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8 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/16364
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 5
ARRET DU 08 JUIN 2023
(n° 111 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/16364 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CARVX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2019 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018042879
APPELANTE
SAS INITIAL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 343 234 142
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque PC430
INTIMEE
SARL DG URBANS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 518 126 990
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et assistée par Me Katia SZLEPER, avocat au barreau de PARIS, toque A0942
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine Soudry, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5
Madame Nathalie Renard, présidente de chambre
Madame Christine Soudry, conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Claudia Christophe
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5 et par Monsieur MARTINEZ, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
La société DG Urbans a pour activité la gestion, la commercialisation et le développement d’établissements hôteliers ou para-hôteliers pour le compte de promoteurs. Elle exploite notamment un hôtel dénommé “Ruby suites”, situé [Adresse 4], précédemment dénommé hôtel “[6]”.
La société Initial est spécialisée dans la location et l’entretien du linge pour l’hôtellerie.
Le 17 septembre 2014, l’hôtel [6] a conclu avec la société Initial un contrat multiservices pour la location et l’entretien de linge, pour une durée de 4 ans renouvelable, moyennant le paiement d’un abonnement mensuel de 3.996,96 euros HT.
Le 16 décembre 2015, l’hôtel Ruby suites a commandé un volume de linge supplémentaire portant ainsi la redevance mensuelle à 7.133,84 euros HT pour 6.195 pièces de linge.
A la suite d’un inventaire de stock non contradictoire réalisé par la société Initial le 9 février 2017, cette dernière a avisé la responsable de l’hôtel [6] qu’il manquait 2.909 pièces de linge, ce qui correspondait à une somme de 28.587 euros HT, et qu’elle allait émettre une facture à ce titre en application de l’article 5.3 du contrat les liant.
Le 8 mars 2017, la société Initial a émis une facture d’un montant de 34.304,52 euros TTC au titre des 2.909 pièces de linge manquant.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 10 avril 2017, la société Initial a mis en demeure l’hôtel Ruby de s’acquitter d’une somme de 39.679,98 euros TTC en principal correspondant à l’indemnité pour linge manquant outre une somme de 5.375,46 euros TTC au titre des redevances impayées des mois de février et mars 2017, sous peine de suspension des livraisons à compter du 18 avril 2017.
La responsable de l’hôtel Ruby a contesté l’indemnité réclamée au titre du linge manquant lors d’un entretien du 18 avril 2017 avec le chargé de clientèle de la société Initial.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 4 juillet 2017, la société Initial a informé l’hôtel Ruby qu’en l’absence de paiement malgré ses différentes relances et l’arrêt de ses prestations, elle transmettait le dossier à une société de recouvrement en vue d’obtenir paiement d’une somme de 45.155,72 euros TTC en principal correspondant à l’indemnité pour linge manquant outre une somme de 5.375,46 euros TTC au titre des redevances impayées des mois d’avril et mai 2017.
Par courriel du 1er août 2017, la société Initial a sommé la société DG Urbans d’accepter sa proposition de ramener la somme due au titre du linge manquant à 18.000 euros et d’achever la prestation à la fin du mois d’août sous peine d’arrêter les livraisons sur le champ.
Faute d’accord, la société Initial a cessé ses livraisons de linge et la société DG Urbans a conclu un contrat avec un autre prestataire le 8 août 2017.
Par lettre du 4 octobre 2017, la société Initial a informé l’hôtel Ruby de l’existence d’un solde à payer d’un montant de 45.677,40 euros TTC correspondant à l’indemnité pour linge manquant outre une somme de 4.957,86 euros TTC au titre de la redevance impayée du mois de juillet 2017 ainsi qu’une somme de 6.415,02 euros TTC au titre de la redevance impayée du mois d’août 2017.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 17 décembre 2017, le conseil de l’Hôtel Ruby a contesté la somme réclamée au titre du linge manquant et a dénié que la perte de ce linge lui soit imputable en invoquant les carences de la société Initial.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 6 juillet 2018, la société Initial a mis en demeure la société DG Urbans de lui payer une somme 50.115,64 euros au titre de l’indemnité pour linge manquant, des intérêts de retard, de la clause pénale et de l’indemnité forfaitaire de recouvrement.
Par acte d’huissier de justice du 17 juillet 2018, la société Initial a assigné la société DG Urbans en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 1er juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
– Débouté la société Initial de sa demande de paiement par la société DG Urbans de la somme de 4.957,86 euros au titre des factures de redevances ;
– Débouté la société Initial de sa demande de paiement par la société DG Urbans de la somme de 34.304,52 euros au titre du linge manquant ;
– Débouté la SARL DG Urbans de sa demande de remboursement d’un montant de 1.457,16 euros de trop-perçu ;
– Débouté la société DG Urbans de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
– Condamné la société Initial à payer à la SARL DG Urbans la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute pour le surplus ;
– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;
– Condamné la société Initial aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.
Par déclaration du 7 août 2019, la société Initial a interjeté appel du jugement, en ce qu’il a :
– Débouté la société Initial de sa demande de paiement par la société DG Urbans de la somme de 4957,86 au titre des factures de redevances ;
– Débouté la société Initial de sa demande de paiement par la société DG Urbans de la somme de 34304,52 au titre du linge manquant ;
– Condamné la société Initial à payer à la SARL DG Urbans la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute pour le surplus,
– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
– Condamné la société Initial aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 de TVA.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 2 novembre 2021, la société Initial demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien et 1343-2 nouveau du code civil, de :
– Dire la société Initial recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 1er juillet 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :
* Débouté la SARL DG Urbans de sa demande de remboursement d’un montant de 1.457,16 euros de trop perçu.
* Débouté la société DG Urbans de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.
Le réformant,
– Débouter la société DG Urbans de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
– Condamner la société DG Urbans à payer à la société Initial la somme en principal de 39.262,38 euros et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date d’échéance de chacune des factures pour leur montant respectif, cette somme se décomposant de la manière suivante :
* 4.957,86 euros au titre des factures de redevance,
* 34.304,52 euros au titre de la facturation du linge manquant,
– Condamner la société DG Urbans à payer à la société Initial la somme de 5.889,36 euros au titre de la clause pénale.
– Condamner la société DG Urbans à payer à la société Initial la somme de 120 euros au titre des indemnités forfaitaires.
– Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil.
– Condamner la société DG Urbans à payer à la société Initial la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamner la société DG Urbans aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 novembre 2021, la société DG Urbans, demande à la cour, au visa des articles 1353, 1103 et suivants, 1171 et suivants, 1110 et 1231-1 du code civil, de :
– Recevoir la société DG Urbans en ses écritures et les déclarer bien fondées,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a :
“Débouté la société Initial de sa demande de paiement par la société DG Urbans de la somme de 4.957,86 euros au titre des factures de redevances ;
Débouté la société Initial de sa demande de paiement par la société DG Urbans de la somme de 34.304,52 euros au titre du linge manquant ;
Débouté la SARL DG Urbans de sa demande de remboursement d’un montant de 1.457,16 euros de trop-perçu ;
Débouté la société DG Urbans de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;
Condamné la société Initial à payer à la SARL DG Urbans la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée pour le surplus ;
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
Ordonné l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;
Condamné la société Initial aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.”
Statuant à nouveau,
– Débouter la société Initial de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– Juger que la société Initial a manqué à ses obligations contractuelles,
– Condamner la société Initial à verser à la société DG Urbans la somme de 1.457,16 euros au titre du trop-perçu sur la facture du mois de juillet 2017,
– Condamner la société Initial à verser à la société DG Urbans la somme de 15.000 euros à titre de dommage et intérêts,
Subsidiairement,
Vu l’article 1231-5 du code civil,
– Juger du caractère excessif de la clause pénale,
– Juger que les éventuelles condamnations en paiement au titre de la redevance et valeur résiduelle du stock ne porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,
En tout état de cause,
– Condamner la société Initial à verser à la société DG Urbans la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Les condamner de même aux entiers dépens.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 novembre 2021.
MOTIFS
Sur la résiliation du contrat
La société DG Urbans soutient que la société Initial a résilié le contrat les liant le 1er août 2017 après l’avoir vainement mise en demeure de lui payer l’indemnité pour linge manquant le 10 avril 2017.
La société Initial dénie avoir résilié le contrat le 1er août 2017 puisque les formalités prévues à l’article 11 du contrat, soit l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception précédant la résiliation, n’avaient pas été respectées. Elle affirme que c’est la société DG Urbans qui a résilié le contrat à compter du 31 août 2017 en signant une nouvelle convention avec un prestataire concurrent.
Selon l’article 4 des conditions générales de la société Initial, il est prévu que le contrat est conclu pour une durée de quatre ans et est renouvelable par tacite reconduction pour des durées égales sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties 6 mois au moins avant l’échéance par lettre recommandée avec accusé de réception.
L’article 7.3 desdites conditions générales précise que les factures sont payables comptant à réception sans escompte par prélèvement automatique. Tout retard de paiement constaté après mise en demeure par lettre recommandée peut entraîner de plein droit la suspension de la prestation et l’application de la clause résolutoire.
L’article 11 des mêmes conditions générales prévoit qu’en cas de non-paiement d’une facture échue ou d’infraction à l’une quelconque des clauses du contrat, la convention sera résiliée de plein droit huit jours après mise en demeure adressée par le loueur par lettre recommandée avec accusé de réception, demeurée infructueuse. Dans cette hypothèse, et sans préjudice de dommages-intérêts complémentaires, le client dont le contrat aura été résilié devra payer une indemnité égale à 70% de la moyenne des factures d’abonnement service établies depuis les douze derniers mois multipliée par le nombre de semaines ou de mois restant à courir jusqu’à l’échéance du contrat. (‘) Le client qui procéderait à la résiliation unilatérale du contrat serait astreint aux mêmes pénalités et clause de compensation que celles prévues en cas de résiliation du contrat.
Il ressort des pièces versées aux débats que les relations entre les parties se sont gravement détériorées à la suite de l’inventaire réalisé non contradictoirement par la société Initial le 9 février 2017 et de sa demande d’indemnité à ce titre d’un montant de 34.304.52 euros dont elle a réclamé le paiement par une mise en demeure du 10 avril 2017. A la suite de cette mise en demeure, la responsable de l’hôtel Ruby a contesté, lors d’un entretien avec le chargé de clientèle le 18 avril 2017, la cohérence de l’inventaire ainsi réalisé au regard de la taille de son établissement et du nombre de pièces mises à sa disposition ; le nombre de pièces manquantes représentant 47% du stock mis à disposition. Compte tenu de ce différend, la responsable de l’hôtel Ruby a contrôlé les transferts de linge réalisés entre son établissement et l’usine de traitement de la société Initial et s’est plainte à de nombreuses reprises du fait que le nombre de pièces de linge sale renvoyées ne correspondait pas au nombre de pièces propres livrées (courriels du 3 avril 2017, du 11 avril 2017, du 18 mai 2017, du 28 mai 2017,du 4 juillet 2017, du 21 juillet 2017) ainsi que de livraisons de pièces de linge propre en quantité insuffisante, ce qui l’a conduite à suspendre ses paiements au titre de son abonnement.
Dans un courriel du 1er août 2017, M. [U] [E], directeur des opérations adjoint de la société Initial, a répondu à Mme [N] [O], responsable de l’hôtel Ruby, qui se plaignait des conditions d’exécution du contrat que : “C’est noté pour le linge de ce matin. Désolé de vous décevoir, mais ce n’est absolument plus le sujet à ce stade. Le but n’étant pas de refaire le passé mais de trouver une façon de se quitter sans contentieux.
Or vous nous devez 28 k€ de linge manquant (écarts mesurés comme expliqué dans mon précédent mail) réclamés à juste titre depuis février. Ce linge, nous l’avons acheté, investi et immobilisé pour votre établissement, et pour autant nous ne l’avons jamais revu. Vous pouvez ne pas être d’accord, les faits sont bien là et ils sont têtus !!!
Monsieur [K], j’attends votre engagement sur le montant de valeur résiduelle, ramené à 18k€ comme stipulé dans mon mail de ce matin, condition sine qua none pour que l’on puisse achever sereinement la prestation jusqu’à fin août.
Sans cet engagement et règlement, j’arrête les livraisons sur le champ.”
Il est établi qu’à la suite de ce courriel, aucun accord n’est intervenu et que la société Initial a cessé toute livraison de linge.
Il ressort du courriel du 1er août 2017 que c’est la société Initial qui a pris l’initiative de résilier unilatéralement le contrat au 1er août 2017 ; le courriel faisant clairement référence à une ” façon de se quitter sans contentieux ” et évoquant très clairement la fin des relations. Le fait que le formalisme pour procéder à la résiliation du contrat prévu aux conditions générales du contrat n’ait pas été respecté ne saurait être invoqué a posteriori par la société Initial pour soutenir qu’elle n’a pas véritablement résilié le contrat mais en a simplement suspendu l’exécution alors même que le respect dudit formalisme n’était pas prévu à peine de validité de la résiliation et que l’intention exprimée par la société Initial dans le courriel était d’achever les relations et qu’elle a cessé toute livraison de linge à l’hôtel Ruby à compter du 1er août 2017.
C’est donc à tort que la société Initial prétend que c’est la société DG Urbans qui est à l’origine de la résiliation du contrat par le recours à un autre prestataire. Il sera à cet égard relevé que c’est à la suite du courriel du 1er août 2017 et de la cessation de toute livraison de linge par la société Initial que la société DG Urbans a conclu un contrat de location de linge avec la société Elis le 8 août 2017.
Sur la demande en paiement de factures et la demande en restitution d’un trop versé
La société Initial réclame le paiement d’une somme de 4.957,86 euros au titre d’une facture n°9391329 en date du 31 juillet 2017 correspondant aux prestations du mois de juillet 2017. Elle conteste l’existence d’un paiement indu de la part de la société DG Urbans d’une somme de 6.415,02 euros le 10 novembre 2017 au titre de la facture n°9447865 du 31 août 2017 correspondant aux prestations du mois d’août 2017. Elle soutient que la société DG Urbans a reconnu être redevable de ces sommes dans des courriels des 30 mai et 14 juin 2018. En outre, elle fait valoir que l’hôtel Ruby s’est servi du stock de linge qu’elle avait mis à sa disposition jusqu’au 31 août 2017 et que dès lors, il n’y a pas eu de paiement indu.
La société DG Urbans soutient avoir acquitté par erreur la facture du mois d’août 2017 au lieu de la facture du mois de juillet 2017 de sorte qu’elle revendique la restitution d’une somme de 1.457,16 euros. Elle fait valoir que la société Initial ayant résilié le contrat de location de linge le 1er août 2017 et cessé toute prestation à cette date, aucune somme n’est due au titre de la facture du mois d’août 2017. Elle dénie avoir utilisé le stock de linge de la société Initial au mois d’août 2017 puisqu’elle a utilisé le linge propre mis à sa disposition par un autre prestataire. Elle dénie toute reconnaissance de dette issue des courriels des 30 mai et 14 juin 2018.
Pour soutenir que la société DG Urbans aurait reconnu sa dette au titre des factures des mois de juillet et août 2017, la société Initial se prévaut d’un courriel du 31 mai 2018 émanant d’une assistante de direction de la société DG Urbans qui indique que l’élément bloquant pour le paiement des factures litigieuses est qu’elles ne sont pas correctement libellées et d’un courriel du 14 juin 2018 de la même personne précisant que les virements sont en attente de validation en banque.
Il ressort des écritures de la société DG Urbans que celle-ci reconnaît devoir une somme de 4.957,86 euros au titre d’une facture n°9391329 en date du 31 juillet 2017 correspondant aux prestations du mois de juillet 2017 puisqu’elle affirme avoir payé par erreur la facture du mois d’août 2017 au lieu de la facture du mois de juillet 2017.
Par ailleurs, il résulte de ce qui précède que la résiliation du contrat a été prononcée unilatéralement par la société Initial le 1er août 2017 et qu’elle a cessé à cette date ses prestations à l’égard de la société DG Urbans. Il y a lieu en effet de relever qu’au terme du contrat, la prestation du loueur comprenait la location d’un stock de linge, la remise en état de service par blanchissage ou nettoyage, la livraison et l’enlèvement périodiques, le remplacement des articles rendus impropres à l’utilisation. Or il est établi que la société Initial a cessé toute livraison et tout enlèvement de linge à compter du 1er août 2017 et toute prestation de nettoyage ou de remise en état. Par ailleurs, au terme du contrat, il appartenait à la société Initial de venir chercher le stock de linge mis à disposition de la société DG Urbans. Dans ces conditions, la facture correspondant à la location de linge pour le mois d’août 2017 n’est pas due. Le paiement effectué au titre de cette facture est donc indu.
Etant donné la dette reconnue par la société DG Urbans à l’égard de la société Initial au titre de la facture du mois de juillet 2017, il convient d’imputer le paiement effectué au titre de la facture du mois d’août sur la facture du mois de juillet et de faire droit à la demande en restitution de la société DG Urbans d’une somme de 1.457,16 euros correspondant à la différence entre le montant payé au titre de la facture du mois d’août 2017 et le montant dû au titre de la facture du mois de juillet 2017 ( 6.415,02 euros – 4.957,86 euros). Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
La demande en paiement de la société Initial au titre de la facture du mois de juillet 2017 sera rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité pour les articles manquants
L’article 2 des conditions générales du contrat stipule que : “Le loueur remet au client le stock nécessaire à ses besoins et figurant sur le bon de commande. Le dépôt ainsi constitué, le service s’effectue à jour fixe et à la périodicité convenue ; l’agent de service du loueur procédant au ramassage des articles loués et à leur livraison après traitement en usine. (‘)
A l’occasion de ces opérations, le client peut procéder en présence de l’agent de service à toutes vérifications et observations utiles. Toutefois les articles ramassés ne sont valablement reconnus que par les services de contrôle de l’usine et seuls les chiffres enregistrés sur les documents comptables du loueur feront foi en cas de (litige). Toute réclamation, pour être prise en considération, devra être adressée, par écrit, au loueur dans les deux jours ouvrables suivant la livraison. Tous les documents nécessaires au suivi des stocks en service et des échanges de linge sont fournis au client.”
Selon l’article 5.3 de conditions générales, il est indiqué que : “Chaque fois que le client ou le loueur le juge utile, il est procédé à un inventaire des articles lequel pourra être soit contradictoire, soit établi à partir des états informatiques du Loueur, les pièces manquantes entraîneront selon le barème d’imputation du Loueur, le paiement d’une indemnité correspondant au préjudice. Il en est de même pour les articles détériorés par un usage anormal, brûlure, déchirure, salissure excessive ou irréversible, usure prématurée pour les articles détérioré ou manquant, le paiement de cette indemnité est facturée sous la rubrique LDM Linge, détérioré ou manquant, cette facturation n’entraîne pas de transfert de propriété des articles.”
A l’appui de sa demande au titre des articles manquants, la société Initial produit les résultats d’un inventaire réalisé le 9 février 2017 au terme duquel 2.909 articles sur les 6.195 articles mis à disposition de l’hôtel Ruby seraient manquants.
Contrairement à ce que la société Initial prétend, la société DG Urbans a contesté les conditions de réalisation de cet inventaire ainsi que ses résultats. Il apparaît en effet que l’inventaire a été réalisé dans les locaux de l’hôtel Ruby sans que la responsable en soit avisée préalablement ni ne puisse se libérer pour assister au comptage de linge. Dès lors, les conditions générales, qui prévoient soit un inventaire contradictoire, soit un inventaire réalisé à partir des états informatiques, n’ont pas été respectées. En outre, les résultats de l’inventaire apparaissent incohérents. En effet, ils révèlent que certaines pièces (tapis éponge, drap 2 personnes, housses de couette une personne) ont été retrouvées au sein de l’établissement Le Ruby en nombre supérieur aux pièces mises à disposition. De plus, le nombre de pièces manquantes représente 47% des pièces mises à disposition. Par ailleurs, la société DG Urbans démontre avoir signalé à plusieurs reprises à la société Initial que le nombre de pièces propres livrées ne correspondait pas au nombre de pièces sales enlevées. Enfin alors même que les conditions générales de la société Initial prévoient que seuls les chiffres enregistrés sur les documents comptables du loueur feront foi en cas de litige, celle-ci ne produit aucun document comptable permettant de conforter les résultats de l’inventaire dont elle se prévaut et qui sont contestés par sa cocontractante.
Dans ces conditions, aucune perte d’article de linge ne peut être imputée à la société DG Urbans et la demande au titre des manquants sera rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur les intérêts de retard au titre des factures impayées, les indemnités forfaitaires et les pénalités contractuelles
Il est constant que la société DG Urbans n’a payé que le 10 novembre 2017 la facture correspondant aux prestations du mois de juillet 2017 qui était exigible au 31 août 2017.
Sur l’indemnité forfaitaire
L’indemnité forfaitaire prévue à l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable est due par la société DG Urbans au titre de la facture du mois de juillet 2017.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et la société DG Urbans sera condamnée à payer à la société Initial une somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement. La société Initial ne saurait prétendre à une indemnité forfaitaire au titre de ses factures pour le mois d’août 2017 et pour les articles manquants.
Sur les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts
L’article 5 des conditions générales précise que conformément aux dispositions légales, les sommes non réglées à leur date d’échéance porteront de plein droit intérêt à un taux déterminé en fonction de la réglementation en vigueur au jour de la facturation de cet intérêt, sans qu’une quelconque mise en demeure soit nécessaire.
Par ailleurs, l’article L. 441-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige prévoit que le taux de l’intérêt moratoire en cas de retard de paiement d’une facture est, sauf disposition contractuelle contraire, égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date d’échéance de la facture.
Le retard de la société DG Urbans dans l’exécution de son obligation de payer la facture émise par la société Initial au mois de juillet 2017 est caractérisé et les intérêts moratoires contractuels prévus à l’article 5 des conditions générales du contrat sont dus entre le 31 août et le 10 novembre 2017. Ces intérêts dus au moins pour une année seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter du 17 juillet 2018, date de la demande en ce sens.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur la clause pénale
L’article 7.4 des conditions générales du contrat intitulé “clause pénale” prévoit que : “Si le non-paiement a donné lieu à une mise en demeure, les frais de recouvrement occasionnés donneront lieu au paiement de 15% sur les sommes dues avec un minimum de 765 euros sans préjudice des intérêts de retard calculés comme stipulé ci-dessus, ni des sommes à réclamer sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile”.
En l’espèce, la société Initial ne rapporte pas la preuve de frais de recouvrement supplémentaires justifiant le versement de cette clause pénale d’un montant de 765 euros, qui correspond au montant minimum de l’indemnité contractuelle étant précisé que le coût pour la société Initial de l’envoi des mises en demeure et du recouvrement est couvert par l’allocation de l’indemnité forfaitaire de 40 euros ainsi qu’il a été jugé ci-dessus.
La demande de la société Initial au titre de la clause pénale sera en conséquence rejetée et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts
La société DG Urbans revendique l’engagement de la responsabilité contractuelle de la société Initial en lui reprochant d’avoir manqué à son obligation de lui fournir le linge nécessaire au bon fonctionnement de son établissement hôtelier. Elle soutient qu’en raison des carences imputables à la société Initial, elle n’a pas été en mesure d’accueillir certains clients et a été contrainte d’employer son personnel à nettoyer le linge sale. Elle revendique le paiement d’une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du préjudice d’image subis.
La société Initial réfute les manquements qui lui sont reprochés. Elle soutient que les préjudices invoqués sont liés à une sous-estimation de la part de la société DG Urbans de ses besoins en linge propre lors de l’établissement du contrat et à son absence de commande de stock supplémentaire au cours de son exécution.
Il résulte des nombreux courriels produits aux débats que la société DG Urbans s’est plainte à de nombreuses reprises du fait que le nombre de pièces de linge sale renvoyées ne correspondait pas au nombre de pièces propres livrées (courriels du 3 avril 2017, du 11 avril 2017, du 18 mai 2017, du 28 mai 2017, du 4 juillet 2017 et du 21 juillet 2017) et qu’elle n’était pas livrée en pièces de linge propre en quantité suffisante pour faire fonctionner son établissement hôtelier (courriels des 9, 10 avril 14, 18 19 mai 2017).
La société Initial qui impute cette pénurie de linge à la sous-estimation par la société DG Urbans de ses besoins en stock de linge ne rapporte pas cette preuve. En outre, il sera relevé que l’hôtel Ruby comptait 50 chambres et qu’un stock de linge de 6.195 pièces était tout à fait adapté à ses besoins.
La société DG Urbans justifie par les courriels qu’elle produit aux débats qu’elle a été contrainte de fermer son guichet, de déloger des clients, de faire effectuer des heures supplémentaires à son personnel pour pallier le manque de linge.
Le préjudice tant financier que d’image résultant des carences imputables à la société Initial sera réparé par l’allocation d’une somme de 4.000 euros de dommages et intérêts.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Initial, partie perdante, au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Initial sera condamnée à payer la société DG Urbans une somme complémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. Sa demande de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la SARL DG Urbans de sa demande de remboursement d’un montant de 1.457,16 euros de trop-perçu, débouté la société DG Urbans de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, débouté la société Initial au titre de sa demande d’indemnité forfaitaire, d’intérêts moratoires et de capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau,
Dit que la société Initial a résilié unilatéralement le contrat le 1er août 2017 et que la rupture lui est exclusivement imputable ;
Condamne la société Initial à restituer à la société DG Urbans une somme de 1.457,16 euros de trop-perçu au titre de la facture de location de linge du mois de juillet 2017 ;
Condamne la société DG Urbans à payer à la société Initial les intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne majorée de 10 points sur le montant de 4.957,86 euros entre le 31 août 2017 et le 10 novembre 2017 ;
Condamne la société DG Urbans à payer à la société Initial la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;
Dit que les intérêts des sommes dues seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter du 17 juillet 2018 ;
Condamne la société Initial à payer à la société DG Urbans une somme de 4.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et d’image subis en raison du non-respect de ses engagements contractuels en matière de fourniture de linge ;
Condamne la société Initial à payer à la société DG Urbans une somme supplémentaire de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Initial aux dépens d’appel ;
Rejette les autres demandes des parties.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE