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30 mai 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/00887
ARRET
N°
[P]
C/
[D]
OG
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 30 MAI 2023
N° RG 22/00887 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ILPQ
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE BEAUVAIS EN DATE DU 17 JANVIER 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [C] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Thomas LOUETTE de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 123
ET :
INTIME
Monsieur [V] [D]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Signifié à étude le 25/05/2022
DEBATS :
A l’audience publique du 21 Mars 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mai 2023.
GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction et assistée de Mme BALOU Hanniel, greffier stagiaire.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 30 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
M. [V] [D] et Mme [C] [P] se sont mariés le [Date mariage 2] 1999, avant de divorcer le 27 avril 2004.
M. [D] et Mme [P] se sont mariés de nouveau le [Date mariage 1] 2013.
Par requête du 20 octobre 2014, Mme [P] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Beauvais d’une demande en divorce.
Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 6 février 2015.
Par requête conjointe du 27 octobre 2016, M. [D] et Mme [P] ont déposé une demande en divorce.
Suivant jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Beauvais a notamment :
– constaté l’acceptation par les deux époux du principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci ;
– prononcé le divorce de M. [V] [D] et de Mme [C] [P];
– homologué la convention réglant les effets du divorce régularisée par les parties le 24 octobre 2016;
– et homologué l’acte de liquidation partage dressé le 9 juin 2016 par maître [R], notaire à [Localité 7].
M. [D] et Mme [P] ont acquiescé purement et simplement à ce jugement, selon déclarations respectives des 19 et 18 janvier 2017.
Par acte d’huissier du 5 février 2021, M. [V] [D], se prévalant d’un prêt consenti à Mme [C] [P], alors qu’ils étaient encore mariés, et de la signature par celle-ci de deux reconnaissances de dette, l’a faite assigner devant le tribunal judiciaire de Beauvais en paiement:
– d’une somme en principal de 5.160 euros, assortie d’intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
– de dommages et intérêts à hauteur de 1.500 euros pour résistance abusive;
– et d’une somme de 180 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
Suivant jugement contradictoire du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Beauvais a:
– débouté Mme [C] [P] de son exception d’incompétence;
– ordonné la réouverture des débats;
– ordonné à M. [V] [D] de produire les originaux des documents en date des 4 juin 2016 et 17 mars 2018;
– et ordonné la comparution personnelle des parties.
Suivant jugement contradictoire du 17 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Beauvais a:
– condamné Mme [C] [P] à payer à M. [V] [D] la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2021, au titre du prêt du 4 juin 2016;
– débouté M. [V] [D] de sa demande en paiement d’une somme de 160 euros au titre du prêt du 17 mars 2018;
– débouté M. [V] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive;
– débouté Mme [C] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;
– débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles;
– condamné Mme [C] [P] aux dépens;
– et rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Mme [C] [P] a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour le 25 février 2022.
L’appelante a fait signifier sa déclaration et ses conclusions d’appel à M. [V] [D] par acte d’huissier du 25 mai 2022, délivré à l’étude, conformément aux articles 655, 656 et 658 du code de procédure civile.
L’intimé n’a pas constitué avocat, indiquant notamment à la cour, selon une lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 8 mars 2022, reçue le 10 mars 2022, à la suite d ela notification de l’avis de décvlaration d’appel par le greffe qu’il n’avait pas les moyens financiers d’être défendu à hauteur d’appel.
Aux termes de ses conclusions d’appelante remises au greffe le 24 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [C] [P] demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [V] [D] la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2021, au titre du prêt du 4 juin 2016, déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et condamnée aux dépens et elle demande à la cour statuant de nouveau – de débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes;
– de condamner M. [D] à lui verser la somme de 1.500 euros pour procédure abusive ;
– de condamner M. [D] à lui verser une indemnité de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– et de condamner M. [D] à lui verser en cause d’appel une indemnité de procédure de 2.600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2022, l’affaire ayant été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 30 mai 2023.
SUR CE
Sur la défaillance de l’intimé
Il est admis qu’en appel, si l’intimé ne constitue pas avocat dans une procédure avec représentation obligatoire, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Selon l’article 473 du code de procédure civile, dont les dispositions sont communes à toutes les juridictions lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.
Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Régulièrement assigné par acte d’huissier du 25 mai 2022, délivré à l’étude, conformément aux articles 655, 656 et 658 du code de procédure civile, M. [V] [D], bien qu’averti des conséquences du défaut de constitution d’avocat dans le cadre d’une procédure à représentation obligatoire, conformément à l’article 56.4° précité du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.
En conséquence, il appartient à la cour de statuer par un arrêt rendu par défaut sur la régularité, la recevabilité et le bien fondé des demandes de l’appelante, au vu des seules conclusions et pièces communiquées par celle-ci, à l’exclusion des moyens formulés par l’intimé dans sa lettre d’explication du 8 mars 2022.
Sur le contrat de prêt du 4 juin 2016
L’appelante soutient au visa des articles 1359, 1375 et 1376 du code civil que la preuve par écrit d’un contrat de prêt portant sur une somme de 5.000 euros, n’est pas rapportée par l’intimé, étant souligné que la concluante conteste avoir signé et participé à la rédaction d’une convention du 4 juin 2016 aux termes de laquelle ‘[C] [D] reconnait emprunter à [V] [D] la somme de 5000 euros (cinq mille euros). [V] [D] déclare avoir contracté un crédit renouvelable (13% l’an) en juin 2016 auprès de la Banque Postale Financement. [C] [D] s’engage à rembourser cette somme dans les meilleurs délais […]. Dans tous les cas de figure [C] [D] s’engage à avoir remboursé au plus tard ces 5000 euros (cinq mille euros) le premier juin 2020″.
Elle fait valoir que le jugement entrepris n’a pas tiré les conséquences du non-respect du formalisme prévu par les articles 1375 et 1376 du code civil, que M. [D] n’a pas produit la version originale de la convention querellée du 4 juin 2016, alors qu’il lui avait été ordonné de le faire suivant jugement du 6 septembre 2021 et que le contrat de prêt en cause est inopérant;
Elle ajoute que l’absence d’intention libérale de M. [D] et la remise de fonds ne sont pas susceptibles d’établir l’obligation de restitution de la somme en cause.
Par ailleurs elle soutient que la liquidation du régime matrimonial en cas de divorce englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties et qu’il appartient à l’époux qui se prétend créancier de l’autre de faire valoir sa créance selon les règles applicables à la liquidation de leur régime matrimonial lors de l’établissement des comptes s’y rapportant.
Elle fait observer qu’aux termes de l’état liquidatif régularisé entre les époux par acte authentique du 9 juin 2016, soit postérieurement au prêt contesté les co-partageants déclarent ‘qu’il n’existe à ce jour plus aucun passif, et qu’ils ne sont l’un ou l’autre redevables d’aucune somme à qui que ce soit’ (page 6), si bien que chacune des parties ‘se reconnait entièrement réglée de ses droits’ (page 11)et que s’il existait une dette, celle-ci n’existait plus le 9 juin 2016.
Selon l’article 1353 du code civil : ‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
Il est admis que l’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent être nécessairement retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve.
Selon l’article 1359 du code civil : ‘L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n’excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.’
Selon l’article 1371 du code civil : ‘L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause.’
Il est admis que s’agissant d’énonciations des parties et non pas de faits personnellement constatés par l’officier public, la preuve contraire est admise contre celles-ci sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’inscription de faux et que les constatations faites par les juges dans leur décision concernant les déclarations faites devant eux par les parties font foi jusqu’à inscription de faux.
Selon l’article 1376 du code civil : ‘L’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres’.
M. [V] [D], sur lequel pèse la charge de la preuve des deux prêts et/ou reconnaissances de dette invoqués par lui devant le tribunal judiciaire de Beauvais, afin de voir condamner Mme [C] [P] à lui rembourser une somme en principal de 5.160 euros, assortie d’intérêts au taux légal à compter de l’assignation, n’a pas constitué avocat devant la cour, si bien qu’il ne démontre pas à hauteur d’appel les obligations de remboursement dont il se prévalait en première instance, au sens des articles 1353, 1359, 1375 et 1376 précités du code civil.
Il résulte néanmoins des énonciations du jugement entrepris qu’ont été produits en première instance deux documents l’un en date du 4 juin 2016 en copie et l’autre du 17 mars 2018 que Mme [P] ne se souvenait plus avoir signés tout en déclarant que la signature portée sur ces documents ressemblait à la sienne et qui lui ont été déclarés opposables sans vérification d’écritures faute de dénégation formelle de la signature.
Par le premier document en date du 4 juin 2016 Mme [C] [D] a reconnu emprunter à [V] [D] la somme de 5000 euros , M. [V] [D] déclarant avoir contracté un crédit renouvelable (13% l’an) en juin 2016 auprès de la Banque postale financement , et [C] [D] s’engageant à rembourser cette somme dans les meilleurs délais et au plus tard le 1er juin 2020.
Il en ressort également que la remise des fonds est démontrée par la demande de virement émise par M. [D] le 6 juin 2016 au bénéfice de Mme [P] avec pour motif ‘ en accord avec engagement du 4 juin 2016, Mme [P] ayant confirmé en première instance que les numéros de compte du bénéficiaire du virement étaient les mêmes que son compte personnel.
Il est intervenu postérieurement à cet engagement un acte authentique de liquidation partage du régime matrimonial de M. [V] [D] et Mme [C] [P], alors en instance de divorce, établi le 9 juin 2016 par maître [E] [R], notaire à [Localité 7] aux termes duquel d’une part, sous le paragraphe Passif ‘Les co-partageants déclarent qu’il n’existe à ce jour plus aucun passif, et qu’ils ne sont l’un ou l’autre redevables d’aucune somme à qui que ce soit’ (page 6), et d’autre part, sous le paragraphe ‘Réglement définitif’, que chacune des parties ‘se reconnait entièrement réglée de ses droits dans [la communauté et l’indivision], s’agissant d’un partage consenti à titre définitif’ et les parties déclarent qu’elles n’auront plus aucun droit à exercer l’une contre l’autre à raison notamment de récompenses dues à la communauté ou par celles-ci de créances entre époux nées antérieurement (page 11).
Il résulte d’un jugement rendu le 9 janvier 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Beauvais, statuant sur requête à fin d’homologation d’une convention de divorce après acceptation du principe de la rupture, que cet acte authentique de liquidation partage a fait l’objet d’une homologation judiciaire passée en force de chose jugée, étant ajouté que les parties ont acquiescé purement et simplement à ce jugement les 18 et 19 janvier 2017.
Ainsi les parties qui ont accepté cet acte liquidatif réglant les conséquences de leur divorce et notamment le paiement d’une prestation compensatoire par l’abandon par M. [D] de sa part dans l’immeuble de communauté, ont également reconnu que cet acte était l’aboutissement de discussions préalables intervenues entre elles et qu’elles n’étaient plus tenues d’aucune créance entre époux.
Ils ont entériné cette renonciation en sollicitant l’homologation judiciaire de l’acte et en acquiesçant au jugement la prononçant.
Dès lors M. [D] n’est pas fondé à se prévaloir d’une reconnaissance de dette établie antérieurement à l’acte authentique de liquidation partage, constatant l’existence d’un prêt entre époux .
Aux termes du document en date du 17 mars 2018 il résulte simplement du jugement entrepris que [C] [D] reconnaît emprunter la somme de 160 euros le 17 mars 2018.
A défaut de production de cet acte , les modalités de remboursement demeurant inconnues il ne peut être fait droit à la demande de M. [D].
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [P] à payer à M. [V] [D] la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2021, au titre d’un prêt du 4 juin 2016.
Sur la demande de dommages et intérêts de l’appelante
Mme [C] [P] fait valoir qu’elle est bien fondée à solliciter le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 1.500 euros au titre d’un traumatisme réel et supplémentaire consécutif à l’engagement à son encontre d’une procédure manifestement abusive par l’intimé.
L’appelante, qui ne justifie pas du traumatisme invoqué, ni du caractère manifestement abusif de la procédure diligentée par son ex-époux, sera déboutée de sa demande.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L’appelante prétend à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance, mais non en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles non compris dans ces dépens.
M. [V] [D], qui succombe pour l’essentiel devant la cour, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [C] [P] aux dépens de première instance.
Enfin, il ne parait pas inéquitable de condamner l’intimé à payer à Mme [C] [P] une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris excepté en ce qu’il a condamné Mme [C] [P] à payer à M. [V] [D] la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2021, au titre du prêt du 4 juin 2016 et condamné Mme [C] [P] aux dépens ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute M. [V] [D] de sa demande en paiement d’une somme de 5000 euros au titre du prêt du 4 juin 2016 ;
Condamne M. [V] [D] aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne M. [V] [D] à payer à Mme [C] [P] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [V] [D] aux dépens d’appel.
Le Greffier, La Présidente,