19 janvier 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01925
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 19/01/2023
N° de MINUTE : 23/30
N° RG 22/01925 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UHKR
Décision (N° 21/00655) rendu le 31 Mars 2022 par le Juge de l’exécution d’Arras
APPELANTE
SA Eurotitrisation
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Cédric Klein, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [G] [H]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/005005 du 31/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
DÉBATS à l’audience publique du 08 décembre 2022 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 décembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Le 8 juillet 2007, M. [G] [H] a accepté l’offre préalable de prêt personnel n° 80133559788 proposée par la société Sofinco pour un montant de 35 000 euros, remboursable en 36 mois au taux nominal de 4,651 % l’an.
Le 1er avril 2010, la société Sofinco a changé de dénomination sociale et est devenue la société CA Consumer finance.
Par jugement réputé contradictoire du 7 mars 2011, le tribunal d’instance de Lille a condamné M. [H] à payer à la société Consumer finance anciennement dénommée Sofinco la somme de 21 161,19 euros au titre du crédit, avec intérêts courant au taux contractuel de 4,651% à compter de la décision ainsi que celle de 1 euro au titre de l’indemnité légale avec intérêts au taux légal à compter de la décision.
Ce jugement a été signifié a M. [H] par acte du 14 avril 2011, selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
Le 14 juin 2012, la société CA Consumer finance a cédé un ensemble de créances au fonds commun de titrisation Foncred II, représenté par la société de gestion Eurotitrisation, avec attribution de ces créances au compartiment Foncred II-A.
Selon procès-verbal du 8 novembre 2019, le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation a, en vertu du jugement du 7 mars 2011, fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes ouverts par M. [H] dans les livres de la Société Générale.
La saisie a été dénoncée à M. [H] par acte du 18 novembre 2019.
Par acte du 21 novembre 2019, le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation, a fait dénoncer à M. [H] le procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation de trois véhicules lui appartenant signifié à la préfecture du Nord le 15 novembre 2019.
Par jugement du 14 mai 2020, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Arras a déclaré nulles ces mesures d’exécution.
Par acte du 26 janvier 2021,le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A représenté par la société de gestion Eurotitrisation a fait signifier à M. [H] un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur une somme de 27 907,86 euros.
Par acte du 14 mai 2021, M. [H] a assigné le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, représenté par la société de gestion Eurotitrisation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Arras aux fins de contester ce commandement.
Par jugement réputé contradictoire du 31 mars 2022, le juge de l’exécution a :
– déclaré nul le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à M. [H] le 26 janvier 2021 pour le compte du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A ;
– rappelé qu’en conséquence tous les effets de cette mesure d’exécution doivent être levés et, le cas échéant, les biens saisis restitués à M. [H] ;
– condamné le fonds commun de titrisation Foncred II compartiment Foncred II-A à verser à M. [H] la somme de 500 euros en réparation du préjudice né de l’abus dans l’exercice des voies d’exécution ;
– condamné le fonds commun de titrisation Foncred II compartiment Foncred II-A à supporter les dépens de l’instance.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 19 avril 2022, la société Eurotitrisation a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 juillet 2022, la société Eurotitrisation ès qualités de représentante du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A demande à la cour, sur le fondement des articles L. 111-3 et suivants, L. 221-1 et suivants, R. 221-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, de :
– se déclarer non saisie des demandes formulées par M. [H] tendant à ‘Dire et juger’ et ‘Constater’ ;
– déclarer irrecevable M. [H] en sa demande nouvelle devant la cour tendant à cantonner la créance au principal ;
– infirmer le jugement du 31 mars 2022 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
– déclarer que le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, représenté par la société Eurotitrisation, vient aux droits de la société Sofinco, et est créancier de M. [H] ;
– valider le commandement aux fins de saisie-vente délivré à M. [H] le 26 janvier 2021 qui produira tous ses effets ;
– débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [H] à lui payer la somme de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [H] aux dépens, de première instance et d’appel, ces derniers étant recouvrés par Maître Guillaume Ghestem, avocat constitué, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions du 5 décembre 2022, M. [H] demande à la cour, sur le fondement des articles 32 et 117 du code de procédure civile, L. 211.1 et suivants, R. 211-1, L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, L.137-2 du code de la consommation devenu article L.218-2 du dit code, 214-46 du code monétaire et financier et 1690 du code civil, de :
– prononcer la nullité de la signification du 14 avril 2011 du jugement rendu le 7 mars 2011 par le tribunal d’instance de Lille ;
En conséquence,
– dire et juger non avenu le jugement rendu le 7 mars 2011 par le tribunal d’instance de Lille ;
En conséquence,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la nullité du commandement de payer aux fins de saisie vente qui lui a été dénoncé le 26 janvier 2021 et de toutes mesures prises en exécution de celui-ci, et en ce qu’il a rappelé qu’en conséquence tous les effets de cette mesure d’exécution doivent être levés et, le cas échéant, les biens saisis lui être restitués ;
Subsidiairement,
– constater que le fonds commun de titrisation Foncred II ne rapporte pas la preuve qu’il vient au droit de la société CA Consumer finance ;
En conséquence,
– confirmer le jugement du 31 mars 2022 en ce qu’il a ordonné la nullité du commandement de payer aux fins de saisie vente qui lui a été dénoncé le 26 janvier 2021 et de toutes mesures prises en exécution de celui-ci, et en ce qu’il a rappelé qu’en conséquence tous les effets de cette mesure d’exécution doivent être levés et, le cas échéant, les biens saisis lui être restitués ;
Plus subsidiairement,
– dire et juger la créance d’intérêts prescrite,
– cantonner la saisie à la créance au principal,
En tout état de cause,
– confirmer la décision dont appel en ce que le fonds commun de titrisation Foncred II a été condamné à lui payer la somme de 500 euros en réparation du préjudice né de l’abus dans l’exercice des voies d’exécution,
– condamner le fonds commun de titrisation Foncred II aux dépens de première instance et d’appel.
Par ordonnance du 1er décembre 2022, la présidente de chambre a déclaré l’appel recevable.
MOTIFS
Sur la demande de la société Eurotitrisation ès qualités relative aux ‘Dire et juger’ et ‘Constater’ :
Selon l’article 954 en ses 1er, 2ème et 3ème alinéa, dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée ; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
S’il est exact que le dispositif des conclusions de M. [H] contient un certain nombre de dispositions commençant par ‘dire et juger’ et ‘constater’, il demeure que, malgré les termes employés (‘dire et juger non avenu le jugement rendu le 7 mars 2011 par le tribunal d’instance de Lille’), c’est bien une demande tendant à voir déclarer le jugement du 7 mars 2011 non avenu qui est formée par M. [H], la cour en étant saisie.
En revanche, les chefs du dispositif des conclusions tendant à voir ‘constater que le fonds commun de titrisation Foncred II ne rapporte pas la preuve qu’il vient au droit de la société CA Consumer finance’ et à voir ‘dire et juger la créance d’intérêts prescrite’ ne sont que le rappel de moyens venant au soutien, pour le premier, de la demande tendant à voir confirmer le jugement déféré qui a déclaré nul le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021 et, pour le second, de la demande tendant à voir cantonner la saisie à la créance au
principal ;
Ainsi, si la cour n’a pas à statuer dans le dispositif de sa décision sur ces chefs du dispositif des conclusions de M. [H], elle devra toutefois examiner ces moyens venant au soutien des demandes formées.
Sur la régularité de la signification du 14 avril 2011 du jugement rendu le 7 mars 2011 :
Si la société Eurotitrisation ès qualités demande, dans le corps de ses conclusions, que la demande de M. [H] tendant à voir prononcer la nullité de la signification du 14 avril 2011 du jugement rendu le 7 mars 2011 soit déclarée irrecevable comme soulevée pour la première fois en cause d’appel et après qu’il ait été soulevé une fin de non recevoir en première instance, cette demande ne figure pas dans le dispositif de ces écritures de sorte que la cour n’a pas à statuer.
Selon l’article 659 du même code, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.
Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
Il résulte de l’article 693 alinéa 1er du même code que ce qui est prescrit par l’article 659 est observé à peine de nullité.
Selon l’article 694 du même code, la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
Enfin, l’article 114 du code de procédure civile dispose qu’aucun acte ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
En l’espèce, aux termes de l’acte du 14 avril 2011 produit devant la cour, l’huissier, dans le procès-verbal de recherches qu’il a dressé, mentionne que, chargé de délivrer la copie d’un acte de signification d’une décision de justice au dernier domicile connu de M. [H] [G] – [Adresse 4]
Tourmignies :
– il s’est transporté à cette adresse où il a rencontré l’occupant actuel qui lui a déclaré ne pas connaître le destinataire de l’acte ;
– lors de son enquête de voisinage, il a eu la confirmation que le signifié avait bien habité au [Adresse 3] et qu’il avait quitté les lieux depuis de nombreux mois sans laisser d’adresse ;
– il s’est rapproché des services municipaux de la commune de [Localité 8] en
vain ;
– ses recherches sur le service des pages blanches via internet sont demeurées également infructueuses ;
– ne disposant pas du lieu de travail du destinataire de son acte, il n’a pu prospecter cette piste.
S’il n’est pas contesté par M. [H] que l’adresse [Adresse 3] (qui figure sur l’offre de prêt acceptée le 8 juillet 2007, le bulletin de salaire et la facture d’eau remis au prêteur lors de la conclusion du prêt et le jugement du 7 mars 2011) était bien sa dernière adresse connue, ce dernier fait valoir que l’huissier n’a manifestement pas opéré toutes les diligences utiles car il était à l’époque gérant de la société Directochâteau à [Localité 5] qui faisait l’objet d’une procédure collective, ainsi que d’une SNC Charles de Vilmont immatriculée au RCS de Lille et ayant son siège social à [Localité 6] de sorte qu’une simple consultation du Kbis aurait fourni à l’huissier toute information utile pour permettre de lui remettre l’acte.
Il ne peut être reproché à l’huissier de ne pas avoir cherché à identifier les sociétés dont M. [H] pouvait être le gérant. En revanche, contrairement à ce qu’il a mentionné dans le procès-verbal de recherches, l’huissier aurait pu sans difficultés poursuivre les recherches sur un éventuel lieu de travail de l’intéressé en se rapprochant simplement de son requérant, la société Sofinco, qui était en mesure de lui indiquer que lors de la conclusion du prêt, M. [H] travaillait pour la société Maison de luxe et de création à [Localité 7], ce qui lui aurait permis de poursuivre ses investigations auprès de cette société.
Il convient donc de retenir que l’acte est irrégulier.
Toutefois, force est de constater que M. [H] n’établit ni même allègue aucun grief qui lui serait causé par cette irrégularité de sorte que la nullité de la signification ne saurait être prononcée.
Il convient donc de rejeter la demande de M. [H] tendant à voir prononcer la nullité de la signification du 14 avril 2011 du jugement rendu le 7 mars 2011 et la demande en découlant tendant à voir dire ce jugement non avenu en application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile.
Ainsi, le jugement du 7 mars 2011 signifié le 14 avril 2011 constitue un titre exécutoire.
Contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, le commandement du 26 janvier 2021 ne peut donc être déclaré nul au motif que le jugement du 7 mars 2011, en l’absence de preuve d’une signification régulière, doit être considéré comme non avenu et ne peut servir de fondement au commandement du 26 janvier 2021.
Sur la preuve de la cession de créance :
Il incombe à l’organisme qui se prévaut d’une cession de créance à son profit d’en apporter la preuve.
L’acte de cession de créance doit contenir les éléments permettant une individualisation de la créance cédée.
M. [H] fait valoir que les pièces produites ne suffisent pas à rapporter la preuve de ce que la créance qui a été cédée au fonds commun de titrisation Foncred II est bien celle résultant du contrat de prêt le concernant.
Or, la société Eurotitrisation ès qualité verse aux débats :
– l’offre préalable de prêt personnel n° 80133559788 de la société Sofinco d’un montant de 35 000 euros remboursable en 36 mois au taux de 4,651 %, acceptée par M. [H] le 8 juillet 2007 ;
– le jugement du tribunal d’instance de Lille du 7 mars 2011 condamnant M. [H] à payer à la société CA Consumer Finance anciennement dénommée Sofinco la somme de 21 161,69 euros ‘au titre du crédit’ avec intérêts au taux contractuel de 4,561 %, qui mentionne l’offre préalable acceptée le 8 juillet 2007 par laquelle la société Sofinco a consenti à M. [H] un prêt personnel d’un montant de 35 000 euros stipulé remboursable en 36 mensualités au taux contractuel de 4,651 euros ;
– le bordereau de cession de créances remis au fonds commun de titrisation Foncred II le 14 juin 2012, mentionnant la cession, dans les conditions prévues à la convention de cession de créances du même jour, d’un ensemble de créances par la société CA Consumer Finance au fonds commun de titrisation Foncred II représenté par la société de gestion Eurotitrisation, les créances attribuées au compartiment Foncred II, étant désignées et individualisées sur une liste figurant sur un fichier électronique intitulé ‘cession CA-CF’ gravé sur un CD-Rom intitulé ‘liste des créances cédées par CA Consumer Finance au compartiment Foncred II-A du fonds commun de titrisation Foncred II’ remis à la société de gestion concomitamment à l’acte de cession de créances, cette liste précisant notamment, pour chaque créance, son numéro de dossier et son montant ;
– l’annexe à ce bordereau mentionnant :
‘num dossier id doss libl soc id indv nom prénom
35138059788 80133559788 Sofinco E001FESA [H] [G]’
Il en ressort clairement que la créance de la société CA Consumer Finance au paiement de laquelle M. [G] [H] a été condamné par le jugement du 7 mars 2011 au titre de l’offre de prêt n°80133559788 de la société Sofinco, a bien été cédée par la société CA Consumer Finance au fonds commun de titrisation Foncred II.
La nullité du commandement du 26 janvier 2021 ne saurait donc être prononcée au motif que la preuve de la cession de la créance n’est pas rapportée.
Sur la qualité à agir de la société Eurotitrisation :
M. [H] soutient que, faute d’information du débiteur, la société Eurotitrisation n’a pas davantage que le fonds commun de titrisation Foncred II qualité à agir.
Dans sa version en vigueur depuis le 24 mai 2019, résultant de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite « loi Pacte », applicable lors de la délivrance du commandement litigieux, l’article L. 214-172 du code monétaire et financier prévoit, en son alinéa 1er, que lorsque des créances, autres que des instruments financiers, sont transférées à l’organisme de financement, leur recouvrement continue d’être assuré par le cédant ou par l’entité qui en était chargée avant leur transfert dans des conditions définies soit par une convention passée avec la société de gestion de l’organisme, soit par l’acte dont résultent les créances transférées lorsque l’organisme devient partie à cet acte du fait du transfert desdites créances.
Toutefois, à tout moment, tout ou partie du recouvrement de ces créances peut être assuré directement par la société de gestion en tant que représentant légal de l’organisme ou peut être confié par elle, par voie de convention, à une autre entité désignée à cet effet.
Ses alinéas 2 et 3 prévoient ensuite, le premier, que la société de gestion, en tant que représentant légal de l’organisme, peut également recouvrer directement toute créance résultant d’un prêt consenti par lui ou en confier, à tout moment, tout ou partie du recouvrement par voie de convention à une autre entité désignée à cet effet et, le second, qu’en cas de changement de toute entité chargée du recouvrement en application des premier et deuxième alinéas, chaque débiteur concerné est informé de ce changement par tout moyen, y compris par acte judiciaire ou extrajudiciaire.
En l’espèce, la société de gestion Eurotitrisation a donc, en tant que représentante légale du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d’une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées.
De plus, le commandement aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021 mentionne qu’il est délivré par le fonds commun de titrisation représenté par la société de gestion Eurotitrisation et vise l’acte de cession de créances passé avec la société CA Consumer Finance du 14 juin 2012, de sorte que M. [H] était ainsi informé que la société Eurotitrisation assurait le recouvrement de la créance cédée.
La société Eurotitrisation ès qualités a donc bien qualité à agir.
Le commandement ne saurait donc davantage être annulé au motif que la société Eurotitrisation n’a pas qualité à agir pour recouvrer la créance du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A.
En définitive, il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré nul le commandement du 26 janvier 2021 et rappelé qu’en conséquence tous les effets de cette mesure d’exécution doivent être levés et le cas échéant, les biens saisis restitués à M. [H] et de rejeter la demande de ce dernier tendant à voir déclarer nul ce commandement ainsi que toutes les mesures prises en exécution de celui-ci.
Sur la demande de cantonnement :
M. [H] demande que la saisie soit cantonnée à la créance en principal au motif que la créance d’intérêts est prescrite.
La société Eurotitrisation ès qualités fait valoir que cette demande, nouvelle en appel est irrecevable.
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Selon l’article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement est différent.
La demande de cantonnement tend aux mêmes fins que la demande de nullité puisque la seconde tend à faire écarter totalement le commandement tandis que la première tend à en limiter les effets.
Il ne s’agit donc pas d’une demande nouvelle et elle est dès lors recevable.
En application de l’article L. 137-2 créé par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, devenu L. 218-2 du code de la consommation, les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire, en raison de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur, sont soumises au délai de prescription biennale.
En l’espèce, le jugement du 7 mars 2011 a fixé le point de départ des intérêts à la date de sa signification, soit le 11 avril 2011.
En outre, il est constant que le crédit consenti par la société Sofinco à M. [H] relevait des dispositions du code de la consommation de sorte que la prescription des intérêts est biennale et non quinquennale comme le soutient la société Eurotitrisation ès qualités.
La saisie-attribution pratiquée le 8 novembre 2019 et dénoncée à M. [H] le 18 novembre 2019 et le procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation de trois véhicules appartenant à M. [H] signifié à la préfecture du Nord le 15 novembre 2019 et dénoncé à M. le 21 novembre 2019 n’ont pas eu d’effet interruptif de la prescription puisqu’ils ont été annulés par le jugement du juge de l’exécution d’Arras du 14 mai 2020.
Il en résulte que les intérêts antérieurs de plus de deux ans au commandement aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021 qui, sans être un acte d’exécution forcée, engage la mesure d’exécution forcée et interrompt la prescription, sont prescrits de sorte que la créance du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A sera retenue à la date du 11 janvier 2021, date à laquelle les intérêts ont été arrêtés dans le commandement pour :
principal : 21 161,19
indemnité légale : 1,00
intérêts sur le principal au taux de 4,65 %
du 26/01/2019 au 11/01/2021 1 943,94
intérêts sur l’indemnité légale au taux légal majoré
du 26/01/2019 au 11/01/2021 0,12
coût du commandement 59,52
émolument proportionnel A. 444-3 à recalculer
Soit un total de 23 165,77 euros, outre l’émolument proportionnel A. 444-3 à recalculer, montant auquel il convient de cantonner les causes du commandement du 26 janvier 2021.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [H] :
Selon l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie.
Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être considéré que le fonds commun de titrisation Foncred II compartiment Foncred II-A a agi de manière abusive en délivrant le commandement du 26 janvier 2021, alors qu’il s’avère que seul le montant des causes du commandement doit être réduit.
Il convient donc d’infirmer le jugement déféré qui a condamné le fonds commun de titrisation Foncred II à régler à M. [H] la somme de 500 euros.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A n’a pas comparu en première instance et a attendu d’être devant la cour pour produire la signification du jugement du 7 mars 2011.
Il convient donc de laisser à sa charge les dépens de première instance.
En revanche, partie perdante devant la cour sur l’essentiel de ses demandes, M. [H] sera condamné aux dépens d’appel, qui seront recouvrés par Maître Ghestem, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande de laisser à la charge de la société Eurotitrisation ès qualités de représentante du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A, les frais irrépétibles qu’elle a exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
Dit que la cour n’est pas saisie de prétentions, s’agissant des chefs du dispositif des conclusions de M. [H] tendant à voir ‘constater que le fonds commun de titrisation Foncred II ne rapporte pas la preuve qu’il vient au droit de la société CA Consumer finance’ et à ‘voir dire et juger la créance d’intérêts prescrite’ ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A aux dépens ;
L’infirme sur le surplus et y ajoutant,
Déboute M. [G] [H] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la signification du 14 avril 2011 du jugement du tribunal d’instance de Lille rendu le 7 mars 2011 ;
Déboute M. [G] [H] de sa demande tendant à voir déclarer le jugement du 7 mars 2011 non avenu ;
Déclare le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A créancier de M. [H] ;
Déclare que la société de gestion Eurotitrisation représentant le fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II-A a qualité à agir en recouvrement de la créance ;
Déboute M. [G] [H] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021 et de toutes mesures prises en exécution de celui-ci ;
Déclare recevable la demande de M. [G] [H] tendant à voir cantonner la saisie à la créance au principal ;
Cantonne les causes du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 26 janvier 2021 à la somme de 23 165,77 euros, outre l’émolument proportionnel A. 444-3 à recalculer ;
Déboute M. [G] [H] de sa demande en dommages et intérêts ;
Déboute la société Eurotitrisation ès qualités de représentante du fonds commun de titrisation Foncred II, compartiment Foncred II A de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G] [H] aux dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître Guillaume Ghestem, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE