Prêt entre particuliers : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01518

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Prêt entre particuliers : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/01518

22 juin 2023
Cour d’appel d’Orléans
RG
21/01518

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/06/2023

la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO

la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES

ARRÊT du : 22 JUIN 2023

N° : 118 – 23

N° RG 21/01518

N° Portalis DBVN-V-B7F-GL37

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 22 Avril 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265259487973551

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU

Agissant par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Viviane THIRY, membre de la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat au barreau de TOURS,

D’UNE PART

INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269798775664

Monsieur [T] [R]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant pour avocat Me Daniel JACQUES, membre de la SELARL A.B.R.S ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 07 Juin 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 13 avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 04 MAI 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL Espace fleurs et jardins, qui exerçait une activité de production de plants de fleurs et légumes, a contracté le 7 février 2014 auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (ci-après le Crédit agricole) deux prêts destinés à combler des besoins de trésorerie :

– un prêt n°10000043712 d’un montant de 20 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 354,86 euros comprenant les intérêts taux nominal fixe de 2,49 % l’an,

– un prêt n°10000043739 d’un montant de 70 000 euros, remboursable au terme de 12 mois en une échéance unique, avec intérêts au taux variable initialement fixé à 2,44 % l’an.

Par actes sous signatures privées du 7 février 2014, comme son épouse gérante de la SARL Espace fleurs et jardins, M. [T] [R] s’est porté caution solidaire du remboursement de chacun de ces prêts, dans la limite de 20 000 euros et pour une durée de 84 mois s’agissant du prêt n°10000043712, dans la limite de 91 000 euros et pour une durée de 36 mois s’agissant du prêt n°10000043739.

Par jugement du 15 décembre 2015 publié au Bodacc le 13 janvier 2016, le tribunal de commerce de Tours a ouvert à l’égard de la société Espace fleurs et jardins une procédure de redressement judiciaire.

Par courrier recommandé daté du 18 janvier 2016, réceptionné le 25 janvier suivant, le Crédit agricole a déclaré entre les mains du mandataire au redressement judiciaire de la société Espace fleurs et jardins une créance de 80 560,55 euros à titre chirographaire, dont 14 318,48 euros outre intérêts au titre du prêt n°10000043712 et 51 178,09 euros, outre intérêts, au titre du prêt n°10000043739.

La procédure de redressement de la société Espace fleurs et jardins a été convertie le 2 février 2016 en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée le 12 juin 2018 pour insuffisance d’actif.

Par courrier en date du 25 février 2020, adressé sous pli recommandé présenté le 28 février suivant, le Crédit agricole a vainement mis en demeure M. [R] de lui régler, en sa qualité de caution solidaire, la somme de 62 707,02 euros au titre du prêt n°10000043739 et celle de 14 944,17 euros au titre du prêt n°10000043712.

Par acte du 20 octobre 2020, le Crédit agricole a fait assigner M. [R] en paiement devant le tribunal judiciaire de Tours qui, par jugement réputé contradictoire du 22 avril 2021, en retenant que la somme de 12 852,81 euros réclamée au titre des pénalités ou majorations de retard du prêt n°10000043739 n’était pas justifiée, a :

– condamné M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et de Poitou la somme de 50 878,09 euros au titre du cautionnement du prêt n°10000043739 du 7 février 2014,

– condamné M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et de Poitou la somme de 15 264,34 euros au titre du cautionnement du prêt n°10000043712 du 7 février 2014,

– dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et de Poitou supportera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu’elle a exposés.

Le Crédit agricole a relevé appel de cette décision par déclaration du 7 juin 2021, en ce qu’elle a condamné M. [R] à lui payer la somme de 50 878,09 euros au titre du cautionnement du prêt n°10000043739 du 7 février 2014 et dit qu’il supportera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu’il a exposés.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2023, le Crédit agricole demande à la cour, au visa des articles 1134, 1315 et suivants anciens du code civil dans leur rédaction applicable à la cause, 2288 et suivants du code civil, 9 et 474 du code de procédure civile, 332-1 du code de commerce et 313-22 du code monétaire et financier, de :

– rejeter l’ensemble des demandes formées par M. [T] [R] à l’encontre de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours, le 22 avril 2021 en ce qu’il a:

* condamné M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou la somme de 15 264,34 euros au titre du cautionnement du prêt n°10000043712 du 07 février 2014,

* rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

– infirmer ledit jugement en ce qu’il a :

* condamné M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou la somme de 50 878,34€ au titre du cautionnement du prêt n°100000043739 du 7 février 2014,

* dit que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou supportera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu’elle a exposés,

Et statuant à nouveau sur ces seules dispositions,

– condamner M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en deniers ou quittances, la somme de 63 730,90 euros au titre du cautionnement du solde du prêt n° 10000043739 outre les intérêts échus et à échoir à compter du 23 juillet 2020 au taux de 5,44% l’an jusqu’au paiement,

– condamner M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Valérie Desplanques.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er mars 2023, M. [R] demande à la cour de :

– infirmer en son intégralité le jugement du tribunal judiciaire de Tours en date du 22 avril 2021,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu les articles L.313-10 et L. 341-4 du code de la consommation,

– juger que les cautionnements souscrits par M. [T] [R] au titre des prêts n°10000043712 et n°10000043739 sont manifestement disproportionnés,

– juger que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou ne peut se prévaloir de ses cautionnements,

– débouter la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions telles que présentées dans l’exploit introductif d’instance du 20 octobre 2020,

A titre subsidiaire,

Vu l’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016,

– juger que la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou a commis un manquement dans ses obligations de conseil et de mise en garde,

– condamner en conséquence la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à verser à M. [T] [R] une somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– débouter la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de toute autre demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,

A titre encore plus subsidiaire,

Vu l’article L.313-22 du code monétaire et financier,

Vu les articles L.333-1, L.333-2 et L.343-5 du code de la consommation,

Vu l’article 2293 alinéa 2 du code civil,

Vu l’article 47-II de la loi du 11 février 1994,

– prononcer la déchéance de toutes pénalités, intérêts, commissions, frais et accessoires de retard échus,

– limiter le montant des sommes réclamées pour leur montant restant dû en principal à savoir :

‘ pour le prêt n°10000043712 : 12 540,53 euros,

‘ pour le prêt n°10000043739 : 50 878,09 euros,

– débouter la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou de de toute autres demandes, fins et prétentions contraires aux présentes,

En toute hypothèse,

– condamner la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou à verser à M. [T] [R] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner en outre aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 13 avril 2023, pour l’affaire être plaidée le 4 mai suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur la disproportion des engagements de la caution à ses biens et revenus :

Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l’article L. 332-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux cautionnements souscrits avant le 1er janvier 2022, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties, la disproportion s’apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l’engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C’est à la caution qui se prévaut des dispositions de l’article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle invoque.

Le code de la consommation n’impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s’il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d’anomalies apparentes.

Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l’a appelée en paiement.

La disproportion manifeste de l’engagement d’une caution commune en biens s’apprécie en prenant en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs incluant les revenus de son époux (v. par ex. Com. 6 juin 2018, n° 16-26.182).

En l’espèce, le Crédit agricole produit aux débats deux fiches de renseignements signées et certifiées exactes le 7 février 2014 par chacun de M. [R] et de Mme [E], son épouse.

Sur les fiches qu’ils ont renseignées, M. et Mme [R] ont indiqué être mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts, avoir deux enfants à charge et percevoir annuellement, avant impôts, des revenus annuels de 55 041 euros (30 686 euros pour Madame, 24 355 euros pour Monsieur), soit mensuellement 4 590 euros à eux deux.

M. et Mme [R] ont indiqué être propriétaires à [Localité 4] (37) d’une maison d’habitation d’une valeur de 280 000 euros, avoir un encours de crédit immobilier de 137 751 euros, ce dont il résulte que la valeur nette de leur patrimoine immobilier peut être estimée à 142 250 euros.

La valeur du patrimoine mobilier des cautions n’a pas été renseignée.

S’agissant de leur endettement, outre le prêt immobilier déjà évoqué, M. et Mme [R] ont indiqué avoir deux autres encours de crédit auprès du Crédit agricole, l’un de 9 696 euros au titre d’un prêt personnel ; l’autre de 9 948 euros au titre d’un prêt automobile, soit un encours total de crédits personnels de 19 644 euros.

A la rubrique « cautionnements et avals déjà donnés », il a été mentionné, puis rayé, un cautionnement donné à hauteur de 90 000 euros au Crédit agricole, en garantie d’une dette échue en février 2014, soit antérieurement à la conclusion de l’engagement litigieux.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’à la date de souscription de l’engagement litigieux, l’intimé percevait avec son épouse commune en biens des revenus mensuels de l’ordre de 4 590 euros, disposait d’un patrimoine immobilier d’une valeur nette d’environ 142 250 euros et supportait un encours d’emprunts de 19 644 euros.

M. [R], qui ne conteste pas que le patrimoine de la communauté était également constitué de la valeur de ses parts sociales dans la société BTPME et de celles de son épouse dans la société Espace fleurs, échoue à démontrer que ses engagements de caution d’un montant cumulé de 111 000 euros, inférieur à la valeur nette de son patrimoine (142 250 ‘ 19 644 = 122 606), étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

Rien ne justifie en conséquence de priver le Crédit agricole du droit de se prévaloir des engagements de caution en cause.

Sur le manquement du créancier à son obligation d’information :

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux cautionnements donnés avant le 1er janvier 2022, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement.

A son alinéa 3, l’ancien article L. 313-22 précise que le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, puis ajoute que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En l’espèce, pour démontrer avoir rempli ses obligations, le Crédit agricole verse aux débats la copie des lettres d’informations qu’il indique avoir adressées en février 2014 et mars 2015 à M. [R], alors que la seule production de la copie de lettres d’information ne suffit pas à justifier de leur envoi (v. par ex. cass 1re Civ. 6 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.258).

Le Crédit agricole sera dès lors déchu des intérêts à compter du 31 mars 2015.

Au vu des pièces produites, notamment les deux contrats de prêt, les tableaux d’amortissement, les déclarations de créance du prêteur au passif du redressement judiciaire de la débitrice principale et les décomptes en date du 23 juillet 2020, la créance du Crédit agricole sera arrêtée en capital ainsi qu’il suit :

prêt n° 10000043712 :

– capital dû au 31 mars 2015 : 15 875,23 euros

– règlements postérieurs au 31 mars 2015 à déduire : 1 774,30 euros

Solde restant dû : 14 100,93 euros

prêt n°10000043739 :

– capital dû au 31 mars 2015: 51 178,09 euros

– règlements postérieurs à déduire : 150 euros

Solde restant dû : 51 028,09 euros

En application de l’article 2288 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 énonce que le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci, M. [R], qui ne justifie d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoires au sens de l’article 1315 alinéa 2 du même code, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, sera condamné à payer au Crédit agricole les sommes sus-énoncée de 14 100,93 et 51 028,09 euros, majorées des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l’article 1153 ancien du code civil.

Sur la demande subsidiaire en dommages et intérêts tirée d’un manquement du banquier à son devoir de conseil et mise en garde :

Le banquier dispensateur de crédit, tenu d’un devoir de non ingérence dans les affaires de sa clientèle, n’est redevable d’aucune obligation de conseil à l’égard de la caution, mais seulement, dans certaines circonstances, d’un devoir de mise en garde envers la caution non avertie ou lorsqu’il a sur les revenus de la caution, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l’état du succès escompté de l’opération cautionnée, des informations que la caution ignorait.

La responsabilité du banquier peut être engagée pour manquement à ce devoir si l’engagement de caution n’est pas adapté, soit aux capacités financières de la caution, soit au risque d’endettement excessif né de l’octroi du financement, lequel s’apprécie, au jour de l’engagement de caution, compte tenu d’un risque caractérisé de défaillance du débiteur principal, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de celui-ci.

Le Crédit agricole ne conteste pas, en l’espèce, que M. [R] n’avait pas d’expérience des affaires ni de qualification qui permette de le considérer comme une caution avertie.

Fût-elle non avertie, la caution qui recherche la responsabilité du banquier pour manquement à son devoir de mise en garde doit rapporter la preuve que son engagement n’était pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu’il existait un risque d’endettement excessif né de l’octroi du financement garanti.

M. [R], on l’a dit, n’établit pas que le cautionnement litigieux était manifestement disproportionné à ses revenus et ses biens, et ne démontre pas davantage, au regard de la valeur de son patrimoine immobilier et de ses revenus, que son engagement était inadapté à ses capacités financières.

S’agissant du risque de défaillance de la débitrice principale, M. [R], qui se borne à relever que la débitrice principale a été placée en redressement judiciaire le 15 décembre 2015, soit un peu moins de deux ans après l’octroi des prêts garantis, n’offre aucune preuve de ce que les financements octroyés étaient excessifs au regard des capacités de financement de la société dirigée par son épouse.

M. [R] ne peut dès lors qu’être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires :

M. [R], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu de la situation économique de M. [R], de laisser au Crédit agricole la charge des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Le Crédit agricole sera en conséquence lui aussi débouté de sa demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise en ses dispositions critiquées, sauf en ce qu’elle a laissé à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou la charge de ses frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n’y a avoir lieu de priver la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou du droit de se prévaloir des engagements de caution,

Condamne M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en exécution de son engagement de caution du prêt n°10000043712, la somme de 14 100,93, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020,

Condamne M. [T] [R] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou, en exécution de son engagement de caution du prêt n°10000043739, la somme de 51 028,09 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020,

Déboute M. [T] [R] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Déboute M. [R] de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou formée sur le même fondement,

Condamne M. [T] [R] aux dépens de première instance et d’appel,

Accorde à Maître Valérie Desplanques le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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