Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08687

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Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08687

23 février 2023
Cour d’appel de Paris
RG
21/08687

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08687 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDT2V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 novembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-20-006620

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉE

Madame [Y] [U]

née le [Date naissance 2] 1971 en RUSSIE

[Adresse 1]

[Localité 3]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 14 février 2014, Mme [Y] [U] a contracté auprès de la société Sogefinancement un prêt personnel en regroupement de crédits antérieurs d’un montant de 26 663 euros remboursable 84 en mensualités de 407,65 euros chacune hors assurance, moyennant un taux débiteur annuel fixe de 7,40 %.

Plusieurs échéances étant demeurées impayées, la société Sogefinancement s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 23 juin 2020 par la société Sogefinancement d’une demande tendant principalement à la condamnation de l’emprunteuse au paiement du solde restant dû au titre du contrat, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 9 novembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :

– dit que le pouvoir du juge de soulever d’office les irrégularités du contrat de crédit n’est pas soumis à la prescription quinquennale,

– condamné Mme [U] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 164,20 euros,

– dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal ni au taux légal majoré de 5 % prévu à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,

– débouté la société Sogefinancement du surplus de ses demandes,

– condamné Mme [U] aux dépens.

Après avoir contrôlé la recevabilité de l’action au regard du délai de forclusion prévu à l’article R. 312-35 du code de la consommation, le tribunal a rejeté l’irrecevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts soulevé d’office et a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur motif pris que le prêteur ne justifiait pas de la consultation obligatoire du fichier des incidents de remboursement des crédits prévue à l’article L. 311-9 du code de la consommation.

Afin de calculer le montant de la créance, le premier juge a déduit de la somme empruntée les règlements effectués pour 25 498,80 euros.

Afin de rendre effective et dissuasive la sanction de déchéance du droit aux intérêts, le tribunal a exclu l’application du taux d’intérêts légal et de la majoration de cinq points du taux d’intérêts légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Par une déclaration enregistrée le 5 mai 2021, la société Sogefinancement, a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 5 août 2021, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement,

– de déclarer irrecevable le moyen visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme contractuel ou précontractuel comme étant prescrit,

– de dire et juger subsidiairement que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n’est pas encourue et de rejeter le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

– en conséquence, et en tout état de cause, de condamner Mme [U] à lui payer la somme de 8 129,72 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 6 février 2020,

– de la condamner à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’appelante soutient que le premier juge a soulevé d’office à l’audience du 8 septembre 2020 le moyen tendant à la déchéance de son droit aux intérêts alors qu’elle estime que ce moyen ne pouvait être invoqué que jusqu’au 14 février 2019 au regard de la prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce ayant commencé à courir à la date d’acceptation de l’offre de crédit le 14 février 2014.

Subsidiairement, elle estime le moyen infondé en ce qu’elle produit à hauteur d’appel le résultat de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

Elle estime que la condamnation doit être assortie des intérêts au taux contractuellement convenu entre les parties

La déclaration d’appel a été signifiée suivant acte d’huissier remis le 28 juin 2021 à étude à Mme [U] qui n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 4 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Au regard de la date du contrat, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 mais dans leur numérotation antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats

La recevabilité de l’action de la société Sogefinancement, examinée par le premier juge, n’est pas discutée à hauteur d’appel.

Sur la prescription du moyen tiré de l’irrégularité de l’offre préalable

L’appelante soutient que le juge du fond ne pouvait soulever d’office le 8 septembre 2020 le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard du délai de prescription quinquennale de l’article L. 110-4 du code de commerce ayant commencé à courir à la date d’acceptation de l’offre et devant se terminer au 14 février 2019.

La prescription est sans effet sur l’invocation d’un moyen qui tend non pas à l’octroi d’un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C’est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d’un crédit à la consommation, l’emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d’une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu’il n’entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d’intérêts indûment acquittés.

Dans le rôle qui lui est conféré tant par l’article L. 141-4 (devenu R. 632-1) du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d’office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d’ordre public de ce code.

En l’espèce, le moyen soulevé d’office par le premier juge et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels n’a pas pour effet de conférer à l’emprunteur un avantage autre qu’une minoration de la créance dont la société Sogefinancement poursuit le paiement.

Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par le jeu d’une compensation qui supposerait une condamnation -qui n’est pas demandée- de l’organisme de crédit à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l’imputation des paiements faits par l’emprunteur.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogefinancement.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Le premier juge a reproché au prêteur de ne pas avoir justifié de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits.

Il résulte de l’article L. 311-9 du code de la consommation en sa rédaction applicable au contrat, qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Il consulte le fichier des incidents de remboursements des crédits aux particuliers.

Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en totalité ou dans la proportion fixée par le juge aux termes de l’article L. 311-48 du même code.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations.

La société Sogefinancement produit à hauteur d’appel le résultat de consultation du fichier des remboursements de crédits aux particuliers du 14 février 2014 ne mentionnant aucune inscription de Mme [U], de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue de ce chef.

Le jugement doit donc être infirmé.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

L’appelante produit à l’appui de sa demande :

– l’offre de crédit,

– la fiche de dialogue (ressources et charges) et les justificatifs de solvabilité,

– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées,

– le résultat de l’interrogation du fichier des incidents de paiement,

– les synthèses des garanties des contrats d’assurances et la notice d’assurance,

– la fiche propre aux regroupements de crédits ainsi que la demande de remboursement des crédits en cours,

– le tableau d’amortissement,

– l’historique du dossier,

– un décompte de créance.

Pour fonder sa demande de paiement, la société Sogefinancement justifie de l’envoi à Mme [U] le 28 octobre 2019 d’un courrier recommandé avec avis de réception de mise en demeure exigeant le règlement sous 15 jours de la somme de 3 239,25 euros au titre des échéances impayées sous peine de voir prononcer la déchéance du terme du contrat. Par courrier recommandé avec avis de réception du 6 décembre 2019, la société Sogefinancement par le biais de l’huissier mandaté met en demeure Mme [U] de régler sous huit jours la somme totale de 10 027,57 euros comprenant le capital, les mensualités échues impayées, les intérêts, la pénalité de résiliation.

C’est donc de manière légitime que la société Sogefinancement se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues.

En application de l’article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 devenu 1231-5 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l’appelante s’établit de la façon suivante :

– échéances impayées : 3 399,84 euros

– capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 5 823,29 euros

– intérêts de retard sur échéances impayées arrêtés au 21 novembre 2019 : 77,22 euros

sous déduction des versements effectués pour 2 000 euros

soit la somme totale de 7 300,35 euros.

Mme [U] est en conséquence condamnée au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 6 décembre 2019 sur la somme de 7 223,13 euros.

L’appelante sollicite en outre la somme de 697,30 euros au titre de l’indemnité de résiliation.

Selon l’article D. 311-6 du code de la consommation, lorsque que le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 311-24, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme.

Or, la somme demandée par la société Sogefinancement est supérieure à 8 % de 5 823,29 euros et elle s’ajoute aux indemnités de même nature d’ores et déjà capitalisées s’agissant d’un regroupement de crédits antérieurs.

En conséquence, il est fait droit à la demande de la société Sogefinancement dans la seule limite de 50 euros.

Il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l’application des dispositions de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, la sanction de déchéance du droit aux intérêts n’étant pas encourue.

Le jugement qui a condamné Mme [U] aux dépens de première instance doit être confirmé. En revanche rien ne justifie de la condamner aux dépens d’appel, alors que n’ayant jamais été représentée ni en première instance, ni en appel, elle n’a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l’a fait. La société Sogefinancement conservera donc la charge des dépens d’appel ainsi que de ses frais irrépétibles.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut, par décision mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il reçu la société Sogefinancement en son action, en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription du moyen soulevé d’office et en ce qu’il a condamné Mme [U] aux dépens ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Condamne Mme [Y] [U] à payer à la société Sogefinancement une somme de 7 300,35 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,40 % l’an à compter du 6 décembre 2019 sur la somme de 7 223,13 euros outre la somme de 50 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2019 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sogefinancement aux dépens d’appel.

La greffière La présidente

 


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