Prêt entre particuliers : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/04036

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Prêt entre particuliers : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/04036

30 mars 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG
20/04036

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 30 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/04036 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OWHC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 JUILLET 2020 Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER N° RG 1801034

APPELANTE :

Madame [Y] [L]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7] (99)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Laura PAINBLANC substituant Me Assia BESSA SOUFI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007628 du 29/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIME :

Monsieur [B] [M]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8] (99)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par Me Christelle CLEMENT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 février 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [Y] [L] soutient qu’en fin d’année 2013, elle a prêté à M. [B] [M], qui était à l’époque son gendre, la somme de 15 800 euros, et qu’en 2014, elle a versé sur son compte en 5 reprises, la somme de 3 500 euros, sans qu’aucun écrit ne soit établi.

Dans le courant du mois d’août 2015, M. [M] a signé trois chèques de la Banque Populaire du Sud à l’ordre de Mme [L], pour un montant total de 15 800 euros en remboursement de sa première dette. Ces chèques été rejetés par la banque, M.[M] ayant clôturé son compte bancaire émetteur des chèques susvisés et fait opposition à l’un des chèques.

Malgré ses relances et une tentative amiable de règlement du litige, Mme [L] n’a jamais obtenu son remboursement.

Suivant acte d’huissier de justice en date du 21 février 2018, elle a fait assigner M. [M] pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 19 300 euros ainsi que la réparation de son préjudice moral.

Par jugement en date du 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

au titre d’un contrat de prêt,

– déclaré irrecevable l’action fondée sur l’enrichissement injustifié,

– débouté M. [M] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,

– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné Mme [L] aux dépens de l’instance.

Vu la déclaration d’appel de Mme [L] en date du 28 septembre 2020,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 11 janvier 2023,

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 10 janvier 2023, Mme [L] sollicite qu’il plaise à la cour d’infirmer et annuler le jugement dont appel et statuant à nouveau :

* A titre principal :

– condamner M. [M] à lui payer la somme de 19 300 euros en remboursement du prêt que celle-ci lui a consenti,

– condamner M. [M] à payer le principal ainsi que les intérêts au taux légal depuis le 17 septembre 2015 soit la date du rejet du premier chèque,

* A titre subsidiaire :

– condamner M. [M] à lui payer la somme de 19 300 euros au titre de l’action de in rem verso,

– condamner M. [M] à payer le principal ainsi que les intérêts au taux légal depuis le 17 septembre 2015 soit la date du rejet du premier chèque,

* En tout état de cause :

– condamner M. [M] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

– débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [M] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 février 2021, M. [M] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommage set intérêts pour procédure abusive,

– infirmer le jugement dont appel sur cette disposition et, statuant à nouveau :

– condamner Mme [L] à lui régler la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner Mme [L] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS

Mme [L] fait grief au jugement entrepris d’avoir considéré qu’elle n’apportait pas la preuve du prêt alors que M.[M], qui ne conteste pas la réalité du prêt, lui a fait trois chèques de 10 000, 3 000 et 2 800 euros en août 2015 en remboursement de sa première dette, qui ont fait l’objet d’un rejet de sa banque aux motifs de clôture du compte émetteur et d’opposition sur le chèque. M. [M] a, par la suite, tenté de l’intimider en lui adressant plusieurs SMS faisant référence au remboursement de la somme dont il lui était redevable. Elle est en mesure de verser plusieurs témoignages, et notamment celui de Mme [W], qui viennent confirmer la réalité du prêt de la somme de 19 300 euros.

Mme [L] soutient par ailleurs qu’elle n’a jamais été animée par une quelconque intention libérale, ce que l’emprunteur reconnaît implicitement dans ses SMS quand il utilise le terme « rembourser ». Pour conforter le fait qu’elle n’avait aucune intention libérale, elle fait le parallèle avec un autre prêt pour lequel une reconnaissance de dette avec été réalisée le 13 juin 2014 à l’initiative de l’associé de l’emprunteur.

Sur l’impossibilité morale d’établir un écrit, elle soutient que cette impossibilité est nécessairement présente compte tenu du lien familial les unissant. Profitant de son état de vulnérabilité, alors qu’elle est âgée de 59 ans, reconnue adulte handicapé et souffrant d’épisodes dépressifs, son beau-fils l’a convaincue de lui consentir un prêt sans rédiger d’écrit, en raison de leur attachement réciproque.

A titre subsidiaire, Mme [L], en application des articles 1303 et 1303-1 du Code civil, soutient que l’enrichissement est injustifié puisqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation ni de son intention libérale. En l’espèce, toutes les conditions nécessaires sont parfaitement remplies puisque, concernant la condition économique, il ne fait aucun doute qu’elle a versé à M. [M] en toute confiance la somme totale de 19 300 euros et, concernant la condition juridique, que sa créance ne procède d’aucune obligation, contrat, ni convention.

M. [M] rétorque que les cinq versements pour la somme de 3500 euros intervenus en 2014 ne sont pas des prêts, mais des remboursements correspondants à des sommes que Mme [L] avait choisi de régler pour le compte de sa fille. Par ailleurs, il rappelle que la remise de la chose ne suffit pas à démontrer la nature du contrat lorsqu’il s’agit d’un contrat réel comme le contrat de prêt. Ainsi, si Mme [L] rapporte la preuve qu’elle lui a remis la somme de 3 500 euros, elle ne démontre pas qu’il s’agissait d’un prêt.

M. [M] souligne que Mme [L] ne verse aux débats aucun élément tendant à prouver qu’elle lui aurait remis la somme de 15.800 euros. En effet, concernant la remise d’un chèque de 3000 euros, il affirme qu’il correspond à un remboursement du prêt consenti par Mme [L] au bénéfice de sa société. Ce chèque ne concerne donc pas le litige. Il conteste formellement être l’auteur des deux autres chèques qui ne portent ni sa signature, ni son écriture. Il avait d’ailleurs dès le jugement de première instance sollicité une vérification d’écritures. Il rappelle qu’à l’époque des faits, Mme [L] était sa belle-mère et qu’elle avait accès à son domicile, venant régulièrement rendre visite à sa fille ainsi qu’à ses petits-enfants.Sur l’impossibilité morale d’établir un écrit, M. [M] réplique que Mme [L] a versé aux débats une reconnaissance de dette régularisée par sa société, qui vient démontrer que l’impossibilité morale ne peut être soutenue, d’autant plus que les liens de famille ne suffisent pas à caractériser l’impossibilité morale.

Sur l’enrichissement sans cause, M. [M] répond que l’action sur ce fondement ne peut être admise pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut voir prospérer faute d’apporter la preuve qu’elle exige. En l’espèce, Mme [L] ne démontre pas la réalité du prêt au soutien de son action principale, elle est donc irrecevable en sa demande.

Sur la recevabilité des conclusions d’appelant :

L’article 802 du Code de procédure civile dispose : « Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion en peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. »

L’article 803 du même code ajoute que « L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue […] »

M. [M] par conclusions en date du 18 janvier 2023 soulève l’irrecevabilité des conclusions d’appelant en date du 10 janvier 2023 ainsi que des pièces n° 19 et 20 qui, si elles figurent au bordereau des pièces, ne lui ont pas été communiquées.

Mme [L] a fait valoir des conclusions et deux nouvelles pièces qu’elle s’abstenait de communiquer le 10 janvier 2023. Aux termes de nouvelles conclusions dites récapitulatives en date du 24 janvier 2023, elle demande à titre liminaire, principalement le rejet des conclusions d’intimé du 18 janvier 2023 et réitère ses demandes sur le fond.

S’agissant des conclusions, la clôture des débats étant intervenue le 11 janvier 2023, Mme [L] pouvait, avant cette clôture, ainsi qu’elle l’a fait le 10 janvier 2023, faire valoir de nouvelles conclusions lesquelles, par ailleurs, présentaient les mêmes prétentions que ses conclusions précédentes.

En revanche, Mme [L], qui ne justifie d’aucun motif sérieux, ne pouvait plus le 24 janvier 2023 faire valoir de nouvelles conclusions sur le fond ; si bien que ces dernières conclusions seront, déclarées irrecevables.

M. [M] pouvait légitimement après la clôture des débats, ainsi qu’il l’a fait le 18 janvier 2023, faire valoir des conclusions demandant le rejet de conclusions qu’il juge tardives et des pièces qui ne lui ont jamais été communiquées.

S’agissant des pièces n° 19 et 20, la cour a pu constater que l’avocat de Mme [L], reconnaissant qu’elles n’avaient pas été communiquées à son adversaire en temps utiles, a retiré ces pièces de son dossier.

Sur l’existence d’un prêt :

L’article 1315 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, que celui qui réclame |’exécution d’une obligation doit la prouver et de l’article 1341 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, qu’il doit être passé acte devant notaire ou sous seing privé de toutes choses excédant 1 500 euros.

L’article 1347 du Code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce, prévoit que l’exigence d’un écrit souffre exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit, c’est-à-dire un acte qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué.

L’article 1348 du même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose que les règles ci-dessus reçoivent encore exception lorsque l’obligation est née d’un quasi-contrat, d’un délit ou d’un quasi-délit, ou lorsque l’une des parties, soit n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d’un cas fortuit ou d’une force majeure.

Mme [L] sollicite le remboursement de la somme totale de 19 300 euros dont elle prétend qu’elle l’aurait versée pour un montant de 3 500 euros en espèces entre le 3 avril 2014 et le 17 juin 2014 et pour un montant de 15 800 euros par chèques de 10000 euros le 15 octobre 2014, de 2 800 euros le 1er août 2015 et de 3 000 euros le 30 août 2015.

Mme [L] affirme qu’elle ne pouvait pas se constituer une preuve écrite en raison des liens familiaux qui l’unissait à M.[M]. Ce dernier affirme cependant, sans être contredit, que le comportement de sa belle mère a provoqué le délitement de son couple et son divorce. Mme [L] ne peut donc pas arguer que les liens de famille justifient l’absence d’écrit. Il est d’ailleurs constaté qu’elle a fait un prêt dans l’intérêt de la société dans laquelle son beau-fils était associé et a su solliciter une reconnaissance de dette en 2014.

Au vu des relevés de compte que Mme [L] verse aux débats, il apparaît, à la lecture des mentions qu’elle y a apposées, que les sommes versées étaient destinées non pas à M. [M] mais à sa fille [U].

S’agissant du chèque de 3 000 euros en date du 30 août 2015, M. [M] ne conteste pas l’avoir rédigé et signé mais affirme qu’il est venu en remboursement d’un prêt fait par Mme [L] pour la société ACF. Mme [L], sur laquelle porte la charge de la preuve, n’est pas en mesure de le contredire, alors qu’elle démontre qu’elle a bien procédé à un prêt dans l’intérêt de ladite société.

S’agissant des deux autres chèques de 10 000 et 2 800 euros, M. [M] conteste son écriture et sa signature. Malgré une rédaction équivoque, il semble que le premier juge, qui ne disposait pas des documents originaux, n’a donc pas pu faire de vérification d’écriture mais a considéré que les éléments de preuve qui lui étaient soumis, étaient suffisants pour démontrer que M.[M] n’avait ni rédigé ni signé ces chèques.

S’agissant des attestations versées aux débats par Mme [L], la cour ne peut que constater leur absence de force probante, les témoins se contentant de rapporter les dires de Mme [L].

Les échanges de SMS communiqués par Mme [L] ne sont pas plus probants dans la mesure où si l’un des messages indique « Si tu retires pas ta plainte je te rembourserai pas tes 19000 sale mécréante », envoyé par « Fpuad » avec le numéro +336501250003, rien, à part les seuls dires de Mme [L], ne permet d’établir qu’il est bien l’auteur dudit message.

Mme [L] soutient qu’elle n’avait aucune intention libérale. Ce moyen sera considéré comme vain dès lors qu’elle ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une dette.

Sur l’enrichissement sans cause :

La cour, comme le premier juge, rappellera que l’action de in rem verso ne peut être admise pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut plus intenter par suite d’une prescription, d’une déchéance ou forclusion ou par l’effet de l’autorité de la chose jugée, ou parce qu’il ne peut apporter les preuves qu’elle exige, ou par suite de tout autre obstacle de droit.

En l’espèce, la demande de remboursement de Mme [L] ne peut prospérer, faute pour elle d’apporter la preuve de l’existence d’un prêt et notamment de l’obligation de remboursement qui lui est attachée. Elle est donc irrecevable l’action de in rem verso.

La décision dont appel est en conséquence également confirmée sur ce point et en ce qu’elle a débouté Mme [L] de ses autres demandes.

Sur l’appel incident de M. [M] :

Le droit d’agir en justice étant un droit fondamental, M.[M], qui ne démontre pas que l’action menée par Mme [L] a procédé d’un esprit de malice, d’une intention nuire ou de mauvaise foi, doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Le jugement dont appel est donc confirmé également sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l’action, Mme [L] sera condamnée, en application de l’article 696 du Code de procédure civile, aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,

DÉCLARE recevables les conclusions d’appelante en date du 10 janvier 2023 et les conclusions d’intimé en date du 18 janvier 2023,

DÉCLARE irrecevables les conclusions d’appelante en date du 24 janvier 2023,

CONSTATE le retrait volontaire par l’appelante des pièces n° 19 et 20,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions telles qu’elles ont été déférées devant la cour d’appel,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [Y] [L] à payer à M. [B] [M] la somme de mille euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE Mme [Y] [L] aux entiers dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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