Prêt entre particuliers : 2 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/07184

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Prêt entre particuliers : 2 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/07184

2 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG
21/07184

N° RG 21/07184 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N3NN

Décision du Juge des contentieux de la protection de LYON

du 16 juillet 2021

RG : 11-21-1521

Pôle 1

S.A. CREATIS

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 02 Mars 2023

APPELANTE :

S.A. CREATIS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713

INTIMEE :

Mme [S] [V]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 3 Mai 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 02 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Julien MIGNOT, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt rendu par défaut publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Faits, procédure et demandes des parties

Par offre préalable acceptée le 24 juin 2016, Mme [S] [V] a souscrit un contrat de prêt personnel auprès de la SA Créatis d’un montant de 28.100 euros, remboursable en 120 menusalités de 306,63 euros chacune au taux nominal de 5,62%.

Mme [S] [V] n’a pas honoré régulièrement les échéances.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 septembre 2020, la SA Créatis a demandé à Mme [S] [V] de régulariser les impayés et l’a informée qu’à défaut la déchéance du terme serait prononcée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2020, la SA Creatis a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure Mme [S] [V] de lui payer la somme de 22.963,07 euros.

Par acte d’huissier du 29 mars 2021, la SA Créatis a fait assigner Mme [S] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :

– la condamner à lui payer la somme de 22.717,02 euros outre intérêts contractuels à compter du 22 septembre 2020,

– la condamner à lui payer la somme de 350 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,

– condamner Mme [S] [V] aux entiers dépens de l’instance.

Lors de l’audience, le tribunal a soulevé d’office le moyen tiré de la consultation tardive du FICP, la SA Créatis indiquant en cours de délibéré qu’elle avait consulté le FICP, avant le déblocage des fonds, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n’était pas encourue.

Mme [S] [V] n’a pas comparu et ne s’est pas faite représenter à l’audience.

Par jugement du 16 juillet 2021, le tribunal a :

– constaté la résiliation du contrat de prêt personnel liant Mme [S] [V] et la SA Créatis souscrit en date du 24 juin 2016,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

– condamné Mme [S] [V] à payer à la SA Créatis la somme de 13.279,65 euros avec intérêts au taux légal non majoré, à compter de la signification du présent jugement,

– rejeté la demande de la SA Créatis formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Le juge a retenu que le prêteur justifiait avoir consulté le FICP le 12 juillet 2016, soit à une date postérieure au délai de sept jours suivant la date de conclusion du contrat de prêt du 24 juin 2016, et en a déduit que la déchéance du droit aux intérêts devait être prononcée.

Par déclaration du 27 septembre 2021, la SA Creatis a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions régulièrement signifiées à l’intimée défaillante le 30 novembre 2021, elle demande à la Cour d’appel de Lyon :

– d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 16 juillet 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

– constaté la résiliation du contrat de prêt personnel liant Mme [S] [V] et la société Creatis le 4 juin 2016,

– condamné Mme [S] [V] aux dépens de l’instance,

par conséquent et statuant à nouveau et y ajoutant :

– condamner Mme [S] [V] à payer à la société Creatis :

– au titre du contrat du 24 juin 2016 la somme de 22.717, 02 euros outre les intérêts contractuels au taux de 5,62% à compter du 22 septembre 2020,

– la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamné Mme [S] [V] aux dépens d’appel.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu’elle produit en appel une pièce nouvelle de consultation du Ficp du 9 juin 2016, soit avant la signature du contrat du 24 juin 2016, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue.

Elle conteste également la réduction de la clause pénale, invoquant que celle-ci est conforme aux dispositions légales et ne peut de ce fait revêtir un caractère excessif.

Elle ajoute qu’elle a engagé des frais pour les procédures judiciaires, justifiant l’octroi d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] [V] n’a pas constitué avocat.

La clôture est intervenue le 3 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande, que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le contrat de prêt a été souscrit le 24 juin 2016, de sorte que les articles du code de la consommation visés ci-après s’entendent dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

I/ Sur la consultation du FICP

L’article L.311-9 du code de la consommation prévoit qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris celles fournies par l’emprunteur à la demande du prêteur, lequel doit également consulter le fichier des incidents de paiement prévu à l’article L.333-4 du même code.

Le non respect de ces obligations est sanctionné par la déchéance du droit du prêteur au remboursement des intérêts contractuels, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en vertu de l’article L.311-48 al.2 du même code.

L’article L.333-4 du code de la consommation n’impose aucun formalisme quant à la justification de la consultation du FICP.

En l’espèce, la SA Créatis justifie avoir consulté le 9 juin 2016 le FICP et également le 12 juillet 2016.

Concernant cette deuxième date, il ne peut être retenu contrairement à ce qu’a indiqué le premier juge qu’elle est tardive pour avoir été effectuée après le délai de sept jours. En effet, la consultation du FICP doit être réalisée lorsque le prêteur décide d’agréer la personne de l’emprunteur. En principe, l’agrément de l’emprunteur par le prêteur doit intervenir dans le délai de sept jours de la conclusion du contrat, toutefois, la mise à disposition des fonds au delà du délai de sept jours vaut agrément de l’emprunteur et la transmission de la connaissance de l’agrément de l’emprunteur par le prêteur, après l’expiration du délai de sept jours reste valable, si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit.

En tout état de cause, la SA Créatis justifie en cause d’appel également d’une consultation du FICP le 9 juin 2016, donc avant la conclusion du contrat du 24 juin 2016.

Il résulte de ces éléments qu’elle a respecté les obligations des textes précités et que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue.

Il convient donc de réformer le jugement en ce sens.

II/ Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L 311-24 du code de la consommation en vigueur à la date du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus, mais non payés, jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues, produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité, qui dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barême déterminé par décret.

Le prêteur produit à l’appui de ses prétentions, le contrat de prêt, le tableau d’amortissement, l’historique du compte et un décompte. Il résulte de ces éléments que le capital restant dû à la date de déchéance du terme s’élève à la somme de 18.066,21 euros et les échéances impayées à la somme de 3.126,33 soit un total de 21.192,54 euros. Il ressort cependant du décompte que des remboursements sont ensuite intervenus pour un montant de 566,99 euros, laissant subsister la somme de 20.625,55 euros, avec intérêts au taux contractuel de 5,62%, à compter du 27 novembre 2020, date de la mise en demeure prononçant la déchéance du terme et non du 22 septembre 2020, comme sollicité par l’appelante.

En outre, en application de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut même d’office augmenter modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue, si elle est manifestement excessive.

En l’espèce, si le principe de la clause pénale est effectivement prévu par la loi, il n’en demeure pas moins que la loi a également prévu que le juge puisse la modérer, de sorte que cette dernière peut être considérée comme excessive, contrairement à ce que soutient la société Créatis. En l’espèce, le montant de l’indemnité est manifestement excessif compte tenu du taux contractuel élevé pratiqué et il convient de la réduire à la somme de 100 euros. Cette somme ne peut par ailleurs porter intérêts qu’au taux légal.

En conséquence, il convient de condamner Mme [S] [V] à payer à la SA Créatis la somme de 20.725,55 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,62% sur la somme de 20.625,55 euros et au taux légal sur la somme de 100 euros à compter du 27 novembre 2020.

Il convient donc de réformer le jugement en ce sens.

III/ Sur les demandes accessoires

L’équité commande de débouter la SA Créatis de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Enfin, Mme [S] [V] succombant en appel, elle est condamnée aux dépens d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la Cour,

Et statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

Condamne Mme [S] [V] à payer à la SA Créatis la somme de 20.725,55 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,62% sur la somme de 20.625,55 euros et au taux légal sur la somme de 100 euros à compter du 27 novembre 2020 au titre du contrat de prêt du 24 juin 2016,

et y ajoutant

Condamne Mme [S] [V] aux dépens d’appel,

Déboute la SA Créatis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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