Prêt entre particuliers : 4 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03889

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Prêt entre particuliers : 4 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03889

4 avril 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/03889

N° RG 21/03889 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LA5F

C4

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET

la SELARL EYDOUX MODELSKI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 04 AVRIL 2023

Appel d’une décision (N° RG 11-19-0008)

rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 03 juin 2021

suivant déclaration d’appel du 08 Septembre 2021

APPELANTS :

M. [Z], [E] [N]

né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 5]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/09464 du 01/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

Mme [D], [O], [K] [I]

née le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentés par Me Véronique LUISET de la SCP SAUNIER-VAUTRIN LUISET, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Capucine SCHALLER, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/09495 du 01/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHÔNE ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Alban VILLECROZE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller

M. Lionel Bruno, conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 31 janvier 2023 monsieur Lionel Bruno, conseiller chargé du rapport, assisté de Anne Burel, greffier, en présence de Catherine Silvan, greffier stagiaire, a entendu les avocats en leurs observations et en leurs plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

*****

Faits et procédure :

Par acte sous seing privé en date du 9 avril 2012, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes a consenti à [Z] [N] et [D] [I] un ‘prêt personnel amortissable travaux’ d’un montant de 29.790 euros au taux contractuel de 4,30%, remboursable en 180 mensualités. En raison d’impayés, la banque a assigné les emprunteurs devant le tribunal de grande instance de Grenoble.

Par jugement en date du 11 février 2019, le tribunal de grande instance de Grenoble s’est déclaré incompétent, considérant que les parties ont entendu soumettre le litige au champ d’application des crédits à la consommation. Le dossier opposant la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes et [Z] [N] et [D] [I] a donc été renvoyé devant le tribunal d’instance de Grenoble.

Par jugement du 3 juin 2021, le juge des contentieux de la protection de Grenoble a’:

débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes de sa demande aux fins de voir constater la déchéance du terme du contrat;

prononcé la résolution du contrat et fixé la déchéance du terme au 8 janvier 2016;

condamné solidairement [Z] [N] et [D] [I] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes la somme de 33.568,17 euros, outre intérêts au taux de 4,30% sur la somme de 33.468,17 euros à compter du 8 janvier 2016;

rejeté la demande de délais de paiement’;

débouté les parties de leur demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

condamné in solidum [Z] [N] et [D] [I] aux dépens;

prononcé l’exécution provisoire.

[Z] [N] et [D] [I] ont interjeté appel de cette décision le 8 septembre 2021, en ce qu’elle a’:

prononcé la résolution du contrat et fixé la déchéance du terme au 8 janvier 2016′;

condamné solidairement les appelants à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes, la somme de 33.568,17 euros outre intérêts au taux légal de 4,30 % sur la somme de 33.468,17 euros à compter du 8 janvier 2016′;

rejeté leur demande de délais de paiement’;

les a débouté de leur demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

les a condamné in solidum aux dépens’;

prononcé l’exécution provisoire.

Prétentions et moyens de [Z] [N] et [D] [I]’:

Selon leurs conclusions remises le 3 juin 2022, ils demandent à la cour, au visa des articles 1305-5, 1152 ancien et 1231-5, 1343-5 du code civil’:

de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes de sa demande tendant à ce que soit constatée la déchéance du terme du contrat’;

d’infirmer la décision entreprise pour le surplus’;

de débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes de l’intégralité de ses demandes qui apparaissent infondées’;

à tout le moins, de la débouter de ses demandes portant sur la condamnation à des taux d’intérêts contractuels à compter du 21 janvier 2015, à des intérêts de retard et au règlement d’une indemnité spéciale’;

de juger que seuls des intérêts au taux identique à celui du prêt, peuvent être sollicités, outre une indemnité spéciale au taux de 8 %;

de juger cependant qu’il s’agit de sommes sollicitées en application d’une clause pénale’;

de réduire en conséquence ces sommes à 1 euro’;

de confirmer, à titre infiniment subsidiaire, la décision en ce qu’elle a réduit à 100 euros l’indemnité de 8 % qui est une clause pénale’;

à titre subsidiaire, et dès lors qu’une condamnation sera formulée à l’encontre des appelants, de leur accorder des délais de règlement sur 24 mois’;

de juger en conséquence que les appelants seront autorisés à régler la somme qui sera fixée sur 24 mois et à défaut, par mensualités de 600 euros pendant 23 mois et le solde le 24ème mois’;

de juger que les mensualités porteront intérêt au taux légal et que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital’;

en tout état de cause, de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes à régler aux concluants la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi que de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel’;

de condamner l’intimée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, parmi lesquels les frais de la procédure d’inscription d’hypothèque provisoire, dont distraction au profit de la SCP Saunier-Vautrin-Luiset, avocat associé, sur son affirmation de droit.

Les appelants exposent’:

que le prêt en cause a été destiné à réaliser des travaux, suite à l’octroi de deux prêts immobiliers antérieurs contractés en 2010 et 2011 afin d’acquérir un terrain pour y construire leur résidence’; que suite à l’arrêt de maladie de monsieur [N] en 2014, aboutissant à son placement en invalidité, la Caisse Nationale de Prévoyance a pris en charge les remboursements des prêts immobiliers, mais pas du prêt à la consommation’;

que parallèlement, l’intimée les a mis en demeure concernant le prêt litigieux ainsi que les prêts immobiliers le 21 janvier 2015, pour le paiement de 7.374,05 euros, sous la sanction du prononcé de la déchéance du terme, alors que le prêt à la consommation était également garanti par la Caisse Nationale de Prévoyance’; que le problème a résulté dans le fait que l’assureur ne réglait que sur présentation des bordereaux de l’assurance maladie, ce qui a entraîné des décalages de paiement; qu’un commandement aux fins de saisie immobilière a été délivré le 30 septembre 2015 concernant les prêts immobiliers, alors que seules deux mensualités n’étaient pas remboursées, correspondant sans doute au délai de franchise de l’assurance’; que la déchéance du terme a ainsi été prononcée de façon anticipée, faute de savoir quelles mensualités restaient impayées’et si l’assureur allait les prendre en charge’; que par jugement du 21 juin 2016, le juge de l’exécution a constaté la nullité de ce commandement et a ordonné sa mainlevée, décision confirmée par arrêt du 28 mars 2017, au motif que si monsieur [N] a bien signé l’avis de réception de la mise en demeure adressée par l’intimée, il n’en va pas de même pour madame [I] pour laquelle l’accusé de réception ne comporte aucune date’; que la cour a ainsi relevé que le créancier ne justifiait pas du point de départ du délai de régularisation offert à l’emprunteur à l’issue duquel le prêteur peut se prévaloir de la déchéance du terme’;

que les termes de cet arrêt, concernant la mise en demeure visant également le prêt litigieux, s’impose à la juridiction présentement saisie’; que le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu’il a débouté l’intimée de sa demande tendant à voir constater la déchéance du terme’; qu’il n’existe aucun aveu judiciaire des concluants ainsi que constaté par le premier juge; que le juge a exactement retenu qu’aucun courrier notifiant la déchéance du terme n’a été adressé’par l’intimée’; que la seule production des preuves de dépôt des lettres à la Poste est insuffisante, puisque la banque doit démontrer la date de la réception faisant courir le délai de régularisation offert à l’emprunteur’; que l’arrêt du 28 mars 2017 est transposable au présent litige, puisqu’il concerne les mêmes parties, pour une mise en demeure visant tous les prêts’;

qu’il résulte de l’article 1305-5 du code civil que la déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires’; que si l’intimée soutient que ce texte créé par l’ordonnance du 10 février 2016 n’est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er septembre 2016, cet article ne fait que reprendre une jurisprudence ancienne’;

qu’en outre, la mise en demeure ne précise pas quelles sont les sommes dues au titre du crédit à la consommation, ne mentionnant qu’une somme unique de 7.374,05 euros’et n’étant accompagnée d’aucun décompte’concernant ce prêt’; qu’ainsi, les emprunteurs ne pouvaient régulariser leur situation’;

concernant le prononcé de la déchéance du terme, au visa de l’article 1227 du code civil, que si le premier juge a considéré que l’assignation a valu mise en demeure, de sorte que la résolution du contrat pouvait être prononcée quinze jours après la signification, cependant l’assignation en paiement ne peut se substituer au prononcé de la déchéance du terme en bonne et due forme’; que l’intimée ne pouvait ainsi rendre la créance exigible en assignant les concluants’;

concernant les sommes dues, que l’intimée doit être déboutée de ses demandes portant sur les intérêts au taux contractuel, les intérêts de retard et l’indemnité forfaitaire, puisque l’offre de prêt prévoit que ces sommes sont soumises au pouvoir d’appréciation du juge’; que si la banque soutient que ces sommes ne résultent pas d’une clause pénale, puisqu’elles n’ont pour objectif que de réparer le préjudice subi par elle, il s’agit cependant de sommes dues au créancier à titre de dommages et intérêts’; que les concluants sont de bonne foi en raison de leur situation alors que la banque s’est précipitée pour engager des procédures de saisie et au fond’sans transmettre de décompte clair’; que la banque ne rapporte pas la preuve d’un préjudice’; que les concluants ne sont ainsi redevables que de 27.140,62 euros’;

concernant l’octroi de délais de paiement, que les concluants sont de bonne foi et justifient de leurs difficultés’; que le juge n’a pu retenir que des mensualités de 1.300 euros par mois sur deux ans sont incompatibles avec leur situation’; que les concluants peuvent, subsidiairement, régler 600 euros sur 23 mois et le solde au 24ième mois grâce à une aide familiale.

Prétentions et moyens de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes’:

Selon ses conclusions remises le 18 octobre 2022, elle demande à la cour, au visa des anciens articles L311-3 et L312-2 du code de la consommation dans leur version de 2012, des articles 81 et 82 du code de procédure civile, des articles 1134 et suivants et 1165 du code civil (dans leur version applicable), 1154 devenu 1343-2, 1254 devenu 1343-1 du code civil, 1354 ancien du code civil, 1184 ancien du code civil’:

de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat et fixé la déchéance du terme au 8 janvier 2016, en ce qu’il a rejeté la demande de délais de paiement, en ce qu’il a débouté les appelants de leur demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a condamné in solidum les appelants aux dépens’;

de le réformer en ce qu’il a débouté la concluante de sa demande aux fins de voir constater la déchéance du terme du contrat’; en ce qu’il a condamné solidairement les appelants à payer à la concluante la somme de 33.568,17 euros outre intérêts au taux de 4,30% sur la somme de 33.468,17 euros à compter du 8 janvier 2016′; en ce qu’il a débouté la concluante de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

statuant à nouveau, de débouter les appelants de l’ensemble de leurs fins et prétentions comme étant non fondées’;

de juger les demandes de la concluante recevables et bien fondées’;

de juger que madame [I], tant par courriers des 12 octobre 2015, 26 octobre 2015 et dans ses conclusions devant le juge de l’exécution, a formellement reconnu avoir réceptionné le courrier recommandé valant déchéance du terme du 21 janvier 2015′;

de juger n’y avoir lieu à déduction ou réduction de la créance, y compris en intérêts et indemnités de résiliation’;

subsidiairement, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de prêt n° 639074 du fait des manquements répétés de [Z] [N] et [D] [I] dans le remboursement de leur emprunt’;

en tout état de cause, de prononcer la validité de la déchéance du terme ou de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt’;

de condamner solidairement [Z] [N] et [D] [I] à payer à la concluante la somme de 36.712,68 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,30% l’an à compter du 9 décembre 2020, date du décompte de créance’;

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que la déchéance du terme ne résulterait pas de la mise en demeure de janvier 2015 à l’égard de madame [I], de juger que la déchéance du terme est acquise à son encontre à compter du 24 décembre 2015 et d’ordonner la réouverture des débats pour permettre à la concluante de produire un décompte en conséquence à son égard’;

de rejeter la demande de délais de paiement’;

à titre subsidiaire, si des délais leur étaient accordés, de juger que les appelants devront s’acquitter de leurs dettes par 24 versements mensuels’; de juger que la créance redeviendra immédiatement et de plein droit intégralement exigible dès le premier incident sans mise en demeure préalable’;

de condamner solidairement les mêmes au paiement d’une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;

de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens qui comprendront les frais d’inscription hypothécaire dont distraction au profit de la Selarl Eydoux & Modelski sur son affirmation de droit’;

de prononcer la capitalisation des intérêts.

L’intimée indique’:

concernant la validité de la déchéance du terme, que l’arrêt rendu par la cour, devenu définitif suite au rejet du pourvoi formé par la concluante, ne peut être invoqué car concernant d’autres prêts, alors que cet arrêt a été rendu dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, que la cour a été sensible à l’existence d’assurances, alors que le prêt litigieux n’est pas concerné par une assurance ITT, et qu’il s’est agi d’une procédure menée dans le cadre d’une procédure à jour fixe’;

que les appelants soutiennent de mauvaise foi n’avoir pas été régulièrement mis en demeure de payer les échéances du prêt, puisque la concluante leur a adressé un premier courrier le 19 juin 2014 pour trois échéances impayées, puis le 6 octobre 2014 pour six échéances’; que les appelants ne contestent pas avoir reçu ces lettres, mais uniquement la date de réception concernant la dernière mise en demeure adressée le 21 janvier 2015’à madame [I]’; que le contrat a stipulé que le prêteur a la possibilité de se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, sans qu’il soit besoin d’un préavis ou d’aucune formalité judiciaire, en cas de non-paiement d’une seule échéance, malgré une mise en demeure adressée par tout moyen et restée sans effet pendant 15 jours’; que si l’avis de réception signé par madame [I] n’est pas daté, la lettre a cependant été adressée par les services postaux le 21 janvier 2015 selon cachet apposé par la Poste’; que les emprunteurs savaient qu’en cas de première présentation infructueuse, ce pli était conservé par la Poste pendant 15 jours’; qu’ainsi, cette lettre a été réceptionnée au plus tard le 5 février 2015, à défaut de quoi elle aurait été retournée à la concluante’;

que les appelants ont reconnu avoir tous deux reçus cette missive dans des courriers officiels de leur avocat’ainsi que dans leurs conclusions remises au juge de l’exécution, ce qui constitue un aveu judiciaire; que madame [I] a reconnu que la mise en demeure adressée à monsieur [N] la concernait également indirectement, de sorte qu’elle était parfaitement informée’; que dans ses conclusions remises à la cour, elle indique que les appelants ne pouvaient plus rien régler 15 jours après le 21 janvier 2015, puisque la déchéance du terme leur avait été notifiée’;

qu’au titre de la solidarité entre coobligés, les appelants se sont représentés mutuellement, de sorte que la déchéance du terme notifiée à l’un vaut pour l’autre’; que l’article 1305-5 du code civil résultant de l’ordonnance du 10 février 2016 n’est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016′;

subsidiairement, que la concluante est bien fondée à opposer l’article 1184 du code civil (ancien) concernant la résolution d’un contrat, puisque les appelants ont été largement défaillants dans le remboursement du prêt’; que le prononcé de la résolution par le juge suite à l’assignation du débiteur défaillant est distincte du prononcé de la déchéance du terme’;

à titre infiniment subsidiaire, que la déchéance du terme n’est pas contestée par monsieur [N], de sorte qu’il doit être condamné au paiement des sommes dues’;

que les appelants sont mal fondés à soutenir qu’ils n’ont pas été informés des sommes dues, les décomptes annexés aux mises en demeure étant précis, alors que la Caisse Nationale de Prévoyance ne garantissait pas monsieur [N] pour une ITT, de sorte que son arrêt de maladie n’a pu être pris en compte’;

concernant les intérêts de retard et l’indemnité forfaitaire de 8’%, que les sommes demandées ne constituent pas une clause pénale, mais qu’elles visent à indemniser le prêteur du préjudice découlant de la nécessité de recourir à des mesures de recouvrement’; qu’il n’est pas établi que les sommes demandées soient manifestement excessives’; que le taux d’intérêt contractuel n’est assorti d’aucune majoration’;

s’agissant de la demande de délais de paiement, que les appelants se reconnaissent débiteurs a minima de 27.140,62 euros, mais qu’ils n’ont rien réglé.

*****

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 17 janvier 2023

Motifs’:

1) Concernant la déchéance du terme :

Le premier juge a énoncé que si le Crédit Agricole se prévaut d’une déchéance du terme à la suite de l’envoi du courrier du 21 janvier 2015, ces deux courriers adressés aux débiteurs ont bien été réceptionnés par ceux-ci, puisque [Z] [N] l’a reçu le 25 janvier 2015 , alors que pour [D] [I], aucune date n’est mentionnée sur l’accusé de réception. Le juge a précisé qu’il convient d’écarter les courriers de juin 2014 adressés antérieurement, ces derniers ne faisant état que d’un arriéré et ne mentionnant aucunement la déchéance du terme comme sanction au non-respect du paiement.

Concernant l’aveu judiciaire évoqué dans les écritures du Crédit Agricole, et qui trouverait sa source dans un courrier du conseil des défendeurs et les conclusions de ceux-ci, le juge a indiqué qu’il n’est pas établi, la lecture des écritures permettant de considérer qu’il est reconnu la réception d’un courrier de mise en demeure. Or la réception du courrier de mise en demeure par [Z] [N] n’ayant jamais été contestée, il ne s’agit donc en aucun cas d’un aveu judiciaire de réception par [D] [I] de ce courrier. Il n’est pas contesté que le courrier de mise en demeure ait été reçu. Il s’agit donc de déterminer à partir de quelle date le délai de quinze jours a commencé à courir.

Le juge a relevé qu’en matière de crédit à la consommation, il est exigé non seulement que soit adressé le courrier de mise en demeure visant la déchéance du terme, mais que soit ensuite envoyé un courrier noti’ant la déchéance du terme et indiquant la totalité de la somme due. Au vu des débats et des pièces produites, le juge a retenu que de tels courriers n’ont pas été adressés et qu’en conséquence, il ne peut être constaté la déchéance du terme sur la base des courriers du 21 janvier 2015. Même s’il s’agit d’un contrat emportant des obligations solidaires, la déchéance constatée pour l’un des codébiteurs ne vaudrait pas pour l’autre.

La cour ne peut que confirmer ces énonciations. Les courriers adressés les 9 juin et 6 octobre 2014, visant les sommes impayées au titre des trois prêts consentis par l’intimée, outre le solde d’un compte à vue, n’ont pas mentionné que la déchéance du terme était encourue faute de règlement, mais seulement que le dossier sera transmis au service de recouvrement. Seuls les courriers du 21 janvier 2015 ont mentionné qu’à défaut de règlement sous quinze jours, les emprunteurs seront déchus du terme, de sorte que l’intégralité de la somme de 210.709,64 euros sera due.

Il n’est pas contesté par les appelants que cette dernière mise en demeure a bien été reçue par eux, mais en premier lieu, elle ne permet pas de connaître le détail des sommes dues. A ce titre, la cour ne peut que constater que c’est une somme globale qui a été visée, concernant tous les prêts et le compte de dépôt. Si l’intimée produit des décomptes qui auraient été annexés à ce courrier, précisant les sommes dues par postes, il n’est pas établi que ces décomptes ont été effectivement reçus par les appelants, alors que le corps de la lettre ne contient pas l’indication précise des sommes dues séparément selon les contrats en cause.

Il n’est de même pas contesté que si les appelants ont bien reçu cette mise en demeure, il n’est pas possible de déterminer la date exacte de sa réception par madame [I], faute de précision sur l’avis de réception. L’argumentation de l’intimée sur la conservation des lettres recommandées par les services Postaux est indifférente, ne permettant pas de connaître avec précision cette date de réception effective, alors que la mise en demeure sous peine de déchéance du terme a pour but de permettre à l’emprunteur de régulariser la situation, ainsi qu’il est précisé à la page 5 de l’acte de prêt. L’intimée est ainsi mal fondée à soutenir que le contrat a stipulé qu’aucune formalité particulière n’était nécessaire avant la déchéance du terme résultant de mensualités échues impayées. Il est enfin constant que l’intimée n’a pas,’ensuite, indiqué aux appelants qu’ils étaient désormais déchus du terme et que l’intégralité des sommes restant dues étaient ainsi exigibles.

Si l’intimée se prévaut d’un aveu judiciaire des appelants, au motif que les appelants ont reconnu, dans le courrier de leur avocat du 12 octobre 2015, qu’ils ont reçu la lettre de mise en demeure le 21 janvier 2015, les termes de ce courrier ne concernent que la date d’envoi de la mise en demeure,’et non la date de sa réception par madame [I]. La cour retient le même constat concernant le passage des conclusions des appelants adressées au juge de l’exécution, en rappelant que ce n’est pas la date de l’envoi des mises en demeure et leur réception qui posent problème, mais la date de la réception effective de la mise en demeure adressée à madame [I] qui est en litige.

Si l’intimée oppose le fait que l’article 1305-5 du code civil n’est pas applicable, car issu de la réforme du droit des contrats, il ne résulte cependant pas des anciens articles 1200 et suivants du code civil que la déchéance du terme prononcée contre un débiteur solidaire soit opposable à tous. L’effet de la représentation mutuelle entre codébiteurs solidaires ne concernent que l’interruption de la prescription, les conséquences de la perte de la chose, et la demande d’intérêts. Le fait que le codébiteur solidaire puisse opposer au créancier les exceptions résultant de la nature de l’obligation, et de celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles communes à tous les codébiteurs, ainsi que prévu à l’article 1208 ancien, confirme que la déchéance du terme n’est pas commune à tous. En conséquence, le fait que monsieur [N] ait retiré la lettre de mise en demeure le 25 janvier 2015 est sans effet concernant madame [I]. L’intimée sollicitant une condamnation solidaire des appelants est mal fondée à se prévaloir d’une déchéance du terme pour l’un d’eux, et d’un prononcé de la résolution du contrat pour l’autre.

Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté l’intimée de sa demande tendant à voir constater la déchéance du terme du contrat de prêt.

2) Sur le prononcé de la résolution du contrat’:

Le premier juge a indiqué que la Caisse Régional de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes sollicite de prononcer cette résolution, au motif du manquement des emprunteurs à remplir leurs obligations. L’article 1227 du code civil dispose que la résolution d’un contrat peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, sans qu’il soit dérogé à cette règle en matière de crédit à la consommation. Il en a déduit que le Crédit Agricole est donc recevable à demander, à l’encontre des défendeurs, le prononcé de la résolution.

S’agissant des manquements des emprunteurs à leurs obligations, le juge a énoncé qu’ils ne sont pas contestés dans leur matérialité, étant liés aux problèmes de santé de [Z] [N] qui a ensuite été placé en invalidité. Il a retenu qu’il n’en demeure pas moins que les versements ont été interrompus depuis plusieurs années et que le prononcé de la déchéance du terme ne peut être considéré comme abusif et précipité alors que des courriers de mise en demeure préalables ont été reçus en 2014 et 2015 et que l’assignation a été délivrée le 24 décembre 2015. Le juge a ainsi prononcé la résolution du contrat de crédit au terme du délai de quinze jours après la délivrance de l’assignation, soit le 8 janvier 2016.

La cour ne peut que confirmer ces motifs pertinents, puisqu’il n’est pas contesté par les appelants qu’ils n’ont pu régler les mensualités du prêt à la consommation. Les mises en demeure étaient suffisamment explicites pour attirer leur attention sur le respect de leurs obligations, et les problèmes avérés des appelants ne pouvaient les dispenser de les remplir, alors qu’il n’est pas contesté que l’assurance du prêt ne couvrait pas une invalidité ou des arrêts de travail. Le contrat d’assurance n’a en effet visé que le risque décès et le risque de perte totale et irréversible d’autonomie. Le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la délivrance de l’assignation, valant mise en demeure.

3) Sur les sommes dues par les appelants’:

Concernant la demande en paiement de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes, le premier juge a indiqué que les défendeurs ne contestent que l’indemnité contractuelle de 8% et les intérêts mais non la somme principale due, laquelle ressort du décompte versé qui apparaît suffisamment détaillé.

Le juge a énoncé qu’il convient néanmoins de relever que l’indemnité de 8% réclamée en l’espèce apparaît excessive au regard du montant de la créance et du taux d’intérêt appliqué qui s’élève à 4,30 %, puisque les intérêts dus par les emprunteurs représentent une indemnisation d’ores et déjà importante du non-respect de leur obligation de règlement et du préjudice subi par la société. Il en a retiré qu’elle doit en conséquence s’analyser en une clause pénale soumise aux règles de l’article 1231-5 du code civil, et qu’elle sera réduite à 100 euros.

La cour indique, concernant les intérêts, qu’ils ont été prévus par le contrat, afin de rémunérer le concours apporté par la banque. Il ne s’agit pas ainsi d’une pénalité. Concernant l’indemnité de 8’%, le premier juge a exactement retenu qu’il s’agit d’une clause pénale. Il en a justement réduit le montant au regard de son caractère manifestement excessif en conséquence des difficultés non contestées des appelants et du montant des intérêts. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a fixé les sommes dues par les emprunteurs. Ajoutant au jugement déféré, la cour prononcera la capitalisation des intérêts conformément à la demande de l’intimée, cette mesure étant de droit lorsque le créancier la demande.

4) Sur les demandes reconventionnelles des appelants’:

En premier lieu, le premier juge a exactement indiqué que s’ils sollicitent des dommages et intérêts au titre d’une procédure infondée, cette demande sera rejetée, l’existence du contrat et des obligations à paiement des débiteurs n’ayant jamais été contestées et leur condamnation ayant été prononcée. La cour ne peut que constater que dans le dispositif de leurs conclusions, les appelants ne contestent pas cette disposition du jugement déféré.

Sur la demande de délais, le juge a enfin indiqué que si les emprunteurs évoquent leur situation financière difficile au regard de l’invalidité de [Z] [N] et du nombre de personnes à charge dans cette famille de quatre enfants, il convient de véri’er la faisabilité des délais sollicités au regard du délai maximum prévu par la loi. Or au vu de la somme due, les mensualités seraient de plus de 1.300 euros par mois, ce qui apparaît clairement incompatible avec les ressources du couple.

Sur ce point, la cour ne peut également que confirmer ces motifs. En outre, elle retient que pendant le cours de la procédure, les appelants ont déjà bénéficié de fait de délais, alors que, ne contestant pas devoir une partie importante de la somme réclamée par l’intimée, ils n’ont procédé à aucun paiement. Le jugement déféré ne peut également qu’être confirmé en ce qu’il a rejeté cette prétention.

L’appel portant sur le prononcé de l’exécution provisoire est sans objet, puisque le présent arrêt est rendu en dernier ressort. Le premier juge a en outre fait une exacte application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et une juste application de la charge des dépens. Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

*****

Succombant en leur appel, monsieur [N] et madame [I] seront condamnés à payer à l’intimée la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel, incluant les frais d’inscription hypothécaire puisque il est constant que le créancier a pris une inscription à titre conservatoire au titre du prêt litigieux, selon ordonnance du 14 décembre 2015.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement,par arrêt contradictoire,

Vu les anciens articles L311-3 et L312-2 du code de la consommation, les articles 81 et 82 du code de procédure civile, des articles 1134 et suivants et 1165 du code civil (dans leur version applicable), 1154 devenu 1343-2, 1254 devenu 1343-1 du code civil, 1354 ancien du code civil, 1184 ancien du code civil’:

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour;

y ajoutant’:

Dit que les intérêts au taux contractuel de 4,30’% seront capitalisés selon les modalités prévues à l’article 1343-2 du code civil’;

Condamne in solidum [Z] [N] et [D] [I] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;

Condamne in solidum [Z] [N] et [D] [I] aux dépens qui comprendront les frais d’inscription hypothécaire, avec distraction au profit de la Selarl Eydoux & Modelski, avocat’;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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