) aux dépens et frais de la procédure d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 04 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler liminairement qu’aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, « la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées » de sorte que si, en l’espèce, l’objet de la déclaration d’appel de monsieur [E] portait, notamment, sur la disposition du jugement déclarant irrecevables ses demandes de nullité du contrat de cession et de l’engagement de caution souscrit au profit de la BNP ainsi que du nantissement de son contrat d’assurance-vie consenti au profit du Crédit mutuel précités, la cour n’est saisie que par ses dernières conclusions qui tendent à voir priver d’effet son engagement de caution en raison de la disproportion manifeste qu’il invoque.

Se fondant sur les dispositions de l’article L 332-1 du code de la consommation (en sa rédaction applicable au litige) et précisant expressément que « la disproportion de l’engagement de caution n’est pas sanctionnée par la nullité de l’acte mais par l’impossibilité, pour le créancier, de s’en prévaloir » (page 12/23 du jugement) le tribunal a débouté monsieur [E] de sa demande de ce chef en énonçant que son engagement n’était pas manifestement disproportionné.

Pour ce faire, il a rappelé en préambule les contours du principe de proportionnalité de cet engagement, les éléments d’appréciation de son non-respect ainsi que son régime probatoire et d’abord jugé, en l’espèce, que la banque ne pouvait se prévaloir d’une déclaration de renseignements effectuée en 2014, trop ancienne, et qu’il appartenait donc à monsieur [E] de prouver par tous moyens quelle était sa situation réelle lors de l’engagement litigieux souscrit le 26 juillet 2016.

Reprenant les éléments soumis à son appréciation dont justifiait monsieur [E], il a retenu qu’il disposait alors de revenus annuels, déduction faite de ses charges, au montant de 123.800 euros (170.000 euros ‘ 46.200 euros) et d’un patrimoine net de 228.510 euros (2.230.000 euros ‘ 2.001.490 euros) pour conclure que ce patrimoine net couvrait quasi intégralement le cautionnement litigieux consenti pour 240.000 euros, le différentiel de 11.490 euros pouvant se financer grâce aux revenus mensuels de monsieur [E].

Poursuivant l’infirmation de ce jugement, monsieur [E] qui affirme que « la sanction de cette disproportion est donc la déchéance et la nullité de la garantie » (page 10/14 de ses conclusions) soutient que la disproportion s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où elle est consentie et le montant total de l’engagement sans tenir compte d’hypothétiques revenus de l’obligation garantie.

Il évoque une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass civ 1ère 05 janvier 2022, pourvoi n° 20-17325) relative au devoir de mise en garde de l’établissement prêteur à l’égard de l’emprunteur et le nouvel article 2300 du code civil relatif à la sanction de la disproportion qu’il introduit, s’agissant de sa réduction au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager, tout en concédant que ce texte, qui ne prend effet que pour les cautions souscrites à compter du 1er janvier 2022, n’est pas applicable en l’espèce.

Il détaille ce qu’il désigne comme ses engagements professionnels antérieurs au cautionnement en cause, en rapport avec l’endettement des sociétés IHT et Atria Le Gall dont la situation compromise, qui a conduit à leur rapide liquidation ne pouvait être ignorée par le Crédit mutuel, puis les différents emprunts contractés depuis 2012 pour sa vie personnelle, ce qui le conduit à évaluer à la somme de 3.411.594,27 euros son passif cumulé lorsque la banque lui a fait souscrire le quatrième cautionnement solidaire litigieux, représentant des mensualités de remboursement s’établissant à environ 51.000 euros.

En parallèle, il évalue à un total de 14.180,91 euros ses charges personnelles mensuelles auxquelles s’ajoutent l’impôt sur le revenu s’établissant mensuellement à 2.148,58 euros, outre les échéances de trois crédits souscrits auprès du Crédit Lyonnais pour un total mensuel de 5.783,80 euros et une position débitrice dans les livres du Crédit Agricole.

Tout ceci , ajoute-t-il, alors que son épouse était sans emploi et que son salaire mensuel était de 14.098,08 euros (169.177 / 12), qu’il a fait l’objet de multiples poursuites en particulier d’une décision d’expulsion de son logement le 03 juillet 2018 et que son seul actif immobilier, à savoir une maison d’habitation située à [Localité 4], qui n’était qu’en cours de construction a pu être évaluée, en 2022, à une valeur vénale de 1.108.000 euros.

En réplique à son adversaire, il soutient que la banque ne peut lui opposer la fiche de renseignements datée du 16 octobre 2014, obsolète et incomplète, pas plus que celle du 14 septembre 2016, postérieure à son engagement de cautionnement.

Il fait valoir que la banque savait que sa maison était en cours de construction comme elle n’ignorait pas les difficultés de trésorerie rencontrées par la société IHT (dont la date de cessation des paiements a été fixée au 19 mai 2016) et entend bénéficier d’une « véritable présomption de connaissance par la banque des autres engagements bancaires de la caution », de création prétorienne (Cass com 11 avril 2018, pourvoi n° 10-25904), pour conclure que le Crédit mutuel lui a personnellement procuré des moyens ruineux en contribuant activement à son surendettement et qu’elle ne démontre pas qu’elle l’ait mis en garde sur ce risque.

Ceci étant rappelé et s’agissant du devoir de mise en garde invoqué par monsieur [E], il ne peut se prévaloir, comme il le reconnaît, des dispositions du code civil introduites par l’ordonnance du 15 septembre 2021 entrées en vigueur au 1er janvier 2022 et qui codifient notamment le devoir de mise en garde de la caution personne physique en son article 2299 qui en modifie profondément tant les conditions d’exercice que le contenu et la sanction.

L’engagement litigieux se trouve régi par la loi ancienne et l’apport prétorien sur ce devoir, précisé en particulier par les arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation rendus le 29 juin 2007 (pourvois n° 05-21104, n° 06-11673, publiés au bulletin) qui oblige la banque à s’assurer du respect du principe de proportionnalité quant aux facultés financières de la caution et, par ailleurs, à attirer l’attention de la caution sur l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Toutefois, monsieur [E] ne peut se prévaloir du manquement de la banque à ce devoir de mise en garde à son endroit, en juillet 2016, au demeurant jusqu’alors sanctionné sur le terrain de la responsabilité contractuelle et l’appréciation de la perte de chance de ne pas contracter.

En effet, selon le droit applicable aux faits de l’espèce, une telle obligation ne pesait sur la banque qu’à l’égard d’une caution non avertie, comme énoncé encore récemment par la Cour de cassation (Cass com 24 novembre 2021, pourvoi n° 19-25195) et il résulte de l’exposé factuel qui précède que monsieur [E], à l’origine de la création de la société IHT et de la cession de parts sociales avec recours à un Leverage By Out (ou LBO, montage financier consistant au rachat d’une entreprise avec un effet de levier) puis activement impliqué dans leur financement, doit être regardé comme rompu à la vie des affaires et en capacité de mesurer la portée de l’engagement en cause.

Cette appréciation se trouve confortée par le curriculum vitae de monsieur [E] que la banque produit en pièce n° 12.

Au surplus et pour répondre à l’argumentation de la société Crédit Mutuel qui conteste la motivation du jugement lui opposant l’impossibilité de se prévaloir d’une quelconque fiche de renseignements, il est constant que lorsque, lors de son engagement, la caution fournit à la banque qui l’interrogeait des éléments sur celles-ci, cette dernière n’est pas tenue d’en vérifier l’exactitude en l’absence d’anomalies apparentes et la caution n’est pas admise à se prévaloir d’une situation en réalité moins favorable que celle qu’il a déclarée.

Sur ce point et contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, la banque ne peut se voir reprocher de ne pas s’être informée de la situation patrimoniale de la caution à la date de son engagement (soit le 26 juillet 2016) et de s’être contentée d’une fiche de renseignements de solvabilité datée et signée du 16 octobre 2014 dès lors qu’elle produit (en pièce n° 11) cette même fiche de renseignements mais datée et signée au jour de l’engagement, soit le 26 juillet 2016, supportant la mention « inchangé » manuscritement apposée par la caution se référant à la situation patrimoniale déclarée deux ans auparavant.

Il y a lieu de constater que c’est en considération d’une situation lapidairement présentée comme inchangée à la date de ce nouveau cautionnement que la banque a autorisé le découvert en compte ainsi garanti.

Et de juger que c’est par motifs insuffisants que, pour écarter la fiche de renseignements postérieurement établie le 14 septembre 2016, le tribunal a tiré argument du seul fait que la réitération, par la banque, de demandes d’actualisation des 27 juillet et 07 septembre 2016 laissait présumer du fait qu’elle savait que cette mention « inchangé » ne correspondait pas à la réalité.

En revanche, force est de considérer que monsieur [E] qui a actualisé sa situation financière à la date du 14 septembre 2016, ne pouvait ignorer que les éléments qu’il avait déclarés le 26 juillet 2016, soit un mois et demi auparavant, ne correspondaient pas à sa situation financière d’octobre 2014 et qu’en apposant la mention « inchangé » précédant la date du 26 juillet 2016 il n’a pas agi avec la loyauté requise à l’égard de la banque. Selon la doctrine de la Cour de cassation, il ne peut se prévaloir de l’inexactitude de ses propres dires en l’absence de toute anomalie apparente (Cass civ 1ère, 22 septembre 2016, pourvoi n° 15-18793).

En toute hypothèse, monsieur [E] ne démontre pas que des événements ont pu modifier substantiellement sa situation entre le 26 juillet et le 14 septembre 2016.

Ne serait-ce qu’à s’en tenir aux déclarations de la caution recueillies par la banque, comme le suggère, dans la déclaration du 14 septembre 2016, la situation financière actualisée de monsieur [E] se présentait comme suit :

au titre de son actif

des revenus annuels de 170.000 euros (soit un salaire mensuel de 14.167 euros)

un patrimoine immobilier de 745.000 euros (correspondant à la valeur estimative d’une maison acquise en 2012 de 1.500.000 euros dont à déduire un passif résiduel de 755.000 euros)

un patrimoine constitué de titres et liquidités d’une valeur nette de 530.000 euros (soit 9.300 actions de la société IHT d’une valeur de 530.000 euros dont à déduire un passif résiduel de 200.000 euros) et un contrat d’assurance-vie souscrit auprès de la banque LCL d’une valeur de 200.000 euros,

au titre de ses charges

le remboursement d’un prêt personnel consenti par le LCL s’élevant annuellement à 14.000 euros

le remboursement d’un prêt immobilier consenti à lui-même et à son épouse, tenus solidairement, d’une charge annuelle de 30.000 euros,

des cautionnements solidaires consentis avec son épouse pour un montant total de 235.000 euros,

ses charges familiales annuellement supportées par son épouse et lui-même pour un montant total de 15.000 euros.

En contemplation de ces éléments chiffrés, le Crédit mutuel peut prétendre que ne saurait être retenue, entre l’engagement de caution à hauteur de 240.000 euros et les capacités financières de monsieur [E] appréciées lors de son engagement une disproportion dont l’article L 332-1 du code de la consommation exige qu’elle soit manifeste, observant en particulier que la vente du bien immobilier permet à lui seul de solder l’intégralité du prêt immobilier et d’honorer ses engagements de caution.

Cela étant, la banque ne peut se fier aux seules déclarations de la caution lorsqu’il est établi qu’elle avait connaissance d’autres charges pesant sur la caution, non déclarées dans la fiche de renseignements, ou ne pouvait les ignorer. Un manquement au devoir de mise en garde pourrait être reproché à l’établissement prêteur s’il est démontré qu’il disposait d’informations, ignorées de la caution, sur la situation de l’emprunteur garanti.

Monsieur [E] qui se borne à invoquer le recours à une garantie, pourtant usuelle dans le cadre d’une autorisation de découvert à une société, ou le rapide placement en liquidation judiciaire des deux sociétés en cause n’en fait pas la démonstration et la Cour de cassation a pu, en outre, préciser que le devoir de mise en garde dû à la caution ne porte pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée (Cass com 29 septembre 2021, pourvoi n° 19-11959).

A cet égard, c’est à bon droit que le Crédit mutuel soutient que la majorité des engagements financiers invoqués ne concernent pas monsieur [E] à titre personnel et qu’il s’agit de concours financiers accordés aux personnes morales que sont les sociétés IHT et Atria Le Gall (prêts des 14 octobre 2014 et 10 février 2015 à la seconde, prêt consenti à la première le 03 mars 2015 en vue de la prise de contrôle de la seconde, prêt accordé à la société IHT le 04 mars 2015), ceci quand bien même il les aurait représentées en sa qualité de dirigeant.

Pour le reste, monsieur [E] a déclaré, dans la demande de renseignements retenue, des engagements de caution à hauteur d’un montant total de 235.000 euros et ne saurait y ajouter à la faveur de la présente procédure.

C’est, par conséquent, en vain qu’il fait état de la souscription de bon nombre de prêts personnels (à savoir : un crédit à la consommation de 40.000 euros consenti le 17 janvier 2014 par la banque LCL, un crédit à la consommation consenti par la société Nissan Finance et dont le capital restant dû lui était réclamé dès le 26 juin 2014 ou d’une réclamation, le 21 juillet 2016, de la Banque populaire Val de France au titre d’une autorisation de découvert bancaire provisoire de 200.000 euros, ou encore de demandes en paiement de la société Consumer Finance, en mai 2018, et, en mai 2017, de la Banque populaire Val de France au titre de deux chèques revenus impayés).

Pour ce qui est des dettes invoquées mises en recouvrement en 2017 et 2018, la disproportion s’apprécie, comme il a été dit, lors de l’engagement de caution.

Par suite, tant la déclaration de renseignements actualisée le 14 septembre 2016 que l’absence d’engagement à titre personnel de monsieur [E] ou encore sa dissimulation de divers éléments affectant son passif peuvent être valablement opposées à ce dernier qui ne peut se prévaloir d’un engagement disproportionné sanctionné par la déchéance du créancier professionnel cautionné de son droit de poursuite à l’encontre de la caution.

Le jugement sera, par conséquent, confirmé en ce qu’il condamne monsieur [E] au paiement de la somme de 234.113,09 euros, non contestée dans son quantum par l’appelant.

L’équité conduit enfin la cour à allouer à la société Crédit mutuel la somme complémentaire de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [E] qui succombe sera débouté de sa demande de ce dernier chef et supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant ;

Condamne monsieur [W] [E] à verser à l’association coopérative à responsabilité limitée La Caisse de Crédit mutuel [Localité 3] [Adresse 6] la somme complémentaire de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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