21 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/01275
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2023
N° 2023/ 297
N° RG 22/01275
N° Portalis DBVB-V-B7G-BIYJI
[T] [W]
C/
[L] [H]
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Patrick CAGNOL
Me Cécile BOUVERET
Me Daniel LAMBERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de BRIGNOLES en date du 14 Décembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-20-0002.
APPELANTE
Madame [T] [W]
née le 20 Août 1984 à , demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Patrick CAGNOL, membre de l’association CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE, ayant pour avocat plaidant Me Vincent MARQUET de l’associaton CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [L] [H]
né le 04 Janvier 1965 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Cécile BOUVERET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
prise ne la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Daniel LAMBERT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 04 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Selon offre émise le 10 juillet 2018 et acceptée, la BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE a consenti à Madame [W] et à Monsieur [H] un prêt de 30.758 euros destiné au regroupement de crédits sous forme de prêt personnel amortissable, remboursable en 119 mensualités, la première de 293,61 euros et les 118 suivantes de 364,39 euros, et moyennant un intérêt contractuel de 5.25% l’an.
Madame [W] et Monsieur [H] n’ayant pas satisfait à leur obligation de rembourser les échéances convenues, la BNP PARIBAS a provoqué la déchéance au bénéfice du terme après la notification de trois lettres recommandées accusées de réception en date des 15 novembre 2019 et 10 décembre 2019.
Par acte d’huissier en date du 16 juillet 2020, la BNP PARIBAS a sollicité devant le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES la condamnation solidaire de Madame [W] et de Monsieur [H] à lui payer les sommes de 30.841,64 euros avec intérêt au taux contractuel de 5.25% l’an à compter du 10 décembre 2019, date de la mise en demeure, et de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Madame [W] a quant à elle demandé au tribunal de juger que le consentement de Monsieur [H] à l’opération de crédit litigieuse était acquis eu égard à l’objet de ce prêt à son bénéfice, de juger en conséquence que celui-ci doit en assumer le remboursement et de le condamner à la relever de la moitié des sommes mises à sa charge.
Par jugement rendu le 14 décembre 2021, le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES déboute la BNP PARIBAS et Madame [W] de leurs demandes, condamne Madame [W] à payer à la BNP PARIBAS la somme de 26.820,49 euros avec intérêts au taux légal et l’autorise à se libérer de sa dette à raison de 24 mensualités. Il condamne en outre la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et à procéder à la radiation de Monsieur [H] du fichier national des incidents de paiements, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de ce jugement, et condamne la BNP PARIBAS et Madame [W] pour moitié aux dépens de l’instance.
Par déclaration d’appel au greffe en date du 27 janvier 2022, Madame [W] a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu’il a débouté la BNP PARIBAS et elle-même de toutes leurs demandes à l’encontre de Monsieur [H] et en ce qu’il l’a autorisée à se libérer de sa dette à raison de 24 mensualités.
A l’appui de son recours, Madame [W] fait valoir que, son concubin, Monsieur [H] était incarcéré, que c’est ainsi sur instruction et avec son autorisation qu’elle a signé le contrat au nom des deux emprunteurs, et que par conséquent, Monsieur [H] est bénéficiaire de ce contrat et doit en assumer le remboursement à ses côtés.
La BNP PARIBAS conclut à la réformation du jugement en ce qu’il a octroyé à Madame [W] 24 mois de délais de paiement et en ce qu’il a accordé à Monsieur [H] une indemnité de procédure fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile à sa charge.
Elle soutient concernant l’octroi des délais que Madame [W] ne justifie d’aucune démarche en vue de l’obtention d’un financement et concernant l’article 700 du Code de procédure civile qu’elle subit une fraude manifeste et qu’il apparait inique de mettre à sa charge une indemnité de procédure.
Monsieur [H] conclut, quant à lui, à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la BNP PARIBAS et Madame [W] de leurs demandes le concernant. Il sollicite la condamnation de Madame [W] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Il soutient que, pendant son incarcération, Madame [W] avait tout loisir de regrouper des pièces nécessaires à la constitution d’un dossier de crédit à son insu alors qu’il avait laissé l’ensemble de ses effets personnels dans le domicile du couple au jour de son incarcération, qu’elle a tenté d’imiter sa signature puisque Monsieur [H] était dans l’impossibilité de signer l’acte de prêt en raison de son incarcération, qu’il ne peut ainsi pas être lié par les agissements frauduleux de Madame [W] et être dans l’obligation de rembourser le contrat de prêt litigieux.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que selon offre émise le 10 juillet 2018 et acceptée, la BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE a consenti à Madame [W] et à Monsieur [H] un prêt de 30.758 euros destiné au regroupement de crédits sous forme de prêt personnel amortissable, remboursable en 119 mensualités, la première de 293,61 euros et les 118 suivantes de 364,39 euros, et moyennant un intérêt contractuel de 5.25% l’an ;
Que Madame [W] et Monsieur [H] n’ayant pas satisfait à leur obligation de rembourser les échéances convenues, la BNP PARIBAS a provoqué la déchéance au bénéfice du terme après la notification de trois lettres recommandées accusées de réception en date des 15 novembre 2019 et 10 décembre 2019 ;
Attendu qu’en application des dispositions de l’article 1101 du Code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ;
Que les contrats sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit, de sorte que, pour qu’un contrat soit valide, le consentement des parties est exigé ;
Qu’en vertu de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ;
Que l’article 1113 du Code civil prévoit que le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager, et que cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur ;
Que Monsieur [H] conteste avoir souscrit le contrat de crédit affecté litigieux et allègue que le document contractuel produit par la BNP PARIBAS qui le désigne co-emprunteur avec Madame [W] comporte une signature qui n’est pas la sienne ;
Que selon le billet de détention du centre de détention de [Localité 5] joint aux débats, Monsieur [H] a été incarcéré du 31 mai 2018 au 25 mai 2020, soit pendant la période où le contrat de crédit a été établi avec la BNP PARIBAS ;
Qu’il en résulte que Monsieur [H] était dans l’impossibilité de signer ledit contrat ;
Que Madame [W] a reconnu formellement, dès l’engagement de l’instance devant le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES, qu’elle avait signé elle-même le contrat de prêt non seulement pour elle-même mais également pour Monsieur [H] ;
Qu’elle allègue que c’est sur instruction et avec l’autorisation de celui-ci qu’elle a signé le contrat en leurs deux noms ;
Que force est de constater cependant que Madame [W] ne rapporte pas la preuve de ces éventuelles instruction et autorisation ;
Qu’en outre, la BNP PARIBAS ne justifie pas que Monsieur [H] aurait consenti au contrat ou aurait eu un comportement non équivoque au consentement du contrat de crédit litigieux ;
Que par ailleurs, les informations concernant Monsieur [H] qui apparaissent dans ledit contrat sont erronées, notamment sur ses revenus puisque, à la date de la signature du contrat le 10 juillet 2018, soit pendant son incarcération, il ne percevait pas de salaire ;
Qu’il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES en ce qu’il déboute de leurs demandes la BNP PARIBAS et Madame [W] concernant Monsieur [H] ;
Attendu que le contrat de prêt conclu le 10 juillet 2018 a eu pour objet le regroupement de trois crédits plus anciens ;
Que si les pièces versées aux débats font mention de ce regroupement de crédits, aucune des parties n’apporte pas la preuve de trois contrats de crédit consentis tant à Madame [W] qu’à Monsieur [H] ;
Que la BNP PARIBAS ne joint qu’une résiliation de crédit renouvelable dans le cadre d’une opération de regroupement de crédits, signé par Monsieur [H] le 18 juillet 2018 ;
Qu’à cette date, Monsieur [H] était incarcéré et se trouvait ainsi dans l’impossibilité de signer ce document ;
Qu’en tout état de cause, ce document prévoit la résiliation d’un contrat de crédit renouvelable qui n’a été accordé qu’à Monsieur [H] le 19 décembre 2017 et non à Madame [W] ;
Qu’en l’absence de justificatifs permettant d’attester l’existence desdits contrats de crédits, il y a lieu de rejeter la demande de Madame [W] de voir condamner Monsieur [H] à la relever et garantir de la moitié des sommes qui seront mises à sa charge ;
Qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES en ce qu’il condamne Madame [W] à payer à la BNP PARIBAS la somme de 26.820,49 euros avec intérêts au taux légal ;
Attendu que le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES a accordé des délais de paiement à Madame [W] en l’autorisant à se libérer de sa dette à raison de 24 mensualités ;
Que celui-ci précise qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à bonne date, la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible de plein droit quinze jours après mise en demeure délivrer par le créancier et restée infructueuse ;
Que la BNP PARIBAS qui s’oppose à cette demande de délais de paiement allègue que l’appelante n’a pas ;
respecté les délais déjà accordés par le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES sans en apporter la preuve et sans justifier d’une mise en demeure préalable délivrée à Madame [W] et restée infructueuse ;
Qu’en application des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ;
Que Madame [W] s’est déjà vu accorder des délais de paiement de 24 mois ;
Qu’en considération de ces éléments, il ne peut lui en être accordé davantage, les intérêts du créancier devant également être pris en compte;
Qu’il convient donc de rejeter la demande de Madame [W] de reporter le paiement des sommes dues pour une durée de 12 mois à compter de la présente décision, d’échelonner le paiement des mêmes sommes sur les 12 mois suivants et d’ordonner que les mensualités reportées ne porteront intérêt qu’au taux légal ;
Qu’il y a donc lieu de confirmer en sa totalité le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES, sauf en ce qu’il met à la charge de la BNP PARIBAS l’indemnité due au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu qu’il sera alloué par Madame [W] à Monsieur [H], qui a dû engager des frais irrépétibles pour défendre ses intérêts en justice, la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que Madame [Z] et la BNP PARIBAS, qui succombent, supporteront pour moitié les dépens de première instance et d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le Tribunal de Proximité de BRIGNOLES, sauf en ce qu’il met à la charge de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE l’indemnité due au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REFORME sur ce seul point ;
Y ajoutant,
REJETTE le surplus des demandes ;
CONDAMNE Madame [W] à payer à Monsieur [H] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [W] et la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pour moitié aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT