22 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/00910
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 22/06/2023
N° de MINUTE : 23/583
N° RG 21/00910 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOD2
Jugement (N° 18/02783) rendu le 24 Décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Valenciennes
APPELANT
Monsieur [W] [S]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Stéphane Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022021003209 du 13/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉES
Madame [E] [Z]
née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 29 avril 2021 (PV 659)
SA Créatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 15 mars 2023 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023 après prorogation du délibéré du 01 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 février 2023
– FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Selon offre préalable acceptée en date du 24 septembre 2008, la SA CREATIS a consenti à M. [W] [S] et Mme [E] [Z] un prêt personnel d’un montant de 60.800 euros, remboursable en 144 mensualités au taux contractuel de 7,72% l’an.
Suite à un premier impayé en janvier 2017, la SA CREATIS a fait délivrer plusieurs lettres de relance, une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme en date du 5 janvier 2018, puis une lettre de mise en demeure valant déchéance du terme par lettre recommandée avec accuse de réception en date du 13 février 2018.
Par acte d’huissier en date des 20 avril et 12 juillet 2018, la SA CREATIS
a fait assigner en justice M. [W] [S] et Mme [E] [Z] afin d’obtenir le paiement des sommes qu’elle estimait lui être dues au titre du prêt litigieux.
Par jugement réputé contradictoire en date du 24 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes, a:
– condamné solidairement M. [W] [S] et Mme [E] [Z] à payer à la SA CREATIS la somme de 27.349,26 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,72% a compter du 13 février 2018,
– condamné solidairement M. [W] [S] et Mme [E] [Z] à payer à la SA CREATIS la somme de 2.183,71euros au titre de l’indemnité légale de 8%,
– supprimé comme étant une clause pénale manifestement excessive la majoration d’intérêts de quatre points de l’article II-5 du contrat,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
– débouté les parties de toutes autres demandes,
– condamné solidairement M. [W] [S] et Mme [E] [Z] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Francis DEFFRENNES, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 9 février 2020, M. [W] [S] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :
‘ condamné solidairement M. [W] [S] et Mme [E] [Z] à payer à la SA CREATIS la somme de 27.349,26 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,72% à compter du 13 février 2018,
‘ condamné solidairement M. [W] [S] et Mme [E] [Z] à payer à la SA CREATIS la somme de 2.183,71euros au titre de l’indemnité légale de 8%,
‘ supprimé comme étant une clause pénale manifestement excessive la majoration d’intérêts de quatre points de l’article II-5 du contrat,
‘ rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
‘ débouté les parties de toutes autres demandes.
Vu les dernières conclusions de M. [W] [S] en date du 27 avril 2021, et tendant à voir:
– Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES le 24 décembre 2020, sauf en ce qu’il a supprimé comme étant une clause pénale manifestement excessive la majoration d’intérêts de 4 points de l’article 2-5 du contrat,
Et statuant de nouveau :
A titre principal :
– Dire que l’action était forclose compte tenu de ce qu’un premier incident de paiement est intervenu au mois de juin 2009 et que cet incident de paiement n’a pas été régularisé dans le délai légal de deux ans,
– Dire que l’établissement de crédit a manqué à son obligation de mise en garde
– Débouter en conséquence l’établissement de crédit de toutes ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire :
– Accorder à Monsieur [S] un rééchelonnement de la dette due à la SA CREATIS dans le délai maximal légal de deux ans,
– Réduire l’indemnité constituant la clause pénale assortie au contrat de crédit souscrit par Monsieur [S] et Madame [E] [Z] auprès de la SA CREATIS à la somme de 1 euro symbolique,
– Réduire le taux d’intérêt conventionnel au taux légal,
En tout état de cause :
– Condamner la SA CREATIS à verser à Monsieur [S] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamner la SA CREATIS aux entiers dépens de l’instance.
Vu les dernières conclusions de la SA CREATIS en date du 19 juillet 2021, et tendant à voir :
– Dire bien jugé et mal appelé ;
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement intervenu devant le Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES en date du 24 décembre 2020 ;
– Constater, dire et juger que l’action en paiement diligentée par la S.A. CREATIS à l’encontre de Monsieur [W] [S] et Madame [E] [Z] au titre de l’offre préalable de prêt personnel acceptée par ces derniers le 24 septembre 2008 est parfaitement recevable.
– Constater la carence probatoire de Monsieur [W] [S] ;
– Débouter Monsieur [W] [S] de l’intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions telles que formulées à l’encontre de la S.A CREATIS.
– Condamner Monsieur [W] [S] et Madame [E] [Z], solidairement ou l’un à défaut de l’autre, à payer à la S.A. CREATIS la somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– Condamner Monsieur [W] [S] et Madame [E] [Z], in solidum ou l’un à défaut de l’autre, aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel dont distraction au profit de Maître Francis DEFFRENNES, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Pour sa part Mme [E] [Z] a été assignée devant la cour par M. [W] [S] par acte d’huissier en date du 29 avril 2021 ayant donné lieu à un procès verbal de recherches en application des dispositions de l’article 659 du code de procédure civile. Subséquemment Mme [E] [Z] a de nouveau été assignée devant la cour par la SA CREATIS par acte d’huissier en date du 9 août 2021 signifié à étude d’huissier. Cette intimée n’a pas constitué avocat ni donc conclu devant la cour.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu en cause d’appel il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2023.
– MOTIFS DE LA COUR:
– SUR LA FORCLUSION:
Certes en application des dispositions de l’ancien article L 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Toutefois l’article L.311-3 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er Juillet 2010 et applicable en la cause, dispose:
« Sont exclus du champ d’application du présent litige :
1° Les prêts, contrats et opérations de crédit passés en la forme authentique sauf s’il
s’agit de crédits hypothécaires ;
2° Ceux qui sont consentis pour une durée totale inférieure ou égale à trois mois, ainsi
que ceux dont le montant est supérieur à une somme qui sera fixée par décret ; [‘]»
L’article D.311-1 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige, quant à lui dispose:
« Le montant visé au 2° de l’article L.311-3 est fixé à (décr. n° 2001-96 du 2 févr.2001) 21 500 euros »
Il résulte de l’application combinée des dispositions des articles L.311-3 et D.311-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat de crédit litigieux, que sont exclues du champ d’application des dispositions dudit code concernant le crédit à la consommation, notamment les prêts, contrats ou opérations de crédit dont le montant est supérieur à une somme de 21.500,00 euros.
Or, dans le cas présent le contrat de crédit consenti à M. [W] [S] et Mme [E] [Z] par la S.A. CREATIS selon offre acceptée le 24 septembre 2008 porte sur une somme de 60.800,00 euros.
Il ressort donc incontestablement de ces éléments objectifs que le contrat de crédit objet de la présente action en paiement a incontestablement été conclu pour une somme supérieure au plafond réglementaire fixé par l’article D.311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat de crédit litigieux.
Par suite, les dispositions des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation et notamment l’article L.311-37 de ce code sont inapplicables au cas d’espèce.
Dès lors, la sanction de la forclusion prévue par l’ancien article L.311-37 du code de la consommation ne peut manifestement pas recevoir application dès lors que le contrat de prêt objet de la présente action en paiement est exclu du champ d’application des dispositions des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation.
Il ne peut dès lors être fait droit à la demande de M. [W] [S] tenant à voir déclarer forclose la SA CREATIS en son action.
– SUR LE MANQUEMENT PRETENDU DU PRÊTEUR A SON DEVOIR DE MISE EN GARDE:
En application des dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour ou le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Dans le cas présent le crédit litigieux a été souscrit par M. [W] [S] et Mme [E] [Z] le 24 septembre 2008. Ainsi l’action en responsabilité du prêteur devait être engagée par les emprunteurs au plus tard le 24 septembre 2013.
Or, la responsabilité du prêteur n’a été recherchée pour la première fois que par des conclusions d’appel de M. [W] [S] du 27 avril 2021 soit un peu mois de 13 ans après l’acceptation de l’offre préalable de crédit en cause.
Cette prétention doit donc être déclarée irrecevable pour cause de prescription.
– SUR LE MONTANT DE LA CREANCE:
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c’est à bon droit que le premier juge dans la décision entreprise, au regard des justificatifs produits, a condamné solidairement M. [W] [S] et Mme [E] [Z] à payer à la SA CREATIS la somme de 27.349,26 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,72% a compter du 13 février 2018, et la somme de 2.183,71euros au titre de l’indemnité légale de 8%, cette clause pénale n’étant pas manifestement excessive et ne devant pas être réduite.
Il convient par ailleurs dire que M. [W] [S] ne saurait être désolidarisé du paiement de ces sommes sauf à mettre gravement à mal le principe fondamental de la force obligatoire des conventions.
Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé sur ce point.
– SUR LES DÉLAIS DE PAIEMENT:
Par des motifs pertinents que la cour adopte, c’est à juste titre que le premier juge dans la décision déférée a considéré que le montant restant dû au regard de la situation de M. [W] [S] ne permet pas d’envisager l’application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil qui reviendrait à aggraver sa dette en cas de report ou à fixer des échéances intenables en cas d’échelonnement.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de délais de paiement de M. [W] [S].
– SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE:
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.
– SUR LE SURPLUS DES DEMANDES:
Au regard des considérations qui précédent, il convient de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
– SUR LES DÉPENS D’APPEL:
Il y a lieu de condamner M. [W] [S] qu succombe, aux entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt rendu par défaut, en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
En la forme:
– Déboute M. [W] [S] de sa demande tendant à voir déclarer forclose l’action de la SA CREATIS,
– Déclare irrecevable car prescrite la demande tendant à voir engager la responsabilité de la SA CREATIS pour manquement à son devoir de mise en garde,
Au fond:
– Confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Y ajoutant,
– Dit n’avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
– Condamne M. [W] [S] aux entiers dépens d’appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU