11 mai 2023
Cour d’appel de Caen
RG n°
21/02784
AFFAIRE : N° RG 21/02784 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3EP
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DEFERE à l’encontre de l’ordonnance rendue le 4 Janvier 2023 par le Président de Chambre statuant en qualité de conseiller de la mise en état
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 MAI 2023
DEMANDERESSES AU DEFERE :
Madame [P] [V]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7] ([Localité 7])
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [Y] [U]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8] ([Localité 8])
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentées et assistées de Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me BENNETT, avocats au barreau de CAEN
DEFENDERESSE AU DEFERE :
S.A. BANQUE CIC NORD OUEST
N° SIRET : 455 502 096
[Adresse 3]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Valérie DUMONT-FOUCAULT, avocat au barreau de COUTANCES
DEBATS : A l’audience publique du 02 mars 2023, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 11 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Le 4 février 2015, Mmes [P] [V] et [Y] [U] se sont portées cautions des engagements pris par la société Fruits de mer [V] envers la société Banque CIC nord ouest (la banque) à hauteur des sommes de 60.000 et 120.000 euros.
Le 1er avril 2016, la banque a consenti à Mmes [V] et [U] un prêt personnel d’un montant de 67.000 euros.
Suivant acte d’huissier du 15 juillet 2020, Mmes [V] et [U] ont fait assigner la banque devant le tribunal judiciaire de Coutances aux fins, notamment, de voir ordonner à la banque de les décharger de leurs engagements de cautions du 4 février 2015, dire que la banque n’a pas donné l’information annuelle à la caution, condamner la banque à leur verser la somme de 180.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier, celle de 5.000 euros au titre de leur préjudice moral, dire que la souscription du prêt du 1er avril 2016 est disproportionnée et que la banque a manqué à son devoir d’alerte et de vigilance et condamner celle-ci au paiement de la somme de 67.000 euros en réparation de leur préjudice financier et celle de 15.000 euros au titre de leur préjudice moral.
Par ordonnance du 16 septembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Coutances a :
– dit que le tribunal judiciaire de Coutances est incompétent au profit du juge des contentieux de la protection au titre de l’action en responsabilité formée par Mmes [V] et [U] au titre du prêt consenti par la banque le 1er avril 2016,
– renvoyé la question du prêt consenti à Mmes [V] et [U] par la banque le 1er avril 2016 au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Coutances,
– dit que le tribunal judiciaire de Coutances est compétent pour statuer sur les engagements de caution,
– constaté la prescription de l’action initiée par Mmes [V] et [U] au titre des demandes portant sur les actes de cautionnement,
– déclaré Mmes [V] et [U] irrecevables en leurs demandes de ce chef,
– condamné solidairement Mmes [V] et [U] à payer à la banque la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux dépens de l’incident.
Selon déclaration du 8 octobre 2021, Mmes [V] et [U] ont interjeté appel de cette décision.
Le 15 décembre 2021, les appelantes ont déposé au greffe et signifié par RPVA leurs conclusions d’appel.
Le 11 mars 2022, la banque a déposé au greffe et signifié par RPVA ses conclusions d’intimée.
Un avis de fixation de l’affaire à bref délai a été adressé aux parties le 6 septembre 2022.
Le 6 octobre 2022, la banque a déposé au greffe et signifié par RPVA de nouvelles conclusions.
Suivant ordonnance du 4 janvier 2023, le conseiller délégué, saisi par les appelantes, a :
– déclaré irrecevables les conclusions de la banque déposées les 11 mars et 6 octobre 2022 ainsi que ses pièces n°1 à 15 communiquées suivant bordereaux des 11 mars et 6 octobre 2022,
– déclaré la banque irrecevable à conclure et à communiquer des pièces,
– condamné la banque aux dépens de l’incident.
Par requête du 16 janvier 2023, la banque demande à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de déclarer recevables ses conclusions déposées les 11 mars et 6 octobre 2022 ainsi que, en conséquence, les pièces n°1 à 15 communiquées suivant bordereaux des mêmes dates, de la déclarer recevable à conclure et à communiquer des pièces et de condamner Mmes [V] et [U] aux dépens.
Par dernières conclusions du 11 février 2023, Mmes [V] et [U] demandent à la cour de confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et de condamner la banque aux entiers dépens de l’incident et du déféré.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la recevabilité des conclusions et pièces communiquées par l’intimée
Selon l’article 905 4° du code de procédure civile, le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande des parties, fixe les jours et heures auxquels l’affaire sera appelée à bref délai au jour indiqué, lorsque l’appel est relatif à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° et 4° de l’article 795, comprenant notamment celles statuant sur une fin de non-recevoir.
Suivant l’article 905-2, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, l’appelant dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
L’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
L’article 906 alinéa 3 dispose que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
La banque fait grief au conseiller délégué, dont Mmes [V] et [U] s’approprient les motifs, d’avoir déclaré irrecevables ses conclusions déposées les 11 mars et 6 octobre 2022 ainsi que les pièces communiquées à ces mêmes dates, alors qu’il n’est pas démontré que la position adoptée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 22 octobre 2020 (Civ. 2ème, 22 octobre 2020, n°18-25769) soit celle de toutes les chambres de la Haute juridiction, qu’en l’espèce l’avis de fixation de l’affaire à bref délai n’a été adressé par le greffe que le 6 septembre 2022, soit après que les parties aient conclu au fond, que déclarer irrecevables ses conclusions comme tardives car signifiées au-delà du délai d’un mois prévu à l’article 905-2 du code de procédure civile alors que les appelantes ont, elles, conclu dans un délai de trois mois et que le RPVA évoquait le 15 mars 2022 comme délai de conclusion de l’intimée constituerait une sanction disproportionnée par rapport au but de célérité poursuivi et une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en faisant peser sur elle un formalisme excessif et une charge disproportionnée portant atteinte à l’équité du procès.
Il a été jugé par la chambre de la Cour de cassation compétente en matière de procédure civile qu’il résulte des dispositions précitées que lorsqu’un appel relève, de droit, de la procédure à bref délai, il est instruit selon cette procédure dès l’inscription de l’appel, même en l’absence d’avis de fixation. L’appelant, qui peut remettre ses conclusions au greffe de la cour d’appel sans attendre l’avis de fixation, doit notifier les conclusions d’appel à l’avocat de l’intimé dans le délai d’un mois de l’avis de fixation, et non dans le mois de la remise des conclusions au greffe. L’avocat de l’appelant qui a préalablement fait notifier son acte d’appel et ses conclusions à son confrère constitué pour l’intimé n’a pas, à réception de l’avis de fixation à bref délai, à les lui notifier de nouveau (Civ. 2ème, 22 oct. 2020, n° 18-25.769 ; Civ. 2ème, 13 janvier 2022, n°20-18121).
En l’espèce, il n’est pas discuté que Mmes [V] et [U] ont interjeté appel le 8 octobre 2021, que le 15 décembre 2021 celles-ci ont déposé au greffe et signifié par RPVA à l’avocat constitué de la banque leurs conclusions d’appel et que cette dernière n’a déposé et signifié ses premières conclusions que le 11 mars 2022.
L’obligation faite à l’intimé, dans le cadre d’une affaire soumise de plein droit à la procédure à bref délai et avec représentation obligatoire, de remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident dans un délai d’un mois suivant la notification des conclusions de l’appelant, à peine d’irrecevabilité de ses conclusions, est prévisible car prévue de manière claire et précise par les dispositions des articles 905 et 905-2 du code de procédure civile que le professionnel du droit représentant l’intimé est en mesure de connaître et respecter et poursuit un objectif légitime consistant en la célérité du traitement des affaires civiles, sans faire peser sur l’intimé un formalisme excessif de nature à porter atteinte à l’équité du procès ou une charge disproportionnée propre à rompre le juste équilibre entre, d’une part, le souci légitime d’assurer la célérité de la procédure et, d’autre part, le droit d’accès au juge garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Il importe peu qu’un premier avis d’audience ait été adressé le 20 juin 2022 aux parties par le greffe sans référence à la procédure à bref délai et qu’un avis d’audience rectificatif ait été adressé le 6 septembre 2022 mentionnant le suivi de la procédure à bref délai, dès lors que lorsqu’un appel relève, de droit, de la procédure à bref délai, il est instruit selon cette procédure dès l’inscription de l’appel, même en l’absence d’avis de fixation.
La sanction tenant à l’irrecevabilité des conclusions et pièces de l’intimé n’est pas disproportionnée, dès lors que celle-ci est prévue par des dispositions législatives claires et précises que le professionnel du droit représentant la partie concernée est en mesure de connaître et respecter, poursuit un but légitime de traitement des affaires civiles dans un délai raisonnable et porte une atteinte proportionnée au droit d’accès au juge garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, si l’intimé ne conclut pas, la cour ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où elle les estime recevables et bien fondées.
La requête en déféré formée par la banque sera donc rejetée et l’ordonnance attaquée confirmée.
2. Sur les demandes accessoires
Les dispositions de l’ordonnance déférée relatives aux dépens devant le conseiller délégué, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
La banque, qui succombe, sera condamnée aux dépens du déféré.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Rejette la requête en déféré formée par la société Banque CIC nord ouest ;
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Banque CIC nord ouest aux dépens du déféré.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY