Your cart is currently empty!
15 mai 2023
Cour d’appel d’Agen
RG n°
22/00804
ARRÊT DU
15 Mai 2023
HL / NC
——————–
N° RG 22/00804
N° Portalis DBVO-V-B7G -DBJJ
——————–
[V] [C]
C/
[N] [B]
SA AXA FRANCE VIE
SA AXA FRANCE IARD
——————-
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 213-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Monsieur [V] [C]
né le 08 août 1963 à [Localité 4] (47)
de nationalité française, gérant de société
domicilié : ‘[Adresse 7]’
[Localité 3]
représenté par Me Louis VIVIER, avocat au barreau d’AGEN
APPELANT d’une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Agen en date du 05 octobre 2022,
RG 21/01734
D’une part,
ET :
SA AXA FRANCE VIE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
RCS [Localité 6] 310 499 959
SA AXA FRANCE IARD pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
RCS [Localité 6] 722 057 460
toutes deux sises : [Adresse 2]
[Localité 6]
représentées par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Jacques FOUÉRÉ, avocat plaidant au barreau de PARIS
Monsieur [N] [B] assisté de son curateur M. [V] [B]
né le 02 janvier 1943 à [Localité 4] ([Localité 5])
de nationalité française
domicilié : [Adresse 1]
[Localité 4]
Assigné, n’ayant pas constitué avocat
INTIMÉS
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 20 février 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Présidente : Valérie SCHMIDT, Conseiller,
Assesseur : Hervé LECLAINCHE, Magistrat honoraire qui a fait un rapport oral à l’audience
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :
Pascale FOUQUET, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 26 octobre 2009, M. [N] [B], déclarant agir ès qualités d’agent mandataire AXA, a reconnu avoir reçu de M. [V] [C] la somme de 36 391 €, en vue de son placement.
Aucun contrat de placement n’a cependant été signé.
Par acte sous seing privé du 7 décembre 2020, M. [B] a reconnu devoir cette somme à M. [C] et s’est engagé à la lui restituer dans les meilleurs délais, ajoutant que s’il décédait ses héritiers seraient solidairement tenus de le faire.
Le 23 avril 2021, M. [C] s’est plaint par téléphone des agissements de M. [B] auprès de la compagnie AXA, et a demandé par SMS à M. [I] [X], inspecteur manager commercial de la compagnie AXA France, quelle position comptait prendre la société dans ce dossier litigieux.
Par mail du 28 mai 2021, M. [X] a invité M. [C] à adresser une réclamation par courrier recommandé.
Par courrier du 6 juillet 2021, le conseil de M. [C] a mis M. [B] en demeure de rembourser la somme de 36 391 €.
Par acte d’huissier du 9 novembre 2021, M. [C] a fait assigner M. [B] et la société AXA France devant le tribunal judiciaire d’Agen.
Par acte d’Huissier du 10 novembre 2021 M. [C] a fait assigner M. [B] et la société AXA France IARD devant le tribunal judiciaire d’Agen.
Il demandait dans les deux cas au tribunal, sur le fondement de l’article L. 511-1 du code des assurances et des articles 1103, 1104, 1342-2, 1344 et 1376 du code civil :
– De condamner conjointement et solidairement la société AXA France et M. [B] à lui payer la somme de 36 391 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2021, en vertu de la reconnaissance de dette du 7 décembre 2020 ;
– D’ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil ;
– De condamner conjointement et solidairement la société AXA France et M. [B] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;
A défaut, il demandait au tribunal :
– De condamner M. [B] à lui régler la somme de 36 391 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2021 ;
– D’ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– De condamner M. [B] à lui payer la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice financier ;
En tout état de cause, il demandait au tribunal :
– De condamner conjointement et solidairement la société AXA France et M. [B] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– De condamner conjointement et solidairement la société AXA France et M. [B] aux entiers dépens.
Par conclusions d’incident du 27 janvier 2022, les sociétés AXA France IARD et AXA France Vie ont demandé au juge de la mise en état :
– De déclarer irrecevable l’action de M. [B] à l’encontre de la société AXA France IARD ;
– De recevoir la société AXA France Vie en son intervention volontaire ;
– De déclarer l’action de M. [B] prescrite ;
– De condamner M. [B] à payer à la société AXA France Vie la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par ordonnance contradictoire du 5 octobre 2022, le juge de la mise en état a :
– Constaté l’intervention volontaire à l’instance de la société AXA France Vie ;
– Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés AXA France IARD et AXA France Vie tenant au défaut d’intérêt ou de qualité à défendre de la première citée ;
– Dit M. [C] irrecevable en son action à l’égard des sociétés AXA France IARD et AXA France Vie pour cause de prescription extinctive ;
– Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [B] tenant à la prescription extinctive ;
– Condamné M. [B] à payer à M. [C] la somme de 1 000 € en application de
l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Renvoyé les parties à la mise en état ;
– Dit que les dépens de l’incident seraient joints à ceux de l’instance principale.
Par déclaration du 6 Octobre 2022, M. [C] a relevé appel de cette ordonnance, uniquement en ce qu’elle le déclarait irrecevable en son action à l’égard des sociétés AXA France IARD et AXA France Vie pour cause de prescription extinctive.
Par conclusions visées le 25 Janvier 2023, M. [C] demande à la Cour, sur le fondement de l’article L. 511-1 du code des assurances, de l’article 1242 du code Civil et des articles 328 et suivants, 789-6 et 2224 du code de procédure civile :
– De le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
– De réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle l’a déclaré irrecevable en son action à l’égard des sociétés AXA France IARD et AXA France Vie pour cause de prescription extinctive ;
En conséquence, statuant à nouveau :
– Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés AXA France IARD et AXA France Vie tenant à la prescription extinctive par application de l’article 2224 du code civil ;
– De dire et juger que son action n’est pas prescrite ;
– De confirmer l’ordonnance entreprise pour le surplus ;
Y ajoutant,
– De condamner conjointement et solidairement les sociétés AXA France IARD et AXA France Vie et M. [B] au paiement de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– De les condamner aux dépens de l’incident.
Par jugement du 8 décembre 2022, M. [N] [B] a été placé sous la curatelle renforcée de son fils, M. [V] [B]. La déclaration d’appel a été signifiée au curateur par acte d’huissier du 15 décembre 2022 conformément à l’article 468, alinéa 3 du code civil.
Pour voir déclarer son action recevable, M. [C] rappelle que cette dernière est fondée sur l’article L. 511-1 du code des assurances, donc sur la responsabilité des commettants, et non sur un fondement contractuel.
M. [C] soutient que la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés et mandataires trouve à s’appliquer dès lors que M. [B], mandataire de l’assureur, s’est rendu auteur d’un détournement de fonds alors qu’il agissait dans le cadre de ses fonctions, ce qui a été constaté par un reçu sur papier à en-tête de la société AXA, puis par une reconnaissance de dette ; que l’action indemnitaire peut être dirigée à la fois contre le mandataire indélicat et son mandant, ce dernier intervenant en qualité de civilement responsable.
M. [C] soutient que le délai d’action de cinq ans fixé par l’article 2224 du code civil s’écoule à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle ce dernier a été révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en n’avait pas eu précédemment connaissance ; il situe le point de départ du délai au 7 décembre 2020, date à laquelle M. [B] s’est révélé dans l’impossibilité de représenter les fonds, voire au 28 mai 2021, date à laquelle la compagnie AXA aurait indiqué qu’elle ne les verserait pas. Il en déduit que son action, engagée le 10 novembre 2021, n’est pas prescrite.
Il ajoute que l’ordonnance doit être confirmée en ce qu’elle déclare que son action n’est pas prescrite à l’égard de M. [B] (ce qui ne fait l’objet d’aucun appel).
Pour voir confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société AXA France IARD, M. [C] soutient que M. [B] se présentait indifféremment comme mandataire de cette société ou de la société AXA France Vie, et agissait pour le compte de ces deux sociétés ; que dès lors il est bien fondé à agir à l’encontre de la société AXA France IARD, quand bien même cette dernière ne distribuerait pas de produits de placement ; qu’en toute hypothèse il y a là un débat de fond.
Par conclusions visées le 16 janvier 2023 et signifiées au curateur de M. [B] par acte du 3 février 2023, les sociétés AXA France et AXA France Vie IARD demandent à la Cour :
– D’infirmer partiellement la décision entreprise, et d’accueillir la fin de non-recevoir soulevée par la société AXA France IARD tenant au défaut de qualité pour agir à son encontre, ou à son défaut de qualité pour défendre ;
– De confirmer partiellement la décision entreprise, et de dire M. [V] [C] irrecevable en son action à l’égard de la société AXA France Vie, et à toutes fins de la société AXA France IARD, pour cause de prescription extinctive ;
– De condamner M. [V] [C] à payer à la société AXA France Vie la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance.
Pour voir déclarer irrecevable l’action de M. [C] à l’encontre de la société AXA France IARD, il est soutenu que cette société ne saurait avoir été le commettant de M. [B] dans une activité de placement étrangère à son objet social, lequel ne prévoit que l’assurance et la réassurance, à l’exception des opérations réservées aux sociétés d’assurance-vie ; que l’action ne peut être recevable qu’à l’encontre de la société AXA France Vie, dont l’objet est notamment de faire appel à l’épargne en vue de la capitalisation.
Pour voir confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré prescrite l’action de M. [C] à l’encontre de la société AXA France Vie, il est soutenu que la faute reprochable à la compagnie étant de ne pas avoir établi de contrat, M. [C] a eu immédiatement conscience de cette anomalie du fait de son expérience en la matière et aurait dû agir avant le 26 décembre 2014.
Il est enfin observé que la société AXA France Vie n’ayant pas été assignée, l’assignation n’a pas interrompu la prescription à son égard.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SA AXA France IARD :
L’article 789, 6° du code de procédure civile donne compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir énumérées par l’article 122 du même code, telles que le défaut de qualité ou d’intérêt.
Le fait que la SA AXA France IARD couvre, comme sa dénomination l’indique, les incendies, accidents et risques divers ne prive pas M. [C] du droit d’agir à son encontre et ne prive pas cette société du droit de se défendre en justice. La question de sa condamnation éventuelle constituant un problème de fond, le juge de la mise en état ne pouvait que rejeter cette prétendue fin de non-recevoir. L’ordonnance déférée sera confirmée sur ce point.
Sur la prescription de l’action de M. [C] à l’encontre des compagnies :
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. L’action fondée sur l’article L. 511-1 du code des assurances n’échappe pas à l’application de ce délai de droit commun.
Il est établi par l’écrit du 26 octobre 2009 que M. [B] a reçu de M. [C] la somme de 36 391 € le 26 octobre 2009 ès qualités d’agent mandataire AXA. Dès lors, M. [C] pouvait légitimement croire que M. [B] agissait en vertu d’un mandat et dans les limites de son mandat.
Les sociétés AXA, opposent à M. [C] son inaction à la suite de l’absence d’établissement d’un contrat écrit lors de la remise des sommes destinées à des placements financiers ; toutefois, la carence d’un tel écrit n’est pas imputable à un manquement de M. [C], profane en la matière, le simple fait d’avoir déjà souscrit des contrats ne le constituant pas derechef spécialiste de produits financiers, mais à celui du professionnel qui les propose à ses clients, soit en l’espèce les sociétés AXA au nom desquelles agissait M. [B], lesquelles étaient avisées des dispositions particulières les obligeant à respecter ce formalisme ; les sociétés AXA, ne peuvent dès lors reprocher une inaction de M. [C] qui ne résulte pas de sa négligence, mais d’un manquement à leurs obligations.
En tout état de cause, par une reconnaissance de dette du 7 décembre 2020, M. [B] s’est reconnu personnellement débiteur de cette somme. A cette date seulement, il est établi que M. [C] a connu le détournement commis par M. [B] et le délai a commencé à s’écouler. Il n’était donc pas écoulé au 9 novembre 2021, date de l’assignation, et l’ordonnance déférée sera infirmée en ce qu’elle a déclaré l’action de M. [C] prescrite.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il y a lieu de condamner la société AXA France Vie, qui succombe, aux dépens d’appel et à payer à M. [V] [C] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
CONFIRME l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la prétendue fin de non-recevoir soulevée au profit de la SA AXA France IARD ;
INFIRME l’ordonnance déférée en ce qu’elle a déclaré M. [V] [C] irrecevable en son action pour cause de prescription extinctive ;
CONDAMNE la SA AXA France Vie à payer à M. [V] [C] et à la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
CONDAMNE la SA AXA France Vie aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Valérie SCHMIDT, présidente, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, La Présidente,