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16 mai 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/02397
16/05/2023
ARRÊT N°311/2023
N° RG 22/02397 – N° Portalis DBVI-V-B7G-O3MD
EV/IA
Décision déférée du 15 Juin 2022 – Juge de l’exécution de TOULOUSE ( 22/01361)
[G]
[S] [R]
C/
[O] [I]
[D] [H]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [S] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Véronique CHHUA, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.012464 du 11/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉS
Madame [O] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christine VAYSSE-LACOSTE de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [D] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Christine VAYSSE-LACOSTE de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E.VET, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
Par jugement du 1er octobre 2021, signifié le 20 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a condamné Mme [S] [R] à verser à Mme [O] [I] et M. [D] [H] la somme de 11’340 € en principal outre 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 3 décembre 2021, M. [H] et Mme [I] ont fait délivrer un commandement de payer à Mme [R].
Le 31 janvier 2022, l’huissier instrumentaire, informait les créanciers qu’aucun compte n’était enregistré au nom de Mme [R] mais qu’elle avait pris contact avec l’étude sans proposer de solution de paiement étant au RSA et hébergée par ses parents.
Par acte du 9 mars 2022, Mme [R] a fait assigner M. [H] et Mme [I] devant le juge de l’exécution de Toulouse aux fins d’obtenir un report du paiement de la dette avec suspension des majorations de retard, rejet des effets de l’anatocisme limitation des intérêts au taux légal.
Par jugement du 15 juin 2022, le juge de l’exécution de Toulouse a :
‘ débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
‘ condamné Mme [R] à verser 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ débouté les parties de toutes demandes de plus en plus contraires,
‘ rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.
Par déclaration du 24 juin 2022, Mme [R] a formé appel de chacun des chefs du dispositif de la décision.
Par dernières conclusions du 23 mars 2023, Mme [R] demande à la cour de :
‘ déclarer Mme [S] [R] recevable et bien fondée en son appel, Y faisant droit,
‘ infirmer le jugement du 15 juin 2022 rendu par le juge de l’exécution près le Tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu’il a :
– débouté Mme [S] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamné Mme [S] [R] à la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
En conséquence, statuant à nouveau :
‘ déclarer que Mme [S] [R] a versé la somme de 3.500,00 € à la Selarl Qualijuris, commissaire de justice mandaté par Mme [O] [I] et M. [D] [H] arrêté au 28 mars 2023,
‘ juger que la dette de Mme [S] [R] au bénéfice Mme [O] [I] et M. [D] [H] est arrêtée à la somme de 13.641,22 €,
‘ accorder à Mme [S] [R] un délai de grâce de deux ans durant lequel le règlement de la créance restant due à Mme [O] [I] et à M. [D] [H] sera reporté,
‘ juger que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard de règlement par Mme [S] [R] cessent d’être dues pendant ce délai de deux ans,
‘ juger que les sommes restant dues au jour du jugement ne pourront produire intérêt au-delà du taux d’intérêt légal,
‘ juger que les sommes réglées par Mme [S] [R] durant ce délai de deux ans s’imputeront en priorité sur le capital restant dû,
‘ juger que chaque partie conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles et dépens.
Par dernières conclusions du 4 août 2022, Mme [I] et M. [H] demandent à la cour de :
‘ confirmer le jugement en date du 15 juin 2022,
‘ débouter Mme [S] [R] de l’ensemble de ses demandes,
‘ condamner Mme [S] [R] au paiement de la somme de 3 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens dont ceux de première instance,
‘ admettre les avocats au bénéfice de l’article 699 du Code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 27 mars 2023.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS
Mme [R] rappelle que ses adversaires ont conclu avec la seule SARL Belycard dont elle était gérante et que bien qu’informés de leur possibilité de déclarer leur créance par le mandataire judiciaire de la société lorsque celle-ci a fait l’objet d’une procédure collective, ils n’ont pas réagi ni sollicité ultérieurement de relevé de forclusion.
Elle fait valoir qu’elle s’est engagée personnellement en lieu et place de la SARL Belycard, dont elle était la gérante alors que rien ne l’y obligeait et alors que les consort [H]-[I] n’avaient plus aucun recours contre la société.
Elle considère que cette démarche empêche que lui soit reprochée sa mauvaise foi.
Elle explique que lorsqu’elle a déclaré son intention de reprendre le contrat sous une nouvelle enseigne, le 23 avril 2019, elle ne faisait pas l’objet d’une interdiction de gérer, celle-ci n’ayant été prononcée que le 3 septembre 2020.
Elle souligne n’avoir jamais contesté la reconnaissance de dette qui lui est opposée et ne pas s’être présentée devant le juge du fond en raison de la sévère dépression dont elle souffre.
Enfin, elle rappelle effectuer des versements mensuels de 250 € depuis février 2022 et précise que malgré ses tentatives d’arrangement amiable de nombreux actes ont été diligentés par l’huissier commis par ses adversaires engendrant des frais importants et inutiles.
Elle considère que seul un report de dette lui permettrait de ne pas mettre en péril son équilibre financier alors qu’un fractionnement de sa dette ne serait pas viable au regard du montant de ses revenus, Elle précise s’engager à continuer ses versements mensuels dans l’hypothèse de l’octroi d’un report de dette.
Les intimés opposent que Mme [R] ne formule aucun engagement de règlement,que seul son comportement lorsqu’elle était gérante de la société a entraîné la situation actuelle et que sa mauvaise foi justifie le rejet de sa demande.
Ils contestent tout abus alors que jusqu’à l’assignation devant le juge de l’exécution Mme [R] n’a rien réglé à l’huissier instrumentaire.
Aux termes des dispositions de l’article 1343-5 du Code civil : «Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. ».
L’article 510 du code de procédure civile prévoit : «Sous réserve des alinéas suivants, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l’exécution…
…Après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’article R. 3252-17 du code du travail, selon le cas, le juge de l’exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.»
En l’espèce, il convient de rappeler les circonstances ayant conduit à la condamnation de Mme [R] à l’égard de Mme [I] et M. [H].
Le 20 octobre 2018, Mme [I] et M. [H] ont conclu un contrat de réservation d’un véhicule moyennant 18’900 € et paiement d’un acompte de 11’340 € avec l’EURL Belycar dont Mme [R] était la gérante.
La livraison prévue fin novembre était reportée au 1er mars 2019. En réponse à une mise en demeure des futurs acquéreurs, Mme [R] établissait, le 23 avril 2019 une attestation sur l’honneur selon laquelle l’EURL Belycar était en phase de clôture d’activité et qu’un nouveau véhicule serait proposé aux futurs acquéreurs mi-juin après la reprise de l’activité au sein d’une nouvelle structure.
Le 18 novembre 2019, elle attestait que l’acompte versé le 20 octobre 2018 serait transféré sur la nouvelle structure dès que celle-ci serait active, structure dont elle précisait l’adresse et le numéro de téléphone. Ce qui était de nature à mettre en confiance ses clients.
Le 11 mars 2020, Mme [R] établissait une troisième attestation sur l’honneur, affirmant sa bonne foi et certifiait que le bien serait livré ou les fonds restitués. Elle expliquait que l’ouverture de la nouvelle structure dépendait du bon vouloir de l’administration le mouvement de grève nationale des magistrats ralentissant la procédure.
Elle évoquait enfin le futur dédommagement des acquéreurs.
Par message du 4 juillet 2020, elle expliquait que la nouvelle structure n’était pas ouverte en raison des lenteurs judiciaires et évoquait toujours le dédommagement futur de ses clients.
Le 14 octobre 2020, elle établissait une reconnaissance de dette à titre personnel pour un montant de 11340 €.
Enfin, par message à l’ensemble de ses clients du 2 février 2021 au nom de la société, Mme [R] indiquait qu’elle allait recontacter chacun pour apporter une réponse concrète à chaque situation.
Il résulte de l’ensemble des courriers établis par Mme [R] qu’elle n’a jamais évoqué la situation dans laquelle se trouvait sa société placée en redressement judiciaire le 18 juin 2018 et en liquidation le 2 avril 2019.
Surtout, alors que la société était en très grande difficulté et même avait disparu, elle faisait toujours croire à ses clients la poursuite de son activité et qu’une solution était possible, par la création d’une nouvelle société dont elle donnait les coordonnées le 14 octobre 2020, alors que par jugement du 3 septembre 2020, le tribunal de commerce de Toulouse avait prononcé à son encontre une interdiction de gérer et d’administrer toute entreprise commerciale, artisanale, agricole et toute personne morale.
À ce titre, la décision du tribunal de commerce reproche à Mme [R] d’avoir fait volontairement preuve d’une absence de coopération dans le cadre de la procédure collective et fait obstacle à son bon déroulement, empêchant notamment par sa carence la vente du fonds de commerce et d’avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements, évoquant notamment pour l’exercice clos le 31 décembre 2017, c’est-à-dire avant la signature du bon de commande, une perte de 220’389 € et des capitaux propres négatifs à hauteur de 654’805 €, concluant «Mme [R] a poursuivi abusivement une exploitation déficitaire en persistant à exploiter depuis 2015 une activité chroniquement déficitaire».
Il résulte de ces éléments, et malgré la rédaction de la reconnaissance de dette, que Mme [R] a fait preuve de mauvaise foi dans la gestion du contrat liant la société qu’elle gérait avec ses adversaires.
Mme [I] et M. [H] ont fait assigner Mme [R] selon acte du 19 avril 21 et obtenu sa condamnation en paiement de la somme de 11’340 € en principal le 1er octobre 2021.
Pourtant, ce n’est qu’à compter de février 2022 que Mme [R] a effectué des versements mensuels.
Si elle justifie ne percevoir que le RSA, elle est hébergée chez ses parents et ne justifie d’aucune charge.
De plus, si Mme [R] s’engage à effectuer des versements de 250 € dans le cas de l’obtention d’un report de dettes, elle ne sollicite pas de délais de paiement sur cette base, proposition qui serait plus de nature à rassurer ses adversaires sur la réalité d’un paiement de leur créance.
Au surplus, Mme [R] ne justifie d’aucune recherche active d’emploi, une simple attestation d’inscription à Pôle Emploi étant insuffisante à justifier de cette recherche active alors qu’il n’est pas démontré que les difficultés médicales dont elle justifie empêchent cette recherche.
Elle ne justifie donc d’aucune garantie quant à la réalité d’un paiement à l’issue d’un report.
Enfin, les tentatives de recouvrement forcé exercées par les créanciers ne peuvent être qualifiées d’abusives au regard des circonstances telles qu’elles ont été rappelées.
En conséquence, il convient de rejeter la demande de report de dette ainsi que celles relatives au taux légal et à l’anatocisme qui seront maintenus par confirmation du jugement déféré.
Enfin, le jugement devra être confirmé en ce qu’il a octroyé à Mme [I] et à M. [H] 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et un montant de 3000 € leur sera accordé en cause d’appel.
Mme [R] qui succombe gardera la charge des dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement déféré,
Condamne Mme [S] [R] a versé à M. [D] [H] et Mme [O] [I] 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [S] [R] aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER