Prêt entre particuliers : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03085

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Prêt entre particuliers : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03085

19 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/03085

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03085 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEBH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2021 – Juge des contentieux de la protection de LAGNY SUR MARNE – RG n° 11-20-001524

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉ

Monsieur [K] [E]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 7] (971)

[Adresse 2]

[Localité 4]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 15 septembre 2015, la société Sogefinancement a consenti à M. [K] [E] un prêt personnel d’un montant de 12 200 euros remboursable en 84 mensualités de 186,53 euros chacune hors assurance, moyennant un taux d’intérêt nominal de 7,40 % l’an.

Un avenant de réaménagement a été validé par l’emprunteur le 19 mai 2016 prévoyant le remboursement de la somme due à cette date de 12 353,26 euros en 108 mensualités de 165,04 euros chacune assurance comprise.

Plusieurs échéances étant demeurées impayées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 27 octobre 2020 par la société Sogefinancement d’une demande tendant principalement à la condamnation de M. [E] au paiement du solde restant dû après déchéance du terme du contrat et à titre subsidiaire à la résiliation du contrat, le tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne, par jugement réputé contradictoire du 12 janvier 2021 auquel il convient de se reporter, a :

– condamné M. [E] à payer à la société Sogefinancement la somme de 4 439,26 euros augmentée des intérêts au taux légal non majoré à compter de la signification du jugement,

– réduit à néant l’indemnité sollicitée par la société Sogefinancement à titre de clause pénale,

– rejeté le surplus des demandes,

– condamné M. [E] aux dépens.

Après avoir examiné la recevabilité de l’action au regard du délai biennal de forclusion, le tribunal a retenu, en se fondant sur les articles L. 312-28 du code de la consommation, 1103 et 1217 du code civil, que l’encadré figurant en amont du contrat n’indiquait pas le montant des échéances assurance comprise de sorte que la déchéance du droit aux intérêts contractuels était encourue.

Pour calculer le montant de la créance, le tribunal a déduit du capital emprunté le montant des versements effectués à hauteur de 7 760,74 euros. Il a réduit à néant la somme réclamée à titre d’indemnité de résiliation compte tenu de son caractère excessif. Afin de rendre effective et dissuasive la sanction de déchéance du droit aux intérêts contractuels, il a écarté la majoration de cinq points du taux d’intérêts légal.

Suivant déclaration enregistrée le 16 février 2021, la société Sogefinancement a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions remises le 17 mai 2021, elle demande à la cour :

– d’infirmer le jugement et statuant à nouveau,

– de déclarer le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels irrecevable comme prescrit et subsidiairement, de dire et juger que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels est infondé et la déchéance du droit aux intérêts contractuels non encourue,

– en conséquence, et en tout état de cause, de condamner M. [E] à lui payer la somme de 9 530,80 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 5 mars 2020 sur la somme de 8 835,89 euros et au taux légal pour le surplus, et subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de le condamner à lui payer la somme de 5 230,70 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 mars 2020,

– en tout état de cause, de condamner M. [E] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

L’appelante soutient au visa de l’article L. 110-4 du code de commerce, que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel et contractuel ne pouvait être soulevé par le juge lors de l’audience du 1er décembre 2020 puisqu’il était prescrit, le contrat ayant été signé le 15 septembre 2015.

Elle conteste toute irrégularité dans la mesure où aucune disposition du code de la consommation n’impose la mention de l’assurance facultative dans l’encadré figurant en haut de l’offre de crédit. Elle soutient que le coût de l’assurance n’a pas à être inclus dans le montant total dû par l’emprunteur de même que le montant des échéances assurance comprise dans le montant total des échéances.

Elle estime être bien fondée en sa demande de condamnation portant intérêts au taux contractuel et non légal et au titre de l’indemnité de résiliation.

La déclaration d’appel a été régulièrement signifiée à l’intimé suivant acte d’huissier remis à personne le 7 avril 2021. M. [E] n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 22 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Au regard de sa date de conclusion, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Les dispositions du code civil en leur version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

La recevabilité de l’action a été examinée par le premier juge. Il résulte de l’historique de compte que le premier impayé non régularisé postérieur à l’accord de réaménagement remonte au 26 octobre 2019. L’assignation a bien été délivrée dans le délai de deux années par acte du 27 octobre 2020 de sorte que c’est à bon droit que la société Sogefinancement a été reçu en son action. Le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur la prescription du moyen tiré de l’irrégularité de l’offre préalable

L’appelante soutient que le premier juge ne pouvait soulever lors de l’audience du 1er décembre 2020, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en raison de la prescription.

La prescription est sans effet sur l’invocation d’un moyen qui tend non pas à l’octroi d’un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C’est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d’un crédit à la consommation, l’emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d’une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu’il n’entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d’intérêts indûment acquittés.

Dans le rôle qui lui est conféré tant par l’article L. 141-4 (devenu R. 632-1) du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d’office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d’ordre public de ce code.

En l’espèce, le moyen soulevé d’office par le tribunal d’instance et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels n’a pas pour effet de conférer à l’emprunteur un avantage autre qu’une minoration de la créance dont la société Sogefinancement poursuit le paiement.

Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par le jeu d’une compensation qui supposerait une condamnation -qui n’est pas demandée- de l’organisme de crédit à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l’imputation des paiements faits par l’emprunteur.

En conséquence, il convient d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogefinancement.

Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

Les dispositions de l’article L. 311-18 du code de la consommation dans leur version applicable en la cause, prévoient que le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable. Il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article L. 311-6 du même code. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.

Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts aux termes de l’article L. 311-48 du même code.

L’article R. 311-5 du même code fixe la liste des informations figurant dans le contrat et dans l’encadré mentionné à l’article L. 311-18 lesquelles doivent être rédigées en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit, en termes clairs et lisibles. Doivent notamment figurer dans l’encadré en caractères plus apparents :

a) Le type de crédit ;

b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;

c) La durée du contrat de crédit ;

d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser ;

e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d’adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s’appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;

f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;

g) Tous les frais liés à l’exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d’un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l’utilisation d’un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;

h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant.

Le contrat signé par les parties prévoit une assurance facultative effectivement souscrite par M. [E] au moment de la signature du contrat. Dès lors que l’assurance n’est pas imposée par le prêteur, comme c’est le cas en l’espèce, les dispositions légales et réglementaires précitées n’imposent pas que le coût mensuel de l’assurance et le montant de l’échéance assurance comprise figurent dans l’encadré inséré au début du contrat, ni que le montant total dû par l’emprunteur comprenne le montant de cette assurance facultative.

C’est donc en ajoutant aux textes précités que le premier juge a retenu que la société Sogefinancement encourrait la déchéance du droit aux intérêts contractuels sur ce fondement. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé de la demande

L’appelante produit à l’appui de sa demande :

– l’offre préalable de crédit signée le 15 septembre 2015 et l’avenant de réaménagement,

– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN),

– la fiche de dialogue (ressources et charges) et les pièces justifiant de l’identité et de la solvabilité de l’emprunteur,

– le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement (FICP),

– la synthèse des garanties assurance et la notice d’information relative à l’assurance,

– les tableaux d’amortissement,

– l’historique de prêt,

– un décompte de créance.

Pour fonder sa demande en paiement, la société Sogefinancement justifie de l’envoi à l’emprunteur le 11 février 2020 d’un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement sous 15 jours des mensualités impayées à hauteur de 539,76 euros sous peine de voir exiger le remboursement immédiat du montant total restant dû au titre du prêt. Un courrier recommandé de mise en demeure a également été adressé le 10 mars 2020 à M. [E] portant sur la somme totale de 9 547 euros en échéances impayées, capital, intérêts et pénalité légale.

C’est donc de manière légitime que la société Sogefinancement se prévaut de l’exigibilité des sommes dues et de la déchéance du terme du contrat.

En application de l’article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 devenu 1231-5 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l’appelante s’établit de la façon suivante :

– échéances impayées : 660,16 euros

– capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 8 175,73 euros

– intérêts de retard sur échéances impayées arrêtés au 4 mars 2020 : 7,32 euros

soit la somme totale de 8 843,21 euros.

M. [E] est en conséquence condamné à payer cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 5 mars 2020 sur la somme de 8 835,89 euros.

L’appelante sollicite en outre la somme de 687,59 euros au titre de l’indemnité de résiliation.

Selon l’article D. 311-6 du code de la consommation, lorsque que le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme.

Or, la somme demandée par la société Sogefinancement est supérieure à 8 % de 8 175,73 euros et elle s’ajoute à l’indemnité de même nature capitalisée lors de la signature de l’avenant de réaménagement.

En conséquence, il est fait droit à la demande de la société Sogefinancement dans la seule limite de 50 euros.

M. [E] est condamné au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2020.

La sanction de déchéance du droit aux intérêts n’étant pas prononcée, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l’application de la majoration du taux légal prévue par l’article L. 313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.

Les dispositions du jugement querellé relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. M. [E] qui succombe supportera les dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire, par décision mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a déclaré l’action recevable, débouté la société Sogefinancement de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné M. [E] aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Condamne M. [K] [E] à payer à la société Sogefinancement la somme de 8 843,21 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an sur la somme de 8 835,89 euros à compter du 5 mars 2020 outre la somme de 50 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2020 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] [E] aux dépens d’appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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