6 avril 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/01524
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01524 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FQVT
Minute n° 23/00060
[Y]
C/
[V]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 27 Mai 2021, enregistrée sous le n° 2020/02580
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
APPELANTE :
Madame [J] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [K] [V]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Non représenté
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 03 Janvier 2023 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 06 Avril 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Par défaut
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d’huissier du 19 novembre 2020, Mme [J] [Y] a fait assigner M. [K] [V] devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins de solliciter, au visa des articles 1326, 1134, 1342, 1892 et suivants du code civil, de :
– dire et juger sa demande recevable et bien fondée,
– condamner M. [V] à lui verser la somme de 18.712 euros au titre de paiement de son prêt,
– dire que l’intérêt au taux légal commence à courir à partir de l’ordonnance d’injonction de payer,
– condamner M. [U] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [U] aux entiers dépens.
Mme [Y] indique avoir prêté une somme de 20.000 euros par chèque de banque à M. [V], qui lui a délivré une reconnaissance de dette mais n’a honoré que 5 mensualités de remboursement. Elle sollicite donc le solde de sa créance.
Bien que régulièrement assigné à personne le 19 novembre 2020, M. [V] n’a pas constitué avocat.
Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :
– déclaré Mme [Y] recevable en son action,
– débouté Mme [Y] de sa demande en paiement ainsi que de celle formée au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Y] à supporter les dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a relevé qu’il appartenait à Mme [Y] de rapporter la preuve de l’existence du contrat de prêt qu’elle invoquait mais que le document qu’elle produisait ne comportant pas la mention écrite par M. [V] des sommes en toutes lettres, cet acte ne répondait pas aux exigences de l’article 1375 du code civil et ne pouvait valoir que commencement de preuve par écrit. Le tribunal a ensuite constaté que Mme [Y] ne produisait qu’une autre pièce, soit un récépissé de demande de chèque de banque, qui ne mentionnait pas le nom de l’émetteur du chèque. Il en a conclu qu’il n’était pas démontré le transfert de la somme de 20.000 euros d’un compte de Mme [Y] au profit de M. [V].
Par déclaration au greffe de la cour d’appel du 17 juin 2021, Mme [Y] a interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement d’infirmation du jugement rendu le 27 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il l’avait déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.
Par conclusions du 10 septembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [Y] demande à la cour, au visa des articles 1326, 1134, 1341, 1892 et suivants du code civil, de:
– recevoir son appel et le dire bien fondé,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement ainsi que de celle formée au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens, et statuant à nouveau,
– recevoir ses demandes et les dire bien fondées,
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 18.712 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 septembre 2019,
– condamner M. [V] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel ainsi qu’à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [Y] fait valoir que le prêt passé entre elle et M. [V] a reçu commencement d’exécution puisque M. [V] a versé 5 mensualités et que celui-ci ne peut plus contester un engagement qui a reçu un commencement d’exécution.
Elle ajoute que le chèque de banque a été établi à l’ordre de M. [V], qu’il a bien été encaissé par ce dernier et que la reconnaissance de dette établie par celui-ci le 4 janvier 2019 soit le même jour que le chèque de banque, est un document écrit par M. [V] comprenant un engagement de rembourser ladite somme. Elle estime qu’il n’a pas respecté son engagement et qu’elle est bien fondée dans sa demande en paiement du solde.
Elle ajoute qu’à supposer que la reconnaissance de dette ne soit considérée que comme un commencement de preuve, celle-ci est suffisamment complétée par des éléments extrinsèques.
M. [V] n’a pas constitué avocat à hauteur de cour. La déclaration d’appel ainsi que les conclusions de Mme [Y] lui ont été signifiées à domicile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le fond
L’article 1359 du code civil et le décret n°80-533 du 15 juillet 1980 imposent de prouver par écrit, sous signature privée ou authentique, un acte juridique portant sur une somme supérieure à 1.500 euros.
En outre l’article 1376 du code civil dispose que l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent de fait preuve que s’il comporte la signature de ce lui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme en toutes lettres et en chiffres.
En l’absence de la mention de la somme écrite en toutes lettres, l’acte sous seing privé ne peut constituer qu’un commencement de preuve par écrit qui, selon l’article 1362 du même code, rend vraisemblable ce qui est allégué. Il appartient alors à celui qui s’en prévaut de parfaire la valeur probante de cet acte par d’autres éléments.
En l’espèce Mme [Y] produit un écrit du 4 janvier 2019 intitulé «reconnaissance de dette» qui comporte la mention manuscrite suivante : «Je soussigné [V] [K], atteste avoir emprunté 20.000 euros à Mme [Y] [J]. Je m’engage à rembourser cette somme par mois avec un montant de 322 euros jusqu’à ce que mon rachat de prêt soit effectif». Cette mention est suivie de l’indication du nom de M. [V] et de sa signature.
Si la mention manuscrite ne comporte pas la mention en toutes lettres des sommes de 20.000 euros et de 322 euros et ne peut dès lors être considérée que comme un commencement de preuve par écrit, il en résulte toutefois de manière certaine que M. [V] s’est engagé à rembourser à Mme [Y] la somme qu’elle lui avait prêtée par le versement de mensualités.
Le montant de la somme prêtée, soit 20.000 euros, est confirmé par la production en appel de la copie d’un chèque de banque établi le 4 janvier 2019, soit le même jour que la reconnaissance de dette, au nom de [V] [K] et dont le numéro correspond au document produit par Mme [Y] intitulé «récépissé de votre demande de chèque de banque» daté également du 4 janvier 2019, rappelant que le montant du chèque est de 20.000 euros et qu’il est destiné à M. [V].
Ces éléments rapportent ainsi la preuve de l’existence du prêt de 20.000 euros effectué par Mme [Y] à M. [V] le 4 janvier 2019 et que ce dernier s’était engagé à rembourser mensuellement.
Malgré une mise en demeure adressée par le conseil de Mme [Y] par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 23 septembre 2019, M. [V] n’a pas remboursé l’intégralité de la somme prêtée et n’a donc pas respecté ses obligations contractuelles.
Mme [Y] a indiqué tant en première instance qu’en appel que M. [V] avait réglé 5 mensualités ce qui représente, selon la reconnaissance de dette qui prévoyait des mensualités de 322 euros et en l’absence de décompte de l’appelante la somme de 1.610 euros et non 1.288 euros (soit la différence entre 20.000 euros et la somme de 18.712 euros sollicitée).
En conséquence, M. [V] doit être condamné à payer à Mme [Y] le solde restant dû soit 18.390 euros (20.000 ‘ 1.610) avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2019, date de réception de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme [Y] de ses demandes.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement entrepris sera également infirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [V] qui succombe sera condamné aux dépens.
L’équité commande également de le condamner à payer à Mme [Y] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimé succombant également en appel sera condamné aux dépens de celui-ci.
L’équité commande de laisser à la charge de Mme [Y] les frais engagés par elle en appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Metz du 27 mai 2021 dans toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Condamne M. [K] [V] à payer à Mme [J] [Y] la somme de 18.390 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2019 ;
Déboute Mme [J] [Y] du surplus de sa demande;
Condamne M. [K] [V] aux dépens ;
Condamne M. [K] [V] à payer à Mme [J] [Y] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
Y ajoutant,
Condamne M. [K] [V] aux dépens de l’appel ;
Déboute Mme [J] [Y] de sa demande formée en appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente de Chambre