19 janvier 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
20/04925
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 19/01/2023
N° de MINUTE : 20/4925
N° RG 20/04925 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TKAT
Jugement (N° 20/000020) rendu le 10 Novembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de valenciennes
APPELANT
Monsieur [Y] [Z]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 6] ([Localité 6]) – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Brigitte Petiaux D’Haene, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/010153 du 15/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉE
Association Douaisis Initiative
[Adresse 2]
[Localité 4] / France
Représentée par Me Hadrien Debacker, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 09 novembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 novembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat du 9 mai 2017, l’Association Douaisis Initiative qui intervient dans l’aide et l’accompagnement des créateurs d’entreprise, a consenti à M. [Y] [Z] un prêt d’honneur d’un montant de 10’000 euros, remboursable sans intérêt en 50 mensualités de 200 euros, dont la première échéance de remboursement a été fixée au 24 juin 2017, afin de l’aider au développement d’une activité professionnelle exercée sous forme d’E.I.R.L dénommé ‘Pizzeria [Z]’ à [Localité 5] (59), dont l’activité est la restauration de type rapide, immatriculée à compter du 4 juin 2018.
Les échéances du prêt des mois de mai et juin 2018 ont été rejetées.
Par jugement en date du 4 juin 2018, le tribunal de commerce de Valenciennes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de l’E.I.R.L Pizzeria [Z] et désigné Me [F] [N] ès qualité de liquidateur. Par jugement en date du 26 novembre 2018, ce même tribunal a prononcé la clôture pour insuffisance d’actifs de la liquidation judiciaire de l’E.I.R.L.
Suivant ordonnance sur requête de l’Association Douaisis Initiative rendue le 23 octobre 2019, signifiée le 9 décembre 2019, M. [Z] s’en vu enjoindre de payer à l’Association Douaisis Initiative la somme de 8 110 euros à titre principal, ainsi que les dépens.
Il a formé opposition à l’injonction de payer par déclaration reçue au greffe du tribunal le 16 décembre 2019.
Par jugement contradictoire en date du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :
– Vu l’ordonnance d’injonction de payer en date du 23 octobre 2019 à laquelle le présent jugement se substitue en application de l’article 1420 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– condamné M. [Z] à payer à l’Association Douaisis Initiative la somme de
8 110 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2018,
– condamné M. [Z] à payer à l’Association Douaisis Initiative la somme de
1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
– condamné M. [Z] aux dépens.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 7 décembre 2020, M. [Z] a relevé appel de l’ensemble des chefs de l’exception des dispositions ayant débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2022, il demande à la cour de :
– le recevoir en son appel,
– le dire bien fondé,
– réformer la décision déférée en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau :
– juger que le prêt de 10’000 euros accordé par l’Association Douaisis Initiative est une dette contractée pour son activité professionnelle,
– prononcer la nullité de la clause du contrat de prêt prévoyant l’obligation pour l’entrepreneur individuel d’une E.I.R.L de payer le prêt à caractère professionnel même en cas de liquidation judiciaire,
– débouter l’Association Douaisis Initiative de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– la condamner aux entiers frais et dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2021, l’Association Douaisis Initiative demande à la cour de :
Vu l’article 1103 du code civil,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes en toutes ses dispositions,
– juger que la créance due par M. [Z] est certaine, liquide et exigible,
– condamner M. [Z] au paiement de la somme de 8 110 euros,
– condamner M. [Z] au versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens.
M. [Z] fait valoir que les engagements pris par lui ne peuvent pas l’engager à titre personnel au motif que son activité était exercée sous forme d’E.I.R.L, le prêt contracté auprès de l’Association Douaisis Initiative à des fins professionnelles étant une dette qui concerne son patrimoine professionnel et non une dette personnelle ; que dès lors, l’Association Douaisis Initiative n’ayant pas déclaré sa créance au passif de l’E.I.R.L, cette créance est éteinte. Il ajoute que la clause prévoyant l’obligation de paiement en cas de cessation des paiements est illicite, les règles relatives aux procédures collectives étant d’ordre public.
L’Association Douaisis Initiative fait valoir que le prêt consenti est un engagement personnel de M. [Z] ainsi qu’il est contractuellement prévu à l’artiche 11 du contrat, ces dispositions étant parfaitement claires quant au caractère personnel du prêt d’honneur dont l’emprunteur a bénéficié. Elle ajoute qu’en procédant au paiement partiel du solde de sa dette à titre personnel postérieurement à la liquidation judiciaire, M. [Z] a reconnu être débiteur et avoir parfaitement compris les dispositions contractuelles du prêt d’honneur dont il a bénéficié en qualité ‘d’entreprenant’.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour le surplus de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 9 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la créance principale de l’organisme prêteur
Selon l’article 1103 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi ceux qui les ont faits'(…).
Il ressort de la lecture du contrat de prêt d’honneur versé aux débats que si l’objet du prêt de 10 000 euros était le financement du besoin en fonds de roulement et/ou investissements de l’E.I.R.L [Z], il ne peut être discuté que c’est bien M. [Z] qui est intervenu à l’acte à titre personnel, désigné comme ’emprunteur’, et s’engageant à ce titre à utiliser la somme prêtée conformément au plan de financement présenté par l’entreprise (article 4), à accueillir et à faciliter les interventions de l’organisme de suivi et à faire demeurer son entreprise dans l’arrondissement de [Localité 4] pendant toute la durée du contrat (article 8).
De plus, l’article 11 du contrat précise que le prêt en question est personnel, la cessation anticipée de l’activité ou l’état de cessation de paiement de l’entreprise ne libérant pas le bénéficiaire de l’obligation de remboursement du solde du prêt, ces dispositions étant parfaitement claires.
En outre, M. [Z] a fait précéder sa signature de la formule suivante: « Je m’engage sur l’honneur à respecter toutes les clauses du présent contrat ».
Il sera rappelé que le prêt d’honneur caractérise comme en l’espèce un concours financier accordé sans garantie et sans intérêt par un organisme non bancaire à un créateur afin d’accroître sa capacité financière et de l’aider à obtenir le financement nécessaire au démarrage d’une activité nouvelle, ce prêt personnel étant par définition accordé à l’entreprenant et non à l’entreprise nouvellement créée ou en voie de constitution.
C’est donc de manière pertinente que le premier juge a considéré que le co-contractant de l’Association Douaisis Initiative était bien M. [Z] à titre personnel et aucunement l’E.I.R.L Pizzeria [Z], en sorte que M. [Z] est tenu personnellement au remboursement du prêt d’honneur, nonobstant le placement en liquidation de l’E.I.R.L et la clôture pour insuffisance d’actifs.
En outre, le prêt d’honneur ayant été contracté avec M. [Z] à titre personnel, la clause selon laquelle ‘la cessation anticipée de l’activité ou l’état de cessation des paiements de l’entreprise ne libère pas le bénéficiaire de l’obligation de remboursement du solde du prêt’ ne contrevient aucunement aux dispositions d’ordre public des procédure collectives, en sorte que M. [Z] sera débouté de sa demande nullité de ladite clause.
Le quantum de la créance de l’Association Douaisis Initiative n’étant pas contesté et par ailleurs justifié, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [Z] à lui payer la somme de 8 110 euros avec intérêts à compter du 5 novembre 2018, date de réception de la mise en demeure, au titre du solde du prêt d’honneur litigieux.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Z], qui succombe en appel, sera condamné aux dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à l’Association Douaisis Initiative la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré;
Y ajoutant,
Déboute M. [Y] [Z] de sa demande de nullité de la clause du contrat de prêt selon laquelle ‘le prêt consenti est un prêt personnel, la cessation anticipée de l’activité ou l’état de cessation des paiements de l’entreprise ne libère pas le bénéficiaire de l’obligation de remboursement du solde du prêt’ ;
Condamne M. [Y] [Z] à payer en cause d’appel à l’Association Douaisis Initiative une indemnité de procédure de 1 000 euros ;
Condamne M. [Y] [Z] aux entiers dépens d’appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU