2 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/07652
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 02 MARS 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07652 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQ46
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2021 – Juge des contentieux de la protection de SUCY EN BRIE – RG n° 11-20-000537
APPELANTE
La société COFIDIS, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 325 307 106 00097
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE
INTIMÉE
Madame [J] [S]
née le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 6] (MALI)
[Adresse 1]
[Localité 5]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant offre préalable acceptée le 5 février 2017, la société Cofidis a consenti à M. [X] [S] et Mme [J] [S] un prêt personnel dans le cadre d’un regroupement de crédits portant sur la somme de 24 400 euros, remboursable en 84 mensualités de 361,62 euros chacune au taux nominal conventionnel de 6,44 % l’an.
Plusieurs échéances étant demeurées impayées, la société Cofidis s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat.
M. [S] est décédé le [Date décès 3] 2020 et suivant décision du 7 août 2020, la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne saisie à la demande de Mme [S], a imposé une mesure de suspension de l’exigibilité des créances pendant 24 mois.
Saisi le 30 avril 2020 par la société Cofidis d’une demande tendant principalement à la condamnation solidaire des emprunteurs au paiement du solde restant dû au titre du contrat, le tribunal de proximité de Sucy-en-Brie, par un jugement contradictoire rendu le 21 janvier 2021 auquel il convient de se reporter, a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Cofidis,
– écarté l’application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier,
– condamné Mme [S] à payer à la société Cofidis la somme de 16 840 euros sans intérêt,
– rappelé qu’en application des mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne, Mme [S] bénéficie d’une mesure de suspension de l’exigibilité de ses créances pendant 24 mois,
– débouté la société Cofidis de sa demande au titre d’une clause pénale, de capitalisation des intérêts, de frais irrépétibles,
– condamné Mme [S] aux dépens.
Après avoir contrôlé la recevabilité de l’action, et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, le premier juge a considéré que l’encadré du contrat ne mentionnait pas pour chaque échéance, le coût de l’assurance facultative. Pour établir le montant de la créance, il a déduit du capital emprunté les versements effectués et a écarté l’application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier afin de garantir l’effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
Par une déclaration électronique enregistrée le 16 avril 2021, la société Cofidis a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 17 novembre 2022, l’appelante demande à la cour :
– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
– d’infirmer le jugement,
– de condamner Mme [S] à lui payer la somme de 24 596,37 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,44 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 22 octobre 2019,
– à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la déchéance du terme n’était pas acquise, de constater les manquements graves et réitérés de Mme [S] à son obligation contractuelle de remboursement du prêt et de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil,
– de la condamner en conséquence à lui payer la somme de 24 596,37 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– à titre infiniment subsidiaire, si la Cour confirmait la déchéance du droit aux intérêts contractuels, de la condamner au paiement de la somme de 16 840 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 octobre 2019, sans suppression de la majoration de 5 points,
– en tout état de cause, de la condamner au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
L’appelante soutient que le juge est allé au-delà des exigences textuelles en ce que les textes ne prévoient pas de faire figurer dans l’encadré prévu au contrat, le montant des mensualités assurance comprise de sorte qu’elle ne saurait être privée de son droit à percevoir les intérêts.
Elle fait état d’une déchéance du terme mise en ‘uvre régulièrement après mise en demeure de payer infructueuse et invoque l’exigibilité de sa créance. A défaut, elle indique que l’emprunteuse a cessé de régler le crédit depuis décembre 2018, ce qui est une cause de résiliation du contrat. Elle estime qu’il n’appartient pas au juge de première instance de statuer sur l’exonération ou la réduction du montant de la majoration du taux d’intérêts légal, ce qui relève uniquement de la compétence du juge de l’exécution.
Régulièrement assignée par acte d’huissier délivré à étude le 28 juin 2021 portant également signification des premières conclusions de l’appelante, Mme [S] n’a pas constitué avocat. Les conclusions n° 2 lui ont été signifiées par acte du 21 novembre 2022 délivré à étude.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 11 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Le contrat ayant été conclu le 5 février 2017, c’est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version postérieure à l’entrée en vigueur au 1er juillet 2016 de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article R. 312-35 du code de la consommation, dans sa version alors applicable en la cause, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, la recevabilité de l’action n’est pas discutée à hauteur d’appel de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a reçu la société Cofidis en son action, étant observé que la déchéance du terme du contrat était acquise avant l’intervention de la décision du 7 août 2020 de la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne imposant une mesure de suspension de l’exigibilité des créances pendant 24 mois.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Le premier juge a fondé la déchéance du droit aux intérêts de la société Cofidis sur une violation des articles L. 312-28 et R. 312-10 du code de la consommation en ce que les mensualités de remboursement du crédit assurance comprise ne sont pas mentionnées dans l’encadré du contrat.
Les dispositions de l’article L. 312-28 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au contrat prévoient que le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts aux termes de l’article L. 341-4 du même code.
L’article R. 312-10 du même code fixe la liste des informations devant figurer au contrat et dans l’encadré mentionné à l’article L. 312-28, lesquelles doivent être rédigées en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit, en termes clairs et lisibles. Doivent notamment figurer dans l’encadré en caractères plus apparents :
a) Le type de crédit,
b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds,
c) La durée du contrat de crédit,
d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser,
e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d’adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s’appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables,
f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées,
g) Tous les frais liés à l’exécution du contrat de crédit dont, le cas échéant, les frais de tenue d’un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l’utilisation d’un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés,
h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant,
i) Le cas échéant, l’existence de frais de notaire,
j) En cas de crédit servant à financer l’acquisition de bien ou service déterminés, ce bien ou ce service et son prix au comptant.
Le contrat signé par les parties prévoit une assurance facultative effectivement souscrite par M. et Mme [S]. Dès lors que l’assurance n’est pas imposée par le prêteur, comme c’est le cas en l’espèce, les dispositions légales et réglementaires précitées n’imposent pas que le coût mensuel de l’assurance et le montant de l’échéance assurance comprise figurent dans l’encadré inséré au début du contrat, ni que le montant total dû par l’emprunteur comprenne le montant de cette assurance facultative.
C’est donc en ajoutant aux textes précités que le premier juge a retenu que le prêteur encourait la déchéance de son droit à intérêts.
Le jugement doit donc être infirmé.
Sur le bien-fondé de la demande en paiement
À l’appui de sa demande, l’appelante produit aux débats l’offre de contrat doté d’un bordereau de rétractation, la fiche de dialogue (revenus et charges) ainsi que les éléments d’identité et de solvabilité des emprunteurs, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, la notice d’information relative à l’assurance, les justificatifs de la consultation du fichier des incidents de remboursement de crédits aux particuliers, le document d’information propre aux regroupements de crédits, le tableau d’amortissement du prêt, un historique du compte et un décompte de créance.
L’appelante justifie de l’envoi aux emprunteurs le 10 octobre 2019 d’un courrier recommandé avec avis de réception de mise en demeure exigeant le règlement sous 11 jours de la somme de 4 678,58 euros au titre des impayés sous peine de voir prononcer la déchéance du terme du contrat. Des courriers recommandés avec avis de réception adressés le 22 décembre 2019 aux deux emprunteurs les mettent en demeure de régler la somme totale de 24 326,59 euros et prend acte de la déchéance du terme du contrat.
C’est donc de manière légitime que la société Cofidis se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues.
En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l’appelante s’établit de la façon suivante :
– échéances impayées : 4 648,58 euros
– capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 17 862,73 euros
– intérêts de retard arrêtés au 22 octobre 2019 : 37,82 euros
soit la somme totale de 22 579,13 euros.
Mme [S] est en conséquence condamnée au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,44 % l’an à compter du 22 octobre 2019 sur la somme de 22 541,31 euros.
L’appelante sollicite en outre la somme de 1 747,46 euros au titre de l’indemnité de résiliation.
Selon l’article D. 312-16 du code de la consommation, lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme.
La somme demandée excède 8 % du capital restant dû (17 862,73 euros) et vient s’ajouter aux sommes de même nature d’ores et déjà capitalisées s’agissant d’un regroupement de crédits antérieurs. Il convient donc de la réduire à la somme de 1 euro, somme à laquelle est condamnée Mme [S] augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019.
Il n’y a pas lieu de statuer sur l’application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier puisque la sanction de déchéance du droit aux intérêts n’est pas prononcée.
Mme [S] qui succombe supportera les dépens d’appel. L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes est rejeté.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a reçu la société Cofidis en son action et sur les dépens ;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la société Cofidis ;
Condamne Mme [J] [S] à payer à la société Cofidis une somme de 22 579,13 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,44 % l’an à compter du 22 octobre 2019 sur la somme de 22 541,31 euros outre la somme de 1 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019 ;
Rejette le surplus des demandes ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [J] [S] aux dépens d’appel.
La greffière La présidente