Prêt entre particuliers : 8 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/18227

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Prêt entre particuliers : 8 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/18227

8 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG
20/18227

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRET DU 8 MARS 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/18227 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZVJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2020 – Juge aux affaires familiales d’EVRY – RG n° 19/06205

APPELANT

Monsieur [E], [I], [V] [J]

né le 08 Octobre 1962 à [Localité 7] (37)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Sylvie DOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1073

ayant pour avocat plaidant Me Sylvie GOURAUD, avocat au barreau de CHARTRES

INTIMEE

Madame [D] [X]

née le 30 Mars 1945 à [Localité 8] (78)

[Adresse 5]

[Localité 3]

teprésentée par Me Virginie KOERFER BOULAN de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0378

ayant pour avocat plaidant Me Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Sophie RODRIGUES dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [X] et M. [E] [J] ont vécu en concubinage à compter d’août 2005.

Le 24 juillet 2009, ils ont acquis pour une moitié indivise chacun un bien immobilier situé [Adresse 1]) pour un montant de 160 000 euros.

Cette acquisition a été financée au moyen :

– d’un apport personnel de Mme [D] [X] à hauteur de 80 000 euros,

– d’un prêt immobilier d’un montant de 80 000 euros souscrits par les deux concubins en qualité de co-débiteurs auprès du Crédit Agricole.

Le 21 mars 2012, ils ont conclu un pacte civil de solidarité (PACS) qui a été enregistré par le greffe du tribunal d’instance de Chartres.

En février 2014, les partenaires pacsés ont acquis un véhicule neuf Citroën C4 au prix de 14 730 euros, réglé au moyen d’un prêt personnel Credipar d’un montant de 1 730 euros et d’un prêt personnel consenti par le Crédit Agricole pour un montant total de 15 000 euros.

Le 13 avril 2016, la dissolution du PACS a été enregistrée par le tribunal d’instance de Chartres après sa dénonciation unilatérale par M. [J].

Le 1er mars 2017, le bien immobilier indivis a été vendu au prix de 160 000 euros.

Par acte d’huissier du 3 avril 2018, Mme [X] a assigné M. [J] devant le tribunal de grande instance d’Evry aux fins d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de leurs intérêts patrimoniaux.

Par jugement du 29 janvier 2019, le tribunal de grande instance d’Evry-Courcouronnes l’a déclarée irrecevable en sa demande dans la mesure où elle ne justifiait pas des démarches entreprises pour parvenir à un partage amiable.

Mme [X] ayant réitéré sa demande par acte d’huissier du 21 août 2019, le même juridiction a, par jugement du 10 novembre 2020, notamment :

– déclaré la demande de Mme [D] [X] recevable,

– ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision ayant existé entre Mme [D] [X] et M. [E] [J],

– renvoyé les parties devant Me [S] [M], notaire à [Localité 6] (28),

– constaté que le solde disponible du prix de vente du bien séquestré en l’étude du notaire Me [M], s’élève à la somme de 102 461,88 euros,

– constaté que le véhicule neuf Citroën C4 ne dépend plus de l’actif indivis à partager,

– constaté que Mme [D] [X] est titulaire envers l’indivision des créances suivantes:

* sur le remboursement de l’apport de Mme [D] [X] : une créance d’un montant de 80 000 euros au titre des fonds personnels investis dans l’acquisition du bien immobilier,

* sur le prêt Finaref n°[…] : la somme de 27 219,80 euros,

* sur le prêt Crédit Agricole n°[…] : la somme de 20 653,09 euros,

* sur les diagnostics immobiliers et les travaux : la somme de 686 euros au titre des diagnostics immobiliers des travaux,

– constaté que M. [E] [J] est débiteur vis à vis de Mme [D] [X] des sommes suivantes :

* remboursement de la moitié des échéances du prêt immobilier : montant de la moitié du 565,57 euros (X par le nombre de mois à compter de février 2016 jusqu’à la vente du bien)

* 7 800 euros au titre du remboursement du prêt personnel Crédit Agricole,

* 2 615 euros au titre du remboursement du prêt personnel Finaref,

* 1 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti par M. [I] [J],

– débouté Mme [D] [X] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– ordonné l’exécution provisoire,

– dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés,

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– débouté Mme [D] [X] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 14 décembre 2020, M. [J] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il :

– a constaté que le véhicule neuf Citroën C4 ne dépend plus de l’actif indivis à partager,

– a constaté que Mme [X] est titulaire envers l’indivision des créances suivantes :

* sur le prêt Finaref […] de la somme de 27 219,80 euros,

* sur le prêt Crédit Agricole […] de la somme de 20 653,09 euros,

– a constaté que M. [J] est débiteur vis à vis de Mme [X] des sommes suivantes :

* remboursement de la moitié des échéances du prêt immobilier,

* 7.800 euros au titre du remboursement du prêt personnel Crédit Agricole,

* 2.615 euros au titre du remboursement du prêt personnel Finaref.

La déclaration d’appel ajoute que l’appel est également interjeté afin de faire valoir la créance de l’indivision eu égard aux indemnités d’occupation dues par Mme [X] de février 2016 à mars 2017 compris.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2022, l’appelant demande à la cour de :

– « réformer » le jugement dont appel en ce qu’il a :

* constaté que le véhicule neuf Citroën C4 ne dépend plus de l’actif indivis à partager,

* constaté que Mme [D] [X] est titulaire envers l’indivision des créances suivantes :

> sur le prêt Finaref n° […] : la somme de 27 219,80 euros

> sur le prêt Crédit Agricole n° […] : la somme de 20 653,09 euros

* constaté que M. [E] [J] est débiteur vis-à-vis de Mme [D] [X] des sommes suivantes :

> remboursement de la moitié des échéances du prêt immobilier : montant de la moitié de 565,57 euros x par le nombre de mois à compter de février 2016 jusqu’à la vente du bien

> 7 800 euros au titre du remboursement du prêt personnel Crédit Agricole

> 2 615 euros au titre du remboursement du prêt personnel Finaref

statuant à nouveau,

– dire et juger que la valeur du véhicule C4 cédé à Mme [X] et vendu à 5 500 euros doit être compris dans l’actif de l’indivision,

– enjoindre à Mme [X] de communiquer, dans le cadre de la liquidation partage à intervenir, l’intégralité des relevés bancaires de janvier 2009 à mai 2009, tant en ce qui concerne le compte joint qu’en ce qui concerne ses comptes personnels,

– constater l’existence d’une volonté de partager les dépenses de la vie courante entre les indivisaires,

– en l’état, débouter Mme [X] de toutes ses demandes fins et conclusions, à l’exception de la créance qu’elle détient sur l’indivision à hauteur de 80 000 euros et de celle de 686 euros au titre des diagnostics immobiliers et des travaux, outre la somme de 1 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti par M. [I] [J],

dans l’attente du projet d’acte de liquidation partage qui sera dressé par le notaire désigné, Me [M] :

– dire recevable la demande effectuée devant la cour au titre de l’indemnité d’occupation, au visa des dispositions de l’article 566 du code de procédure civile,

– fixer l’indemnité d’occupation due par Mme [X] à hauteur de 800 euros par mois,

– subsidiairement dire qu’un abattement de 10 % sera opéré et que dès lors l’indemnité d’occupation due ne pourra pas être inférieure à 720 euros par mois,

– dire et juger que l’indivision est titulaire à l’encontre de Mme [D] [X] d’une somme de 9 600 euros au titre de l’indemnité d’occupation due pour l’occupation du bien immobilier commun, pour la période de mars 2016 à février 2017, sauf à parfaire pour la période ultérieure, et subsidiairement d’une somme de 8 640 euros,

– dire et juger en conséquence que le notaire désigné, procédera aux opérations de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de Mme [D] [X] et M. [E] [J], en considération de ce qui a été tranché dans le jugement et non contesté par l’appelant, et de l’arrêt à intervenir,

– condamner Mme [X] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2021, Mme [D] [X], intimée, demande à la cour de :

– déclarer M. [J] recevable mais mal fondé en son appel,

en conséquence,

– débouter M. [J] de ses demandes plus amples ou contraires, en ce qu’elles sont mal fondées,

– juger irrecevable la nouvelle demande de M. [J] de la voir condamner à régler une indemnité d’occupation à l’indivision,

à titre subsidiaire, si la cour venait à considérer qu’une indemnité d’occupation était due par elle à l’indivision,

– fixer la valeur locative à 500 euros,

– constater que l’indemnité d’occupation due par elle à l’indivision pour la période du 1er mars 2016 au 10 février 2017 sera fixée à 400 euros par mois en considération d’un abattement de 20 %,

– dire que la créance due par elle à l’indivision se monte à 4 542,86 euros à ce titre,

y ajoutant,

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes et son appel incident,

– « réformer » le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

statuant à nouveau,

– condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

en tout état de cause,

– condamner M. [J] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] au paiement des dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 30 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la valeur du véhicule C4

Aux termes de l’article 815-10 du code civil, sont de plein droit indivis, par l’effet d’une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l’ensemble des indivisaires, en emploi ou remploi des biens indivis.

Il est constant que le véhicule Citroën C4, acquis neuf en indivision, a été conservé, après la séparation, par Mme [D] [X] et que M. [E] [J] a consenti à le lui céder le 13 mars 2020. Il est constant également que Mme [D] [X] l’a revendu à un tiers en août 2020 au prix de 5 500 euros.

M. [E] [J] entend voir prendre en compte cette valeur dans l’actif indivis à partager alors qu’il n’y a pas eu, à la date de cession à un tiers, substitution de ce prix de vente à un bien indivis puisqu’à la date de cette cession, le véhicule n’était plus indivis mais appartenait exclusivement à Mme [D] [X] à la suite de la cession antérieurement consentie par M. [E] [J].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit à juste titre que le véhicule Citroën C4 ne dépend donc plus de l’actif indivis à partager. Y ajoutant, M. [E] [J] sera débouté de sa demande tendant à voir dire que la valeur de ce véhicule (soit 5 500 euros) doit être compris dans l’actif de l’indivision.

Sur les créances

Pour constater que Mme [D] [X] est titulaire envers l’indivision des créances suivantes :

– une créance d’un montant de 80 000 euros au titre de l’apport de fonds personnels lors de l’acquisition du bien immobilier indivis,

– une créance de 27 219,80 euros au titre du capital restant dû sur le prêt Finaref n°[…] remboursé de manière anticipée au moyen de deniers personnels,

– une créance de 20 653,09 euros au titre du remboursement du prêt Crédit Agricole n°[…],

– une créance de 686 euros au titre du paiement des diagnostics immobiliers et des travaux,

– une créance de 7 800 euros au titre du remboursement du prêt personnel Crédit Agricole,

– une créance de 2 615 euros au titre du remboursement du prêt personnel Finaref,

– une créance de 1 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti par M. [I] [J],

le premier juge a constaté que M. [E] [J] ne les contestait pas.

Devant la cour, l’appelant reconnaît que Mme [D] [X] détient une créance sur l’indivision à hauteur de 80 000 euros au titre de son apport personnel lors de l’acquisition du bien immobilier indivis et une autre de 686 euros au titre du paiement des diagnostics immobiliers et des travaux, « outre la somme de 1 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti par M. [[I]] [J] », mais il poursuit l’infirmation du jugement s’agissant des autres créances reconnues au profit de Mme [X].

Sans soulever la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, qui sanctionne « l’attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d’une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions », l’intimée souligne à juste titre que, dans la procédure de première instance, M. [E] [J] confirmait dans ses écritures l’existence des créances dont certaines sont désormais contestées, et fait valoir qu’il remet dès lors en question ces créances de mauvaise foi.

Il sera d’abord rappelé qu’en vertu de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Dès lors, eu égard aux termes circonscrits de la déclaration d’appel et de l’appel incident résultant des premières conclusions de l’intimée, l’effet dévolutif n’a pas opéré pour les créances suivantes de Mme [D] [X] :

– la créance d’un montant de 80 000 euros au titre de l’apport de fonds personnels lors de l’acquisition du bien immobilier indivis,

– la créance de 686 euros au titre du paiement des diagnostics immobiliers et des travaux, et

– la créance de 1 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti par M. [I] [J],

Ainsi, il n’y a même pas lieu de confirmer le chef de dispositif les ayant retenues.

Ensuite, le principe d’estoppel conduit à confirmer le jugement entrepris pour les autres créances reconnues par M. [E] [J] en première instance, ainsi qu’il ressort des conclusions notifiées pour son compte en première instance le 20 janvier 2020, produites par Mme [D] [X], à savoir :

– la créance de 27 219,80 euros au titre du capital restant dû sur le prêt Finaref n°[…] remboursé de manière anticipée au moyen de deniers personnels,

– la créance de 20 653,09 euros au titre du remboursement du prêt Crédit Agricole n°[…],

– la créance de 7 800 euros au titre du remboursement du prêt personnel Crédit Agricole,

– la créance de 2 615 euros au titre du remboursement du prêt personnel Finaref,

Seule demeure donc à examiner la demande de créance de Mme [D] [X] portant sur la moitié des échéances du prêt immobilier.

Il convient d’emblée de préciser que cette demande ne remet nullement en cause les droits égaux des parties sur le bien indivis, et, par conséquent, sur son prix de vente, conformément aux dispositions du titre (l’acte d’acquisition du bien) sur le financement. Les développements de l’appelant sur ce point sont donc inopérants.

Il sera rappelé que le bien immobilier indivis a été acquis à hauteur de 50 % pour chaque indivisiaire au prix de 160 000 euros et financé pour moitié par l’apport de fonds personnels de Mme [D] [X] et pour moitié par le prêt immobilier souscrit auprès du Crédit Agricole pour un montant initial de 80 000 euros.

Il est constant que les échéances de ce prêt ont été prélevées sur le compte joint des parties, lequel était alimenté par les revenus de chacune d’elles.

Mme [D] [X] soutient que, par son apport, elle a immédiatement réglé la moitié de la valeur du bien immobilier qu’il lui incombait de financer de sorte qu’il revenait à M. [E] [J] de rembourser seul le prêt. Elle fait valoir qu’elle a cependant contribué à son remboursement, du fait du prélèvement de ses échéances sur le compte joint alimenté à parts égales selon elle par les revenus de chaque membre du couple. Déniant toute intention libérale de sa part, elle prétend à une créance à l’encontre de M. [E] [J] correspondant à la moitié du prêt immobilier assumé durant leur vie commune, pour un montant total de 26 120,98 euros.

L’appelant se prévaut d’une volonté de partager les dépenses de la vie courante entre les indivisaires, chacun devant alors en principe supporter définitivement la charge des dépenses qu’il a réglées, sans en réclamer remboursement, au titre de sa contribution aux charges communes.

Il affirme qu’en l’espèce, les parties s’étaient accordées pour qu’il verse sur le compte joint l’intégralité de ses revenus, qu’il déclare avoir été supérieurs à ceux de Mme [D] [X] de 700 euros par mois environ, pour un montant excédant l’échéance de remboursement du prêt immobilier, de sorte qu’il estime avoir toujours réglé seul les échéances du prêt immobilier, en sus de sa participation pour moitié au remboursement des autres prêts. Il en veut pour preuve qu’il a continué, après la séparation à faire des versements sur le compte joint pour un montant supérieur à l’échéance mensuelle de remboursement du prêt immobilier, jusque fin mars 2017, alors que le bien a été vendu le 1er mars 2017.

En se fondant sur le caractère fongible des sommes versées sur le compte joint, il conteste l’interprétation de Mme [D] [X] selon laquelle elle a réglé la moitié des échéances du prêt immobilier puisqu’il n’est pas possible d’individualiser les règlements opérés à partir de ce compte joint.

Comme le premier juge, la cour constate que, nonobstant l’apport personnel de Mme [D] [X] assurant le paiement de sa moitié indivise, le prêt immobilier a été souscrit par les deux indivisaires, en qualité de codébiteurs, et que ceux-ci ont prévu que le paiement des échéances interviendrait par prélèvement sur le compte joint alimenté par leurs revenus respectifs.

Ces éléments caractérisent un accord tendant à ce que Mme [D] [X] contribue au remboursement du prêt qui n’a donc manifestement pas été souscrit pour être remboursé exclusivement par M. [E] [J]. Le moyen soulevé par ce dernier tiré du caractère fongible des sommes versées sur le compte joint contredit d’ailleurs son allégation selon laquelle il aurait assumé seul ce remboursement.

Mais l’existence d’un tel accord n’interdit pas nécessairement à Mme [D] [X] de faire valoir une créance à ce titre.

Toutefois la contribution de Mme [D] [X] était destinée à assurer le financement du logement commun et relevait dès lors de sa participation aux dépenses de la vie courante.

Pour la période de concubinage, jusqu’au 21 mars 2012, date d’enregistrement de leur PACS, aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux devait, en l’absence de volonté contraire exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a engagées.

A compter du 21 mars 2012, il convient de faire application de l’article 515-4 du code civil, aux termes duquel les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques, l’aide matérielle étant proportionnelle à leurs facultés respectives si les partenaires n’en disposent autrement.

Par conséquent, il n’y a pas lieu à créance en faveur de Mme [D] [X] pour la période de vie commune.

En revanche, pour la période postérieure à la séparation, la contribution de Mme [D] [X] ne saurait s’analyser comme une contribution aux charges de la vie commune.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que M. [E] [J] est débiteur vis-à-vis de Mme [D] [X] de la moitié des échéances du prêt immobilier remboursées postérieurement à la séparation et jusqu’à la vente du bien, le 1er mars 2017. Il y a seulement lieu de corriger le point de départ de cette période, qu’il convient de fixer au 1er mars 2016, eu égard aux déclarations concordantes des parties quant à la date de départ de M. [E] [J] du logement commun, de sorte que la créance de Mme [D] [X] sera fixée à 6 786,84 euros (565,57 euros x 12).

Sur l’indemnité d’occupation

Sur la recevabilité de la demande d’indemnité d’occupation

Selon l’article 564 du code civil, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, et l’article 566 précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En outre, il est de jurisprudence constante qu’en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

La fin de non-recevoir opposée par Mme [D] [X] à la demande de l’appelant relative à l’indemnité d’occupation sera donc rejetée.

Au fond

En vertu de l’article 815-9 alinéa 2 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

Il est constant que Mme [D] [X] a occupé seule le bien immobilier indivis après le départ de M. [E] [J] le 1er mars 2016. Si le bien a été vendu le 1er mars 2017, Mme [D] [X] précise qu’elle a quitté le bien le 10 février 2017.

Elle produit en effet un contrat de location démontrant qu’elle a pris à bail un nouveau logement à compter du 8 février 2017 ainsi qu’une facture de service de déménagement pour un chargement en date du 10 février 2017 à l’adresse correspondant à l’ancien bien immobilier indivis.

Les parties s’opposent quant à la façon de déterminer la valeur locative : Mme [D] [X] entend voir appliquer une formule qualifiée d’ « usuelle » pour la déterminer à partir de la valeur vénale du bien quand M. [E] [J] opère par comparaison avec d’autres biens à louer situés dans la même zone géographique.

Dans la mesure où le bien est désormais vendu à un tiers, une estimation directe de la valeur locative du bien n’est plus envisageable.

Les trois annonces locatives produites par M. [E] [J], outre qu’elles ne permettent pas de connaître la valeur locative réelle des biens proposés, mais seulement les prix de location demandés, de l’ordre de 11 euros par mois le m², ne fournissent aucune précision quant aux spécificités de chaque bien pour permettre une comparaison plus éclairée avec celles de l’ancien bien immobilier indivis, dont la surface d’habitation était de 97 m² et dont plusieurs photographies sont produites par M. [E] [J]. Ce dernier propose lui-même de retenir une valeur locative minorée au regard des éléments de comparaison qu’il choisit de fournir, de 800 euros par mois.

La méthode de calcul présentée par Mme [D] [X], fondée sur la valeur vénale du bien, connue en raison de sa vente, de 160 000 euros, la conduit à retenir une valeur locative entre 400 et 667 euros par mois.

A défaut d’éléments plus utiles, il convient de retenir une moyenne de 622 euros par mois.

Il y a lieu d’appliquer un abattement de précarité de 20 % et de fixer en conséquence le montant de l’indemnité d’occupation à 497,87 euros par mois.

La dette de Mme [D] [X] au titre de l’indemnité d’occupation due pour la période du 1er mars 2016 au 10 février 2017, soit 11 mois et 10 jours, sera fixée à la somme totale de 5 654,34 euros à inscrite à l’actif indivis.

Sur l’appel incident : la demande indemnitaire de Mme [D] [X]

Mme [D] [X] expose que le couple avait l’intention de partir en vacances en Martinique en mars 2016 et qu’elle avait acheté les billets d’avion, au prix de 577,37 euros, et effectué les réservations pour l’hébergement, à hauteur de 210 euros, pour un montant total de 802,37 euros incluant 15 euros de frais d’assurance, et que M. [E] [J] a laissé ces frais à sa charge lorsqu’il l’a quittée, peu avant le départ.

Elle ajoute qu’il a rompu leur PACS de façon brutale et abusive, sans l’en informer préalablement, et qu’il n’a ensuite contribué que de façon limitée aux échéances des prêts qu’ils avaient souscrits ensemble.

Le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [D] [X] au motif qu’elle ne justifiait pas de l’existence d’une faute et d’un préjudice.

M. [E] [J] fait sienne cette motivation en affirmant qu’il est mensonger de prétendre qu’il n’a contribué que de manière sporadique aux dépenses communes alors qu’il a continué à verser une somme mensuelle de 700 euros correspondant à la moitié du prêt immobilier et à la moitié des deux autres prêts toujours en cours.

Mme [D] [X] justifie avoir réglé le 11 janvier 2016, par carte bancaire, au débit de son compte personnel, deux billets d’avion d’un montant de 577,37 euros chacun, l’un à son nom et l’autre au nom de M. [E] [J], pour un voyage en Martinique prévu du 26 mars au 8 avril 2016, et avoir réglé une avance de 420 euros pour l’hébergement. Il est constant que la séparation est intervenue entre-temps.

Le relevé de compte bancaire de Mme [D] [X] sur lequel apparaît le débit des billets d’avion mentionne également à la même date un débit de 30,00 euros au titre d’une assurance, qui corrobore la prétention de l’appelante à hauteur de 15 euros au titre des frais d’assurance pour ce même voyage.

Il ressort des conclusions de première instance de M. [E] [J], produites par l’appelante incidente, qu’il se déclarait disposé à rembourser à Mme [D] [X] la somme de 577,37 euros correspondant au prix du billet d’avion, même s’il concluait au débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Puisqu’il n’allègue pas avoir effectivement procédé à ce remboursement, Mme [D] [X] dispose contre lui d’une créance qu’elle qualifie de préjudice matériel.

M. [E] [J] sera donc condamné à lui verser la somme de 817,37 euros (577,37 + 420/2 + 30/2), par infirmation du jugement entrepris, sans qu’il soit même utile de relever contre lui la faute qui résulterait, non de la rupture elle-même, mais de l’absence de mesure adoptée pour assumer sa part des conséquences de celle-ci.

En revanche, l’absence éventuelle de participation de M. [E] [J] au remboursement de prêts souscrits en commun a déjà été prise en compte pour apprécier les demandes de créances de Mme [D] [X] qui ne prouve pas l’existence d’un préjudice distinct.

Sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée pour le surplus.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Il convient, en application de cette disposition, de condamner l’appelant aux dépens.

L’équité commande qu’il soit en outre condamné au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 10 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes en ce qu’il a :

– fixé au mois de février 2016 le début de la période à prendre en compte pour la fixation de la dette de M. [E] [J] à l’égard de Mme [D] [X] au titre du remboursement de la moitié des échéances du prêt immobilier,

– débouté Mme [D] [X] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil ;

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [D] [X] dispose d’une créance contre M. [E] [J] au titre du remboursement du prêt immobilier pour la période du 1er mars 2016 au 1er mars 2017 ;

Condamne M. [E] [J] à payer à Mme [D] [X] la somme de 817,37 euros en remboursement de sa part des frais du voyage en Martinique prévu du 26 mars au 8 avril 2016 ;

Confirme le jugement prononcé le 10 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes en tous ses autres chefs de dispositif dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute M. [E] [J] de sa demande tendant à voir dire que la valeur du véhicule Citroën C4 doit être compris dans l’actif de l’indivision ;

Rejette la demande de M. [E] [J] tendant à voir enjoindre à Mme [D] [X] de communiquer, dans le cadre de la liquidation partage à intervenir, l’intégralité des relevés bancaires de janvier 2009 à mai 2009, tant en ce qui concerne le compte joint qu’en ce qui concerne ses comptes personnels ;

Fixe la créance de Mme [D] [X] contre M. [E] [J] au titre du remboursement du prêt immobilier, pour la période du 1er mars 2016 au 1er mars 2017, à la somme de 6 786,84 euros ;

Rejette la fin de non-recevoir opposée par Mme [D] [X] à la demande d’indemnité d’occupation formée par M. [E] [J] ;

Fixe la dette de Mme [D] [X] au titre de l’indemnité pour l’occupation privative du bien immobilier indivis sur la période du 1er mars 2016 au 10 février 2017 à la somme totale de 5 654,34 euros qui sera à inscrire à l’actif indivis ;

Condamne M. [E] [J] aux dépens ;

Condamne M. [E] [J] à payer à Mme [D] [X] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de M. [E] [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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