Prêt entre particuliers : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05470

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Prêt entre particuliers : 19 janvier 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05470

19 janvier 2023
Cour d’appel de Douai
RG
21/05470

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 19/01/2023

N° de MINUTE : 23/58

N° RG 21/05470 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T5PE

Jugement (N° 21/000997) rendu le 20 Septembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTE

Sa Créatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [N] [F]

née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 6] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 16/12/2021 par acte remis à personne

DÉBATS à l’audience publique du 09 novembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable de crédit accepté le 9 avril 2011, la société Creatis a consenti à Mme [N] [F] un prêt personnel d’un montant de 30’500 euros remboursable en 132 mensualités de 342,53 euros incluant l’assurance facultative, assortie des intérêts au taux débiteur annuel de 6,14 %.

Le 13 février 2019, Mme [F] a été déclarée recevable en sa demande tendant à l’ouverture d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement.

Le 15 mai 2019, la commission de surendettement a imposé des mesures prévoyant le rééchelonnement des créances sur une période de six mois sans effacement du solde en fin de plan, avec des versements de 13,65 euros en remboursement de la créance litigieuse. Ces mesures sont entrées en vigueur le 30 septembre 2019.

Par courrier recommandé du 5 octobre 2020, la société Creatis a mis Mme [F] en demeure d’avoir à régulariser dans un délai de 30 jours le paiement des mensualités du prêt impayé, soit la somme de 2 043,10 euros, puis par courrier recommandé du 17 novembre 2020, elle a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit et a mis Mme [F] en demeure d’avoir à lui rembourser l’intégralité des sommes restant dues, soit 12’847,53 euros.

Par exploit d’huissier délivré le 24 mars 2021, la banque a fait assigner en paiement Mme [F] aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation à lui payer la somme de 12’690,63 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,14 % à compter du 19 février 2021 jusqu’à son complet paiement, outre la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire en date du 20 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, relevant qu’il y avait lieu de déchoir la banque de son droit aux intérêts contractuels, a :

– déclaré la société Creatis recevable en son action,

– rejeté l’ensemble des demandes formées par la société Creatis,

– condamné la société Creatis au paiement des dépens.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 25 octobre 1021, signifiée à Mme [F] par exploit d’huissier en date du 16 décembre 2021 délivré à personne, la société Creatis a relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement, à l’exception du chef ayant déclaré son action recevable.

Par conclusions déposées à la cour le 18 janvier 2022 et signifiées à Mme [F] par exploit d’huissier du 28 janvier 2022 délivré à étude huissier, la société Creatis demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille en date du 20 septembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré recevable en son action,

statuant à nouveau,

Vu les anciens articles L.311-1et suivants du code de la consommation dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010,

vu l’ancien article 1134 du code civil, vu les anciens articles L311-33 et L311-34 du code de la consommation dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010, vu l’article 9 du code de procédure civile,

– débouter Mme [F] de l’intégralité de ses demandes,

– constater, dire et juger que la société Creatis prend soin de verser aux débats en cause d’appel un exemplaire vierge du contrat de prêt personnel, contrat d’une génération similaire et contemporaine du contrat de crédit souscrit le 9 avril 2011 par Mme [F], et que ledit dossier de financement comprend trois exemplaires du contrat de prêt personnel, le premier exemplaire devant être renvoyé au prêteur et les deux autres exemplaires destinés à chaque emprunteur du dossier de financement devant être conservés par les emprunteurs,

– constater, dire et juger que si l’exemplaire du contrat de prêt personnel destiné à être renvoyé au prêteur est effectivement dépourvu de bordereau de rétractation, les deux autres exemplaires de ce même contrat de prêt personnel destinés à chaque emprunteur et devant être conservés par les emprunteurs comportent incontestablement un bordereau de rétractation,

– constater, dire et juger que le bordereau de rétractation est bien joint à chaque exemplaire du contrat de prêt personnel destiné à chaque emprunteur et devant être conservé par chacun des emprunteurs conformément aux dispositions de l’ancien article L.311-15 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 applicable en la cause,

– en tout état de cause, dire et juger que la seule et unique sanction applicable en cas d’absence de production par la banque d’un bordereau de rétractation est une amende conformément aux dispositions de l’ancien article L.311-34 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause, mais non la déchéance du prêteur du droit aux intérêts,

– par conséquent, condamner Mme [F] à lui payer la somme en principal de 12’690,63 euros se décomposant de la façon suivante :

– total capital : 11’471,11 euros,

– agios dûs : 301,83 euros,

– indemnité légale de 8 % : 917,69 euros,

– intérêts contentieux au taux de 6,14 % l’an courus et à courir à compter du 19 février 2021 jusqu’au jour du complet règlement : mémoire,

– condamner Mme [F] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [F] aux entiers frais et dépens y compris ceux d’appel, dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’intimée, Mme [N] [F] n’a pas constitué avocat en cause d’appel ni donc conclu dans de telles circonstances.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des la société Creatis pour l’exposé de ses moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 9 novembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes tendant à voir « constater, dire et juger » ne sont pas en l’espèce des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais le rappel des moyens de l’appelante.

Par ailleurs, les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux antérieurs à loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et les textes du code civil mentionnés sont ceux dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables à la date de conclusion du contrat de crédit.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Pour déchoir d’office la société Creatis de son droit aux intérêts contractuels, le premier juge a

estimé, au visa des articles L.311-5 et L.311-33 du code de la consommation, que la banque ne rapportait pas la preuve qu’elle avait remis à l’emprunteur une offre dotée d’un bordereau détachable de rétractation conforme au modèle type en vigueur à la date de conclusion du contrat de crédit.

L’appelante fait valoir que Mme [F] a signé la mention par laquelle elle a attesté être restée en possession d’un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation, que le prêteur n’a pas l’obligation de conserver un double du bordereau de rétractation qui ne figure que sur l’exemplaire du prêteur, et qu’elle produit en cause d’appel la liasse contractuelle vierge qui comprend trois exemplaires du contrat, le premier devant être renvoyé au prêteur qui ne comprend par le bordereau de rétractation, et deux autres exemplaires devant être conservés par les emprunteurs et qui comportent un bordereau de rétractation. Elle ajoute en tout état de cause que la sanction du défaut de bordereau de rétractation joint à l’offre n’est pas la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels, mais une amende pénale conformément aux dispositions de l’article L.311-34 du code de la consommation.

Aux termes de l’article L.311-33 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L 311-8 à L311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ».

Cet article sanctionne notamment la violation de l’article L 311-13 du même code, qui prévoit que les modèles types d’offre préalable de crédit sont établis par décret, à savoir par les articles R.311-6 et R.311-7 .

Or, ces modèles types exigent la présence d’un bordereau détachable de rétractation conformément à ce qu’impose l’article L 311-15 du code de la consommation, aux termes duquel « lorsque l’offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d’agréer la personne de l’emprunteur, le contrat devient parfait dès l’acceptation de l’offre préalable par l’emprunteur. Toutefois, l’emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre, revenir sur son engagement.

Pour permettre l’exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l’offre préalable ».

Dès lors, l’absence de bordereau de rétraction joint à l’offre laissée en possession de l’emprunteur est sanctionné par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels.

Si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles en application de l’article 1315 du code civil ; la signature par l’emprunteur, comme en l’espèce, de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).

En l’espèce, la société Creatis verse aux débats l’exemplaire de l’offre qui lui a été retourné par l’emprunteur, lequel ne comporte pas de bordereau de rétractation. Néanmoins, elle verse également un exemplaire vierge du contrat de prêt personnel de la génération de contrat de prêt souscrit le 9 avril 2011 par Mme [F]. (pièce n° 9)

Cet exemplaire vierge du contrat de prêt, qui est rédigé de façon exactement similaire au contrat litigieux du 9 avril 2011, comprend trois exemplaires du contrat de crédit, le premier devant être renvoyé au prêteur qui ne comprend par le bordereau de rétractation, et deux autres exemplaires devant être conservés par les emprunteurs qui comportent un bordereau de rétractation.

Il est rappelé qu’il ne peut être demandé au prêteur de produire un exemplaire du contrat comportant le bordereau de rétractation dans la mesure où si l’article L.311-8 ancien du code de la consommation prévoit la remise en double exemplaire de l’offre de crédit à l’emprunteur à charge pour lui d’en retourner un au prêteur, le formulaire détachable, joint à l’offre et dont l’usage est exclusivement destiné à l’emprunteur pour exercer sa faculté de rétractation, n’a pas à figurer sur l’exemplaire destiné au prêteur.

L’exemplaire vierge du contrat de crédit dont les mentions sont exactement similaires au contrat de crédit litigieux, produit par la banque, constitue un indice suffisant à corroborer la mention signée par Mme [F] selon laquelle elle reconnaît ‘avoir pris connaissance des conditions particulières et générales de l’offre et être restée en possession d’un exemplaire de cette offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation’.

En conséquence, au regard de ces éléments, la société Creatis rapporte la preuve de ce qu’elle a remis à l’emprunteur un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation, ce qui n’a d’ailleurs jamais été constesté par l’emprunteuse non-comparante.

Réformant le jugement déféré, il n’y a pas lieu de la déchoir la banque de son droit aux intérêts contractuels.

Sur la créance de la banque

Selon l’article L.311-30 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au regard des pièces produites aux débats par la banque, notamment le contrat de crédit et le décompte de créance arrêté au 18 février 2021, sa créance s’établit comme suit :

– capital : 11 471,11 euros,

– intérêts jusqu’au 18 février 2021: 301,83 euros,

Soit la somme de 11 772,94 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,14 % sur la somme de 11 471,11 euros à compter du 19 février 2021, somme à laquelle Mme [F] sera condamnée.

Mme [F] sera également condamné à payer à la société Creatis la somme de 917,69 euros au titre de l’indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2020, date de réception de la mise en demeure.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

Mme [F] qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel, au profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;

Réforme le jugement en toutes ses dispositions dont appel, sauf celles relatives à l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne Mme [N] [F] à payer à la société Creatis la somme de 11 772,94 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,14 % sur la somme de

11 471,11 euros à compter du 19 février 2021 au titre du solde du contrat de crédit souscrit le 9 avril 2011 ;

Condamne Mme [N] [F] à payer à la société Creatis la somme de 917,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2020 au titre de l’indemnité de résiliation ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [N] [F] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU

 


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