Prêt entre particuliers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01642

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Prêt entre particuliers : 30 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01642

30 mai 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/01642

N° RG 21/01642 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K2D3

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL CDMF AVOCATS

la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 30 MAI 2023

Appel d’un Jugement (N° R.G. 17/04297)

rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 11 mars 2021

suivant déclaration d’appel du 08 avril 2021

APPELANTS :

M. [N], [O], [S] [B]

né le 22 septembre 1971 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Mme [A] [J] épouse [B]

née le 28 janvier 1977

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentés par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

Mme [H] [F] épouse [Z]

née le 25 janvier 1989 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

M. [I] [Z]

né le 28 février 1989 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentés par Me Audrey GRANDGONNET de la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 3 avril 2023, Madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

******

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte notarié en date du 25 janvier 2017, les époux [I] [Z] et [H] [F] ont promis de vendre pour la somme de 218 000 € aux époux [N] [B] et [A] [J], bénéficiaires de la promesse l’ayant acceptée mais en se réservant la faculté d’en demander ou non la réalisation, une maison d’habitation située à [Localité 8] (38) ainsi que les parcelles sur lesquelles elle est édifiée, cadastrées AC n° [Cadastre 1]p et [Cadastre 2]p, sous condition suspensive de l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’un montant total de 233’280 € pour une durée de 25 ans.

Il était stipulé en page 10 de l’acte que :

« la condition suspensive sera réalisée en cas d’obtention d’une ou plusieurs offres définitives de prêts au plus tard le 30 mars 2017 », ainsi que de l’agrément d’un assureur pour le prêt obtenu à la même date,

« Pour pouvoir bénéficier de la protection de la condition pensive, le bénéficiaire devra :

justifier du dépôt de sa ou ses demandes de prêts et du respect de ses obligations aux termes de la condition suspensive,

et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus (…) du refus de ce ou de ces prêts. »

En page 8 de l’acte, il était prévu une indemnité d’immobilisation d’un montant de 21 800 €, que le bénéficiaire s’engageait à verser au promettant au plus tard dans le délai de huit jours de l’expiration du délai de réalisation de la promesse de vente, pour le cas où, toutes les conditions suspensives étant réalisées, il ne signerait pas l’acte de vente de son seul fait.

Les époux [B] ne s’étant pas manifestés auprès des promettants à la date du 31 mars 2017, les époux [Z] les ont mis en demeure, par lettre recommandée de leur notaire en date du 3 avril 2017, de justifier dans les huit jours de l’obtention du ou des prêts objets de la condition suspensive. Aucune réponse ne leur a été apportée.

Par acte du 11 octobre 2017, les époux [Z] ont assigné les époux [B] devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour les voir condamner à leur payer, avec exécution provisoire outre une indemnité de procédure :

l’indemnité d’immobilisation stipulée au contrat soit 21 800 € outre intérêts à compter de du 25 janvier 2007 date de l’acte et capitalisation des intérêts, faute pour eux de justifier d’avoir effectué les demandes de prêts conformément à la condition suspensive,

10 000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,

2 000 € au titre d’un préjudice moral.

Par jugement du 11 mars 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

constaté la responsabilité fautive de Monsieur et Madame [B] dans la non réalisation de la condition suspensive ;

condamné in solidum Monsieur et Madame [B] à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 21 800 € avec intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement, au titre de l’indemnité d’immobilisation ;

débouté Monsieur et Madame [Z] de leur demande de dommages et intérêts ;

débouté Monsieur et Madame [B] de leur demande reconventionnelle ;

condamné in solidum Monsieur et Madame [B] aux dépens et à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 8 avril 2021, les époux [B] ont interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 20 décembre 2021, ils demandent l’infirmation du jugement déféré, et le débouté des époux [Z] de toutes leur demandes, fins et prétentions.

À titre subsidiaire, ils demandent qu’il soit jugé que la clause d’indemnité d’immobilisation s’analyse comme une clause pénale dont le montant est excessif, et que la somme allouée aux époux [Z] soit ramenée à de plus justes proportions.

Ils demandent en toute hypothèse condamnation des époux [Z] à leur payer les sommes de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir :

qu’ils n’ont pas manqué à leurs obligations concernant leurs démarches en vue de l’obtention de prêts,

qu’ils ont été, à cette occasion, totalement transparents sur les difficultés rencontrées au cours de cette période par le garage exploité par M. [B],

qu’ils justifient des refus d’obtention des prêts par l’attestation établie par le courtier (cabinet AURRAN) auquel ils avaient fait appel,

qu’il est d’ailleurs de jurisprudence constante qu’une demande faite auprès d’un courtier en crédit satisfait à l’obligation qu’ont ses clients de déposer une demande de prêt auprès d’un établissement de crédit,

qu’il ne peut leur être reproché de n’avoir pas déclaré le redressement judiciaire dont M. [B] faisait l’objet, dès lors qu’il n’était plus, stricto sensu, sous ce régime lors de la signature de la promesse puisqu’un plan de redressement a été adopté, et qu’il a été strictement respecté puisque le redressement judiciaire a été clôturé le 27 mars 2017,

subsidiairement, que la clause d’indemnité d’immobilisation s’analyse en une clause pénale, et que le montant de celle-ci est particulièrement excessif eu égard au préjudice que prétendent avoir subi les époux [Z].

Les époux [Z], par uniques conclusions notifiées le 5 octobre 2021, demandent la confirmation partielle du jugement déféré et réitèrent leurs demandes formées en première instance, à savoir la condamnation des époux [B] à leur payer les sommes de :

21 800 € outre intérêts à compter de du 25 janvier 2007 et capitalisation des intérêts,

10 000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance,

2 000 € au titre d’un préjudice moral.

Ils concluent à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté les époux [B] de toutes leurs demandes, et réclament leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que les époux [B] ne justifient pas avoir rempli leurs obligations ni quelle a été l’issue de leurs demandes d’obtention de prêts en dates des 24 janvier 2017 et 6 février 2017, et soulignent que la seule réponse négative d’une Banque dont il est justifié par la partie adverse, émanant de la Société Générale, fait état d’une demande de prêt en date du 4 avril 2017 soit après le délai d’expiration de la condition suspensive.

Ils reprennent encore, en les développant, les motifs du jugement par lesquels le tribunal a considéré que le comportement fautif des époux [B] devait être assimilé à la réalisation de la condition suspensive, en insistant sur la mauvaise foi des bénéficiaires, pour avoir affirmé la promesse du 25 janvier 2017 qu’ils n’étaient pas en redressement judiciaire alors que, nonobstant l’adoption d’un plan de redressement, le redressement judiciaire de Monsieur [B] était toujours en cours et n’a été clôturé que le 27 mars 2017 soit deux mois après la signature de la promesse en cause

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 28 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale

Aux termes des clauses figurant en pages 9 et 10 de la promesse de vente du 25 janvier 2017, le bénéficiaire devait, pour bénéficier de la protection de la condition suspensive d’obtention d’une ou plusieurs offres définitives de prêts d’un montant maximum de 233 280 € au plus tard le 30 mars 2017 :

‘ justifier du dépôt de sa ou ses demandes de prêts et du respect de ses obligations aux termes de la condition suspensive,

et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus (…) du refus de ce ou de ces prêts. »

Il était encore stipulé que, ‘à défaut de réception d’un courrier dans le délai fixé, le promettant aura la faculté de le mettre en demeure de justifier, sous huitaine, de la réalisation ou de la défaillance de la condition’ et que ‘passé ce délai de 8 jours sans que le bénéficiaire ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie’et la promesse sera caduque de plein droit, et encore que, dans ce cas : ‘le bénéficiaire ne pourra recouvrer l’indemnité d’immobilisation qu’il aura le cas échéant versée qu’après justification qu’il a accompli les démarches nécessaires pour l’obtention du prêt, et que la condition n’est pas défaillie de son fait ; à défaut l’indemnité d’immobilisation restera acquise au promettant’.

En l’espèce, il est constant tout d’abord que les époux [B] n’ont justifié auprès des époux [Z] ni de l’obtention ni d’un refus de prêt au plus tard à la date du 30 mars 2017.

Ensuite, malgré leur affirmation en ce sens, ils n’établissent pas avoir apporté une réponse dans les huit jours de la mise en demeure que leur a adressée, au nom des promettants, Maître [X] notaire par lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 avril 2017, dès lors qu’ils ne versent aux débats aucune lettre ni postale, ni électronique adressée en réponse dans ce délai.

Ce n’est, ainsi, que dans le cadre de l’instance devant le tribunal, après avoir été assignés le 11 octobre 2017, qu’ils ont transmis aux demandeurs un courriel du Crédit Agricole ainsi qu’un courrier de la Société Générale refusant de leur accorder un prêt.

En application de la clause ci-dessus rappelée, cette absence de réponse dans les huit jours de la mise en demeure met à leur charge la preuve que ce n’est pas de leur fait que les prêts n’ont pas été obtenus et que la condition suspensive est défaillie.

Or, les époux [B] ne rapportent pas cette preuve, dès lors que les refus de prêts dont ils justifient sont seulement motivés, s’agissant du Crédit Agricole, par la mention suivante : ‘après étude des bilans avec un chargé prof, le dossier est non recevable’, tandis que le refus de la Société Générale n’est pas motivé.

En outre et surtout, il ressort des pièces produites qu’à la date de signature de la promesse de vente, M. [N] [B], qui exerçait une activité de garagiste en nom personnel, faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire dans le cadre de laquelle un plan de redressement avait été adopté par jugement du 22 décembre 2015, procédure qui n’a été clôturée que le 27 mars 2017, alors-même qu’il avait affirmé, aux termes des clauses de la promesse :

en page 2, qu’il n’était pas en état de cessation de paiement, redressement ou liquidation judiciaire,

en page 10 qu’« à sa connaissance il n’existe pas d’empêchement à l’octroi des prêts qui seront sollicités ».

Il est vain, pour M. [B], de prétendre qu’il n’était plus en redressement judiciaire au jour de la signature de la promesse, l’adoption d’un plan de redressement ne mettant fin qu’à la période d’observation, tandis que le redressement judiciaire ne peut se terminer que par le règlement de l’ensemble des créanciers ou à défaut le prononcé de la liquidation judiciaire.

Il est évident que cette situation, même si elle s’est achevée quelques jours avant l’expiration du délai pour obtenir un prêt par une ordonnance de clôture du redressement judiciaire, ne pouvait qu’hypothéquer les chances d’obtenir un prêt personnel immobilier, ce que les bénéficiaires de l’offre ne pouvaient ignorer.

C’est donc à bon droit que le tribunal a considéré que l’indemnité d’immobilisation était due aux promettants, et le jugement sera confirmé sur ce point, par ces motifs substitués.

Eu égard au temps écoulé sans que les bénéficiaires se manifestent, et au préjudice subi par les promettants, trompés par les déclarations mensongères de M. [B] dans la promesse et dont le bien a été immobilisé en vain, le montant de l’indemnité d’immobilisation, qui s’analyse en une clause pénale, n’est pas manifestement excessif et il n’y a pas lieu de la modérer en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil.

En revanche, les époux [Z] ne justifient pas d’un préjudice distinct qui ne serait pas couvert par l’indemnité contractuellement prévue à la charge des bénéficiaires qui ont manqué à leurs obligations.

C’est donc à bon droit que le tribunal a rejeté leur demande de dommages-intérêts.

Il y a lieu, ajoutant au jugement qui a omis de statuer sur ce point alors que la demande lui en était faite, d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Les époux [B], qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en leur faveur.

A fortiori, leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive n’est pas justifiée et sera rejetée.

Il est équitable de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit des époux [Z].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a « constaté la responsabilité fautive de Monsieur et Madame [B] dans la non réalisation de la condition suspensive d’obtention d’un prêt bancaire pour l’acquisition de la maison sise à [Localité 8] ».

Y ajoutant :

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Condamne in solidum M. [N] [B] et Mme [A] [J] épouse [B] à payer aux époux [Z] unis d’intérêts la somme supplémentaire de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne in solidum M. [N] [B] et Mme [A] [J] épouse [B] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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