28 mars 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
20/01938
28/03/2023
ARRÊT N°23/193
N° RG 20/01938 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NUT3
MLA/VCM
Décision déférée du 08 Juin 2020 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 18/24551
M. [K] [B]
[X] [R]
C/
[G] [Z]
[A] [C]
[I] [C]
[U] [N]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [X] [R]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean-paul BOUCHE de la SELEURL BOUCHE JEAN-PAUL, avocat au barreau de TOULOUSE
Assisté de Me Laurence PAOLI-CULIOLI, avocat au barreau D’ESSONNE
INTIMÉS
Monsieur [G] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Monsieur [A] [C]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Monsieur [I] [C]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Madame [U] [N]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentés par Me Isabelle LAPORTE de la SCP D’AVOCATS BORDES-GOUGH-GALINIE-LAPORTE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. DUCHAC, présidente
V. CHARLES-MEUNIER, conseiller
V. MICK, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par C. DUCHAC, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.
EXPOSE DES MOTIFS
[T] [E] [BT] [F] est décédée le 19 janvier 2017 laissant à sa succession :
– son fils, M. [G] [Z], né d’une première union avec M. [D] [Z],
– ses enfants, M. [A] [C] et M. [I] [C], nés d’une seconde union avec M. [V] [C],
– sa petite fille, Mme [U] [N], venant par représentation de [O] [C], son fils prédécédé le 21 février 2005,
– son conjoint survivant, M. [X] [R], avec lequel elle s’était mariée le 21 septembre 1996 sous le régime de la séparation de biens, suivant contrat reçu le 12 septembre 1996 par Maître [S], notaire à [Localité 10], bénéficiaire sur le logement appartenant aux époux qu’il occupait à l’époque du décès à titre d’habitation principale, et sur le mobilier compris dans la succession le garnissant, d’un droit de jouissance gratuite pendant une année, conformément aux dispositions de l’article 763 du code civil, exhérédé de ses droits dans la succession suivant testament authentique reçu le 22 juin 2015 par Maître [J] [M], notaire à [Y].
Les héritiers n’ont pu partager amiablement la succession.
Le 14 septembre 2018, M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] ont fait assigner M. [X] [R] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de partage.
Par jugement contradictoire en date du 8 juin 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse a :
– ordonné le partage de la succession de [T] [F] ;
– désigné pour y procéder Maître [P] [H], sous la surveillance du juge coordonnateur du service des affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse ;
– dit que le notaire pourra interroger le FICOBA,
– procéder à l’établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice,
– procéder à l’ouverture de tout coffre bancaire, en faire l’inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude et placer les titres sur un compte ouvert au nom de l’indivision ;
– rappelé que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– rappelé que le notaire devra dresser un projet d’état liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations ;
– dit que le notaire financera son travail sur les fonds indivis, avec l’accord des parties, et qu’à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail ;
– dit que la partie qui bénéficie ou bénéficiera de l’aide juridictionnelle, partielle ou totale, sera dispensée de verser une provision au notaire ;
– dit qu’en cas d’empêchement du notaire il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête ;
– rejeté la demande de M. [X] [R] relative à sa créance de 196 800 euros ;
– rejeté la demande relative au recel successoral ;
– rejeté la demande relative au rapport de la dette 24 515,51 euros par M. [X] [R] ;
– dit que la somme de 5 000 euros retirée par M. [X] [R] du compte-joint constituait des fonds personnels ;
– rejeté la demande de restitution de meubles formée par Mme [U] [N] ;
– dit que les meubles meublants du domicile conjugal appartenaient aux époux en indivision chacun pour moitié ;
– dit que la Mercédès immatriculée AD 891 KR est un bien indivis, dont la valeur actuelle est de 500 euros ;
– dit que valeur actuelle de la maison de [Adresse 7] est de 240 000 euros ;
– dit que M. [X] [R] doit à l’indivision une indemnité d’occupation de 700 euros par mois à compter du 20 janvier 2018 ;
– rejeté les demandes de dommages et intérêts ;
– rejeté les demandes relatives aux frais non compris dans les dépens ;
– rejeté la demande d’exécution provisoire ;
– dit n’y avoir lieu de condamner l’une ou l’autre des parties aux dépens, et rappelé que les dépens sont compris dans les frais du partage judiciaire ;
– autorisé l’avocat de M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] à recouvrer les dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Par déclaration électronique en date du 21 juillet 2020, M. [X] [R] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande de M. [X] [R] relative à sa créance de 196.800 euros,
– dit que la valeur actuelle de la maison de [Adresse 7] est de 240 000 euros,
– dit que M. [X] [R] doit à l’indivision une indemnité d’occupation de 700 euros par mois à compter du 20 janvier 2018,
– rejeté les demandes relatives aux frais non compris dans les dépens.
Dans leurs premières conclusions d’intimé en date du 5 janvier 2021, M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] ont interjeté appel incident demandant à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] de leur demande au titre des meubles meublants.
Dans ses dernières conclusions d’appelant en date du 10 janvier 2023, M. [X] [R] demande à la cour de bien vouloir :
Vu l’article 815-13 du code civil,
Vu l’article 815-9 du code civil
Vu l’article 224 du code civil,
– réformer le jugement rendu le 8 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Toulouse,
Par conséquent,
– dire que la valeur actuelle de la maison de [Adresse 7] est de 240 000 euros,
– fixer l’indemnité d’occupation due par M. [R] à l’indivision à la somme de 426,40 euros par mois après application de la décote de 20% pour occupation précaire et 82% correspondant à la quote-part de 18% de propriété de M. [R] dans le bien indivis,
– dire que l’indemnité d’occupation sera due par M. [R] à compter du 20 janvier 2018 jusqu’au 31 août 2020, date à laquelle M. [R] a quitté le logement indivis,
– dire que la succession de Mme [T] [F] est redevable d’une créance à l’égard de M. [R] dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des époux [R]/[F] pour le financement que M. [R] a fait du bien indivis sis à [Adresse 7],
– dire que l’apport en capital provenant de la vente du bien personnel de M. [R] pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition du bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage,
A titre subsidiaire,
– dire que le remboursement anticipé du crédit immobilier par M. [R] excède son obligation de contribution aux charges du mariage,
En tout état de cause,
– dire et juger que M. [R] dispose d’une créance sur l’indivision successorale d’un montant de 199 073 euros correspondant à la totalité des échéances du prêt immobilier qu’il a remboursé par anticipation avec ses deniers propres, cette somme étant à parfaire au jour du partage selon le prix auquel le bien sera vendu,
– condamner les intimés M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C], Mme [U] [N] aux dépens,
– débouter les intimés M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C], Mme [U] [N] de toute autre demande et notamment de leurs demandes faites au titre de leur appel incident,
– condamner les intimés M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C], Mme [U] [N] à verser à M. [R] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première procédure,
– condamner les intimés M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C], Mme [U] [N] à verser à M. [R] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure d’appel.
Dans leurs dernières conclusions d’intimé portant appel incident en date du 18 janvier 2023, M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] demandent à la cour de bien vouloir :
– Ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture
Vu l’article 1360 du code de procédure civile,
Vu les articles 815 et suivants du code civil,
Vu l’article 815-13 du code civil,
Vu l’article 1342-4 du code civil,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Vu le contrat de mariage,
– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes,
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] de leur demande au titre des meubles meublants,
En conséquence, constatant que les meubles meublants, en vertu du contrat de mariage sont la propriété exclusive de Mme [F] à l’exclusion de la vaisselle et de l’argenterie, les attribuer à M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C], Melle [U] [N],
– infirmer la décision dont appel en ce que le jugement a rejeté la demande relative au rapport de la dette 24 615,51 euros par M. [X] [R],
– en conséquence, ordonner le rapport de la dette d’un montant de 24 615,51 euros par M. [R],
– infirmer le jugement dont appel en que le jugement a dit que la somme de 5 000 euros retirée par M. [X] [R] du compte-joint constituait des fonds personnels,
– en conséquence, la somme de 5000 euros étant indivise, attribuer 2500 euros à M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C], Melle [U] [N],
– confirmer le jugement dans ses autres dispositions et notamment ce qu’il a :
– ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [F] [T], et désigné notaire et juge pour y procéder,
– rejeté la demande de M. [X] [R] relative à sa créance de 196 800 euros,
– fixé la valeur vénale de la maison de [Adresse 7] à 240 000 euros,
– dit que M. [X] [R] doit à l’indivision une indemnité d’occupation de 700 euros par mois à compter du 20 janvier 2018,
– dit que le véhicule Mercedes AD 891 KR est un bien indivis d’une valeur de 500 euros,
– dit n’y avoir lieu de condamner l’une ou l’autre des parties aux dépens, et rappelle que les dépens sont compris dans les frais du partage judiciaire,
– autorisé l’avocat de M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] à recouvrer les dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision,
– condamner M. [R] à payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 16 janvier 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 31 janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été révoquée par simple mention au dossier en accord entre les parties et fixée au jour de l’audience de plaidoirie.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
Motivation
Sur la portée de l’appel :
Aux termes des dispositions de l’article 562 du Code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La cour est saisie par les dispositions énoncées comme étant critiquées dans l’acte d’appel formalisé par la partie appelante ou, ensuite, par l’appel incident relevé par la partie intimée.
En l’espèce la cour n’est pas saisie des dispositions ayant :
– ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [F] [T], et désigné notaire et juge pour y procéder,
– dit que le véhicule Mercedes AD 891 KR est un bien indivis d’une valeur de 500 euros,
– dit n’y avoir lieu de condamner l’une ou l’autre des parties aux dépens, et rappelle que les dépens sont compris dans les frais du partage judiciaire,
– autorisé l’avocat de M. [G] [Z], M. [A] [C], M. [I] [C] et Mme [U] [N] à recouvrer les dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.
De sorte qu’il n’y a pas lieu de confirmer ces dispositions comme le sollicitent les intimés.
Sur la valeur de l’immeuble
M. [R] a interjeté appel du chef du jugement ayant fixé la valeur de l’immeuble sis [Adresse 7] à la somme de 240.000 euros: toutefois c’est la valeur qu’il propose de retenir aux termes de ses conclusions, valeur qui n’est pas contestée par les intimés.
Dès lors ce chef de dispositif sera confirmé.
Sur le montant de l’indemnité d’occupation
Aux termes des dispositions de l’article 815-9 du code civil l’indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est redevable d’une indemnité à l’égard de l’indivision.
Il s’agit d’une créance due à l’indivision ainsi que l’a retenu le premier juge, dont le principe n’est pas contesté par M. [R] puisqu’il reconnaît avoir occupé privativement la maison de [Adresse 7] à compter du décès de son épouse jusqu’au 31 août 2020, date à laquelle il a déménagé et remis les clefs au notaire en charge de la succession.
En vertu de l’article 763 du code civil, M. [R] a bénéficié de la jouissance gratuite du logement pendant un an, soit jusqu’au 19 janvier 2018, l’indemnité d’occupation étant dès lors due à compter du 20 janvier 2028 pour 18 mois et 11 jours.
Cette somme étant dûe à l’indivision il n’y a pas lieu d’en retenir sa quote-part (18% du bien lui appartenant), les comptes étant faits à l’issue du partage en fonction des droits des indivisaires.
M. [R] conteste le montant de l’indemnité d’occupation retenu par le premier juge à hauteur de la somme de 700 euros/mois sur la base d’un seul avis de valeur établi par l’agence SAV à la demande des consorts [C] et [N], M. [R] n’ayant pas produit de pièce pour la contredire. Il demande à la cour de fixer l’indemnité d’occupation due à l’indivision à la somme de 426,40 euros par mois après application de la décote de 20% pour occupation précaire et 82% correspondant à la quote-part de 18% de propriété de M. [R] dans le bien indivis sur la base d’une évaluation de 650 euros/mois et non de 700 euros/mois de cette indemnité.
En cause d’appel, M. [R] produit deux nouvelles attestations de valeur locative réalisées concomitamment à sa période d’occupation du bien :
– une établie le 22 juillet 2020 par l’agence Novilis qui retient une valeur entre 620 euros et 650 euros sans décrire avec détail le bien ni les valeurs de comparaison,
– une établie le 10 juillet 2020 par l’agence Hall Immo qui retient une valeur entre 660 et 690 euros hors charges en reprenant les caractéristiques de la maison.
Compte tenu de ces pièces et de la première attestation, la valeur locative sera retenue pour la somme de 680 euros à titre de valeur moyenne. Les intimés s’opposent à l’application d’une décote en contestant la précarité de l’occupation : toutefois par principe l’indivisaire qui occupe un bien indivis ne bénéficie pas de la garantie offerte par un contrat de bail et l’indivision n’en supporte pas les contraintes, de sorte qu’il est justifié d’opérer sur la valeur de 680 € un abattement de 20% permettant de fixer l’indemnité d’occupation mensuelle dûe par M. [R] à la somme de 680 – 136 = 544€ par mois.
Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.
Sur la créance de financement de l’immeuble
Aux termes de l’article 815-3 du code civil, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépens nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.
Aux termes de l’article 214 du code civil si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
M. [R] sollicite à ce titre de dire que la succession de Mme [T] [F] est redevable d’une créance à son égard dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des époux [R]/[F] pour le financement que M. [R] a fait du bien indivis sis à [Adresse 7], en ce que l’apport en capital provenait de la vente du bien personnel de M. [R] pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition du bien indivis affecté à l’usage familial, ce qui ne saurait constituer une participation à l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
En l’espèce, le 24 juillet 1995, M. [R] a acquis par adjudication un bien immobilier sis à [Localité 9] au prix de 335.000 francs (51070 euros), bien dont il a racheté la part à son ex-épouse, Mme [L] (la procédure de divorce étant alors en cours). Cette acquisition a été financée pour l’essentiel par un emprunt consenti par Mme [T] [F] pour la somme de 275000 francs (41.923 euros) : M. [R] reconnaît avoir établi une reconnaissance de dette au profit de Mme [F] pour cette somme qu’il se serait engagé à rembourser au plus tard le 28 juillet 2000 sans produire aucune pièce justifiant des modalités de financement du surplus.
Après le mariage de M. [R] et de Mme [F] le 21 septembre 1996, ils ont acquis le 31 octobre 2006 en indivision un bien immobilier à [Y] sis [Adresse 7] pour un prix de 201.700 euros outre les frais, soit un total de 239.002,77 euros à proportion de 18% pour M. [R] et 82% pour Mme [F], achat financé par un crédit de 239.250 euros payable sur douze ans en mensualités de 491,92 euros.
Le 29 mai 2007, M. [R] a revendu le bien immobilier de [Localité 9] pour la somme de 262.000 euros et a donné ordre le même jour au notaire d’établir un chèque à l’ordre de l’UCB en remboursement du crédit immobilier de la maison de [Adresse 7] pour la somme de 200000 euros, le reste, soit la somme de 50000 euros après paiement des frais d’agence, ayant été déposé sur le compte joint des époux (chèque établi par Mr [FY] le 29 mai 2007).
Toutefois un solde de 41.763,96 euros était encore dû au vu du courrier émis le 16 juillet 2007 par l’UCB : un chèque était émis de ce montant pour solder ce prêt à cette date.
M. [R] affirme dès lors disposer d’une créance sur l’indivision pour son financement de l’immeuble indivis au-delà de la quote-part dont il est propriétaire à hauteur de la somme de 199.073 euros selon la technique du profit subsistant.
Toutefois il ne résulte d’aucune des pièces produites par M. [R] qu’il a bien remboursé Mme [F] du paiement de la maison de [Localité 9] : il n’est produit ni les pièces établissant les transferts de fonds, ni la reconnaissance de dettes et encore moins les modalités de remboursement de ce prêt dont M. [R] reconnaît pourtant l’existence.
Par ailleurs il produit aux débats un échéancier de crédit affirmant avoir financé des travaux dans la maison de [Localité 9] qu’il aurait réalisés avec un ami pour lui donner de la plus-value, travaux pour lesquels il se contente de produire des photos non datées non accompagnées d’attestations, et surtout d’aucune facture d’achat.
Dès lors M. [R] est défaillant à démontrer que les fonds qui ont financé le bien de [Y] sont des fonds propres et qu’il aurait ainsi financé seul la part de son épouse dans ce bien. Au surplus, comme l’a rappelé très justement le premier juge, les époux ont fait le choix de recourir à un prêt-relais au moment de l’acquisition du bien de [Y] dans la perspective de la vente de la maison de [Localité 9] et donc d’un apport rapide en capital pour solder le crédit contracté, et ont malgré tout pris la décision de fixer de façon très inégalitaire et précise leurs droits dans cet immeuble, à savoir à hauteur de 82% pour Mme [F] et de 18% pour M. [R] tout en connaissant par avance les modalités de règlement du prix d’acquisition, et donc sans qu’il ne puisse être argué d’erreur dans les droits qui ont été définis dans l’acte de vente.
A titre subsidiaire, M. [R] demande de dire que le remboursement anticipé du crédit immobilier par M. [R] excède son obligation de contribution aux charges du mariage : toutefois à défaut de démontrer que les fonds ayant servi au remboursement de l’emprunt de la maison de [Y] ont un caractère propre, les moyens tenant à la contribution aux charges du mariage sont inopérants et sans objet.
Dès lors la décision du premier juge sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [R] de ses demandes de créance au titre du remboursement des échéances du prêt immobilier.
Sur le rapport d’une dette de 24.615,51 euros
Les héritiers de Mme [F] font valoir que Mme [F] disposait de sommes bien plus importantes sur ses comptes un mois avant son décès qu’au jour retenu par le notaire pour réaliser l’actif de succession : ainsi une somme de 24.615,51 euros a été retirée des comptes personnels de Mme [F], alors qu’elle était hospitalisée au Cancéropole depuis le mois de septembre 2016, outre une somme d’un peu plus de 5.000 euros depuis le compte-joint. Ces sommes ont été retirées au moyen de deux chèques notamment, l’un de 10.000 euros deux jours avant le décès de Mme [F] et l’autre de 10.000 euros retiré de son compte trois jours après son décès.
Sans vraiment contester que ces retraits pour un montant de 24.615,51 euros ont bien été réalisés par M. [R], il produit les relevés de compte notamment du compte commun qui établissent l’encaissement sur ce compte d’au moins un des chèques de 10000 euros à la date du 17 janvier 2017, et le retrait de la somme en espèces de 5.000 euros le 20 janvier 2017 sur le même compte joint ouvert auprès de la BNP Paribas, ce qui conforte l’affirmation des intimés sur le prélèvement de ces sommes par M. [R].
Par ailleurs M. [R] affirme qu’il a entendu récupérer des héritages personnels qui ont été apportés aux comptes personnels de son épouse. Il soutient ainsi :
– en 2010 avoir reçu une première somme suite à la cession du domicile de sa mère, sans en préciser le montant,
– avoir bénéficié de la succession de son oncle, [W] [R], décédé le 4 juin 2011 pour une somme de 15.483,33 euros après paiement des droits, sur un contrat d’assurance vie,
– avoir bénéficié de la succession de sa mère décédée le 14 janvier 2012 , sans justifier du montant perçu.
M. [R] produit des extraits de compte de son épouse de 2012 et 2013 pour démontrer des versements en lien avec les sommes perçues dans le cadre de ces successions : toutefois il ne peut être fait aucun lien entre des sommes indéterminées et celles relevées dans ses écritures.
Dès lors, la décision sera infirmée en ce que la demande de rapport de la somme de 24615,51 euros a été rejetée.
Sur le caractère de la somme de 5.000 euros retirée par M. [R]
Il n’est pas contesté que M. [R] a retiré en espèces une somme de 5.000 euros depuis le compte joint à la date du 20 janvier 2017 : si M. [R] argue de ce que le compte joint était alimenté exclusivement par ses revenus et qu’il détenait ainsi le droit de prélever cette somme, toutefois il a été démontré que préalablement à ce retrait un chèque de 10.000 euros avait été encaissé sur le compte provenant d’un compte de son épouse.
Dès lors, M. [R] a déjà été condamné à rapporter cette somme qui est comprise dans la demande précédente.
De sorte que la décision qui a rejeté cette demande sera confirmée mais elle sera réformée en ce qu’elle a constaté que ces fonds constituaient des biens propres.
Sur les demandes au titres des meubles meublants
Le contrat de mariage signé entre les époux prévoit en son article 2 que chacun des époux établira la propriété de ses biens par tous les moyens de preuve prévus par la loi.
L’alinéa 2 de cet article prévoit en son 2° que ‘ les meubles meublants et objets mobiliers qui se trouveront dans les lieux où les deux époux demeureront ou résideront en commun (quel que soit le propriétaire de l’immeuble ou le titulaire du bail) seront présumés appartenir à la future épouse. Chaque époux sera cependant propriétaire de la vaisselle ou de l’argenterie à son chiffre ou à celui de la famille’, étant précisé que ce paragraphe a été modifié manuellement par le notaire, la mention ‘appartenir par moitié à chacun d’eux’ ayant été remplacée par la mention ‘appartenir à la future épouse’.
Par conséquent, à défaut pour M. [R] de rapporter la preuve par tous moyens de ce qu’il serait propriétaire des meubles listés par l’huissier, ces meubles meublants seront considérés comme la propriété exclusive de l’épouse.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Aucune considération d’équité n’impose l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, étant rappelé que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, sans qu’il y ait lieu de remettre en cause la décision du premier juge de ce chef.
PAR CES MOTIFS
la Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort.
statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a :
– dit que M. [X] [R] doit à l’indivision une indemnité d’occupation de 700 euros par mois à compter du 20 janvier 2018 ;
– rejeté la demande relative au rapport de la dette de 24 515,51 euros par M. [X] [R] ;
– dit que la somme de 5 000 euros retirée par M. [X] [R] du compte-joint constituait des fonds personnels ;
– dit que les meubles meublants du domicile conjugal appartenaient aux époux en indivision chacun pour moitié ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
– dit que M. [X] [R] doit à l’indivision une indemnité d’occupation de 544 euros par mois à compter du 20 janvier 2018 jusqu’au 31 août 2020 ;
– Condamne M. [X] [R] à rapporter la somme de 24 515,51 euros à la succession ;
– Dit que la somme de 5 000 euros retirée par M. [X] [R] du compte-joint est déjà comprise dans la somme de 24.515,51 euros et qu’il n’y a dès lors pas lieu de rapporter cette somme supplémentaire ;
– Dit que les meubles meublants du domicile conjugal sont la propriété exclusive de la de cujus,
Confirme la décision pour le surplus des chefs déférés,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
M. TACHON C. DUCHAC .