9 mai 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/04042
MINUTE N° 23/259
Copie exécutoire à :
– Me Laurence FRICK
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 09 Mai 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/04042 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HVPA
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 août 2021 par le juge des contentieux de la protection de Mulhouse
APPELANTE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3], association coopérative inscrite à responsabilité limitée, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉ :
Monsieur [T] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– rendu par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon offre préalable en date du 22 septembre 2016, Monsieur [T] [N] a souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach un crédit renouvelable Passeport Crédit retracé en compte n 207908 02, d’un montant de 35 000 €.
L’emprunteur a bénéficié de trois déblocages de ce crédit, à hauteur de 35 000 € retracé en sous-compte n 03, à hauteur de 10 000 € le 7 octobre 2017 retracé en sous-compte n 5 et à hauteur de 14 000 € le 18 avril 2019, retracé en sous-compte n 06.
Faisant valoir que les échéances de remboursement sont restées impayées depuis le mois de janvier 2020 concernant le prêt n 3 et de mars 2020 pour les prêts n 05 et 06, ce qui a entraîné la déchéance du terme, la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach a assigné Monsieur [T] [N] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse le 4 décembre 2020, aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 2 492,63 € augmentée des intérêts au taux de 4,90 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020, la somme de 7 980,71 € au titre de l’utilisation 218088 05 augmentée des intérêts au taux de 4,41 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020, la somme de 12 515,43 € augmentée des intérêts au taux de 5,60 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020, ainsi que la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a également sollicité la capitalisation des intérêts échus pour une année.
A l’audience du 10 mai 2021 à laquelle Monsieur [N] n’a pas comparu, la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach a maintenu ses demandes, précisant s’en remettre à l’appréciation du tribunal quant aux moyens soulevés d’office.
Par jugement réputé contradictoire du 23 août 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
-déclaré la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach irrecevable en ses demandes en paiement formées contre Monsieur [T] [N],
-condamné la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach aux entiers dépens de la procédure,
-débouté la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-rejeté le surplus des demandes,
-constaté l’exécution provisoire du jugement.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que l’offre de crédit prévoit des modalités de remboursement propres au crédit personnel, chacune des fractions de capital emprunté pouvant être ou non affecté à un achat précis ou des travaux et étant assortie d’un taux d’intérêt en fonction de l’objet du financement notamment ; que le contrat ne peut recevoir la qualification de crédit renouvelable et que chacune des utilisations s’analyse comme un prêt personnel ; que malgré demande du juge, la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach n’a produit aucun historique de compte depuis l’origine de chaque utilisation, ce qui ne permet pas de vérifier la date du premier incident de paiement non régularisé faisant courir le délai de forclusion.
La Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach a interjeté appel de cette décision le 9 septembre 2021.
Par écritures notifiées le 6 décembre 2021, elle conclut à l’infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu’il constate l’exécution provisoire et demande à la cour de :
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 2 493,63 € augmentée des intérêts au taux de 4,90 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020,
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 4 980,71 € augmentée des intérêts au taux de 4,41 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020,
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 12 515,43 € augmentée des intérêts au taux de 5,60 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020,
-ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus conformément à l’article 1343-2 du code civil,
-condamner Monsieur [T] [N] aux frais et dépens de la procédure de première instance,
-condamner Monsieur [T] [N] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel,
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel.
Elle a fait valoir qu’elle verse les pièces nécessaires à l’examen de sa demande et notamment l’historique du compte courant de l’emprunteur pour les années 2016 à 2020, sur lequel les échéances de remboursement des utilisations du crédit étaient prélevées ; que sa demande n’est pas irrecevable, les premières échéances impayées non régularisées se situant en janvier et mars 2020 ; que Monsieur [N] reste redevable des montants réclamés pour chaque déblocage.
Monsieur [T] [N], à qui la déclaration d’appel et les conclusions d’appel ont été signifiées par acte d’huissier du 8 décembre 2021 remis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.
Par arrêt du 26 septembre 2022, la cour de céans a :
-infirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach,
Statuant à nouveau de ce chef,
-déclaré recevables car non forcloses les demandes formées par la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach,
-ordonné pour le surplus la réouverture des débats,
-invité la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach à conclure sur la conformité de l’offre de crédit au regard des dispositions du code de la consommation (article 312-18 et suivants) et sur la déchéance du droit aux intérêts éventuellement encourue,
-invité la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach à produire, pour chacun des déblocages du crédit, un état des sommes empruntées et des sommes effectivement remboursées par le débiteur depuis la souscription de chaque utilisation, avec distinction des sommes versées en principal, intérêts, frais et assurance.
Par écritures notifiées le 23 février 2023, la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach a conclu ainsi qu’il suit :
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 2 493,63 € augmentée des intérêts au taux de 4,90 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020,
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 4 980,71 € augmentée des intérêts au taux de 4,41 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020,
-subsidiairement, condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 4 440,03 € augmentée des intérêts au taux légal et de l’assurance au taux de 0,50 % l’an à compter du 13 novembre 2020,
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 12 515,43 € augmentée des intérêts au taux de 5,60 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 13 novembre 2020,
-subsidiairement, condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 11 983,43 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2020,
-ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus conformément à l’article 1343-2 du code civil,
-condamner Monsieur [T] [N] aux frais et dépens de la procédure de première instance,
-condamner Monsieur [T] [N] aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel,
-condamner Monsieur [T] [N] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que le contrat de prêt souscrit le 22 septembre 2016 est conforme aux dispositions des articles L 312-8 et suivants du code de la consommation ; qu’aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut être encourue pour le premier déblocage intervenu le 4 octobre 2016 sur la base de ce contrat régulier ; qu’elle verse aux débats les pièces nécessaires au calcul de la créance en capital, intérêts et assurance pour les deux autres déblocages.
MOTIFS
Sur les créances :
Il a été retenu à juste titre par le premier juge que le contrat intitulé Passeport Crédit ne peut recevoir la qualification de crédit renouvelable et que chacune des utilisations s’analyse comme un prêt personnel ou crédit affecté, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis son avis n 15007 rendu le 6 avril 2018 pour le Passeport Crédit du Crédit Mutuel.
Sur le déblocage d’une somme de 35 000 € le 5 octobre 2016 :
Il est constant que l’emprunteur a sollicité le 5 octobre 2016 le déblocage de la totalité de la somme accordée.
Cette opération, qui s’assimile à un prêt personnel, n’encourt pas de déchéance du droit aux intérêts en ce qu’elle a été effectuée sur la base d’un contrat écrit remplissant les conditions posées aux articles L 312-18 et suivants du code de la consommation.
Sur la base du décompte versé aux débats, la caisse de crédit est en droit de prétendre au paiement d’une somme de 2 200,03 euros au titre du capital restant dû, de la somme de 101,93 euros au titre des intérêts courus jusqu’au 12 novembre 2020, de la somme de 14,67 € au titre de la cotisation d’assurance courue jusqu’au 12 novembre 2020, outre une somme de 176 € au titre de l’indemnité conventionnelle, soit au total la somme de 2 492,63 € portant intérêt au taux contractuel de 4,90 % l’an à compter du 13 novembre 2020 sur la somme de 2 200,03 € et au taux légal à compter du présent arrêt sur le surplus.
La demande au titre des cotisations d’assurance-vie sera en revanche rejetée, dans la mesure où il résulte de la notice d’information sur l’assurance que les garanties cessent à la date de la déchéance du terme prononcé par l’organisme créancier, sans aucune distinction entre le risque décès et les risques de perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité temporaire totale de travail, invalidité permanente et perte d’emploi.
Sur le déblocage de la somme de 10 000 € :
Il est admis par la caisse de crédit que le déblocage de la somme de 10 000 € le 7 octobre 2017 a été fait sur la base du contrat signé le 22 septembre 2016, qui ne remplit pas les conditions de régularité exigées pour un crédit renouvelable.
La déchéance du droit aux intérêts est en conséquence encourue, de sorte que l’emprunteur n’est redevable à ce titre que de la somme de 10 000 € – 6 525,96 €, représentant le montant remboursé, soit un solde de 3 474,04 €.
Afin d’assurer l’effectivité de la sanction et au regard du taux contractuel stipulé dans le contrat par rapport au taux de l’intérêt légal majoré, il convient de dire que la somme restant due ne portera pas intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur le déblocage de la somme de 14 000 € :
La même sanction étant encourue au titre du déblocage de la somme de 14 000 € en date du 18 avril 2019 sur la seule base du contrat Passeport Crédit, il sera constaté que l’emprunteur n’est redevable que de la somme de 14 000 – 2 759 (montant des remboursements effectués) = 11 241 €, ne portant pas intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Il sera de même constaté que la demande au titre de la capitalisation annuelle des intérêts échus est devenue sans objet.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens seront infirmées.
Partie perdante à titre principal, Monsieur [N] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera condamné à payer à l’appelante une somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt par défaut,
Vu l’arrêt mixte en date du 26 septembre 2022,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE Monsieur [T] [N] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach la somme de 2 492,63 € portant intérêt au taux contractuel de 4,90 % l’an à compter du 13 novembre 2020 sur la somme de 2 200,03 € et au taux légal à compter du présent arrêt sur le surplus,
REJETTE la demande au titre des cotisations d’assurance,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts pour les utilisations du contrat Passeport Crédit en date du 7 octobre 2017 à hauteur de 10 000 € et du 18 avril 2019 à hauteur de 14 000 €,
CONDAMNE Monsieur [T] [N] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach les sommes suivantes :
3 474,04 €,
11 241 €,
DIT que ces sommes ne porteront pas intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
CONSTATE que la demande au titre de la capitalisation des intérêts est devenue sans objet,
CONDAMNE Monsieur [T] [N] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach la somme 1 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la Caisse de Crédit Mutuel d’Illzach aux dépens,
CONDAMNE Monsieur [T] [N] aux dépens de première instance et d’appel.
La Greffière La Présidente