26 juillet 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
22/01164
PhD/CS
Numéro 23/2620
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRÊT DU 26 juillet 2023
Dossier : N° RG 22/01164 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IF7A
Nature affaire :
Demande en paiement par le porteur, d’une lettre de change, d’un billet à ordre
Affaire :
[R] [V]
C/
S.A. BANQUE POUYANNE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 12 juin 2023, devant :
Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme DENIS, greffier présent à l’appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [R] [V]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Sébastien BENOTEAU de la SELARL ACBC, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
S.A. BANQUE POUYANNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Catherine JUNQUA-LAMARQUE de la SARL JUNQUA-LAMARQUE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 28 MARS 2022
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE
FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
La société par actions simplifiée Bildutruck France, devenue Mouguerre Logistique Services (MLS), dirigée par M. [R] [V], était en relation d’affaires avec la société anonyme Banque Pouyanne (la banque) qui lui apportait son concours.
Par acte sous seing privé du 11 mai 2016, elle a souscrit un prêt de 241.000 euros, d’une durée de 48 mois, au taux annuel de 1,95 %, destiné au financement de l’acquisition de trois tracteurs semi-remorques sur lesquels la banque a inscrit un gage en garantie du prêt.
Par acte sous seing privé du 19 avril 2018, M. [V], s’est porté caution solidaire de tous les engagements contractés par la société MLS auprès de la banque à concurrence de la somme de 71.000 euros et pour une durée de 10 ans.
Le 30 juin 2018, en contrepartie d’une avance de trésorerie, la société MLS a émis un billet à ordre de 120.000 euros à échéance au 31 juillet 2018, avalisé par M. [V].
Par jugement du 24 septembre 2018, le tribunal de commerce de Bayonne a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société MLS, convertie en liquidation judiciaire le 18 mars 2019.
La banque a déclaré plusieurs créances au passif dont celles au titre du prêt et du billet à ordre précités.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mai 2019, la banque a mis en demeure M. [V] de lui payer les sommes dues au titre du prêt, à concurrence de son cautionnement, et du billet à ordre.
Le 20 septembre 2021, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d’actif.
Suivant exploit du 24 janvier 2020, la société Banque Pouyanne a fait assigner M.[V] par devant le tribunal judiciaire de Bayonne en paiement des sommes dues au titre du prêt et du billet à ordre.
Par ordonnance du 10 décembre 2020, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal judiciaire de Bayonne incompétent au profit du tribunal de commerce de Bayonne.
Par jugement du 28 mars 2022, le tribunal de commerce de Bayonne a :
– dit que les sommes réclamées au titre du cautionnement et de l’aval sont bien conformes
– condamné M. [V] à payer à la société Banque Pouyanne les sommes de :
– 98.558,01 euros au titre de l’aval du billet à ordre
– 58.828,77 euros au titre de son engagement de caution
– débouté M. [V] de sa demande de délais
– débouté M. [V] de ses autres demandes
– condamné M. [V] à payer à la société Banque Pouyanne la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 26 avril 2022, M. [V] a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 mai 2023.
***
Vu les dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2022 par M. [V] qui a demandé à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
– juger que son cautionnement pour tous engagements est nul
– juger que le billet à ordre est irrégulier
– juger que l’aval du billet à ordre est irrégulier
– en conséquence, débouter la société Banque Pouyanne de ses demandes
– à titre subsidiaire, qualifier de cautionnement l’aval du billet à ordre et juger que ce cautionnement est nul
– dès lors, à titre subsidiaire, débouter la société Banque Pouyanne de ses demandes au titre du cautionnement du billet à ordre
– en tout état de cause, condamner la société Banque Pouyanne à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2022 par la société Banque Pouyanne qui a demandé à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et de condamner M. [V] à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
sur la nullité du cautionnement tous engagements
L’appelant fait grief au jugement d’avoir rejeté sa demande de nullité du cautionnement pour absence de contrepartie et vice du consentement pour erreur sur les qualités substantielles et dol alors qu’il entendait par cet acte exclusivement contre-garantir la garantie autonome d’un montant de 58.800 euros fournie par la banque à l’administration des douanes à l’occasion de la création d’un entrepôt en franchise de douane, n’ayant aucun intérêt à garantir le prêt antérieur, son erreur ayant été provoqué par les manoeuvres dolosives de la banque qui a failli à son obligation d’information pré-contractuelle ainsi qu’à ses obligations contractuelles de mise en garde et de conseil et alors qu’elle avait connaissance de la situation obérée de la société MLS, cherchant ainsi par tous moyens d’obtenir un recouvrement de ses créances.
Mais, aux termes de l’acte de cautionnement du 19 avril 2018, M. [V] s’est obligé à garantir le paiement de toutes les sommes que le cautionné peut ou pourra devoir à la banque ou à toute personne qui lui serait substituée […] à raison de tous engagements, de toutes opérations et, d’une façon générale, de toutes obligations dont l’origine est antérieure à la date d’expiration de la durée de validité [10 ans], nées ou à naître sans aucune exception, directement ou indirectement, pour quelque cause que ce soit […]. Il s’applique [notamment] à toutes obligations résultant de tous crédits par caisse ou signature, du solde exigible en faveur de la banque, de tout compte courant ouvert au nom du cautionné […], de tous engagements de garanties ou de contre-garanties, ou de toutes acceptations, donnés par la banque pour le compte du cautionné ou sur son ordre.
M. [V] a rédigé la mention manuscrite reconnaissant son engagement de caution solidaire par lequel il s’est engagé à rembourser à la banque les sommes dues par la société MLS.
En premier lieu, M. [V], familier des techniques de financement bancaire les plus diversifiées (prêt personnel, hypothéque, prêt professionnel, gage, billet de trésorerie, billet à ordre) ne pouvait se méprendre sur l’objet et l’étendue de son cautionnement qui portait expressément sur tous les engagements présents et futurs à concurrence de la somme de 71.000 euros alors que plusieurs concours bancaires étaient en cours et que la banque venait encore d’accorder une garantie autonome de 58.000 euros.
S’agissant d’un engagement unilatéral, la banque n’était pas tenue d’une obligation particulière d’information pré-contractuelle au sens de l’article 1112-1 du code civil, et l’acte de cautionnement renfermait toutes les clauses claires nécessaires à la compréhension du sens et de la portée de l’engagement contracté par M. [V].
Et, la validité de ce cautionnement, contrat unilatéral ne prévoyant aucune contrepartie à la charge de la banque, n’est pas subordonnée à l’existence de la contrepartie prévue à l’article 1169 du code civil.
En outre, M. [V], en sa qualité de dirigeant, avait un intérêt personnel dans l’opération en renforçant le crédit de la société MLS, déjà bénéficiaire de plusieurs concours bancaires et qui sollicitait une garantie bancaire autonome, chacun de ces concours étant susceptibles de faire l’objet d’un défaut, la débitrice pouvant privilégier le réglement de l’un au détriment d’un autre, créant un risque global dont la banque était légitime à limiter les conséquences en obtenant une garantie générale et non affectée à une dette spéciale.
La banque n’était débitrice d’aucune obligation de conseil à l’égard de M. [V] quant à l’objet du cautionnement tous engagements ou affecté à la contre-garantie de la garantie douanière.
Quant au moyen tiré d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde sur les risques d’un endettement excessif, ce moyen ne touche pas la formation du contrat mais son exécution.
Enfin, l’appelant, dirigeant social, ne démontre pas que la banque aurait eu sur la situation de la société MLS des informations que, par suite de circonstances exceptionnelles, il aurait ignorées.
Il résulte de ce qui précède que l’appelant ne rapporte la preuve ni d’une erreur sur les qualités substantielles de son engagement, au sens de l’article 1133 du code civil, ni d’une réticence dolosive, au sens de l’article 1137 du même code, destinée à le tromper sur le sens et la portée du cautionnement fourni.
Le jugement doit être être confirmé en ce qu’il a rejeté les moyens de nullité du cautionnement litigieux.
Sur la créance de la banque garantie par son cautionnement, l’appelant a soulevé, dans la discussion, le moyen tiré du défaut d’information annuelle de la caution, au visa des articless L333-1 et L343-5 du code de la consommation,entraînant la déchéance du droit aux pénalités ou intérêts de retard entre le premier incident et la date de la première information.
Cependant, il résulte de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions des parties.
En l’espèce, dans le dispositif de ses conclusions, l’appelant a demandé le débouté de la demande de paiement mais exclusivement en conséquence de l’annulation du cautionnement, sans demander, à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts, de sorte que la cour n’est pas saisie de cette prétention. .
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [V] à payer à la banque la somme de 58.828,77 euros représentant le solde restant dû au titre du prêt de 241.000 euros garanti par son cautionnement.
sur la nullité du billet à ordre du 30 juin 2018
L’appelant fait grief au jugement d’avoir rejeté ses contestations visant la validité du billet à ordre émis le 30 juin 2018 par la société MLS mais sans critiquer la motivation fondée sur l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission au passif du débiteur principal de la créance cambiaire née du billet à ordre du 30 juin 2018.
Or, il est établi par les productions que, par décision d’admission de créance sans contestation portée à la connaissance des parties le 6 août 2018, le juge-commissaire a admis au passif la créance déclarée par la banque au titre du billet à ordre émis le 30 juin 2018 et à échéance au 31 juillet 2018 pour la somme de 98.558,01 euros à titre chirophaire.
La liste des créances établies et arrêtées le 7 avril 2020 par le juge-commissaire a été publiée au Bodacc des 16 et 17 mai 2020, faisant courir le délai de contestation ouvert aux tiers contre l’état des créances dans le délai d’un mois à compter de la publication.
M. [V], co-débiteur solidaire en sa qualité d’avaliste du billet à ordre émis le 30 juin 2018, n’a pas contesté la décision d’admission de la créance, de sorte qu’il n’est plus recevable à contester la validité du billet à ordre ayant fondé l’admission de la créance de la banque au passif en vertu d’une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée s’imposant à l’avaliste.
Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les contestations tirées de l’irrégularité du billet à ordre.
sur la nullité de l’aval
L’appelant fait valoir, à hauteur d’appel, que l’aval est irrégulier en ce que les conditions contractueleles de l’opération de crédit du 23 janvier 2018 stipulaient que les éventuelles garanties seraient régularisées par acte séparé, ce qui n’est pas le cas dès lors qu’il a donné son aval directement sur le billet à ordre, et non par un acte postérieur et distinct.
Par ailleurs, l’appelant soulève l’irrégularité de l’aval, au visa de l’article L512-4 du code de commerce, dès lors qu’il ne comporte pas le nom de l’avaliste et que, selon les termes clairs et précis de l’aval, c’est la société MLS qui est avaliste du billet à ordre, M.[V], dont le nom ne figure pas sur le billet à ordre, ne s’étant étant pas engagé à titre personnel mais pour le compte de la société MLS.
Mais, d’abord, l’intimée rappelle à bon droit que les dispositions de l’article 1376 du code civil relatif au formalisme entourant l’engagement unilatéral de payer un certaine somme n’est pas applicable au billet à ordre ni à son aval.
Ensuite, sur le premier moyen, l’intimée objecte à bon droit que la convention du 23 janvier 2018 portant ouverture d’une ligne de crédit de 120.000 euros en vertu d’un billet de trésorerie, a expiré le 31 mai 2018, de sorte que ses conditions ne peuvent régir l’opération de crédit suivante qui a donné lieu à l’émission du billet à ordre du 30 juin 2018, à échéance au 31 juillet 2018, d’un montant de 120.000 euros.
Le moyen est donc infondé.
Sur le second moyen, il ressort de son examen que le billet à ordre a été souscrit par la société MLS, qu’il est revêtu, à la suite de la mention pré-imprimée ‘BON POUR AVAL’, de la mention manuscrite ‘bon pour aval pour le compte de MLS à hauteur de 120.000 euros’, suivie de la même signature que celle apposée à la suite de l’engagement pris par la société MLS.
Non seulement l’indication formelle du nom de l’avaliste n’est pas prescrite à peine de nullité de l’aval, mais, en l’espèce, il est incontestable que M. [V] est l’auteur des deux signatures en tous points identiques et conformes aux spécimens figurant notamment dans l’acte de cautionnement, la convention de billet de trésorerie et la fiche patrimoniale.
Et, lorsque l’effet de commerce porte la double signature du dirigeant de la société au titre, d’une part, de la souscription d’un billet à ordre et, d’autre part, de son aval, le dirigeant a nécessairement donné son aval à titre personnel, dès lors que la même personne en la même qualité ne peut être à la fois le souscripteur du billet à ordre et donneur d’aval, tandis que l’indication portée par M. [V] ‘pour le compte de MLS’ est strictement conforme aux dispositions de l’article L511-21 du code de commerce exigeant que l’aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné, l’article L512-4 précisant encore que, à défaut de cette indication, l’aval est réputé avoir été donné pour le compte du souscripteur.
Par conséquent, il est établi par les mentions de l’aval que M. [V] s’est personnellement engagé à garantir solidairement le paiement du billet à ordre.
Aucune autre contestation n’étant soulevée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [V] à payer à la banque la somme de 98.558,01 euros en sa qualité d’avaliste.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.
M. [V] sera condamné aux dépens d’appel et à payer à l’intimée une indemnité complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y ajoutant,
CONDAMNE M. [V] aux dépens d’appel,
CONDAMNE M. [V] à payer à la société Banque Pouyanne une indemnité complémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
AUTORISE la sarl Junqua-Lamarque & associés, avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Le présent arrêt a été signé par Monsieur DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier Le Président