11 mai 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/12324
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 11 MAI 2023
N° 2023/ 94
Rôle N° RG 19/12324 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVY5
[K] [C]
C/
SA LYONNAISE DE BANQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Charles TOLLINCHI
Me Agnès ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d’ANTIBES en date du 28 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018/03935.
APPELANT
Monsieur [K] [C]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4] (95), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI – CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Florence CATTENATI, avocat au barreau de NICE substituant Me Frédéric PIAZZESI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Le 5 février 2016 la SAS 2FB a ouvert un compte courant professionnel dans un établissement de la SA Lyonnaise de banque.
Par acte du 3 mars 2016, la SA Lyonnaise de banque a consenti à la SAS 2 FB un prêt professionnel n° 1831191417802 d’un montant de 166 600euros pour l’achat d’un fonds de commerce, remboursable en 84 mensualités de 2 189,59euros.
Le même jour, Monsieur [K] [C], directeur général et associé de la SAS 2FB s’en est porté caution solidaire du prêt professionnel souscrit par la SAS 2FB pour un montant de
50 000euros pour une durée de 108 mois.
Le 4 août 2016,il s’en est porté caution solidaire au profit de la SA lyonnaise de banque pour un montant de 20 400euros pour une durée de 5 ans pour tous ces engagements.
Par jugement du 16 mai 2017, la SAS 2FB a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d’Antibes.
Le 7 juin 2017 a SA Lyonnaise de banque a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire à hauteur de 18 828,61euros à titre chirographaire et
152 993,90euros à titre privilégié.
Le 6 juin 2017, la banque a adressé à Monsieur [C] une lettre de mise en demeure de payer la somme de 68 828,61euros due en raison de son engagement de caution.
Par acte du 18 octobre 2018, la SA Lyonnaise de Banque a fait citer Monsieur [C] devant le tribunal de commerce d’Antibes afin de le voir condamner à lui verser les sommes suivantes :
69 045,95euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2017,
2 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
et aux entiers dépens.
Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de commerce d’Antibes a condamné Monsieur [C] à payer à la SA lyonnaise de banque la somme de 69 045,95euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2017, en 24 mensualités égales et 1 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a estimé le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné par rapport aux ressources et patrimoine de Monsieur [C].
Le 26 juillet 2019, Monsieur [C] [K] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 20 août 2020, il demande à la cour de :
Infirmer le jugement querellé ;
Annuler l’engagement de caution du 3 mars 2016 et du 4 août 2016,
Le déclarer inopposable à Monsieur [C],
Débouter la SA Lyonnaise de banque de ses demandes,
A défaut :
Prononcé la déchéance de la totalité des pénalités et intérêts de retard
Accordé à Monsieur [C] un délai de 24 mois de paiement sur le fondement de l’article 1244-1 du code civil,
En tout état de cause :
Condamner la SA Lyonnaise de Banque à régler la somme de 2 000euros à Monsieur [C] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, au titre de la première instance et 2 500euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens pour la procédure d’appel.
Par conclusions déposées et notifiées le 28 octobre 2019, la SA lyonnaise de banque demande à la cour de :
Débouter Monsieur [C] de ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Monsieur [C] à payer à la sA lyonnaise de Banque la somme de 69 045,95euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 9 juin 2017 et en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de
1 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
Faire droit à la demande incidente de la société,
Réformé le jugement en ce qu’il a accordé à Monsieur [C] la possibilité de se libérer de sa dette en 24 mensualités égales, la première intervenant 30 jours après la date de signification du jugement, et le manquement d’une seule échéance entraînera la déchéance du terme et le paiement immédiat du solde de la créance,
Débouter Monsieur [C] de sa demande de délais,
Le condamner à payer à la société concluante la somme de 4 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris ceux de première instance, distraits au profit de Maître Ermeneux.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 février 2023.
Motifs
Sur le caractère disproportionné de l’engagement:
En vertu de l’ancien article L341-4 précité devenu L 332-1 et L 343-3 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard, d’une part, de l’ensemble des engagements souscrits par la caution et, d’autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l’opération garantie.
Les textes n’imposent pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C’est à la caution qu’il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d’établir qu’au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
Une fiche patrimoniale n’étant pas obligatoire, l’existence d’un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s’y fier et la dispense de vérifier l’exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.
Sur l’engagement de caution du 3 mars 2016 :
Monsieur [C] s’est porté caution dans la limite de la somme de 50 000euros couvrant le prêt pour une durée de 108 mois.
En l’espèce, selon la fiche « Renseignements sur caution », par lui certifiée conforme à la date du 16 janvier 2016, il indique être marié sous le régime de la communauté légale, percevoir des revenus annuels de 33 000euros net, assumer le règlement d’un loyer de 1 286 euros par mois et régler un crédit à la consommation dont le terme devait échoir dans un délai de 4 mois, le capital restant dû s’élevant à la somme de 772euros. Il mentionne également détenir la somme de 70 000euros sur un compte ouvert dans les livres de la Société Marseillaise de Crédit.
Il s’évince de l’ensemble de ces éléments qu’aucune disproportion manifeste ne peut être retenue entre d’une part, son cautionnement en mars 2016 de 50 000euros et son passif de 772euros et d’autre part, son revenu annuel de 33 000euros et son patrimoine mobilier de 70 000euros.
Pour l’engagement du 4 août 2016 :
Monsieur [C] s’est engagé à hauteur de 20 400euros pour une durée de 5ans. Aucune fiche patrimoniale n’a été établie lors de la souscription de cet engagement.
Monsieur [C] établit qu’il a perçu pour l’année 2015 un revenu imposable de 16 231euros et son épouse 10 545euros, c’est à dire un revenu mensuel imposable au profit du couple de
2 231euros et que ses ressources étaient constituées de l’allocation ‘Aide au Retour à l’Emploi’. Il assumait à la date de l’engagement la charge de deux enfants mineurs. Le prêt personnel de 8 537,29euros souscrit auprès de la SMC était échu depuis le 10 mai 2016.
Pour apprécier le caractère éventuellement disproportionné de la caution, il convient de retenir l’ensemble des engagements souscris au jour de la fourniture du cautionnement y compris ceux résultant d’autres engagements de caution, même s’il s’agit d’un passif potentiel qui n’est qu’une éventualité.
Il s’évince de l’ensemble de ces éléments qu’une disproportion manifeste peut être retenue entre d’une part, son cautionnement en août 2016 de 20 400euros et son passif 50 000euros et d’autre part, son revenu annuel de 24 098euros.
La banque ne démontre pas que le patrimoine de l’appelant lui permettait d’exécuter son engagement lorsqu’il a été poursuivi.
Il convient de réformer le jugement de première instance et de déclarer inopposable à Monsieur [C] le cautionnement du 4 août 2016, de débouter la SA Lyonnaise de Banque de ses demandes à ce titre et de confirmer le jugement concernant l’engagement du 3 mars 2016.
Monsieur [C] sollicite l’application des dispositions de l’article L341-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige qui énonce que ‘sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s’est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.’ .
Toutefois, ainsi que le soutient à raison la SA Lyonnaise de Banque, aucune échéance du prêt n’est restée impayée, la banque ayant procédé à la déclaration de sa créance suite à la liquidation judiciaire de la société 2FB prononcée le 16 mai 2017, pour le capital restant dû au 10 mai 2017 augmenté d’une indemnité d’exigibilité immédiate.
Il convient de débouter Monsieur [C] de sa demande à ce titre.
Monsieur [C] sollicite la déchéance du droit aux intérêts sur le fondement de l’article L343-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige qui énonce ‘ que le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information.’
Toutefois il convient de noter que la banque ne sollicite que le paiement du capital restant dû majoré des intérêts au taux légal de sorte que la contestation élevée par Monsieur [C] est sans conséquence sur la décision.
Sur les délais :
Le débiteur malheureux mais de bonne foi peut obtenir des délais de paiement pour apurer sa dette, le débiteur malheureux étant celui qui éprouve des difficultés réelles et sérieuses à s’acquitter de ses engagements pour des raisons indépendantes de sa volonté ne lui permettant pas de se libérer immédiatement.
Monsieur [C] sollicite 24 mois de délais pour apurer sa dette. Toutefois, il convient de noter qu’eu égard aux délais de procédure, Monsieur [C] a, de fait, bénéficié des larges délais et que nonobstant l’exécution provisoire prononcée en première instance, il n’a pu procéder à aucun versement.
Il convient d’infirmer le jugement et de débouter Monsieur [C] de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
L’appelant qui succombe, doit être condamné aux dépens sans qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire :
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné Monsieur [C] à payer les sommes dues en raison de son engagement du 3 mars 2016,
Statuant à nouveau sur les points réformés :
Condamne Monsieur [K] [C] à payer à la SA Lyonnaise de Banque la somme de
50 000euros au titre de son engagement de caution du 3 mars 2016,
Déboute la société Lyonnaise de Banque de sa demande de condamnation de Monsieur [C] au titre de son engagement de caution du 4 août 2016,
Déboute Monsieur [C] de sa demande de délais de paiement,
Déboute la société Lyonnaise de Banque de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [K] [C] aux entiers dépens y compris ceux de première instance
LE GREFFIER LE PRESIDENT