Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/02525

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Prêt entre particuliers : 23 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/02525

23 février 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/02525

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/02525 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OTNS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 décembre 2019 du tribunal d’instance de Carcassonne – N° RG 11-19-50

APPELANTE :

Madame [U] [E]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

Lieudit [Adresse 7]

[Localité 3] – FRANCE

Représentée par Me Axelle NEGRE substituant Me Guillaume GASPARINI, avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/006372 du 01/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A. BNP Paribas Personal Finance

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me DEJEAN-PELIGRY substituant Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 JANVIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Invoquant une offre préalable acceptée le 13 mai 2018 par Madame [U] [E] concernant un prêt personnel de 18.000€ remboursable en 84 mensualités (la première d’un montant de 221,41 € et les suivantes de 260,04 €), au taux nominal de 3,73 % et taux effectif global de 3,79 % 1’an, des échéances impayées et la notification de la déchéance du terme 1e 26 septembre 2018, la société Bnp Paribas Personal Finance (la BNP PPF, ci-après) a fait assigner la première en paiement, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de la somme de 19.144,74 € avec intérêts au taux annuel de 3,79 % à compter du 26 septembre 2018, outre une indemnité de 1.000 € en application de 1’article 700 du code de procedure civile.

Par un jugement avant dire droit du 20 mai 2019, le tribunal d’instance de Carcassonne a ordonné la réouverture des débats et invité la banque à conclure sur la régularité de la déchéance du terme et les incidences sur sa demande en paiement.

Vu le jugement réputé contradictoire en date du 16 décembre 2019 par lequel ce tribunal a :

– condamné Madame [E] à payer à la BNP PPF la somme de 2.926,44 € correspondant aux seules échéances impayées pour la période d’août 2018 à juin 2019 inclus,

– débouté la banque de ses demandes au titre du prêt, d’exécution provisoire ainsi que celle formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [E] aux dépens,

Vu la déclaration d’appel de Madame [E] en date du 25 juin 2020, demandant l’annulation du jugement entrepris pour non respect du principe de la contradiction, à défaut sa réformation sur la condamnation au paiement de la somme de 2.926,44 € au titre d’échéances impayées,

Vu l’appel incident formé par BNP PPF par le biais de ses premières conclusions,

Vu les dernières conclusions, prises le 11 mars 2021 pour le compte de Madame [E], qui demande à la cour en substance de:

– à titre principal, annuler le jugement du 16 décembre 2019 pour violation du principe de la contradiction,

– subsidiairement, réformer ce jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 2.926,44 €,

– plus subsidiairement, ordonner toute mesure d’instruction utile pour vérifier la fausseté de la signature figurant au contrat de prêt,

– en tout état de cause, rejeter l’appel incident de BNP PPF et confirmer le jugement s’agissant du rejet de la demande en paiement de la somme de 19.144,74 € avec intérêts,

– condamner BNP PPF à régler entre les mains de son avocat la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle, ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions, en date du 11 juin 2021 par lesquelles BNP PPF demande à voir confirmer le jugement entrepris sur le principe de la condamnation de Madame [E] mais l’infirmer en ce qu’il a limité cette condamnation aux seules échéances impayées pour la période d’août 2018 à juin 2019 inclus et, pour l’essentiel :

– à titre principal, juger régulière la déchéance du terme et dire ‘que Madame [U] [E] doit être condamnée au paiement de l’ensemble des sommes dues au titre du prêt consenti’,

– à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt,

– en tout état de cause, condamner Madame [E] à lui payer la somme principal de 19.144,74 € ainsi que les intérêts au taux contractuels de 3,79 % l’an à compter du 26 septembre 2018, outre une indemnité de 1.800 € au titre des frais irrépétibles en cause d’appel, ainsi que les entiers dépens et frais de première instance et d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 12 décembre 2022,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère au jugement ainsi qu’aux conclusions écrites susvisées.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation du jugement

Au soutien de cette demande principale, Madame [E] affirme n’avoir pu comparaître ou se faire représenter à l’audience du 18 février 2019 pour laquelle elle avait été assignée du fait qu’elle était fragilisée sur le plan psychologique, et qu’elle n’avait pas été informée des audiences consécutives à la réouverture des débats ordonnés le 20 mai 2019 par le tribunal d’instance contrairement aux dispositions de l’article 847 du code de procédure civile alors applicable aux termes duquel le greffier devait aviser par tout moyen la partie non comparante de la date de l’audience à laquelle l’affaire a été renvoyée.

Elle estime que n’ayant pas été mise à même de débattre contradictoirement des moyens invoqués et des éléments de preuve produits par la banque alors même que cette dernière formulait de nouvelles demandes à l’audience du 21 octobre 2019, le tribunal d’instance avait violé les dispositions des articles 14 et 16 du code de procédure civile.

La BNP PPF objecte cependant à juste titre que Madame [E] ne justifie pas de la raison pour laquelle elle n’avait pas comparu et ne s’était pas fait représenter à l’audience initiale à laquelle elle avait pourtant été régulièrement citée, que la réouverture des débats ordonnés par le tribunal avait pour seul objet d’inviter la banque à conclure sur la régularité de la déchéance du terme tandis qu’aucune demande nouvelle n’avait été formulée après cette réouverture des débats.

Par ailleurs, l’article 847 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er décembre 2010 au 15 mars 2015, issue du décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 – art. 6, applicable en la cause, prévoyait que, devant le tribunal d’instance, si une affaire n’est « pas en état d’être jugée », elle était renvoyée à une audience ultérieure et que, « dans ce cas, le greffier avis(ait) par lettre simple les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date de l’audience. »

Or, en l’espèce, il n’est pas justifié de ce que l’affaire avait fait l’objet de renvois du fait qu’elle n’était pas été en état d’être jugée et il ressort au contraire des pièces versées aux débats par Madame [E] qu’elle a été régulièrement assignée pour l’audience du 18 février 2019 à laquelle n’a pas comparu sans fournir d’explication ni solliciter un renvoi et ce, par un acte qui avait été remis personnellement et qui comportait en annexe de l’assignation toutes les pièces invoquées à l’appui de la demande de la BNP PPF. Ensuite de quoi, le tribunal d’instance a rendu une première décision le 20 mai 2019 ordonnant la réouverture des débats à l’audience du 17 juin suivant.

Par ailleurs, si l’affaire a alors été renvoyée à l’audience du 21 octobre 2019, contrairement aux affirmations de Madame [E], BNP PPF n’a pas présenté des demandes nouvelles mais a simplement réduit ses prétentions au principal (ne réclamant plus que 18.438,24 € au lieu des 19.144,74 € initialement réclamés) et proposé un subsidiaire tendant au paiement d’une somme de 2.926,44 € seulement.

Il n’est donc pas justifié de la méconnaissance des principes directeurs du procès invoqués par Madame [E] au soutien de la demande d’annulation du jugement, qu’il convient de rejeter.

Sur la fausseté de la signature de l’emprunteur

Madame [E] conteste par ailleurs avoir signé elle-même l’offre de prêt produite par la BNP PPF, ni aucun autre document. En d’autres termes elle conteste sa signature et elle fait état d’une opération d’escroquerie de la part d’individus qui s’étaient présentés à son domicile au début de l’année 2018 et elle fait état d’une plainte qu’elle aurait déposée à la gendarmerie de [Localité 6] le 16 mars 2020. Elle demande en conséquence à la cour de procéder à la vérification d’écriture conformément à l’article 1373 du code civil. Elle ajoute que les bulletins de salaire composant le dossier de la banque sont des faux puisqu’elle percevait à l’époque le RSA et qu’elle n’exerçait donc pas la profession d’agent de maîtrise moyennant un salaire de 2.290 € comme mentionné sur ses bulletins de paie.

La cour observe cependant que l’appelante ne produit aucun élément permettant de conclure à la fausseté de la signature figurant sur le contrat ainsi que sur les autres documents contractuels (fiche de renseignements et mandat de prélèvement) produits en original par l’intimée.

Elle ne justifie pas de la plainte pénale dont elle fait état et elle n’établit pas davantage qu’elle aurait été, comme allégué, bénéficiaire du RSA et non agent de maîtrise employée par la société Peinture Innova.

En l’état de ces éléments, que la cour estime parfaitement suffisants pour se déterminer, il y a lieu de conclure à la sincérité de la signature apposée sur le contrat.

Sur la déchéance du terme

Dans le cadre de son appel incident, BNP PPF affirme que le courrier du 26 septembre 2018 prononçant la déchéance du terme avait bien mis Madame [E] en demeure de payer dans un délai de huit jours, de sorte que les conditions exigées par le code civil étaient remplies et qu’en outre, la débitrice avait été à nouveau mis en demeure le 28 décembre 2018 de payer sous quinzaine, peu important le fait qu’elle ait été entre-temps assignée devant le tribunal ce qui ne lui interdisaient pas de régulariser sa situation.

L’établissement prêteur ne justifie cependant pas d’une mise en demeure préalable alors qu’il est jugé de manière constante, au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet,

précisant le délai dont disposait le débiteur pour y faire obstacle.

Or, en l’espèce, Madame [E] objecte, sans être utilement contredite, que les clauses du contrat ne dispensaient pas la BNP PPF de l’envoi d’une mise en demeure préalable avant le prononcé de la déchéance du terme. Et elle souligne à juste titre que le courrier du 26 septembre 2018 s’analyse comme un courrier ayant déjà prononcé la déchéance du terme puisque c’est le solde global de la dette qui est réclamé et qu’il n’y a pas eu de mise en demeure préalable de régulariser les sommes dues au titre des échéances impayées dans un certain délai.

Quant à la lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2018, outre le fait qu’elle ne pouvait régulariser la déchéance du terme déjà prononcée, il convient d’observer que la mise en demeure de payer les mensualités échues à hauteur de 520,08 € sous quinzaine n’informe nullement Madame [E] de ce que passé ce délai, elle encourait la déchéance de terme.

La banque ne peut donc se prévaloir d’aucune déchéance du terme régulièrement notifié à Madame [E] et le jugement mérite donc confirmation de ce chef.

Sur la résolution judiciaire du contrat de prêt

À titre subsidiaire, la BNP PPF demande à la cour de prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt regard d’un manquement suffisamment grave de l’emprunteur à son obligation de remboursement. Elle verse aux débats plusieurs décomptes et un historique des règlements faisant apparaître un premier incident non régularisé à la date du 4 août 2018, ainsi que la mise en demeure du 28 décembre 2018.

De son côté, Madame [E] ne conteste pas n’avoir réglé que les deux premières mensualités pour un montant global de 481,45 € et avoir cessé de régler les échéances de ce prêt à compter du 4 août 2018, ce qui caractérise en effet un manquement suffisamment grave de l’intéressée à ses obligations justifiant la demande de résolution judiciaire présentée dans le cadre de l’appel incident.

Pour ce qui concerne la créance de la banque, il convient de se placer à la date du 28 décembre 2018, date de la mise en demeure restée infructueuse. Dans ces conditions et au vu du décompte de la BNP PPF du 5 décembre 2018, Madame [E] sera condamnée au paiement d’une somme de 17.765,74 € correspondant aux deux mensualités échues impayées réclamées à cette date (520,08 €) et au capital restant dû (17.245,06 €). En revanche, la banque ne peut prétendre aux intérêts conventionnels sur cette somme faute de notification régulière de la déchéance du terme, et la créance résultant de la résolution judiciaire sera seulement majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision.

Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, Madame [E] supportera les dépens d’appel. Etant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, l’équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à son détriment.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, et mis à la disposition des parties au greffe,

Déboute Madame [U] [E] de sa demande d’annulation du jugement rendu le 16 décembre 2019 par le tribunal d’instance de Carcassonne ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande en paiement de la BNP PPF fondée sur la déchéance du terme du prêt consenti à Madame [U] [E] le 13 mai 2018 ainsi qu’en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résolution judiciaire du contrat de prêt du 13 mai 2018;

Condamne Madame [U] [E] à payer à la BNP PPF la somme de 17.245,06 €, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Déboute la BNP PPF du surplus de ses demandes ;

Dit n’y avoir application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [U] [E] aux dépens d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de l’avocat qui affirme son droit de recouvrement.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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