Prêt entre particuliers : 31 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02306

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Prêt entre particuliers : 31 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02306
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31 mai 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/02306

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02306 – N° Portalis DBVH-V-B7F-ICRO

CC

TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON

04 juin 2021

RG:2019012272

[T]

S.A.R.L. ROYAL KIDS

C/

[U]

[R]

Grosse délivrée

le 31 MAI 2023

à Me Sophie MEISSONNIER-CAYEZ Me Romain LEONARD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 31 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d’AVIGNON en date du 04 Juin 2021, N°2019012272

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTS :

Monsieur [N] [T]

né le 19 Septembre 1968 à [Localité 12]

[Adresse 7]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Sophie MEISSONNIER-CAYEZ de la SELAS PVB AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A.R.L. ROYAL KIDS, Société à responsabilité limitée à associé unique, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’AVIGNON, sous le numéro 505 346 551, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,

[Adresse 13]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représentée par Me Nolwenn ROBERT de la SELAS PVB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Sophie MEISSONNIER-CAYEZ de la SELAS PVB AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [B] [U]

né le 25 Avril 1984 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Yacine CHERGUI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [P] [R]

né le 15 Avril 1983 à [Localité 8] 94

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Yacine CHERGUI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Avril 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 31 Mai 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 15 juin 2021 par la S.A.R.L. Royal Kids et Monsieur [N] [T] à l’encontre du jugement prononcé le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce d’Avignon dans l’instance n°2019012272,

Vu l’ordonnance de référé rendue le 24 septembre 2021 par le Premier président de la cour d’appel de Nîmes,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 27 mars 2023 par les appelants, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 mars 2023 par Monsieur [B] [U] et Monsieur [P] [R], intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l’ordonnance du 13 janvier 2023 de clôture de la procédure à effet différé au 20 avril 2023.

* * *

La société Royal Kids est spécialisée dans les parcs d’attractions et de jeux pour enfants. Son activité s’appuie sur un réseau de franchisés représentant plus d’une trentaine de parcs en France. Son gérant est Monsieur [N] [T].

Au cours de l’année 2018, Monsieur [P] [R] et Monsieur [B] [U] ont été mis en relation avec le gérant de la société Royal Kids par une connaissance commune. Lors de cet entretien, Monsieur [T] leur a présenté un projet relatif à la création d’un parc d’attractions à Miami, aux Etats-Unis, pour le second semestre 2018.

Le 25 avril 2018, la société Park Tamarac LLC, sise à Miami, a été constituée. Le capital social de celle-ci devait à terme appartenir à 50% à la société Royal Kids et à 50% à la société Les Frenchies, détenue par les consorts [U] et [R].

Le 27 juillet 2018, Messieurs [R] et Monsieur [U] ont effectué des versements à Monsieur [T], qui en a accusé réception.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2019, le conseil de Monsieur [R] et Monsieur [U] a mis en demeure Monsieur [T] d’avoir à rembourser la somme de 120 000 euros au motif que ce dernier n’aurait pas utilisé les sommes conformément à leur objet.

En réponse, le conseil de Monsieur [T] a, par courrier recommandé du 13 mars 2019, indiqué que Messieurs [R] et [U] seraient à l’origine de l’abandon du projet pour ne pas avoir versé 390 000 euros en plus des 120 000 euros versés. En outre, il a indiqué que Monsieur [R] a versé la somme de 50 000 euros et Monsieur [U] la somme de 60 000 euros, soit un total de 110 000 euros et non de 120 000 euros comme convenu initialement.

Dans un courrier recommandé du 1er avril 2019, le conseil de Messieurs [R] et [U] a mis en demeure Monsieur [T] de justifier de l’ensemble de ces affirmations dans un délai de 8 jours. A défaut, le silence de ce dernier serait perçu comme un aveu de ce que le prétendu projet aux Etats-Unis n’a jamais existé et que les 120 000 euros devraient être remboursés.

Par requête du 6 mai 2019, Messieurs [R] et [U] ont saisi le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Avignon aux fins de saisie conservatoire de créance.

Par ordonnance du 16 mai 2019, le juge de l’exécution a autorisé Messieurs [R] et [U] à faire pratiquer une saisie conservatoire, à hauteur de 120 000 euros sur le compte en banque de la société Royal Kids.

Le 25 juin 2019, la saisie a été pratiquée mais s’est révélée infructueuse, le compte bancaire de la société Royal Kids étant débiteur.

En conséquence, Messieurs [R] et [U] ont sollicité du juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Avignon l’autorisation de procéder aux inscriptions de nantissement judiciaire sur le fonds de commerce de la société débitrice, demande à laquelle a fait droit le juge de l’exécution par ordonnance du 28 août 2019.

Le 12 septembre 2019, les inscriptions provisoires ont été publiées par le greffe du tribunal de grande instance d’Avignon.

Par exploit du 10 octobre 2019, Messieurs [R] et [U] ont fait assigner la société Royal Kids et Monsieur [T] devant le tribunal de commerce d’Avignon en reconnaissance de la créance qu’ils détiennent à son encontre et en remboursement de la somme de 120 000 euros, soit 60 000 euros dues à chacun d’entre eux. En outre, ils ont sollicité sa condamnation à leur verser la somme de 50 000 euros, augmentée des intérêts de retard à compter de l’assignation.

Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal de commerce d’Avignon a :

-Condamné solidairement la société Royal Kids et Monsieur [N] [T] à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 60 000 euros outre intérêts à compter du 27 février 2019;

-Condamné solidairement la société Royal Kids et Monsieur [N] [T] à payer à Monsieur [P] [R] la somme de 50 000 euros outre intérêts à compter du 27 février 2019;

-Condamné Monsieur [N] [T] à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 50 000 euros outre intérêts de retard à compter du 10 octobre 2019;

-Condamné solidairement la société Royal Kids et Monsieur [N] [T] à payer la somme de 1 500 euros à Monsieur [B] [U] et la somme de 1 500 euros à Monsieur [P] [R], à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamné solidairement la société Royal Kids et Monsieur [N] [T] aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés àla somme de 115,46 euros TTC;

-Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Le 15 juin 2021, la S.A.R.L. Royal Kids et Monsieur [N] [T] ont interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [N] [T] et la S.A.R.L. Royal Kids, appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1353, 1376 du code civil, de l’article L. 223-22 du code de commerce, de l’article 9 du code de procédure civile, des pièces produites au débat, de :

-Dire et juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société Royal Kids et Monsieur [N] [T];

Sur le fond,

-Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce d’Avignon et, statuant à nouveau,

-Juger que la société Royal Kids n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec Monsieur [U] et Monsieur [R] et en conséquence;

-Prononcer la mise hors de cause de la société Royal Kids;

-Juger que Monsieur [U] et Monsieur [R] ne détiennent aucune créance à l’encontre de Monsieur [N] [T];

-Juger qu’aucune faute détachable de ses fonctions n’a été commise par Monsieur [N] [T] contrairement aux affirmations adverses;

-Débouter Monsieur [U] et Monsieur [R] de leur demande de condamnation de Monsieur [T] et de la société Royal Kids à payer la somme de 120 000 euros;

-Débouter Monsieur [U] de sa demande de condamnation de Monsieur [N] [T] à payer la somme de 50 000 euros;

-Les débouter de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions;

-Ordonner la mainlevée des inscriptions provisoires de nantissement du fonds de commerce de la société Royal Kids inscrites le 12 septembre 2019 par le greffe du tribunal de commerce d’Avignon;

-Condamner solidairement Monsieur [U] et Monsieur [R] à payer à la société Royal Kids ainsi qu’à Monsieur [N] [T] la somme de 10 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts;

-Condamner solidairement Monsieur [U] et Monsieur [R] à payer à la société Royal Kids ainsi qu’à Monsieur [N] [T] la somme de 4 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner Monsieur [U] et Monsieur [R] aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir que les consorts [U] et [R] n’explicitent pas le fondement juridique de leurs demandes. S’ils visent l’article 1137 et suivants du code civil relatif au dol, leurs demandes ne reposent sur aucun contrat ou accord préalable qui aurait été conclu entre les parties : il n’y a pas de protocole d’investissement et Monsieur [T] ne s’est jamais engagé à garantir l’aboutissement du projet, ni à rembourser les sommes investies sur ses deniers personnels. Les appelants ne peuvent donc se fonder sur le dol pour engager sa responsabilité.

Les appelants font valoir que Messieurs [U] et [R] sont des professionnels avertis du fait de leur connaissance du monde des affaires et de leurs investissements dans le domaine des parcs de loisirs. En effet, ils sont gérants de plusieurs sociétés et associés de sociétés exploitant des parcs de jeux et des parcs de loisirs sportifs. Et Messieurs [U] et [R] se sont présentés à Monsieur [T] comme des investisseurs sérieux, disposant de fonds importants issus de leurs activités respectives qu’ils souhaitaient investir à l’étranger. De son côté, l’expérience, la renommée et le professionnalisme de Monsieur [T] ne peuvent être remis en cause, la franchise Royal Kids disposant d’un réseau composé de plus de 60 parcs sur le territoire français depuis plusieurs années. Il a été alors convenu entre les parties que, dans le cadre d’un projet commun, Monsieur [T] acceptait d’être le support technique et opérationnel pour le développement d’un parc de jeux à Miami, Messieurs [U] et [R] apportant le financement.

Monsieur [T] dit rapporter la preuve de la création de la société Park Tamarac LLC et la preuve de ce que les fonds reçus n’ont pas été détournés et ont servi à financer le projet commun des parties; les seuls mouvements financiers qui ont eu lieu sont ceux liés à l’opération commerciale aux Etats-Unis. Ce n’est que par souci de simplification des mouvements bancaires à destination des Etats-Unis que les sommes investies ont transité par son compte personnel et le compte d’une société Park Sim LLC qu’il a créé.

C’est ainsi que la somme de 110 000 euros versée par les intimés est arrivée sur les comptes de la société Park Tamarak, puis reversée à la société Southland Properties LLC, bailleresse de la société Park Tamarac LLC selon contrat du 19 juillet 2018.

Monsieur [T] affirme avoir en outre versé diverses sommes à l’avocat rédacteur, fournisseur de matériel et à l’architecte responsable des travaux d’aménagement, faute de règlements complémentaires par les intimés.

Le non-respect de leurs engagements par Messieurs [U] et [R] n’a pas permis de financer les travaux d’aménagement et le bail a été résilié pour non paiement des loyers.

La société Park Tamar LLC a été liquidée en septembre 2019.

Les manquements de Messieurs [U] et [R] sont la cause de cette situation.

Monsieur [T] conteste devoir une quelconque somme à Messieurs [U] et [R], dont les pièces ne sauraient constituer un engagement de reconnaissance de dette opposable à la société Royal Kids et à Monsieur [T] : le document daté du 27 juillet 2018 constitue une attestation de réception des fonds, Monsieur [T] ne s’étant jamais engagé à payer une quelconque somme d’argent, et la lettre d’intention du 2 décembre 2019 a été établie dans le cadre de pourparlers destinés à mettre fin à toutes relations d’affaires entre les parties (notamment au sein d’une société Youpi Kids implantée au Maroc) et à retracer les engagements mutuels de ces dernières. En outre ce document n’engage pas la société Royal Kids qui n’est ni partie, ni signataire de cette lettre. La société Royal Kids soutient ne pas avoir perçu quelconque somme de la part de Messieurs [U] et [R] et le fait que le seul document fondant la demande formée à son encontre soit un document édité sur l’en tête de la société ne saurait créer d’obligations à son encontre. La société Royal Kids doit être mise hors de cause.

Quant à Monsieur [T], aucune faute ne peut lui être reprochée sur un plan délictuel, étant rappelé que les parties n’ont pas conclu de contrat.

Selon les appelants, la situation de Messieurs [U] et [R] correspond à celles d’associés ayant perdu leurs investissements dans une société liquidée; les pertes subies sont en lien avec le projet d’association et doivent suivre le régime des pertes conservées à sa charge par l’associé d’une société Limited liability company (LLC) en application du droit américain. les associés auraient dû présenter leur action à l’encontre de la société Park Tamarac LLC, bénéficiaire des versements et leurs demandes sont irrecevables. (NB : prétention ne figurant pas dans le dispositif).

Les inscriptions provisoires de natissement du fonds de commerce de la société Royal Kids ont été obtenues par Messieurs [U] et [R] dans l’unique but de nuire à Monsieur [T]. Leur mainlevée doit être ordonnée et des dommages-intérêts versés à Monsieur [T] et à la société Royal Kids au regard de leur mauvaise foi et des man’uvres diligentées.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, Monsieur [B] [U] et Monsieur [P] [R], intimés, demandent à la cour, au visa des articles 1137 et suivants du code civil, des pièces, de :

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné solidairement la société Royal Kids et Monsieur [T] à verser à Monsieur [U] la somme de 60 000 euros outre les intérêts à compter du 27 février 2019;

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné Monsieur [T] à verser à Monsieur [U] la somme de 50 000 euros outre les intérêts à compter du 10 octobre 2019;

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Avignon en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur [T] et la société Royal Kids à verser à Monsieur [R] la somme de 50 000 euros outre les intérêts à compter du 27 février 2019;

Statuant à nouveau,

-Condamner solidairement la société Royal Kids et Monsieur [T] à verser à Monsieur [R] la somme de 60 000 euros outre les intérêts à compter du 27 février 2019;

En tout état de cause,

-Condamner solidairement la société Royal Kids et Monsieur [T] à verser à Monsieur [R] la somme de 4 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner solidairement la société Royal Kids et Monsieur [T] à verser à [I] la somme de 4 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile;

-Condamner la société Royal Kids et Monsieur [T] à supporter les entiers dépens de l’instance.

Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir qu’ils ont été trompés par Monsieur [T], les sommes qu’ils ont versées n’ayant pas été utilisées conformément à leur objet qui était la création d’un parc dont ils auraient été associés. En effet, Monsieur [T] n’est pas en mesure d’apporter un commencement de preuve de la réalisation concrète du projet. Ils ont, en ce qui les concerne, viré la somme de 110 000 euros. Monsieur [R] ayant versé préalablement la somme de 10 000 euros, Monsieur [T] a attesté du règlement de la somme de 120 000 euros (60 000 euros pour chacun d’entre eux). Ils apportent la preuve des virements, étant précisé que Monsieur [T] souhaitait que les premiers règlements soient réalisés sur son compte personnel. En outre, Monsieur [T] a reconnu par message Whatsapp avoir reçu 25 000 euros, Monsieur [U] a versé la somme de 50 000 euros sur le compte bancaire de la société Park Sim LLC, soumise au droit américain et ayant été créée en 2017 par Monsieur [T]; ce dernier était le seul à détenir les droits sur ce compte et la somme de 50 000 euros aurait permis de payer les nombreuses dettes contractées personnellement par Monsieur [T] aux Etats-Unis. En tout cas la société Park Sim LLC a été liquidée le 23 avril 2019.

Par lettre d’intention du 2 décembre 2019, Monsieur [T], en sa qualité de gérant de la société Royal Kids, s’est engagé à leur rembourser les sommes indument perçues à hauteur de 180 000 euros, en contrepartie de quoi les intimés devaient se désister de la présente procédure. Mais soucieux d’éviter d’autres difficultés provenant d’une société Youpi Kids au Maroc, Monsieur [T] tentait également d’obtenir une cession des parts de cette société détenues par Monsieur [U] en contrepartie de la cession gratuite de structures de jeux et de mobilier. Les intimés disent ne pas avoir donné suite à cette nouvelle tentative de tromperie.

Selon les intimés, le prétendu virement de 110 078,99 euros effectué par Monsieur [T] et la société Royal Kids n’a pu intervenir au profit de la société Park Tamarac, aucun compte bancaire n’ayant été ouvert au profit de cette société. Les documents produits par Monsieur [T] et la société Royal Kids portant attestation du règlement de nombreux frais avancés pour la réalisation du projet constituent de simples propositions commerciales ou devis pour lesquels il n’est justifié d’aucun règlement effectif. Le document sur lequel figure la somme de 112 488,17 dollars, prétendument payée le 19 juillet 2018 par la société Park Tamarac lors de la conclusion d’un bail portant sur un local commercial, constitue une simple proposition. Aucun paiement n’est intervenu et Monsieur [T] ainsi que Royal Kids ont été condamnés par la justice américaine au paiement de diverses sommes pour un montant total de plus de 4 millions de dollars US.

Dès lors que Monsieur [T] et la société Royal Kids ont détourné des sommes qui leur ont été confiées, le remboursement de cette somme est incontestablement dû aux aux intimés. En effet, le comportement de Monsieur [T] et de la société Royal Kids constitue un dol et abus de confiance.

Les intimés contestent être des professionnels avertis dans le secteur d’activité des parcs de jeux car les projets relatifs aux sociétés Royal Namab, UJ Meaux et Sarcelles Games ont été initiés afin de répondre à une collaboration avec Monsieur [T] et la société Royal Kids mais ne se sont jamais concrétisés.

Les seules sociétés dans lesquelles les intimés sont associés sont des sociétés familiales liées aux activités de boucherie et autres commerces de bouche sans aucun lien avec les parcs de jeux pour enfant;

Monsieur [T] ayant volontairement entretenu une confusion entre ses intérêts personnels et ceux de la société Royal Kids dont il est le dirigeant, par conséquent la mise en cause de cette société est légitime.

***

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

En application de l’article 1832 du code civil, « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter (‘) Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».

Une promesse de société suppose que, pendant la période au cours de laquelle est négociée la formule à venir, existe une volonté non équivoque de tous les associés de collaborer ensemble sur un pied d’égalité à l”uvre commune.

En l’espèce, les intimés exposent qu’un « business plan attractif leur a été envoyé » portant sur les comptes prévisionnels d’un parc de loisir du réseau de franchise Royal Kids situé à Miami.

Il est établi que les intimés ont ensuite versé la somme de 60 000 euros par virement du 31 juillet 2018 en ce qui concerne Monsieur [U], et de 50 000 euros par virement du 27 juillet 2018 en ce qui concerne Monsieur [R]. Il est également argué de versements supplémentaires qui sont contestés.

Par attestation du 27 juillet 2018, Monsieur [T], agissant en qualité de PDG de la société Royal Kids a attesté avoir reçu la somme de 120 000 euros de la part de Monsieur [R] et de Monsieur [U], versée auprès de son établissement bancaire en France, ces « transactions intervenant dans le cadre d’un partenariat convenu auprès de Monsieur [P] [R] ainsi que de moi-même pour l’établissement d’un parc de loisirs à Miami aux USA ». Il est admis par les parties que Monsieur [T] proposait son industrie, compte tenu de son expérience dans le domaine d’activité choisi.

La création des sociétés « les Frenchies », « Park Tamarac LLC » ne peut être considérée comme une exécution de ce partenariat car les pièces produites en anglais démontrent que les dates de constitution et d’enregistrement sont antérieures au versement des fonds par les appelants (y compris les versements contestés qui auraient eu lieu de juillet à septembre 2018 selon constat d’huissier versé aux débats par l’huissier).

Dès lors, les parties sont engagées en vertu d’une promesse synallagmatique de société dont l’objet était la création d’un parc de loisirs à Miami et dont les associés seraient Monsieur [T] agissant en qualité de PDG de la société Royal Kids, Monsieur [U] et Monsieur [R].

Et Monsieur [T] n’ayant pas agi en son nom personnel, la société Royal Kids ne peut être mise hors de cause.

Les intimés fondent leur action en paiement de sommes sur les articles 1137 et suivants du code civil.

Aux termes de l’article 1137 du code civil, « le dol est le fait pour un cocontractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres et des mensonges ».

Le consentement est une condition de formation du contrat et l’existence du dol ou de tout vice du consentement doit s’apprécier au moment de la conclusion de celui-ci. En conséquence, le dol ne peut pas être retenu lorsqu’il n’existait pas au moment de la conclusion du contrat mais découle d’un événement intervenu postérieurement.

3e Civ., 15 février 2023, pourvoi n° 21-23.166

Les intimés ne développent aucun moyen sur les man’uvres et les mensonges qui auraient été commis par les appelants au moment de la conclusion de la promesse synallagmatique. Ainsi que l’a justement retenu le tribunal de commerce, sans en tirer la conséquence de droit, c’est « le défaut de preuve de l’emploi des fonds confiés conformément à leur destination » qui vient au soutien de la prétention des appelants. Or le défaut d’emploi des fonds conformément à leur destination relève de la mauvaise exécution de la promesse mais ne constitue ni les man’uvres ni les mensonges destinés à vicier le consentement de Messieurs [R] et [U] au sens de l’article 1137 du code civil.

Le jugement doit par conséquent être infirmé en toutes ses dispositions.

En vertu de l’article R.533-6 du code des procédures civiles d’exécution, il sera ordonné mainlevée des inscriptions provisoires de nantissement du fonds de commerce de la société Royal Kids inscrites le 12 septembre 2019 par le greffe du tribunal de commerce d’Avignon, les demandes du créancier étant rejetées.

L’appréciation inexacte de ses droits par une partie et l’erreur commise sur le fondement juridique de son action ne caractérisent pas la « mauvaise foi coupable » et aucune « man’uvre sciemment diligentée » n’est démontrée par Monsieur [T] et la société Royal Kids. Ils seront par conséquent déboutés de leurs demandes de dommages intérêts.

Enfin, l’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Messieurs [U] et [R] qui succombent en leurs prétentions devront supporter les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Rejette la demande de mise hors de cause de la société Royal Kids,

Déboute Monsieur [B] [U] et Monsieur [P] [R] de leur demande en paiement par la société Royal Kids et Monsieur [T] de la somme de 60 000 euros en faveur de Monsieur [R] et de 60 000 euros en faveur de Monsieur [U] outre les intérêts à compter du 27 février 2019,

Déboute Monsieur [B] [U] et Monsieur [P] [R] de leur demande en paiement par la société Royal Kids et Monsieur [T] de la somme de 50 000 euros en faveur de Monsieur [U] outre les intérêts à compter du 10 octobre 2019,

Ordonne la mainlevée des inscriptions provisoires de nantissement du fonds de commerce de la société Royal Kids inscrites le 12 septembre 2019 par le greffe du tribunal de commerce d’Avignon,

Déboute la société Royal Kids et Monsieur [N] [T] de leur demande de dommages intérêts,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [B] [U] et Monsieur [P] [R] aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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