20 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03252
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
1re chambre 2e section
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 20 JUIN 2023
N° RG 22/03252 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VGEV
AFFAIRE :
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
C/
Mme [V] [B]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2022 par le Juge des contentieux de la protection de PUTEAUX
N° RG : 11-20-698
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 20/06/23
à :
Me Stéphanie CARTIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Stéphanie CARTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350 – N° du dossier 2201.208
APPELANTE
****************
Madame [V] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Assignée par Procès-Verbal de recherches infructeuses (article 659 du code de procédure civile)
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 5 février 2015, la société par actions simplifiée Sogefinancement a consenti à Mme [V] [B] un prêt d’un montant en capital de 25 000 euros, remboursable en 84 mensualités de 359,25 euros hors assurance, incluant les intérêts au taux débiteur de 5,50 % l’an.
Se prévalant déchéances demeurées impayées, la société Sogefinancement a mis en demeure Mme [B], par courrier recommandé avec accusé de réception présenté le 13 juillet 2020, de lui régler la somme de 3 142,82 euros sous 15 jours, à défaut de quoi la déchéance serait prononcée.
Par courrier recommandé présenté le 13 août 2020, la société Sogefinancement a mis en demeure Mme [B] de régler la somme de 10 703,37 euros.
Par acte de commissaire de justice délivré le 12 novembre 2020, la société Sogefinancement a assigné Mme [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 10 686,96 euros majorée des intérêts conventionnels de 5,50% à compter du 10 août 2020, sur la somme de 9 933,35 euros et au taux légal pour le surplus,
– 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– outre les dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 21 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
– déclaré la société Sogefinancement recevable à agir en paiement au titre de l’offre de prêt personnel en date du 5 février 2015,
– dit que la société Sogefinancement était déchue du droit aux intérêts conventionnels,
– condamné Mme [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 3 852 euros, en remboursement du solde du prêt personnel consenti le 5 février 2015, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure présentée le 13 août 2020,
– condamné Mme [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 1 euro, au titre de l’indemnité légale, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
– exclu l’application du taux majoré prévu par l’article L.313-3 du code monétaire et financier,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [B] aux entiers dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire était de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 10 mai 2022, la société Sogefinancement a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 18 juillet 2022, elle demande à la cour de:
– la recevoir en son appel et l’y dire bien fondée,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement rendu le 21 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux (RG : 11-20-000698) en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et réduit l’indemnité légale à 1 euro avec intérêts au taux légal,
Statuant à nouveau,
– condamner Mme [B] au paiement de la somme totale de 10 686,96 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 5,50 % à valoir sur la somme totale de 9 933,35 euros (total A + B + C) et au taux légal pour le surplus (D) et ce, à compter de la mise en demeure du 10 août 2020 et jusqu’à parfait paiement, conformément à l’ancien article L.311-24 du code de la consommation,
En tout état de cause,
– condamner Mme [B] au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [B] aux dépens d’appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Mme [B] n’a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 21 juin 2022, la déclaration d’appel lui a été signifiée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. Par acte de commissaire de justice délivré le 4 août 2022, les conclusions de l’appelant lui ont été signifiées selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 décembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
La société Sogefinancement, appelante, fait grief au premier juge d’avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts au motif que la fiche d’informations précontractuelles versée préciserait un taux annuel effectif global de 5,79 % sans mentionner » toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux » exigées par l’ancien article R.311-3, 11° du Code de la Consommation.
L’appelante soutient qu’il a été décidé que l’ancien article R.311-3, 11° du Code de la Consommation a vocation à s’appliquer, dans le prolongement du 10° de l’article précité, lorsque le taux est variable seulement, de sorte que dans le cas d’un prêt à taux fixe lorsque les conditions d’octroi du crédit ont constitué la seule et unique hypothèse retenue pour le calcul du TAEG qui n’est soumis à aucune variable, la fiche d’informations précontractuelles n’a pas à mentionner les hypothèses pour le calcul de ce taux.
Elle indique que le prêt souscrit le 05 février 2015 est un prêt à taux fixe de 5,50% et résulte des conditions d’octroi dudit prêt elles-mêmes fixes et relatives au montant, à sa durée, au taux contractuel ainsi qu’aux frais, ces mêmes conditions constituant alors la seule et unique hypothèse retenue pour le calcul du TAEG, de sorte que ce TAEG n’est soumis à aucune variable et est déterminé de manière fixe et invariable à 5,79 %.
Elle en déduit que la fiche d’informations précontractuelles n’a pas à mentionner les hypothèses pour le calcul de ce taux, conformément à l’ancien article R.311-3 du Code de la Consommation.
Elle fait valoir qu’il résulte de l’examen de ces éléments que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas fondée, et demande l’infirmation du jugement et sollicite le paiement des intérêts conventionnels, conformément à l’ancien article L.311-24 précité du Code de la Consommation.
Sur ce,
L’article L 311-48 du code de la consommation, dans sa version applicable en l’espèce, dispose :
‘ Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations pré-contractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l’article L. 311-10, ou sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l’article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts. (…)
L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.’
L’annexe à l’article R 311-3 du code de la consommation, alors applicable, prévoit que la fiche d’informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs doit indique le taux annuel effectif global (TAEG) exprimé en %, et précise que le prêteur doit ‘Donner ici un exemple représentatif qui mentionne toutes les hypothèses utilisées pour calculer le taux’.
Il convient de constater que la mention ‘toutes les hypothèses’ n’a de sens que lorsque plusieurs taux ont vocation à s’appliquer au cours du contrat. Dès lors, dans le cadre d’un prêt personnel avec un taux fixe et des échéances fixes, il ne peut être reproché à la société Sogefinancement d’avoir indiqué dans la fiche d’informations européennes normalisées un taux débiteur fixe de 5,50% .
Aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue pour ce motif, et le jugement sera infirmé à ce titre.
Sur le montant de la créance
A l’appui de sa demande, la société Sogefinancement produit aux débats en cause d’appel :
– un contrat de prêt personnel n° 35199601127 souscrit le 5 février 2015,
– un tableau d’amortissement,
– un historique de compte,
– une lettre recommandée du 8 juillet 2020 (Mise en demeure avant déchéance du terme),
– une lettre recommandée du 10 août 2020 (Mise en demeure de Payer),
– un décompte des sommes dues à la date de déchéance du terme,
– la grille de renseignements,
– la fiche d’informations précontractuelles normalisées en matière de crédit aux consommateurs,
– la preuve de la consultation du FICP,
– la notice d’assurance ,
Le décompte de créance à la date de la déchéance du terme se décompose comme suit :
échéances impayées : 3379, 50 euros
capital restant dû (au regard du tableau d’amortissement ): 6522, 77 euros
intérêts de retard : 31, 08 euros
Total : 9933, 35 euros
Il convient de condamner Mme [B] à verser à la société Sogefinancement cette somme de 9933, 35 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5, 50 % à compter du 10 août 2020.
Sur l’indemnité de 8%
Aux termes de l’article 1152 du code civil alors applicable, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Il convient pour apprécier, d’office ou en cas de contestation, le montant contractuellement prévu de l’indemnité, de se référer à l’économie globale du contrat et à son équilibre, ainsi qu’à son application, et notamment au montant du crédit, à la durée d’exécution du contrat, au bénéfice déjà retiré par le prêteur, au taux pratiqué et au pourcentage fixé pour l’indemnité.
En l’espèce, l’indemnité contractuelle de 8 % apparaît manifestement excessive au regard du bénéfice retiré par le prêteur, compte tenu de l’importance du taux d’intérêts contractuel, elle sera donc réduite à la somme d’un euro que Mme [B] sera condamnée à payer à la banque.
Sur l’indemnité procédurale et les dépens
Il convient de condamner Mme [B], qui succombe, aux dépens d’appel, les dispositions du jugement attaqué relatives aux dépens étant confirmées.
En équité, il y a lieu de condamner Mme [B] au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné Mme [B] aux dépens,
Statuant à nouveau,
Dit n’y avoir lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts concernant l’offre de crédit du 5 février 2015,
Condamne Mme [V] [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 9933, 35 euros au titre du solde du crédit souscrit le 5 février 2025, outre les intérêts au taux contractuel de 5, 50 % à compter du 10 août 2020, et celle d’un euro au titre de l’indemnité de résiliation avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Y ajoutant,
Rejette les demandes de la société Sogefinancement plus amples ou contraires,
Condamne Mme [V] [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [V] [B] aux dépens d’appel, avec distraction au profit de Me Stéphanie Cartier, avocat, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,