31 janvier 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/00354
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 JANVIER 2023
N° RG 22/00354 – N° Portalis DBV3-V-B7G-U6SF
AFFAIRE :
Mme [N] [J]
C/
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Novembre 2021 par le Juridiction de proximité de GONESSE
N° RG : 11-20-1358
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 31/01/23
à :
Me Karim BOUZALGHA
Me Aude-françoise LAPALU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [N] [J]
née le [Date naissance 1] 1986 à PAKISTAN
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Maître Karim BOUZALGHA de la SELARL BDB AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 308 –
Représentant : Maître Dany MARIGNALE de la SELARL ALTANS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0160
APPELANTE
****************
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
N° SIRET : 394 352 272 RCS Nanterre
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Aude-françoise LAPALU de la SCP DELPLA – LAPALU, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 131
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, président, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable de crédit du 28 août 2015, la société Sogefinancement a consenti à Mme [N] [J] un prêt personnel d’un montant en capital de 50 000 euros au taux nominal de 3,43 %.
Un avenant de réaménagement du crédit a été signé le 13 août 2018.
Se prévalant d’échéances n’ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a provoqué la déchéance du terme conformément à la clause résolutoire prévue au contrat.
Par acte de commissaire de justice délivré le 1er octobre 2020, la société Sogefinancement a assigné Mme [J] devant le tribunal de proximité de Gonesse afin de la voir condamnée à lui payer :
– la somme de 19 829,82 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,48 % à compter du 7 septembre 2020 et capitalisation des intérêts,
– la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 18 novembre 2021, le tribunal de proximité de Gonesse a :
– reçu la demande en paiement de la société Sogefinancement et l’a dite bien fondée,
– condamné Mme [J] à payer à la société Sogefinancement la somme de 18 274,61 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,43 % sur la somme de 14 376,16 euros et intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 1er octobre 2020,
– condamné la société Sogefinancement à payer à Mme [J] la somme de 1 200 euros de dommages et intérêts,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné Mme [J] aux dépens de l’instance.
Par déclaration reçue au greffe le 18 janvier 2022, Mme [J] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 9 février 2022, Mme [J], appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Gonesse,
Statuant à nouveau, à titre principal, au visa de l’article 1231-1 du code civil,
– condamner la société Sogefinancement à lui payer la somme de 17 177,25 euros à titre d’indemnisation du préjudice tiré de la perte de chances d’être indemnisée par l’organisme assureur du prêt,
– condamner la société Sogefinancement à lui payer la somme de 11 172,00 euros à titre de remboursement des sommes dont elle s’est acquittée au lieu et place de l’organisme assureur de prêt en raison du défaut d’information de la banque,
– condamner la société Sogefinancement à lui payer la somme de 10 000,00 euros au titre du préjudice moral,
– prononcer la compensation des sommes éventuellement dues avec les dommages et intérêts qui lui auront été alloués,
En tout état de cause,
– condamner la société Sogefinancement à la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 5 mai 2022, la société Sogefinancement demande à la cour de :
– juger Mme [J] recevable mais mal fondée en son appel,
En conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de proximité de Gonesse en date du 18 novembre 2021, en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
– condamner Mme [J] à lui régler les sommes de 2 500,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [J] aux entiers dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 octobre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur les demandes indemnitaires de Mme [J]
Mme [J], sans contester le montant de la créance de la société Sogefinancement ni le montant des sommes mises à sa charge par le premier juge au titre du prêt qui lui a été consenti, fait grief au jugement déféré d’avoir limité l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi consécutivement au manquement de la banque à son devoir d’information, à la somme de 1 200 euros.
Elle sollicite, à hauteur de cour, la condamnation de la société Sogefinancement à lui payer les sommes suivantes : 17 177, 25 euros, en réparation de son préjudice consistant en la perte d’une chance d’être indemnisée par l’organisme assureur du prêt, 11 172 euros en remboursement des sommes dont elle s’est acquittée au lieu et place de l’organisme assureur de prêt en raison du défaut d’information de la banque, 10 000 euros, enfin, en réparation de son préjudice moral.
Elle expose à la cour que la société Sogefinancement lui a consenti le 28 août 2015 un prêt de 56313, 60 euros, que souffrant d’une profonde dépression, elle s’est retrouvée dans l’incapacité de travailler à compter du mois d’août 2017, que, placée en arrêt longue maladie, et dans l’impossibilité de faire face à ses échéances de remboursement, la société Sogefinancement a prononcé la déchéance du terme, en omettant de l’informer qu’elle pouvait solliciter l’assurance qu’elle avait souscrite, alors même que cette assurance lui aurait permis d’être indemnisée durant trois années à hauteur de la somme totale de 17 177, 25 euros.
Elle fait, au surplus valoir, qu’elle s’est acquittée sur ses propres deniers de la somme de 11 172 euros entre le 23 décembre 2019 et le 16 septembre 2020 et que, son pouvoir d’achat et sa qualité de vie ayant été profondément affectés par suite des manquements commis par la banque, elle se trouve bien fondée à solliciter, outre l’indemnisation du préjudice tiré de la perte d’une chance d’être indemnisée et le remboursement des sommes réglées sur ces deniers au lieu et place de l’assureur, la réparation de son préjudice moral pour un montant de 10 000 euros.
La banque intimée, qui poursuit la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, de répliquer que Mme [J] ne démontre pas, en l’espèce, l’existence d’une garantie mobilisable, dès lors que les troubles anxiodépressifs dont elle souffre constituent une cause d’exclusion de garantie sauf lorsqu’ils nécessitent, ce dont Mme [J] ne justifie pas en l’espèce, une hospitalisation pour une durée minimale de 14 jours continus pendant la période d’incapacité totale ou partielle ou d’invalidité permanente totale ou si l’assuré a été mis par jugement sous curatelle ou sous tutelle.
La société Sogefinancement conclut, par suite, que le préjudice de Mme [J] est inexistant.
Réponse de la cour
La société Sogefinancement ne conteste pas, à hauteur de cour, le manquement à son devoir d’information constaté par le premier juge et sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a alloué à Mme [J] en réparation du préjudice consécutif à ce manquement une indemnité de 1 200 euros.
Lorsque le préjudice s’analyse en une perte de chance, il convient d’apprécier la réalité et le sérieux de la chance perdue.
La réparation de la perte d’une chance doit, en effet, être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l’avantage qu’elle aurait procuré si elle avait été réalisée.
Mme [J] est, de ce fait, mal fondée à solliciter le paiement de l’intégralité des sommes qu’elle aurait perçues si l’assureur avait pris en charge le remboursement des échéances de son prêt durant trente six mois.
En outre, la notice d’information destinée à l’assuré précise, au paragraphe 9 intitulé ‘ Exclusions en cas de décès, PTIA, IPT, IPP, ITT ET PE’… 9.2 ‘Autres exclusions spécifiques aux PTIA, IPT, IPP, ITT : les maladies ou accidents ainsi que leurs suites et conséquences résultant de troubles anxieux, d’une dépression qu’elle soit anxiogène ou réactionnelle, de l’épuisement, de manifestations secondaires liées à l’abus d’alcool, d’usage de drogues ou de médicaments non prescrits médicalement, de complications psychiatriques de maladies somatiques, du syndrome de fatigue chronique, de troubles de comportement, de la fibromyalgie, de manifestations liées ou imputables au stress ou toute autre maladie psychiatrique et de leur traitement et leurs complications éventuelles. Toutefois, les garanties sont acquises lorsque l’un de ces affections nécessite une hospitalisation pour une durée minimale de 14 jours continus pendant la période d’incapacité temporaire totale ou partielle ou d’invalidité permanente totale ou si l’assuré a été mis par jugement sous tutelle ou curatelle. La prise en charge de l’assureur se fera après application de la franchise et à partir de l’échéance qui suit la date de début d’hospitalisation’.
Il ressort des pièces de la procédure que Mme [J] souffre d’une profonde dépression nerveuse depuis le mois d’août 2017, qui la rend inapte au travail, qu’elle a été placée en arrêt maladie de longue durée, puis en mi-temps thérapeutique, et qu’elle perçoit une pension d’invalidité, son état d’invalidité réduisant des deux tiers au moins son incapacité de travail.
L’affection dont souffre Mme [J] – dépression – figure au nombre des cas d’exclusion et il n’est pas démontré ni même allégué que cette affection a entraîné une hospitalisation d’une durée continue de 14 jours au moins ni que Mme [J] a été placée sous tutelle ou sous curatelle.
Par suite, l’existence d’une perte de chance consécutive au défaut d’information par l’assureur n’est pas démontrée en l’espèce.
D’où il s’ensuit que Mme [J] est mal fondée à solliciter le paiement de la somme de 17 177, 25 euros au titre de la perte d’une chance d’être indemnisée ; elle est tout aussi mal fondée à solliciter le remboursement des échéances du prêt qu’elle a acquittées sur ses deniers à défaut de prise en charge par l’assureur, ou la réparation d’un préjudice moral qui n’est nullement caractérisée pour et sans lien causal avec la faute commise par la banque.
L’appelante sera, en conséquence, déboutée de la totalité de ses demandes indemnitaires formées en cause d’appel et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a limité l’indemnisation de Mme [J] à la somme de 1 200 euros, la société Sogefinancement ayant sollicité la confirmation de cette disposition du jugement entrepris.
II) Sur les demandes accessoires
Mme [J], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision, comme le sollicite la société Sogefinancement, le présent arrêt n’étant pas susceptible d’appel et étant exécutoire de plein droit.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Déboute Mme [N] [J] de la totalité de ses demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [N] [J] à payer à la société Sogefinancement une indemnité de 2 500 euros ;
Condamne Mme [N] [J] aux dépens de la procédure d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,