23 mars 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/00780
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/03/2023
la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN
Me Emilie FRENETTE
ARRÊT du : 23 MARS 2023
N° : 45 – 23
N° RG 21/00780
N° Portalis DBVN-V-B7F-GKIU
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ORLEANS en date du 03 Février 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265261947498276
S.A. CA CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO,
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE
D’UNE PART
INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°:1265270995051056
Monsieur [J] [X]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Emilie FRENETTE, avocat au barreau d’ORLEANS
Madame [H] [X] NÉE [Z]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Emilie FRENETTE, avocat au barreau d’ORLEANS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 15 Mars 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 08 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 26 JANVIER 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 23 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 16 septembre 2010, la SA CA Consumer finance a consenti à M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X], sous la marque commerciale Sofinco, un prêt personnel d’un montant de 40 000 euros, remboursable en 84 mensualités de 658,36 euros incluant les primes d’assurances et les intérêts au taux nominal de 7,186 % l’an.
Exposant avoir provoqué la déchéance du terme de son concours le 13 mai 2016 après avoir vainement mis en demeure M. et Mme [X] de régulariser les échéances restées impayées, la société CA Consumer finance a fait assigner M. et Mme [X] en paiement devant le tribunal de grande instance d’Orléans par actes du 22 mars 2017.
Par jugement du 3 février 2021, le tribunal judiciaire d’Orléans a :
– rejeté l’exception d’incompétence relevée in limine litis par M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X],
– rejeté la fin de non recevoir relevée in limine litis par M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X],
– déclaré l’action et les demandes formulées par la SA CA Consumer finance par assignations en date du 22 mars 2017 recevables,
– débouté la SA CA Consumer finance de sa demande aux fins de condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [H] [X] à lui payer la somme de 20 527,15 euros au taux contractuel de 7,186 % l’an, à compter des mises en demeure et subsidiairement de l’assignation, en raison de la déchéance du terme du contrat de prêt conclu le 16 septembre 2010,
– débouté la SA CA Consumer finance de sa demande aux fins de condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [H] [X] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 20 527,15 euros au taux légal à compter du jugement à intervenir, sur le fondement de l’article 1184 ancien du code civil,
– débouté la SA CA Consumer finance de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA CA Consumer finance à payer à M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA CA Consumer finance à payer les entiers dépens de la présente instance,
– dit n’y avoir lieu à assortir la présente décision de l’exécution provisoire
Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a retenu qu’à raison de son montant, le prêt litigieux n’entrait pas dans le champ d’application des articles L. 311-1 à L. 311-37 du code de la consommation [dans leur rédaction applicable à la cause] et que M. et Mme [X] n’établissaient pas que les parties auraient fait le choix de soumettre leur convention aux dispositions du code de la consommation.
Il en a déduit, de première part que l’action en paiement de l’établissement de crédit relevait de la compétence du tribunal judiciaire ; de seconde part que cette action était soumise au délai de prescription de droit commun et que, en considération des deux avenants du 21 mars 2011 et du 12 juin 2013, l’action avait été engagée moins de cinq ans après le premier incident de paiement non régularisé, qu’il a tenu comme ne pouvant être antérieur au 1er octobre 2013.
Sur le fond, le premier juge a ensuite relevé que le contrat de prêt produit par la société CA Consumer finance ne comportait aucune clause d’exigibilité anticipée et en a déduit que l’établissement de crédit, qui ne produisait au demeurant aucune mise en demeure préalable à la déchéance du terme, ne justifiait pas de l’exigibilité de sa créance.
Il a en conséquence débouté la société CA Consumer finance de sa demande en paiement, tant « sur le fondement de la déchéance du terme » que sur celui de l’article 1184 du code civil, aux motifs que l’établissement de crédit ne démontrait pas l’existence d’échéances impayées non régularisées, ni l’exigibilité d’une créance à hauteur de 20 527,15 euros.
La SA CA Consumer finance a relevé appel de cette décision par déclaration du 15 mars 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2022, la société CA Consumer finance demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable aux faits, L. 311-1 et suivants du code de la consommation, de :
– déclarer M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] irrecevables et subsidiairement mal fondés en leurs demandes et les en débouter,
Y faire droit,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘ débouté la SA CA Consumer finance de sa demande aux fins de condamnation solidaire de M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à lui payer la somme de 20 527,15 euros au taux contractuel de 7,186 % l’an, à compter des mises en demeure et subsidiairement de l’assignation en raison de la déchéance du terme du contrat de prêt conclu le 16 septembre 2010,
‘ débouté la SA CA Consumer finance de sa demande aux fins de condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à lui payer la somme de 20 527,15 euros au taux légal à compter du jugement sur le fondement de l’article 1184 du code civil,
‘ débouté la SA CA Consumer finance de toutes ses demandes,
‘ débouté la SA CA Consumer finance de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la SA CA Consumer finance à payer à M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
Statuant à nouveau sur ces points,
– condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 20 527,15 euros au taux contractuel de 7,186 % l’an, à compter des mises en demeure du 13 mai 2013 et subsidiairement à compter de l’assignation,
A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la déchéance du terme n’était pas acquise à la SA CA Consumer finance :
– constater les manquements graves et réitérés de M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à leur obligation essentielle de remboursement du prêt,
– prononcer la résolution judiciaire du contrat de crédit pour manquements graves et réitérés des emprunteurs à leur obligation essentielle, sur le fondement de l’article 1184 du code civil, devenu les articles 1224 à 1229 du même code,
En conséquence,
– condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 20 527,15 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement les intimés aux dépens de première instance et d’appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 2 août 2021, M. et Mme [X] demandent à la cour de :
– accueillir la SA CA Consumer finance en son appel mais la déclarer mal fondée,
En conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire en toutes ces dispositions,
Y ajoutant,
– condamner la SA CA Consumer finance à payer à M. et Mme [X] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la SA CA Consumer finance de toutes ses demandes fins et conclusions contraires,
– condamner la SA CA Consumer finance aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 8 décembre 2022, pour l’affaire être plaidée le 26 janvier suivant et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS :
Sur la demande principale en paiement tirée du prononcé de la déchéance du terme:
La clause de déchéance du terme est une variété de clause résolutoire qui permet au prêteur d’exiger le remboursement anticipé du prêt lorsque l’emprunteur ne satisfait pas à certaines de ses obligations.
Alors que le premier juge avait relevé que le contrat de prêt litigieux ne comportait « aucune disposition concernant l’exigibilité [anticipée] de la créance et les modalités de déchéance du terme », la société CA Consumer finance réitère en cause d’appel sa demande principale en paiement tirée de ce qu’elle aurait valablement provoqué la déchéance du terme de son concours le 13 mai 2016, en produisant en pièce 1 deux des trois pages de l’offre préalable du prêt litigieux, lesquelles ne contiennent aucune clause de déchéance du terme, autrement dit sans justifier que le contrat de prêt comportait une stipulation qui l’autorisait à provoquer unilatéralement la résiliation de son concours de manière anticipée.
Dès lors, sans qu’il soit utile de vérifier que l’appelante avait mis en demeure les intimés de régulariser leur situation préalablement au prononcé de la déchéance du terme, ce qui est en l’espèce indifférent, la cour ne peut que constater que, faute de justifier que le contrat l’y autorisait, la société CA Consumer finance n’établit pas avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme de son concours le 13 mai 2016.
Par confirmation du jugement entrepris, l’appelante sera donc déboutée de sa demande principale en paiement tirée du prononcé de la déchéance du terme.
Sur la demande subsidiaire en résolution du contrat de prêt :
A titre subsidiaire, la société CA Consumer finance ne demande pas le paiement des échéances échues et impayées du contrat de prêt pourtant arrivé à terme le 1er juillet 2018 ; l’appelante demande à la cour de « constater les manquements graves et
réitérés des emprunteurs à leur obligation essentielle de remboursement du prêt », et de prononcer en conséquence la résolution du contrat sur le fondement de l’article 1184 du code civil.
Selon l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution en justice.
Dès lors que M. et Mme [X] ne justifient d’aucun paiement postérieur au 1er mars 2016, ni d’aucun fait libératoire au sens de l’alinéa 2 de l’article 1315 ancien du code civil, il est établi, même à admettre que les échéances échues jusqu’en mars 2016 ont toutes été réglées, que 28 au moins des 85 échéances du prêt sont restées impayées.
Ce manquement à l’obligation essentielle de remboursement née du prêt est d’une gravité telle qu’il justifie de faire droit à la demande subsidiaire de la société CA Consumer finance et, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer la résolution du contrat conclu le 16 septembre 2010 entre les parties.
Dès lors que la société CA Consumer finance a fait le choix de solliciter la résolution judiciaire du contrat, elle ne peut réclamer, en conséquence de cette résolution, une somme identique à celle sollicitée à titre principal (20 527,15 euros), qui correspond à ce qui aurait été éventuellement dû si la déchéance du terme avait été régulièrement prononcée le 13 mai 2016.
Puisque la société de crédit, à qui il aurait été loisible de demander le paiement des échéances impayées majoré des intérêts de retard, a préféré solliciter la résolution du contrat, laquelle emporte son anéantissement rétroactif, la cour ne peut que replacer les parties dans l’état où elles se seraient trouvées si le contrat résolu n’avait jamais existé, en procédant à des restitutions réciproques.
Selon l’historique produit en pièce 16, les intimés ont réglé à la société CA Consumer finance, en remboursement du prêt litigieux d’un montant de 40 000 euros, la somme totale de 35 841,09 euros.
Partant, M. et Mme [X], qui ne justifient ni même n’allèguent avoir réglé davantage que cette somme, seront condamnés in solidum à payer à la société de crédit la somme de 4 158,91 euros (40 000 – 35 841,09), majorée des intérêts au taux légal à compter de ce jour.
Sur les demandes accessoires :
M. et Mme [X], qui succombent au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de première instance et d’appel, et seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, ils seront condamnés in solidum à régler à la société CA Consumer finance, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME la décision entreprise seulement en ce qu’elle a débouté la SA CA Consumer de sa demande tendant à la condamnation solidaire M. [J] [X] et Mme [H] [X] à lui payer la somme principale de 20 527,15 euros en raison de la déchéance du terme du contrat de prêt conclu le 16 septembre 2010,
L’INFIRME pour le surplus de ses dispositions critiquées,
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
PRONONCE la résolution du contrat de prêt conclu le 16 septembre 2010 entre les parties,
En conséquence,
CONDAMNE in solidum M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à payer à la SA CA Consumer finance la somme de 4 158,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
CONDAMNE in solidum M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] à payer à la SA Consumer finance la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] formée sur le même fondement,
DEBOUTE la SA Consumer finance de ses plus amples demandes en paiement,
CONDAMNE in solidum M. [J] [X] et Mme [H] [Z] épouse [X] aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT