9 février 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/04562
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 09/02/2023
N° de MINUTE : 23/144
N° RG 21/04562 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TZ4P
Jugement (N° 21-000584) rendu le 28 Juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille
APPELANTE
Sas Sogefinancement société par actions simplifiée au capital de 2 820 000 €, ayant siège social [Adresse 4], RCS Nanterre 394.352.272, agissant par ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Charlotte Herbaut, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [R] [T]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 9] – de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 13 octobre 2021 par acte remis à étude
Monsieur [F] [T]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 9] – de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 6]
Défaillant, à qui la déclaration d’appel a été signfiée le 27 octobre 2021 par acte remis à personne
DÉBATS à l’audience publique du 07 décembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 1er décembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 25 mai 2017, la société Sogefinancement a consenti à Mme [R] [T] un prêt personnel d’un montant de 41 521 euros, remboursable en 80 mensualités de 638,75 euros, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 6,39 %.
M. [F] [T] est intervenu à l’acte le 25 mai 2017 en tant que caution solidaire à hauteur de 51 110 euros.
Se prévalant du non-paiement des échéances convenues, la société Sogefinancement a par lettres recommandées avec accusé de réception du 2 Juillet 2020, mis en demeure l’emprunteur et la caution de régler les échéances impayées pour un montant de 5 339,70 euros dans les 15 jours, puis par lettres recommandées avec accusé de réception du 16 septembre 2020, a notifié la déchéance du terme du contrat de crédit et a mis l’emprunteur et la caution en demeure de payer l’intégralité des sommes restant dues, soit 33 821,98 euros.
Par actes d’huissier délivrés le 12 février 2021, la société Sogefinancement a fait assigner en paiement les consorts [T].
Par jugement réputé contradictoire en date du 28 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
– déclaré la société Sogefinancement recevable en son action,
– condamné Mme [T] et M. [T] à payer solidairement à la société Sogefinancement la somme de 24 264,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
– débouté la société Sogéfinancement de ses autres demandes,
– condamné in solidum Mme [T] et M. [T] aux dépens,
– rappelé que le présent jugement est exécutoire par provision.
Par déclarations reçues par le greffe de la cour les 20 et 23 août 2021, la société Sogefinancement a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement, à l’exception du chef l’ayant déclarée recevable en ses demandes et ayant condamné in solidum les époux [T] aux dépens.
Par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 6 janvier 2022, la jonction des procédures a été ordonnée sous le numéro de répertoire général 21/04562.
La société Sogefinancement a signifié sa déclaration d’appel du 23 août 2021à Mme [T] par acte d’huissier délivré le 13 octobre 2021 par dépôt de l’acte à étude et à M. [T] par d’huissier délivré le 27 octobre 2021 à personne. Elle a signifié ses conclusions d’appelante à Mme [T] par acte d’huissier délivré le 25 novembre 2021 par dépôt de l’acte à étude et à M. [T] par acte d’huissier délivré le 14 décembre 2021à personne.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 14 novembre 2022, et signifiées par actes d’huissier délivrés le 25 novembre 2022 à Mme [T] par dépôt de l’acte à l’étude, et à personne à M. [T], la société Sogefinancement demande à la cour de :
1/- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 28 juin 2021 en ce qu’il a :
– condamné Mme [T] et M. [T] à lui payer solidairement la somme de 24 264,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,
– débouté la société Sogefinancement de ses autres demandes,
2/ Statuant à nouveau :
– à titre principal,
– dire n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels,
– condamner solidairement Mme [T] et M. [T] à lui payer la somme de
33 025,24 euros selon décompte arrêté au 9 novembre 2022, outre les intérêts postérieurs au taux de 6,39 % l’an sur la somme de 31 315,83 euros,
3/ confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– déclarer recevable son action en paiement,
– condamne in solidum Mme [T] et M. [T] aux paiement des dépens,
– rappelé que le jugement est exécutoire par provision.
Mme [T] et M. [T] n’ont pas constitué avocat, ni conclu.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de l’appelante pour l’exposé de ses moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 7 décembre 2022.
MOTIFS
Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.
Sur la demande en paiement
Pour déchoir la banque de son droit aux intérêts contractuels, le premier juge a estimé qu’elle communiquait une feuille volante éditée par elle-même, intitulé ‘résultat d’interrogation fichage FICP’ faisant état d’une consultation de ce fichier le 26 mai 2017, insuffisante à justifier de ce qu’elle avait rempli son obligation de consulter ledit fichier et de vérifier la solvabilité des emprunteurs.
Aux termes de L. 341-2 du code de la consommation, lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 312-16, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. L’article L. 341-8, prévoit que l’emprunteur n’est alors tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu, les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, étant restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Aux termes de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, le prêteur consultant le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L.751-6 du même code.
Si cet article n’impose, dans sa rédaction applicable au litige, aucun formalisme quant à la justification de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) par les organismes prêteurs, l’article 12 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que la communication des informations aux établissements et organismes s’effectue soit par une procédure de consultation sécurisée sur internet, soit par remise ou télétransmission d’un fichier informatique sur internet, et l’article 13 prévoit qu’en application de l’article L. 333-5 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l’article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable.
L’article 13 II de l’arrêté susvisé dispose que les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er mettent en place des procédures internes leur permettant de justifier que les consultations du fichier ne se sont effectuées qu’aux fins mentionnées à l’article 2 et à elles seules.
Il est rappelé que la Banque de France ne délivre pas de récepissé de la consultation, et que s’agissant de la preuve d’un fait juridique que doit rapporter la banque, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable. De plus, l’arrêté susvisé relatif au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers fait expressément référence, dans son article 13 relatif aux « modalités de justification et de conservation des données » aux « procédures internes » mises en place par les établissements de crédit.
En l’espèce, le document produit par la société Sogefinancement, qui correspond à la copie écran sur support papier du site de consultation du fichier auprès de la Banque de France – auprès de laquelle la société Sogefinancement justifie par ailleurs payer un abonnement pour les consultations – ne pouvait donc être considéré comme non-probant par le premier juge au seul motif qu’il émane des services de la banque.
Ce document intitulé ‘résultats interrogation Fichage FICP », daté du 26 mai 2017, comprend le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance de l’emprunteur, et s’agissant des renseignements obtenus : type d’interrrogation : automatique, résultat : aucun, ainsi que le numéro du contrat de crédit, motif de la consultation.
Il constitue un support durable conforme aux dispositions précitées, comporte le motif et le résultat de la consultation, et suffit en conséquence à faire la preuve de la consultation du FICP par la banque le 26 mai 2017, antérieurement au débocage des fonds.
Dès lors, la société Sogefinancement a dûment rempli ses obligations prévues par l’article L.312-16 du code de la consommation.
En conséquence, il convient de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a déchu la banque de son droit aux intérêts.
Sur la créance de la banque
En application des articles L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l’application des articles 1231-5 du code civil.
Au regard des pièces communiquées par la banque, qui établit un décompte actualisé au 9 novembre 2022, la créance sera fixée comme suit :
– échéances impayées : 6 387,50 euros
– capital restant dû : 24 928,33 euros
– intérêts échus au 9 mars 2022 : 4 325,60 euros
– à déduire : – 5 240 euros,
soit la somme de 30 401,43 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,39 % à compter du 10 novembre 2022 sur la somme de 26 075,83 euros à laquelle il convient de condamner Mme [T].
Les fais d’exécution à hauteur de 236,35 euros non justifiés seront écartés.
Il convient également de condamner l’intimée à payer la somme de 2 387,46 euros au titre de l’indemnité légale, avec intérêts au taux légal à compter de l’exploit introductif d’instance.
M. [T], caution solidaire, sera condamné solidairement avec Mme [T] au paiement desdites sommes en application de l’article 2288 du code civil.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [T] et M. [T] qui succombent sont condamnés in solidum aux dépens d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure, et la demande de la société Sogefinancement à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt par défaut ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne solidairement Mme [R] [T] et M. [F] [T] à payer à la société Sogefinancement la somme de 30 401,43 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,39 % à compter du 10 novembre 2022 sur la somme de 26 075,83 euros au titre du solde du contrat de crédit ;
Condamne solidairement Mme [R] [T] et M. [F] [T] à payer à la société Sogefinancement la somme la somme de 2 387,46 euros au titre de l’indemnité légale, avec intérêts au taux légal à compter de l’exploit introductif d’instance ;
Dit n’ y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [R] [T] et M. [F] [T] aux dépens d’appel.
Le greffier
Gaëlle Przedlacki
Le président
Yves Benhamou