16 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/10945
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 16 FEVRIER 2023
N°2023/36
Rôle N° RG 19/10945 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BER4A
[B] [O]
[G] [A] [M] épouse [O]
C/
[Z] [S]
SARL LBMA
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Karine TOLLINCHI
Me Houdé KHADRAOUI-ZGAREN
Me Philippe KLEIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03692.
APPELANTS
Monsieur [B] [O]
né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 10] (06), demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Jean-michel ADAM, avocat au barreau de GRASSE
Madame [G] [A] [M] épouse [O]
née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 10] (06), demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Jean-michel ADAM, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [Z] [S]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/004904 du 28/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 9] (30), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Houdé KHADRAOUI-ZGAREN, avocat au barreau de NICE
SARL LBMA, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis [Adresse 7]
représentée par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Pascale KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Par acte du 12 juin 2010, enregistré au greffe du tribunal de commerce d’Antibes le 21 avril 2011, Monsieur [B] [O] a acquis de Messieurs [Y], [W], [T] et [Z] [S] et de Madame [A] [U] [S], 42 parts sociales du capital de la SARL Comptoir des consommables industriels pour le prix de 1 071,43euros par part soit un prix global de 45 000euros.
Le 15 juillet 2010, Monsieur [B] [O] et Madame [G] [A] [M] épouse de Monsieur [C] [O], ont souscrit un prêt personnel de 60 000euros remboursable en 120 mensualités de 607,47euros chacune et garanti par une hypothèque prise sur un bien immobilier situé [Adresse 8], propriété de Madame [M].
Le 12 mai et 16 juin 2016, Monsieur [O] et Madame [M] ont assigné la SARL LBMA, cabinet d’expertise comptable, et Monsieur [S] en paiement solidaire d’une somme de 120 000euros au profit Madame [M] et 25 000euros au profit de Monsieur [O].
Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal de Grande instance de Grasse a déclaré irrecevable car prescrite l’action en responsabilité et en nullité de la cession des parts introduite le 12 mai 2016 et le 16 juin 2016, plus de 5 ans après l’acte de cession du 12 juin 2010 et plus de 5 ans après le dépôt de l’acte au greffe du
tribunal de commerce d’Antibes le 21 avril 2011 et a condamné les demandeurs aux dépens.
Le 5 juillet 2019, Monsieur [O] et Madame [M] ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs conclusions déposées et notifiées le 27 septembre 2019, ils demandent à la Cour de :
* infirmer le jugement querellé ;
*condamner solidairement Monsieur [S] et la SARL LBMA à payer la somme de 120 000euros au titre de dommage et intérêts à Madame [M] et 25 000euros au même titre à Monsieur [O]
*les condamner solidairement aux paiement de la somme de 5 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Ils soutiennent que la constitution de partie civile devant le juge pénal a interrompu la prescription et qu’un nouveau délai de 5 ans a commencé à courir à compter du dépôt de plainte avec constitution le 31 janvier 2013, que la demande a été rejetée sur le plan pénal, mais pas sur le plan civil et donc les dispositions de l’article 2243 du code civil ne trouvent pas à s’appliquer.
Ils font valoir que la SARL LBMA a manqué à son devoir de conseil en n’informant pas Monsieur [O] que cet achat ne lui donnait pas droit à rémunération, que de surcroît, elle aurait dû attirer l’attention de l’acquéreur sur la nullité de la cession en raison de l’absence de consentement des cédants, les actions ayant déjà été cédées le 14 juin 2010.
Enfin, ils soutiennent que la valorisation des parts sociales est fantaisiste vu les difficultés financières de la société.
Par conclusions du 27 décembre 2019, La SARL LBMA demande à la Cour de :
Dire et juger prescrite l’action de Madame [M] et de Monsieur [O] en application de l’article 2224 du Code Civil,
Dire et juger prescrite la demande en nullité de l’acte de cession, en application de l’article 1844-14 du Code civil ou subsidiairement de l’article 1304 du Code Civil,
Confirmer le jugement dont appel,
SUBSIDIAIREMENT :
Dire et juger que la preuve d’une faute n’est pas rapportée,
Dire et juger que le préjudice invoqué par Monsieur [O] et Madame [M] est totalement injustifié,
Dire et juger au surplus que ce préjudice est sans lien de causalité direct avec une éventuelle faute de la Sté LBMA,
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Débouter Monsieur [O] et Madame [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de la Sté LBMA ;
Condamner in solidum Monsieur [O] et Madame [M] à verser la Sté LBMA une somme de 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile;
Les condamner en outre in solidum aux entiers dépens.
Elle expose que Monsieur [O] étant signataire de l’acte sur le fondement duquel il engage la responsabilité de la Sté LBMA, le point de départ du délai de prescription à son encontre court à compter du 12 juin 2010 que la prescription acquise vis à vis de Monsieur [O] est opposable à sa mère, subrogée dans ses droits, que de surcroît, l’acte de cession ayant été déposé le 21 avril 2011 auprès du greffe du Tribunal de Commerce, le délai de prescription court à l’encontre de Madame [M] au plus tard à compter de cette date, que l’assignation en date du 12 mai 2016, soit plus de cinq ans après, est tardive.
Elle fait valoir que la plainte n’ayant pas été déposée contre la Sté LBMA, elle ne peut interrompre la prescription vis à vis de cette société et qu’en application de l’article 2243 du Code Civil, en raison du rejet définitif de la plainte, l’interruption est non avenue, que l’action de Monsieur [O] et de Madame [M] est donc incontestablement prescrite.
Elle fait valoir que l »acte de cession de parts sociales est parfaitement clair que Monsieur [O] ne peut sérieusement soutenir qu’il a légitimement cru que l’acquisition de parts sociales lui donnerait droit à une rémunération autre qu’une éventuelle répartition des bénéfices décidée par les associés ou que cet acte pouvait être confondu avec un contrat de travail, que la Sté LBMA, rédacteur de l’acte de cession de parts sociales, n’est en aucun cas juge de l’opportunité économique de ladite opération, que la cession a été agréée selon une assemblée générale du 12 juin 2010, que Monsieur [O] est bien propriétaire de 42 parts sociales de la Sté COMPTOIR DES CONSOMMABLES INDUSTRIELS, qu’il ne le conteste d’ailleurs pas, que cette acquisition de parts sociales n’a jamais été contestée par d’autres associés ou par les cédants.
Par ordonnance du 4 mars 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par Monsieur [S] [Z].
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties
L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2022.
MOTIFS :
Le 12 juin 2010, Monsieur [O] et Madame [M] se sont portés acquéreurs auprès Monsieur [Z] [S] et des membres de sa famille de parts sociales de la société Comptoir des Consommables Industriels selon un acte rédigé par la SARL LBMA.
Monsieur [O] et Madame [M], estimant nul l’acte souscrit, ont assigné la société LBMA afin de voir retenir sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil et Monsieur [Z] [S] afin de voir prononcer la nullité de l’acte souscrit.
Il n’est plus contesté en cause d’appel que la prescription applicable en l’espèce tant pour l’action en responsabilité que l’action en nullité de l’acte est quinquennale et que le point de départ de l’action doit être fixé à la signature de l’acte litigieux pour Monsieur [O] qui avait, dés cette date, la connaissance ou aurait dû l’avoir, des vices dénoncés dans l’assignation lui permettant d’exercer son action en responsabilité et en nullité.
Il n’est pas contesté non plus que le point de départ de l’action diligentée par Madame [M] se situe au 21 avril 2011, date du dépôt de l’acte au greffe du tribunal de commerce d’Antibes.
De sorte l’action introduite par acte du 12 mai et 16 juin 2016 est prescrite.
Pour s’opposer à cette prescription, les appelants se prévalent du dépôt de plainte avec constitution de partie civile le 31 janvier 2013.
Il est constant qu’en application des dispositions de l’article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription. Monsieur [O] et Madame [M] justifient du dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile le 31 janvier 2013 devant le Monsieur le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Grasse à l’encontre de Monsieur [S] [Z] et son épouse et de toute autre personne que l’enquête révélera.
La constitution de partie civile constitue une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil, de nature à entraîner une interruption du délai de prescription.
Toutefois, les poursuites engagées à l’encontre de Monsieur et Madame [S] ne peuvent avoir interrompu la prescription à l’égard de la société LBMA qui n’est pas visée par la procédure pénale.
De surcroît, le 28 août 2015, le juge d’instruction saisi a rendu une ordonnance de non-lieu et en application des dispositions de l’article 2243 du code civil, l’interruption est non avenue si la demande est définitivement rejetée. En l’espèce, la décision définitive du juge d’instruction du 28 août 2015 rend non avenue l’interruption de la prescription que le dépôt de plainte avait entraînée.
Dés lors, l’action de Monsieur [O] et de Madame [M] introduite le 12 mai et le 16 juin 2016 pour contester un acte de cession de parts sociales du 12 juin 2010 et mettre en cause la responsabilité du rédacteur de l’acte est prescrite.
Il convient de confirmer le jugement de première instance.
Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’une quelconque des parties pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire :
Confirme le jugement rendu le 11 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Déboute la société LBMA de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur [O] [B] et Madame [G] [A] [M] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT