16 février 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/01070
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 2
ARRÊT DU 16/02/2023
N° de MINUTE : 23/193
N° RG 22/01070 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UEL4
Jugement (N° 11-21-0566) rendu le 01 Février 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Douai
APPELANTS
Monsieur [P] [G]
né le 15 Septembre 1987 à [Localité 27] – de nationalité Française
[Adresse 1]
Madame [S] [H] épouse [G]
née le 10 Décembre 1980 à [Localité 24] – de nationalité Française
Chez Monsieur et Madame [H] – [Adresse 5]
Comparants en personne
INTIMÉES
Société [11]
[Adresse 7]
Sa [9] Chez [26]
[Adresse 8]
Sa [14] chez [28]
[Adresse 4]
Sa [17] chez [31]
[Adresse 22]
Société [25] chez [16]
[Adresse 23]
Sa [33]
[Adresse 3]
Sa [20]
[Adresse 10]
Société [12] chez [28]
[Adresse 2]
Sa [29]
[Adresse 32]
Société [15] chez [19]
[Adresse 6]
Non comparants, ni représentés
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience
DÉBATS à l’audience publique du 30 Novembre 2022 tenue par Danielle Thébaud magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile , les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 805 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire ayant des fonctions juridictionnelles
Danielle Thébaud, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement réputé contradictoire prononcé par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Douai, statuant en matière de surendettement des particuliers, le 1 février 2022,
Vu l’appel interjeté le 11 février 2022,
Vu le procès-verbal de l’audience du 30 novembre 2022,
***
Suivant déclaration enregistrée le 9 avril 2021 au secrétariat de la Banque de France, M. [P] [G] et Mme [S] [G] née [H] ont déposé un dossier et demandé le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers, ne parvenant pas à s’acquitter de leurs dettes en raison de l’absence de ressources mensuelles suffisantes et des dépenses nécessaires pour satisfaire aux besoins de la vie courante.
Le 2 juin 2021, la commission de surendettement des particuliers du Nord, après avoir constaté la situation de surendettement de M. [P] [G] et Mme [S] [G] née [H], a déclaré leur demande recevable.
Cette décision a été notifiée aux débiteurs et aux créanciers, et notamment au [21] le 3 juin 2021, décision de recevabilité qu’il a contestée le 8 juin 2021.
À l’audience du 11 janvier 2022, la société [13] a écrit au tribunal de manière contradictoire pour faire part de son absence et soutenir son recours. Elle a invoqué la mauvaise foi des débiteurs, soutenant que le couple s’était endetté de manière excessive sur une courte période et avait sciemment aggravé sa situation financière. Elle a exposé que les débiteurs avaient emprunté la somme de 49 196 euros en 2020, augmentant leurs mensualités de 995 euros ; omis de déclarer l’existence d’autres crédits lors de la souscription de deux contrats de crédit auprès de sa société, en produisant lesdites offre de crédit renouvelable et de prêt ne mentionnant pas toutes les charges ; et mené un train de vie disproportionné au regard de leurs ressources.
Les époux [G] ont comparu en personne, ils ont exposé qu’ils n’avait pas chercher à dissimuler les crédits existants lors de la souscription des deux contrats litigieux, soulignant que le [13] avait nécessairement connaissance de l’existence de contrats de prêts souscrits auprès de lui. Mme [G] a expliqué qu’elle avait perçu un capital de 15 000 euros grâce au crédit renouvelable en mai 2020 auprès de [30], remboursé au moyen des 10 000 euros accordé par le prêt personnel octroyé par la même société, le jour même, à ladite société, ne conservant que la somme de 5000 euros, sur les conseils de la banque. Ils ont confirmé leur signature sur les deux offres crédits datées du 14 mai 2020, pour un montant total de 25 000. Ils ont indiqué qu’ils pensaient pouvoir rembourser leurs crédits, et qu’ils se sont retrouvés en difficulté lorsque leurs ressources ont diminué. Mme [G] a déclaré qu’elle travaillait à temps partiel pour un salaire moyen mensuel de 1200 euros environ, et M. [G] qu’il percevait un salaire mensuel moyen de 1500 euros, outre une prime d’activité à hauteur de 136 euros par mois.
Lors de l’audience, le juge de première instance a soulevé d’office la déchéance au vu d’une possible dissimulation.
Par jugement en date du 1er février 2022, le juge des contentieux de la protection de Douai statuant en matière de surendettement des particuliers, saisi du recours, formé par la société [13], à l’encontre de la décision de recevabilité de la commission de surendettement des particuliers du Nord le 2 juin 2022, a notamment :
– déclaré recevable en la forme la contestation formée par le [21] ;
– prononcé la déchéance du bénéfice de la procédure de traitement du surendettement à l’encontre de M. [P] [G] et Mme [S] [H] épouse [G] ;
– clôturé la procédure de surendettement ouverte à la demande des débiteurs ;
M. [P] [G] et Mme [S] [G] née [H] ont relevé appel le 11 février 2022 de ce jugement.
A l’audience de la cour du 30 novembre 2022, M. [P] [G] et Mme [S] [G] née [H], ont comparu en personne. Ils ont indiqué qu’ils étaient en instance de divorce et que Mme [G] allait retourner vivre chez ses parents. Ils ont expliqué qu’ils s’étaient laissé emporter par les crédits. Mme [G] a indiqué qu’elle avait dû racheté un véhicule en 2019 pour un montant de 11 000 euros, en remplacement du sien qui ne fonctionnait plus. M. [G] a expliqué qu’il avait acheté un scooter à crédit pour un montant de 1400 euros en 2018. Ils ont expliqué qu’en 2017, ils avaient fait un regroupement de crédit auprès de la société [18], et n’avaient pas déposé de dossier de surendettement ; qu’ils n’arrivaient pas à s’en sortir, et que vis-à-vis des accumulations de factures et des charges, ils avaient à nouveau refait des crédits pour payer les dettes et les factures. Ils ont indiqué qu’ils avaient déclaré à chaque organisme tous les crédits qu’ils avaient. Ils ont souligné qu’actuellement ils donnaient chacun, environ 100 à 150 euros par mois pour payer les organismes de crédit ; que Mme [G] percevait 1200 euros par mois plus une prime de fin d’année de 700 euros et M. [G] la somme de 1600 euros outre un treizième mois.
Les intimés régulièrement convoqués par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, n’ont pas comparu ni personne pour les représenter.
MOTIFS
Aux termes de l’article L 711-1 du code de la consommation : « Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.
La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement. »
La bonne foi du débiteur étant présumée, il incombe au créancier qui invoque la fin de non recevoir tirée de la mauvaise foi du débiteur d’apporter la preuve que l’intéressé s’est rendu coupable de mauvaise foi.
La bonne foi porte sur le comportement du débiteur tant à l’égard de ses créanciers lors de la souscription de ses engagements qu’à l’égard de la commission lors du dépôt du dossier et du traitement de sa situation de surendettement et il appartient au juge d’apprécier la bonne foi au jour où il statue au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis ;
En vertu de L761-1 du code de la consommation, est déchue du bénéfice de la procédure de surendettement :
« 1° Toute personne qui a sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts ;
2° Toute personne qui a détourné ou dissimulé ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens ;
3° Toute personne qui, sans l’accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, a aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou aura procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel ou pendant l’exécution du plan ou des mesures prévues à l’article L. 733-1 ou à l’article L. 733-4. ».
L’article L141-4 du code de la consommation s’applique à l’ensemble des dispositions du code de la consommation, le juge du surendettement qui, en application de l’article L712-3 du code de la consommation, peut prononcer la déchéance du bénéfice de la procédure de traitement du surendettement à l’occasion des recours exercés devant lui, a le pouvoir de relever d’office la déchéance du débiteur du bénéfice de cette procédure;
Il sera rappelé que la société [13] a invoqué la mauvaise foi des débiteurs, au motif que le couple s’était endetté de manière excessive sur une courte période et avait sciemment aggravé sa situation financière, empruntant la somme de 49 196 euros en 2020, augmentant ainsi leurs mensualités de 995 euros, outre le fait qu’il avait omis de déclarer l’existence d’autres crédits lors de la souscription de deux contrats de crédit auprès de sa société.
En l’espèce, il résulte des pièces du dossiers que les époux [G] travaillent tous les deux, sous contrat à durée indéterminée, que la banque de France a déterminé pour le couple des ressources mensuelles de l’ordre de 2 929 euros composées des salaires des débiteurs et des charges de l’ordre de 1 427 euros, soit une capacité de remboursement de 1 443 euros et un endettement de 120 196 euros. L’état des créances au 14 juin 2021 révèle que cette endettement est constitué à 95% de dettes sur crédit à la consommation (19 crédits) dont une majorité de crédits renouvelables, les 5% restant étant constitué de dettes bancaires (soldes débiteurs) auprès de la [29].
Si le fait qu’à l’occasion de la passation du contrat avec la société [13] en mai 2020, les époux [G] n’aient pas indiqué sur la fiche de dialogue le montant de leurs autres crédits sur l’offre de prêt, peut avoir certaines conséquences spécifiquement limitées à ce contrat, cela ne saurait avoir rendu par lui-même, d’une manière générale les époux [G] de mauvaise foi, dans la mesure où un tel comportement ne démontre pas nécessairement une volonté suffisamment systématique et irresponsable de profiter et de vivre de crédits. En outre, il apparaît que sur les deux crédits dont fait état la société [13], il apparaît que le crédit renouvelable, dont elle produit l’offre en date du 12 mai 2020, est en réalité le renouvellement du crédit renouvelable conclut le 23 août 2015, ainsi qu’il ressort des relevés de compte dudit crédit figurant au dossier de la Banque de France en date du 19 janvier 2021. Si effectivement les époux [G] n’ont pas indiqué le montant des autres crédits existants sur la fiche de dialogue, et que ce comportement est blâmable, il convient d’apprécier ce manquement au regard des diligences du prêteur quant à la vérification de la solvabilité des époux [G] avant de lui accorder le prêt. Or il n’apparaît pas que cette société ait rempli son obligation de vérification de la capacité financière des époux [G], le simple questionnaire rempli, sur la base d’un échange téléphonique avec les débiteurs, est insuffisant pour rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation, la société [13] ne justifiant pas avoir sollicité des pièces justificatives à l’appui, tel que la production de relevés bancaires, d’un avis d’imposition, et même de feuilles de paie, dont l’examen est révélateurs de la situation des futurs emprunteurs.
En l’espèce, en aucun cas, le fait pour les époux [G] de ne pas avoir indiqué dans la fiche de dialogue des offres de crédit de la société [13] en mai 2020, s’il s’agit d’un comportement blâmable, ne constitue des déclarations mensongères, au sens de l’article L 761-1 du code de la consommation, pas plus que ce n’est constitutif de mauvaise foi de leur part.
Il en résulte que le premier juge a fait une mauvaise appréciation des éléments qui lui étaient soumis en retenant une déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement à l’égard des époux [G].
En revanche, il apparaît que les époux [G] ne parvenant pas à faire face au remboursement de leurs crédits et de leurs charges, ont procédé à un regroupement de crédit le 21 août 2017 pour un montant de 40 800 euros auprès de la société [18], générant une mensualité de remboursement de 612,03 euros, s’ajoutant à d’autres mensualités de crédit de l’ordre de 324,15 euros, mais restant toutefois compatibles avec le paiement de leurs charges et leurs ressources. Bien que conscients de leur processus d’endettement, ils n’ont cependant pas hésité courant 2019 et 2020 à réactiver des crédits renouvelables et à souscrire de nouveaux crédits à la consommation pour des montants importants, de l’ordre de 49 000 euros, générant une mensualité de remboursement globale de 2 680,48 euros, alors même qu’aucune explication d’ordre conjoncturel précis, baisse de revenus, augmentation des charges, ou impayés de loyers, ou poursuites exercées par leurs créanciers, excepté l’achat d’une voiture en 2019 d’un montant de 11 000 euros, ne justifiait ce recours à l’emprunt. Il en ressort, que les époux [G] ne pouvaient ignorer qu’en procédant de la sorte ils aggravaient leur endettement, et qu’ils ne pourraient faire face à leurs engagements avec leurs ressources mensuelles de 2929 euros, la mensualité globale atteignant celle de 2 680,48 euros, et qu’ils sont de mauvaise foi.
Dès lors, il convient de déclarer les époux [G] de mauvaise foi, et de constater que leur attitude ne leur permet pas de bénéficier des dispositions protectrices du débiteur surendetté prévu par le code de la consommation.
Le jugement dont appel sera infirmé sauf du chef des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris sauf du chef des dépens ;
Statuant à nouveau,
Déclare M. [P] [G] et Mme [S] [G] née [H] irrecevables au bénéfice du traitement des situations de surendettement des particuliers,
Rejette toute autre demande ;
Laisse les dépens d’appel à la charge du trésor public.
LE GREFFIER
Ismérie CAPIEZ
LE PRESIDENT
Véronique DELLELIS