Prêt entre particuliers : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00506

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Prêt entre particuliers : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00506

26 avril 2023
Cour d’appel d’Agen
RG
22/00506

ARRÊT DU

26 Avril 2023

CV / CN

———————

N° RG 22/00506

N° Portalis DBVO-V-B7G -DAH6

———————

Jonction avec

le RG 22/000484

[W] [N]

[M] [N]

[R] [N]

[S] [N] épouse [L]

C/

S.A. CA CONSUMER FINANCE

——————

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 183-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Madame [W] [N]

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 19]

de nationalité française

domiciliée : ‘[Adresse 18]’

[Localité 8]

Madame [M] [N]

née le [Date naissance 6] 1977 à [Localité 19]

de nationalité française

domiciliée : [Adresse 3]

[Localité 15]

Monsieur [R] [N]

née le [Date naissance 7] 1988 à [Localité 19]

de nationalité française

domicilié : [Adresse 11]

[Localité 12]

Madame [S] [N] épouse [L]

née le [Date naissance 4] à [Localité 19]

de nationalité française

domiciliée : [Adresse 9]

[Localité 10]

Exerçant une habilitation familiale générale accordée par le Juge des Tutelles prés le Tribunal de Proximité de MARMANDE en date du 16 novembre 2021, au bénéficie de leur père, [X] [N], né le [Date naissance 5]1951 à [Localité 20] (PORTUGAL), de nationalité française, demeurant EHPAD [17] – [Adresse 13]

tous représentées par Me David DUBUISSON, avocat postulant au barreau d’AGEN et Me Stéphanie BOURDEIX, avocate associée de la SCP CABINET MALEVILLE, avocate plaidante au barreau de PERIGUEUX

APPELANTS d’un jugement du Tribunal de proximité de MARMANDE en date du 05 mai 2022, RG 11-21-00167

D’une part,

ET :

SA CA CONSUMER FINANCE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

RCS EVRY 542 097 522

[Adresse 2]

[Localité 14]

représentée par Me Louis VIVIER, avocat postulant au barreau d’AGEN,

et Me Jérôme MARFAING-DIDIER, SELARL DECKER, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 Mars 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l’audience

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

Faits et procédure :

Suivant offre préalable de crédit acceptée le 14 octobre 2019, la SA CA Consumer Finance a consenti à M. [N] un prêt d’un montant de 30 000 euros remboursable en 120 mensualités de 327,13 euros au taux effectif global annuel de 5,75%.

À la suite d’impayés, la SA CA Consumer Finance a notifié à M. [N] la déchéance du terme.

Par acte du 13 août 2021, la SA CA Consumer Finance a assigné M. [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Marmande afin d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes dues.

Par jugement du 16 novembre 2021, le juge des tutelles de Marmande a prononcé une habilitation familiale générale d'[M] [N], [W] [N], [S] [L] et [R] [N] (les consorts [N]).

Poursuivant l’instance, ces derniers sont opposés à l’action, et ont notamment invoqué la nullité pour insanité d’esprit du contrat de prêt et l’absence d’obligation de restitution de M. [N].

Par jugement du 5 mai 2022, le tribunal de proximité de Marmande a :

– prononcé la nullité pour insanité d’esprit du contrat de prêt personnel n°81611915440, consenti selon offre préalable signée le 14 octobre 2019,

– condamné [X] [N] (sous habilitation familiale générale d'[M] [N], [W] [N], [S] [L] et [R] [N]) à verser à la SA CA Consumer Finance la somme de 30 000 euros, à titre de restitution,

– condamné la SA CA CONSUMER FINANCE à verser à [X] [N] (sous habilitation familiale générale d'[M] [N], [W] [N], [S] [L] et [R] [N]) la somme de 2 598,80 euros de la part de la SA CA Consumer Finance, à titre de restitution,

– débouté la SA CA Consumer Finance de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la SA CA Consumer Finance à verser à [X] [N] (sous habilitation familiale générale d'[M] [N], [W] [N], [S] [L] et [R] [N]) la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SA CA Consumer Finance du surplus de ses demandes,

– débouté [X] [N] (sous habilitation familiale générale d'[M] [N], [W] [N], [S] [L] et [R] [N]) du surplus de ses demandes,

– condamné la SA CA Consumer Finance aux dépens,

– rappelé que la présente décision est exécutoire a titre provisoire.

Le tribunal a retenu que les consorts [N] rapportaient la preuve d’un faisceau d’indices démontrant l’existence, dans un moment proche de la conclusion de l’acte litigieux, d’affections mentales conduisant à un dérèglement de la faculté de discernement de M. [N] (hospitalisation du 27 septembre 2019 se référant à une précédente hospitalisation consécutive à une divagation en état de confusion sur la voie publique, diagnostic de maladie d’alzheimer ou démence à corps de Lewy, désorientation temporo spatiale, trouble de la parole’, présence continue en résidence [17] depuis la même date, état de dépendance totale constaté par certificat médical du 3 juillet 2020, certificat médical du 26 novembre 2020 attestant qu’il est hors d’état de manifester sa volonté).

Le tribunal a considéré que la SA CA Consumer Finance ne démontrait pas l’existence d’un intervalle lucide au moment de l’acte.

Le tribunal a refusé d’exonérer l’emprunteur de son obligation de restitution, considérant que les défendeurs ne justifiaient pas d’éléments permettant de mesurer si le prêt avait ou non tourné au profit du majeur protégé, s’il y avait eu ou non, dilapidation des fonds ou dépossession par autrui.

La demande de dommages-intérêts présentée par la banque a été écartée en l’absence de production de pièces particulières.

Les consorts [N] ont formé appel le 16 juin 2022, désignant en qualité d’intimée la SA CA Consumer France, et visant dans leur déclaration la disposition du jugement condamnant M. [N] à verser à la SA CA Consumer Finance la somme de 30 000 euros à titre de restitution. Leur recours a été enregistré sous le numéro RG 22-484.

Ils ont formalisé une seconde déclaration d’appel le 22 juin 2022 afin de rectifier l’erreur matérielle relative à la civilité d'[M] [N], leur précédente déclaration mentionnant Monsieur, et non Madame [N], et à la désignation de l’intimée dénommée SA CA Consumer Finance et non SA CA Consumer France. Cette déclaration a été enregistrée sous le numéro RG 22-506.

Les consorts [N] ont conclu le 1er août 2022.

La SA CA Consumer Finance a conclu le 12 octobre 2022.

Les deux instances ont été jointes sous le numéro 22-506 par ordonnance du conseiller de la mise en état du 23 novembre 2022.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

Les consorts [N] ont déposé des conclusions le 25 janvier 2023, puis le 3 février 2023, sollicitant alors la révocation de l’ordonnance de clôture.

Prétentions :

Par dernières conclusions du 25 janvier 2023, les consorts [N] demandent à la Cour de :

– réformer le jugement du 5 mai 2022 en ce qu’il a condamné [X] [N] (sous habilitation familiale d'[M] [N], [W] [N], [S] [N] et [R] [N]) à verser à la SA CA Consumer Finance la somme de 30 000 euros à titre de restitution,

– statuant à nouveau,

– dispenser M. [N] de toute obligation de restitution envers la SA CA Consumer Finance,

– en tout état de cause,

– condamner la SA CA Consumer Finance à leur payer, en leur qualité de représentants de M. [N], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Les consorts [N] font valoir que :

– M. [N] a présenté des difficultés de santé courant 2019 et, après des examens, a été placé dès le 27 septembre 2019 en EHPAD en raison d’une suspicion de démence ou de maladie d’Alzheimer, son état de santé et de dépendance a été médicalement confirmé par le docteur [E] qui a évoqué une maladie neurocognitive à un stade sévère,

– l’affectation des sommes empruntées n’a donné lieu à aucune information, M. [N] était dans l’impossibilité de rembourser les échéances,

– une mesure de protection a été demandée par sa famille par requête du 6 janvier 2021, et prononcée par jugement du 16 novembre 2021,

– l’article 1352-4 du code civil énonce que les restitutions dues par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé, or :

– Le coût de l’assurance était de 21 945,60 euros soit quasiment 80 % du montant prêté, mais les garanties offertes ont été refusées pour le motif qu’elles ne s’appliquaient pas au-delà de 65 ans ; dès lors que M. [N] était âgé de 68 ans lors de l’acte, la banque a manqué à son devoir de conseil,

– Le préposé ayant recueilli la signature de M. [N] ne pouvait ignorer son état car il était placé en EHPAD et présentait une perte totale d’autonomie,

– M. [N] était dans l’impossibilité de tirer un quelconque profit de la somme empruntée étant dans l’incapacité de la dépenser et n’ayant plus aucune vie sociale ;

Par uniques conclusions du 12 octobre 2022, la SA CA Consumer Finance demande à la Cour de :

– la recevoir en ses écritures et la dire bien fondée,

– débouter M. [N], sous habilitation familiale, de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– confirmer le jugement rendu le 5 mai 2022 en ce qu’il a condamné M. [N], sous habilitation familiale, à lui verser la somme de 30 000 euros,

– y ajoutant,

– condamner M. [N], sous habilitation familiale, à lui verser la somme de 1 200 euros en application des dispositions de I’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [N], sous habilitation familiale, au paiement des dépens taxables de l’instance.

La SA CA Consumer Finance expose que :

– le coût du crédit ou de l’assurance, l’absence de mobilisation de l’assurance, ne sont pas des éléments déterminants sur la restitution,

– la perception des fonds n’est pas contestée, et il n’est pas justifié de leur utilisation,

– M. [N] a profité du contrat à hauteur du montant débloqué, soit 30 000 euros, et la charge de la preuve de l’absence de profit lui incombe.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023, et l’affaire a été fixée pour être examinée le 6 mars 2023.

Motifs

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :

Selon les articles 802 et 805 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

Les consorts [N] indiquent, au soutien de leur demande de révocation de l’ordonnance de clôture, qu’il leur a été impossible de répliquer plus rapidement aux conclusions d’intimé de la SA CA Consumer Finance, chacun des enfants devant valider les conclusions soumises par leur conseil.

Pourtant, la SA CA Consumer Finance a déposé d’uniques conclusions le 12 octobre 2022, auxquelles ils ont répondu le 25 janvier 2023.

La cause invoquée est donc dépourvue de gravité et de sérieux.

Les conclusions du 3 février 2023 seront déclarées irrecevables.

Sur l’obligation de restitution :

L’article 1352-4 du code civil dispose que les restitutions dues par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé.

Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il est constant que M. [N] a perçu la somme empruntée de 30 000 euros.

Les consorts [N], qui supportent la charge de la preuve, versent aux débats, au soutien de leur allégation selon laquelle M. [N] n’aurait pas retiré de profit du prêt annulé :

– un compte-rendu d’hospitalisation

– une attestation de présence au sein de la résidence [Adresse 16],

– un certificat médical du docteur [E],

– le jugement d’ouverture d’habilitation familiale du 16 novembre 2021,

– une ordonnance de dispense d’audition du 7 janvier 2021,

– un courrier du 21 septembre 2020.

Aucun de ces éléments ne permet d’établir que M. [N] n’aurait tiré aucun profit de l’acte litigieux.

Il n’est allégué ni dilapidation, ni abus de l’état de faiblesse de M. [N] par un tiers, ni dépense inutile, ni perte de la somme empruntée qui est, par conséquent, demeurée dans son patrimoine, qu’elle est venue accroître.

La SA CA Consumer Finance produit un relevé du compte ouvert au nom de M. [N] dans les livres du Crédit Mutuel daté du 2 octobre 2019, période précédant l’octroi du prêt, qui permet d’observer qu’il détenait une carte bancaire utilisée pour des dépenses d’alimentation dans divers commerces, supportait divers abonnements, aidait financièrement sa fille [W] (virement ‘EDF [W]’ de son LDD vers son compte courant de 1 200 euros le 17 septembre 2019, et virement de 1 800 euros ‘SEPA EDF [W]’), échéance d’un emprunt, cotisations auprès d’organismes de santé, mais ne révèle pas d’opération suspecte en faveur de tiers ou d’acte de dilapidation.

Les consorts [N], qui assurent la gestion patrimoniale de M. [N] dans le cadre de l’habilitation délivrée par le juge des tutelles, s’abstiennent de verser aux débats les documents permettant à la Cour d’être informée sur sa situation financière, et en particulier les relevés bancaires postérieurs à la perception de la somme empruntée.

Ils ne peuvent utilement invoquer les dispositions relatives à l’assurance et un manquement de la banque à son devoir de conseil, le coût de l’assurance ayant pour contrepartie, en cas de sinistre, la garantie du prêt, et l’annulation du contrat entraînant l’absence de paiement de la prime.

Ils invoquent vainement une absence de capacité de M. [N] de jouir matériellement et intellectuellement des sommes prêtées, et de disposer de l’argent prêté, une telle circonstance tendant à démontrer que la somme aurait été conservée sur son compte, et non qu’elle aurait disparu.

En définitive, il ne peut être admis que M. [N] n’ait pas tiré profit de l’acte annulé.

C’est donc à juste titre que le premier juge a ordonné la restitution.

Le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes :

Les dépens d’appel seront supportés par M. [N], dont le recours est mal fondé.

L’équité permet de ne pas faire application à M. [N] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Déclare les conclusions de M. [X] [N], sous habilitation familiale de Mme [W] [N], Mme [M] [N], M. [R] [N], Mme [S] [N] épouse [L], du 3 février 2023, irrecevables,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Condamne M. [X] [N], sous habilitation familiale de Mme [W] [N], Mme [M] [N], M. [R] [N], Mme [S] [N] épouse [L], aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


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