11 mai 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
21/01167
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/05/2023
la SCP SOREL & ASSOCIES
la SAS ENVERGURE AVOCATS
ARRÊT du : 11 MAI 2023
N° : 85 – 23
N° RG 21/01167
N° Portalis DBVN-V-B7F-GLCO
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 19 Mars 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265261809988554
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE LOIRE CENTRE
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Ayant pour avocat Me Pierre-Yves WOLOCH membre de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS
D’UNE PART
INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270394884896
Monsieur [Z] [V]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat Me Philippe OTTAVY, membre de la SAS ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271451154174
Monsieur [S] [Y]
né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Ayant pour avocat Me Benjamin GIRARD, avocat au barreau de BLOIS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 14 Avril 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du JEUDI 16 MARS 2023, à 9 heures 30, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 11 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous signature privée du 29 décembre 2010, enregistré le lendemain au services des impôts des entreprises, M. [Z] [V], Mme [U] [H], son épouse, et M. [K] [V], ont cédé à la société Holding [Y], représentée par son gérant M. [S] [Y], l’intégralité de leurs parts sociales dans la SARL [Z] [V], moyennant un prix provisoirement arrêté à 130 000 euros, révisable en fonction du montant des capitaux propres de la société ressortissant de ses comptes à arrêter au 31 décembre 2010.
Par acte sous signature privée du 29 décembre 2010, la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire-Centre (la Caisse d’épargne) a accordé à la société Holding [Y], représentée par son gérant, un prêt de 150 000 euros remboursable en 84 mensualités avec intérêts au taux conventionnel de 3,65 % l’an.
Par acte sous signature privée du 29 décembre 2010, M. [Z] [V] s’est porté caution solidaire des engagements souscrits par la société holding [Y] au titre de cet emprunt à hauteur de 58 500 euros, et pour une durée de 120 mois.
Par acte sous signature privée du même jour, M. [S] [Y], gérant et associé unique de la société Holding [Y], s’est également rendu caution solidaire de cet emprunt, dans la limite de la somme de 195 000 euros et pour une durée de 120 mois.
Par un jugement du 23 juillet 2013, le tribunal de commerce de Tours a prononcé le redressement judiciaire de la société Holding [Y].
La procédure de redressement a été convertie le 12 novembre 2013 en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d’actif le 13 mai 2014.
Par courrier recommandé du 11 septembre 2013 réceptionné le 14 octobre 2013, la Caisse d’épargne a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, dont 4 854,58 euros échus et 110 120,94 euros à échoir au titre du prêt du 29 décembre 2010.
Par courrier en date du 17 décembre 2013 adressé sous pli recommandé réceptionné le 28 janvier 2014 par le liquidateur judiciaire, la Caisse d’épargne a actualisée sa créance en déclarant, au titre du prêt en cause, une créance échue de 114 985,52 euros, avec intérêts au taux contractuel de 3,65 %.
Par courriers du 20 juillet 2016, adressés sous plis recommandés réceptionnés les 22 et 23 juillet suivants, la Caisse d’épargne a mis en demeure chacun de M. [V] et de M. [Y] de lui payer, en leurs qualités de cautions, les sommes respectives de 58 500 euros et 131 836,50 euros.
La Caisse d’épargne a vainement réitéré ses mises en demeure par courriers recommandés datés du 9 novembre 2018, puis a fait assigner M. [V] et M. [Y] en paiement devant le tribunal de commerce de Tours par actes des 21 et 27 mars 2019.
Par jugement du 19 mars 2021, en retenant que par application des articles 2246 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, la Caisse d’épargne disposait pour agir d’un délai de cinq ans à compter de la date du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Holding [Y], qui avait expiré le 12 novembre 2018, et que la banque ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L. 622-25-1 du code de commerce, applicable aux seules procédures collectives ouvertes après le 1er juillet 2014, pour soutenir que sa déclaration de créance au passif de la débitrice principale aurait interrompu le délai de prescription, le tribunal a :
– dit que l’action de la SA Caisse d’épargne Loire Centre est prescrite,
– débouté M. [S] [Y] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
– condamné la SA Caisse d’épargne Loire Centre à payer à M. [Z] [J], la somme de 800 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA Caisse d’épargne Loire Centre à payer à M. [S] [Y], la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SA Caisse d’épargne Loire Centre de sa demande à ce titre,
– dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision,
– laissé à la charge de la SA Caisse d’épargne Loire Centre les entiers dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 96,97 euros.
La Caisse d’épargne a relevé appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2021, en critiquant expressément toutes ses dispositions lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2021, la Caisse d’épargne demande à la cour, au visa des articles 1134 et 2298 suivants anciens du code civil, de :
– dire et juger la Caisse d’épargne Loire Centre bien fondée et recevable en son appel,
– dire n’y avoir lieu à prescription,
– débouter M. [Y] de son appel incident,
– infirmer, en conséquence, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 19 mars 2021,
– condamner, en conséquence, M. [Z] [V], ès qualité de caution, à payer et porter à la Caisse d’épargne Loire Centre, la somme de 58 500 euros, outre intérêts de retard dus au taux légal du 9 novembre 2018 jusqu’à parfait paiement,
– condamner M. [S] [Y], ès qualité de caution, à payer et porter à la Caisse d’épargne Loire Centre la somme de 120 573,80 euros outre intérêts au taux de 3,65 % à compter du 12 novembre 2013,
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 (devenu 1343-2) du code civil,
– condamner in solidum les intimés aux dépens de première instance et d’appel,
– condamner in solidum les intimés au paiement de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 août 2021, M. [S] [Y] demande à la cour de :
– déclarer la SA Caisse d’épargne Loire Centre mal fondée en son appel,
– déclarer M. [S] [Y] recevable et bien fondé en son appel incident,
A titre principal,
– déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par la SA Caisse d’épargne Loire Centre,
Pour le surplus,
– débouter la SA Caisse d’épargne Loire Centre de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* dit que l’action de la SA Caisse d’épargne Loire Centre est prescrite,
* condamné la SA Caisse d’épargne Loire Centre à payer à M. [S] [Y] la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté la SA Caisse d’épargne Loire Centre de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* laissé à la charge de la SA Caisse d’Epargne Loire Centre les entiers dépens liquidés,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [S] [Y] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, et en conséquence le réformer,
Et statuant à nouveau,
– condamner la SA Caisse d’épargne Loire Centre à verser à M. [S] [Y] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Subsidiairement,
– confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
En tout état de cause,
– débouter la SA Caisse d’épargne Loire Centre de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SA Caisse d’épargne Loire Centre à verser à M. [S] [Y] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA Caisse d’Epargne Loire Centre aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Girard.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 janvier 2023, pour l’affaire être plaidée le 16 mars suivant et mise en délibéré à ce jour sans que M. [V], qui a constitué avocat le 11 juin 2021, ait conclu.
SUR CE, LA COUR :
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Aux termes de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Selon l’alinéa 1er de l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Selon l’article 2246 du même code, l’interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt le délai de prescription contre la caution.
Il résulte de ces deux derniers textes que lorsque le débiteur principal fait l’objet d’une procédure collective, la déclaration de créance, qui équivaut à une demande en justice, interrompt les délais de prescription pour agir tant contre le débiteur principal que contre la caution. L’interdiction des poursuites individuelles s’imposant au créancier pendant toute la durée de la procédure collective, l’effet interruptif se prolonge jusqu’à la clôture de la procédure collective.
Cette solution a été consacrée par l’ordonnance du 12 mars 2014 dans l’article L. 622-25-1 du code de commerce. Si ce texte, entré en vigueur le 1er juillet 2014, n’est pas applicable à la cause, ainsi que l’ont indiqué les premiers juges, ils en ont déduit par erreur que la règle qu’il énonce n’était pas applicable au litige, alors que cette règle, qui découle de la combinaison des règles de droit commun précitées, est acquise de longue date (v. par ex. Com. 12 décembre 1995, n° 94-12.793 ; 15 mars 2005, n° 03-17.783 ; 26 septembre 2006, n° 04-17.751 ; 10 février 2015, n° 13-21.953 ; 23 octobre 2019, n° 18-16.515).
En l’espèce, la créance de la Caisse d’épargne a été rendue intégralement exigible le 12 novembre 2013, par l’effet de la liquidation judiciaire de la société Holding [Y].
La prescription a été interrompue le 17 décembre 2013 par la déclaration de créance de la Caisse d’épargne au passif de la débitrice principale, et l’interruption de la prescription s’est prolongée jusqu’au 13 mai 2014, date de clôture de la liquidation judiciaire de la société Holding [Y].
Par application de l’article 2231 du code civil, qui prévoit que l’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien, la Caisse d’épargne disposait, pour agir contre les cautions, d’un nouveau délai de cinq à compter du 14 mai 2014.
Son action en paiement a été engagée les 21 et 27 mars 2019 contre M. [V] et M. [Y], dans le délai de la prescription quinquennale qui courait jusqu’au 14 mai suivant.
Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, l’appelante sera déclarée recevable en son action.
Sur les demandes en paiement de la Caisse d’épargne :
– sur la demande en paiement dirigée contre M. [Y] et l’allégation de la disproportion de l’engagement de ce dernier à ses biens et revenus
Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.
C’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque.
Si la caution parvient à rapporter cette preuve, le créancier peut démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l’a appelée en paiement.
M. [Y], qui conclut à la disproportion manifeste de son engagement du 29 décembre 2010, justifie qu’à cette date :
– il était célibataire, sans enfant à charge
– il avait perdu ou quitté son emploi salarié de serrurier métallier et avait été admis à compter du 20 avril 2010 au bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, qui lui procurait un revenu net mensuel de 1 000 euros
– il avait déjà souscrit auprès de la Caisse d’épargne, le 17 juillet 2009, un prêt personnel de 8 500 euros, qu’il remboursait par mensualités de 155 euros et dont l’encours, au jour de son engagement de caution, était de l’ordre de 1 860 euros
– il avait souscrit auprès de la Caisse d’épargne, le 26 février 2010, un second prêt personnel d’un montant de 8 000 euros, qu’il remboursait par mensualités de 159 euros et dont l’encours, au 29 décembre 2010, s’élevait à un peu plus de 1 970 euros
– il était titulaire dans les livres de la Caisse d’épargne d’une épargne de l’ordre de 8 450 euros (livret A, livret jeune et plan épargne logement).
Contrairement à ce que soutient la Caisse d’épargne, l’avis d’imposition de M. [Y] révèle que, sur l’année 2010, il n’était détenteur d’aucun patrimoine mobilier autre que celui composé de ses trois comptes d’épargne.
Quant à la valeur patrimoniale des parts de M. [Y] dans la société Holding [Y], qui venait d’être créée, elle ne peut être évaluée au-delà de leur valeur nominale au regard du capital social (8 000 euros).
En effet, si cette société holding avait acquis au prix de 130 000 euros, concomitamment à la conclusion de l’engagement de caution litigieux, les parts sociales de la SARL [Z] [V], cette acquisition avait été intégralement financée par le prêt garanti, d’un montant de 150 000 euros.
Au vu de ces éléments, dont il ressort que M. [Y], qui disposait d’un patrimoine d’une valeur nette d’environ 12 600 euros, percevait des revenus mensuels de l’ordre de 1 000 euros sur lesquels il devait assumer une charge de remboursement de crédits de 314 euros, le cautionnement litigieux, donné à hauteur de 195 000 euros, apparaît manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au jour de son engagement.
Ainsi qu’on l’a déjà dit, il appartient au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.
En se bornant à affirmer que M. [Y] reconnaît être propriétaire d’un bien immobilier, la Caisse d’épargne n’établit nullement que le patrimoine de M. [Y] lui permettrait de faire face à son obligation de paiement.
Dans ces circonstances, la Caisse d’épargne ne peut se prévaloir de l’engagement de caution de M. [Y] et ne peut qu’être déboutée de sa demande en paiement formée en exécution de cet engagement.
– sur la demande en paiement dirigée à l’encontre de M. [V]
Selon l’article 2288 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
En l’espèce, la Caisse d’épargne justifie, au titre du prêt garanti, d’une créance d’un montant de 114 985,52 euros régulièrement déclarée au passif de la liquidation judiciaire de la société Holding [Y] et dont le liquidateur a certifié le 20 juin 2014 du caractère irrécouvrable.
M. [V], qui ne justifie d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoire au sens de l’article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sera dès lors condamné à payer à l’appelante, dans la limite de son engagement de caution, la somme de 58 500 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 ancien du code civil.
En application de l’article 1154 du même code qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 11 décembre 2020, date de la demande.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de M. [Y] :
Au soutien de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts qu’il forme à hauteur de 10 000 euros et fonde sur les dispositions de l’article 1231-1 du code civil, M. [Y] reproche à la Caisse d’épargne d’avoir failli à son devoir de mise en garde à son égard, de ne pas avoir pris de garantie sur le fonds de commerce de la débitrice principale pour alléger le poids de la dette garantie, de ne pas lui avoir fait remplir de fiche de renseignement au moment de la souscription de son engagement de caution, puis d’avoir failli à son obligation annuelle d’information à son endroit.
Outre qu’il n’explique pas ce qui aurait obligé la Caisse d’épargne à prendre une garantie de nature à alléger sa propre garantie, M. [Y] ne peut sérieusement reprocher à l’appelante de ne pas avoir pris de garantie sur le fonds de commerce de la débitrice principale, qui est une société holding qui n’était titulaire d’aucun fonds de commerce, étant observé que les productions montrent que le prêteur avait pris un nantissement sur les parts sociales de cette société, mais que ce privilège n’a pas suffi à permettre le recouvrement, même partiel, de sa créance.
M. [Y] ne peut pas plus sérieusement reprocher à l’appelante, qui n’en avait nullement l’obligation, de ne pas lui avoir fait renseigner une fiche afin d’être informée sur sa situation patrimoine à l’époque de la conclusion de son engagement de caution.
Lorsqu’un créancier manque à son devoir de mise en garde à l’égard d’une caution, il lui cause un préjudice constitué d’une perte de chance de n’avoir pas contracté, non alléguée par M. [Y] à l’appui de sa demande de dommages et intérêts qu’il forme à hauteur de 10 000 euros sans s’expliquer sur la nature du préjudice qu’il estime avoir subi.
Etant enfin observé que le créancier qui manque à son obligation annuelle d’information est sanctionné par la déchéance de son droit à intérêts, et non par une condamnation à régler des dommages et intérêts, M. [Y], qui n’explique au demeurant pas quel préjudice lui aurait causé la Caisse d’épargne, ne peut qu’être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires :
M. [V] et la Caisse d’épargne succombent respectivement au sens de l’article 696 du code de procédure civile.
Dès lors il sera fait masse des dépens de première instance et d’appel, lesquels seront supportés à parts égales par chacun de M. [V] et de la Caisse d’épargne.
Compte tenu de la charge des dépens, la Caisse d’épargne sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dirigée à l’encontre de M. [Y] mais, sur ce fondement, M. [V] sera condamné à payer à l’établissement bancaire, au titre des frais non compris dans les dépens supportés en première instance puis en cause d’appel, une indemnité de procédure de 1 000 euros.
Sur ce dernier fondement, la Caisse d’épargne sera elle-même condamnée à régler à M. [Y], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise, seulement en ce qu’elle a débouté M. [S] [Y] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Ecarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription et déclare la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre recevable en son action,
Déboute la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre de sa demande en paiement dirigée contre M. [S] [Y],
Condamne M. [Z] [V] à payer à la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre la somme de 58 500 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2018, capitalisés par années entières à compter du 11 décembre 2020 conformément aux modalités prévues à l’article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Condamne M. [Z] [V] à payer à la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre à payer à M. [S] [Y] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre formée sur le même fondement à l’encontre de M. [S] [Y],
Fait masse des dépens de première instance et d’appel et dit qu’ils seront supportés pour une moitié par M. [Z] [V] et pour l’autre moitié par la société Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Centre,
Accorde à Maître Benjamin Girard, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT